N. 8 – 2009 –
Memorie//XXIX-Roma-Terza-Roma
Académie des sciences de Bulgarie, Sofia
TRANSLATIO IMPERII ET LES FORMULES VERBALES ET LES
IMAGES D’ELOGE DE SOUVERAIN
(LE CAS DE LA BULGARIE MEDIEVALE)
Sommaire: 1. Les sources. – 2. Les
éloges pour le souverain et l’idée de Translatio Imperii
chez les Bulgares. – 3. Les images
scripturales et historiques. – 4. L’idée
du pouvoir dans les documents et les lettres ou les formulaires de lettres qui
nous sont parvenus. – 5. Conclusion.
L’institution de souverain en
Bulgarie médiévale se constitue, s’affermit et se
développe au sein de la civilisation de la Nouvelle Rome (dite
« byzantine »). On pourrait dire que l’idée
principale, le but politique et l’aspiration des tsars bulgares
après la conversion au christianisme étaient de
répéter ou même de déplacer l’Empire romain
d’Orient du sommet dans la structure hiérarchique du monde
orthodoxe. Voila comment on aboutit à la création d’une
situation qui rappelle l’idée de la translatio imperii, bien qu’elle soit marquée par ses
spécificités régionales. La Bulgarie ne remplace jamais
l’Empire. Il ne se transfère jamais au Nord, chez les ex-barbares,
mais c’est exactement là qu’une Byzance à côté du Byzance se crée,
essayant en tout de s’identifier à Constantinople. On observe ce
processus à Preslav la Grande, plus tard à Tarnobrzeg, comme
aussi dans la cour du tsar serbe Etienne Dušan à Skopje.
Dans le présent article nous nous
proposons pour objectif de suivre les traces et les manifestations
concrètes de l’idéologie impériale,
reflétée dans les éloges destinées au Souverain.
Cette idéologie se révèle non seulement à travers
les documents historiques, mais aussi dans les différents ouvrages de la
culture médiévale, par la totalité des signes verbaux et
iconiques, autrement dit, aussi bien par la parole que par l’image
(Bakalova 1991). Si les miniatures, les fresques murales, les portraits
familiaux et ceux des donateurs sont des formes essentielles de la peinture
où le Souverain est présent, les éloges, les notes
marginales dans les manuscrits, les chartes et les actes de la diplomatique,
l’hagiographie ont le même statut dans le cadre de la production
littéraire. Les témoignages de la sphragistique,
l’épigraphie et la numismatique étant reliés
à la chancellerie royale, créent des systèmes de signes
à part, car ils sont porteurs et des informations textuelles et des
images. La présentation du Souverain dans la peinture est soumise aux
schémas strictes et normes iconographiques fixes, similaires aux
obligatoires modèles verbaux dans la littérature, dont la
répétition et la stabilité relative renferme et reproduit
sans cesse la plate-forme esthétique et idéologique du Pouvoir en
général. Au Moyen âge, plus que jamais,
l’idée de l’Etat est incarnée dans la personne du
Souverain. Pour cette raison, les systèmes sémiotiques, verbaux
et iconiques, dans la littérature et la peinture ne fournissent pas
uniquement des données historiques sur un roi et son temps, mais également,
selon le but des investigations, créent un champ sémiotique
primaire ou secondaire d’archétypes et des
idéologèmes du Pouvoir lui-même.
Parmi tous les tsars bulgares c’est
la personne du tsar Syméon (893-927) et celle du tsar Jean Alexandre
(1331-1371) qui sont les exemples les plus flagrants en ce qui concerne notre
recherche. Les raisons en sont entièrement objectives. Cela provient
avant tout du fait qu’ils jouissent du privilège d’avoir été
glorifiés dans de si nombreux ouvrages comme aucun des autres souverains
bulgares médiévaux. Jean Alexandre, de son côté, est
le seul tsar d’avoir fait l’objet d’autant de matériel
écrit et iconique parvenu jusqu’à nous
(Живкова 1980: 39;
Божилов 1994: 163-164).
Néanmoins, notre étude ne s’y limitera pas à ce
matériel là. Nous allons nous arrêter aussi sur les
éloges et leurs noyaux - les épithètes et les images de
glorification dans un domaine plus vastes et notamment, celui des sources de
toute la période médiévale dans l’histoire bulgare[1].
Ce genre de la prose rhétorique joue
un rôle décisif pour la révélation de
l’appréciation contemporaine envers les souverains, car il
établit des modèles de louanges
(Стара
българска
литература 1982:
146-148).
1.1.1. Les premiers éloges sur un
souverain dans la littérature bulgare sont dédiés au tsar
Syméon. L’un d’eux, se trouvant dans le Symeonov
ou Svetoslavov Izbornik est en vers,
l’autre dans le Recueil avec les discours de saint Jean Chrysostome
‘Zlatostrouj’ est en
forme mixte. P. Dimitrov, médiéviste bulgare attribue les deux
ouvrages à Jean l’Exarque, un écrivain bulgare de Xe
siècle (Димитров 1980).
Les deux éloges se caractérisent par les louanges du tsar en tant
qu’amateur et mécène des livres, propagateur de la Parole
de Dieu, donnée par le Saint Esprit. Il est bien connu que le tsar
Syméon était un des souverains les plus cultivés de son époque.
Il avait la réputation d’écrivain, créant le début
d’une tradition littéraire bien développée par son
fils héritier Pierre que les dernières recherches identifient
comme le célèbre lettré Pierre le Moine
(Tchernorizets).
1.1.2. Les autres doxologies de souverain
qui nous sont parvenues datent de l’époque de Jean Alexandre. La
première se trouve sur les folios 311r-312v du Psautier (Pesnivets) de
l’an 1337, appelé aussi Psautier de Sofia ou de Jean Alexandre -
manuscrit N 2 de la Bibliothèque de l’Académie bulgares des
Sciences (Кодов 1969: 11-16). La deuxième
se trouve dans l’Evangile (ou Tetraévangile) de Londres de
1355-1356, manuscrit Add. 39627, British Museum. Son copiste est le moine
Simon – calligraphe et
peintre, réputé dans la cour du tsar, qui est aussi
l’auteur de l’éloge sur Jean Alexandre à la fin du
manuscrit. On peut retrouver aussi certains traits d’encomion
(éloge, doxologie, discours glorifiant) dans une incursion dans la copie
de la Chronique de Mannassès dans le Recueil du prêtre
Philippe de 1344-1345, manuscrit N 38 de la Bibliothèque Synodale
à Moscou (Дуйчев 1940: 129-130;
Дуйчев 1964: 25).
Les documents historiques conservés
datent de l’époque du Deuxième empire bulgare. La
correspondance épistolaire des souverains bulgare est rédigée
surtout en langues étrangères, mais les formules d’adresse
dans les lettres se conforment aux règles du formulaire strictes et bien
déterminées. Les épithètes utilisées et les
autres formules verbales sont fixées dans la pratique diplomatique et
révèlent une position idéologique.
Suivant les analyses de I. Božilov au
sujet du règne de Jean Alexandre, on constate l’existence de 19
notes mentionnant le souverain et faisant partie de 19 manuscrits.
Chronologiquement la majorité provient des années 60s du
XIVème siècle. Deux manuscrits sont écrits en grec –
l’Evangile d’ Anchialo de 1337 et le Stichiraire
d’Athènes de 1367. Ce n’est que le dit Recueil de Lovetch ou
du moine Pacôme que nous pouvons la dater avec certitude avant 1331, la
période lors de laquelle le futur tsar bulgare était encore un
seigneur local au titre de despote. Toutes les autres sources glorifient Jean
Alexandre en tant que titulaire au trône bulgare et dirigeant de l’état
et du peuple bulgare.
Les éloges pour les tsars
Syméon et Jean Alexandre héritent d’une tradition
littéraire fructueuse. Ils ont été créés en
relevance des circonstances concrètes et reproduisent le ton de la
rhétorique impériale. A l’époque de Syméon,
ils étaient reliés à l’élan du pays
récemment convertis qui était déjà inclus dans la
communauté orthodoxe (dite « byzantine ») et,
à la personnalité de son souverain, essayait même de la
diriger. La situation est bien différente à l’époque
de Jean Alexandre au XIV s. On pourrait rejoindre l’idée de K.
Kouev qui appelle les ouvrages panégyriques “ reflet d’un
monde déjà en décadence”, car leur pathétisme
ne correspond guère à la dévastation de
l’état bulgare, provoquée par la conquête ottomane.
2. 1. Les éloges du Xe siècle
et le programme politique du tsar Syméon. Les éloges
dédiés à tsar Syméon le glorifient comme amateur de
livres. A l’époque cela signifie propagateur du Livre - la Bible,
la sagesse qui y est incarnée et la foi chrétienne. Cela
détermine les formules verbales utilisées. Le
prologue-supplément au Recueil dit Zlatostrouj
n’est pas très riche en épithètes pour le souverain,
car il y a autres images qui y prédominent. Pratiquement, le seul
épithète significatif reste благовэрьнъ
“/très/
fidèle”, typique pour un souverain et faisant partie de la
titulature impériale. Le texte d’Izbornik est plus riche en descriptions. Ici, le tsar bulgare est
nommé великыи въ
цьсарихъ – une formule
d’apothéose du souverain, situé dans son milieu originaire
“grand parmi les tsars “. Elle est un empreint direct de la formule
analogique grecque mevga" ejn basileu`si
(Дуйчев СБК 1: 216). Le
contenu de la formule дръжавливыи
владыка, reliée en général
à l’idée “tenir, posséder le pouvoir” du
grec kravtisto" kravtwr ou kravtisto" despovth" est
presque le même
(Дуйчев СБК 1: 216). On y
découvre aussi les expressions suivantes: вельмысльно¬
срьдьце, вэчьн©« себэ памть сътвори,
христолюбива
д¹ша,
вэньцемъ
блаженыихъ и
свтыихъ
м©жь.
2.2.1.
Le premier
éloge pour Jean Alexandre est écrit pour faire mémoriser
les victoires du tsar dans la guerre contre l’empereur Andronic III
Paléologue (1328-1341), la bataille de Roussocastron
l’été de 1332 et la défaite de l’opposition
interne – la rébellion de Bélaour à Vidin et de sa
clique pro serbe. On suppose que le Psautier était publiquement
sanctifié dans une église ou dans la chapelle de la cour
impériale. Cet éloge s’avère comme étant le
plus riche en épithètes et formules concernant Jean Alexandre, en
louant la perfection physique et morale du souverain. En tant que tel, ce texte
devient un exemple de perfection dans le genre. Il est évident que les
définitions et les formules rares qu’on ne rencontre nulle part
ailleurs, ont leurs correspondants grecs, desquels elles sont, plus ou moins, littéralement
calquées. En ce qui concerne les épithètes ou les
périphrases cet éloge abonde, avant tout, d’ethnonyme « bulgare », sept
fois au total, et une fois remplacé par le pronom possessif
“notre”. On peut y rajouter les expressions « tsar des bulgares »,
« gloire des bulgares », « tsar bulgare
victorieux » et autres. Les images ne laissent pas de doute que la
tache de l’auteur était de présenter le nouveau souverain
comme unificateur de l’Etat bulgare après les démarches
militaires contre l’ennemi interne et externe. En deuxième place,
l’éloge est un portait verbal de Jean Alexander, aussi du souverain
idéal, car c’est justement ici qu’il est
caractérisé par les formules les plus rares comme ро¹мян°нодоброзрачьнъ,
красьнъ, par les données uniques
d’être коляносъж©тъ
‘de genoux
pliés’ et правоходьцъ
‘littéralement
celui qui va droit, marchant droit’. C’est une
épithète dont la signification fut rattachée autrefois à l’allusion à
une maladie d’enfance similaire à la paralysie qui aurait
entamé partiellement les fonctions motrices du souverain
(Куев 1980). Cette interprétation a
été abandonnée par la thèse que les
épithètes utilisées présentent un sens
métaphorique et relient la description interne à la
caractéristique morale du souverain. Si ро¹мян°нодоброзрачьнъ
– mot de triple
composition – désigne l’esthétisme de
l’apparence, les genoux pliés dégagent l’idée
de la pose de prière devant le Dieu duquel le souverain
médiéval puise son pouvoir. Le tsar Jean Alexandre est peint dans
deux des miniatures de l’Evangile de Londres avec les
évangélistes Marc (134v) et Matthieu (88v) dont il
reçoit la bénédiction divine. De la même
manière ‘marchant
droit’ serait plutôt synonyme de
l’épithète ‘orthodoxe, allant dans la vraie foi
orthodoxe’, ce qui correspond à la présentation du tsar
dans les autres manuscrits. Autrement dit, l’épithète dans
la description du souverain est de double structure, révélant des
strates concrètes ainsi que celles
au delà du sens direct, à l’aide du symbole et de
l’allégorie.
Conforme à l’esthétisme
médiéval, l’auteur caractérise le tsar tout par ses
qualités morales. La plupart d’entre elles sont prises de
l’étiquette du pouvoir. Il est ‘juge juste pour les veuves
et les orphelins’. Ce motif est un calque direct du Psautier et souligne
le rôle parental du tsar envers tous ses sujets. De l’autre
côté, le tsar est gentil et aimable, il dégage une douceur,
une bonté, vertu propre aux moines, les pieux du clergé et les
plus dévoués au Christ.
L’éloge du tsar Jean Alexandre
du Pesnivets réserve une place primordiale à ses victoires et
succès militaires, son
apologie en tant que ‘grand voïévode’, ‘puissant
dans les batailles’, ‘comandant suprême’. Toutes les
épithètes qui décrivent ces qualités entrent dans
le registre des vertus belliqueuses. L’éloge est traité de
source primaire pour élucider la durée des rébellions
anti-gouvernementales et la succession des démarches du pouvoir central
contre l’ennemie externe et l’opposition interne. Elle en donne des
informations. Son auteur inconnu nomme les villes, prises par le tsar bulgare
dans la successivité suivante: Messembria et la région de Pomorie
avec Romania, Bdin et la région de Danube, jusqu’à Morava.
La situation réelle du pouvoir étatique vers 1337,
l’époque de la création de l’éloge, est
renforcée par la mention des membres de la famille dynastique -
Théodora I, la princesse valaque et première épouse du
tsar, et leurs trois fils parmi lesquels il n’y a que
l’aîné, Michel Assen, qui est intitulé en tant
que ‘tsar’, les autres, Sratsimir et Assen, sont simplement
mentionnés. De telle façon, l’éloge se transforme en
amalgame complexe d’idéologèmes du pouvoir, typiques pour
l’encomion mais réfractés dans le moment historique.
L’épithète la plus
stable et fréquente dans l’éloge du Pesnivets est великъ. Elle a ses racines bibliques,
accompagnant les personnages principaux de l’Ancien et du Nouveau
Testament comme Moïse et Abraham. Dans le Nouveau testament, elle se
rapporte également à Dieu et à son Fils; ‘grand dans
le royaume des cieux’ sera chaque’ un qui suit les commandements de
Dieu (Mat. 5 : 19). Прэвысокъ
est une titularisation
qui doit accentuer la position suprême du tsar dans la hiérarchie
de l’état, ainsi de même православнэишии
‘le plus
orthodoxe’. Ce n’est pas par hasard que conformément au
concept chrétien, le pouvoir et les succès du souverain viennent
directement de Dieu. Un des insignes de souverain, notamment le sceptre avec la
croix, souligne en même temps l’appartenance à la famille
des souverains chrétiens d’Europe et la force ‘du
ciel’ dans les batailles avec les ennemies. L’idéologème
de la croix est développé pour la première fois dans
l’image de Constantin le Grand - le premier souverain chrétien en
Europe. L’autorisation du ciel se renferme par les
épithètes бгzомь
вэн°нчэнаго,
бгzомь
избран°наго. La première reflète
l’idée que la remise de la couronne marque symboliquement
‘le mariage avec le royaume’, c.-à.-d. s’identifie au
mariage comme une des mystères ecclésiastiques. L’acte
solennel de l’accession au trône est développé en
rite du couronnement et possède des gestes et des objets symboliques
(Biliarsky 2008: 246-252).
Typiquement pour l’encomion,
l’éloge dans le Pesnivets se termine par des phrases
d’anaphore ‘réjouis-toi’ ou les soi-disant ‘hairetismes’, formule
rhétorique,
préférée par les hommes de lettres au Moyen
âge. On remarque aussi, la répétition du nom du souverain
par la formule : Réjouis-toi, Jean, réjouis-toi, Alexandre
(Стара
българска
литература 1982:
147, Кодов 1969: 14) Le mérite,
essentiellement, pour la création de l’éloge revient aux
moines et les cercles cléricaux où il faudra chercher son auteur
anonyme. La décoration modeste du manuscrit prouve cette
hypothèse, et se justifie une fois de plus par la supposition que le
Psautier avait été crée dans un des monastères
reliés à la cour impériale (vraisemblablement, celui de
Kouklen, auprès de la ville de Stenimachos).
2.2.2. Le deuxième éloge
à Jean Alexandre est l’épilogue de l’Evangile de
Londres, 1355-1356. Nous y trouvons des accents différant du premier,
car, là, l’archétype du souverain triomphant, guerrier et
vainqueur est absent. La description se rapporte au modèle du souverain
orthodoxe et pieux – pilier de la foi et protecteur des lettres. On
suppose que le manuscrit de l’Evangile avait été
préparé sous l’ordre du tsar et qu’il avait
été destiné à l’exposition publique dans une
des églises de la capitale. C’est pour cette raison que
l’auteur de ce deuxième encomion met l’accent sur la
splendeur, la richesse du livre et son rôle dans la propagande de la
Parole de Dieu. Quand l’auteur
parle de l’Evangile comme de chandelier, placé en lieu obscur,
oublié par les anciens rois, il ne vise pas, sans doute, la
négligence envers les lettres en général. C’est
plutôt une métaphore afin d’esquisser l’amour pour les
lettres du souverain idéal. Les actes des souverains forment deux
groupes sémantiques ; ceux qui se rapportent au temps de guerres,
et ceux au temps de paix (Bakalova 2007: 37). Si les batailles gagnées
sont plus importantes pour un tsar en temps de guerre, en temps de paix on les
remplace par le zèle pour l’épanouissement des livres et de
la culture, l’ordre et la justice dans l’Etat. Quels que soient les
précédents archétypes et les modèles
rhomaïques, en général, le tsar médiéval de
Bulgarie est décrit par sa passion envers les lettres. Ce n’est
qu’ainsi et non pas seulement à cause du fait que dès sa
conversion au Christianisme en 864 que l’Empire bulgare défend
fermement sa place au Sud-est européen grâce à son propre
alphabet. L’attachement aux livres est une caractéristique religieuse,
reliée à la piété et à la grâce comme
fondements du pouvoir, aussi bien aux devoirs de ce pouvoir de s’occuper
du salut des âmes dont un des moyens est la propagation de
l’Ecriture Sainte.
Pour les raisons déjà
évoquées, les épithètes dans ce deuxième
éloge se rattachent au modèle du souverain pieux. Les plus
stables formules verbales sont благовэрьнъ,
христолэбивъ,
прэвысокъ,
боговэнчаныи
еt le titre самодрьжьць.
A la fin, en
synchronie avec le livre copié, les quatre évangélistes
intercesseurs sont mentionnés. Ayant en vue les miniatures accompagnant
le texte principal où le tsar est peint avec chacun d’eux, on peut
parler d’une synthèse stylistique dans les messages du langage
iconique et verbal.
2.2.3. Le troisième éloge ne
pourrait pas être définie comme tel à cause de son genre,
mais à cause du style panégyrique. Il s’agit de
l’incursion de quelques lignes dans la Chronique de Constantin
Mannassès. D’après Iv. Dujčev c’est une glose
(Дуйчев 1944: 97;
Дуйчев 1964: 25). A la place où dans
l’original grec de la Chronique on parle de l’empereur
Théodose II, le chroniqueur a ajouté un éloge pour
l’empereur Manuel I Comnène. De son côté, le
glossateur et traducteur slave ont remplacé le destinataire, en ajoutant
des louanges significatives dans le contexte du pouvoir étatique, incarné
par Jean Alexandre. Puisque la Chronique en question est un des manuscrits du
tsar, une telle glose serait justifiée par la rhétorique de cour
et marquée par son expression pathétique, ce qui l’inscrit
dans les normes d’encomion pour le souverain. En traduction elle dit le
suivant: «Mais notre nouvelle Constantinople s’épanouit
et grandit, se fortifie et se rajeunit. Qu’elle s’agrandisse
jusqu’à la fin des jours. Et toi, tsar, qui règne sur le
monde tout entier – s’il y a un tel tsar lumineux et porteur de
lumière, le grand maître et le merveilleux vainqueur, originaire
de la souche de très distingué tsar des Bulgares Jean Assen,
c.-à.-d. Alexandre, le très doux et miséricorde, aimant la
vie monastique, le protecteur des faibles et le grand tsar des Bulgares, que
des innombrables soleils mesurent son pouvoir». On en déduit que la glose
englobe en résumé les accents essentiels dans le schéma
descriptif de souverain et, en quelque sorte, synthétise les deux
éloges précédents. Ainsi, déterminée que par
la volonté du glossateur (le rôle de l’original grec
n’est pas claire pour l’instant), on y voit des allusions des
suivants idéologèmes du pouvoir: le souverain guerrier (побэдоносьць,
великъ
владыка); le souverain héritier de noble
souche (коренэ
с©ща ·wана
прэизщнааго); le souverain humain et
philanthrope (прэкротъкъ,
милостивъ); le souverain zélateur du spirituel et ami des moines
(монахолюбивъ). La lumière en tant que
symbole biblique encadre le contenu de la glose. L’expression свтьлъ и
свэтоносьнъ
царь, du début, est une
tentative de comparer le tsar terrestre avec un des topos de Jésus
Christ lui-même dans sa nature divine. La couleur blanche et
l’auréole de lumière solaire sont les
éléments symboliques dans la fête de la Transfiguration et
le témoignage de l’incarnation de Jésus en Fils du Dieu, le
retour du personnage terrestre au Père. L’adresse au souverain qui
règne sur l’Univers est une antonomase de Christ, Qui
légitime le pouvoir en général. A la fin de
l’éloge, le topos de la lumière est de nouveau
présent, accompagné des vœux pour un règne long et
splendide. Le Recueil de prêtre Philippe n’est pas publié
entièrement, à l’exception de certaines parties, connues
surtout de l’édition d’ Ivan Dujčev.
L’interprétation des rapports entre les gloses slaves et le texte
grec original exige une étude à part. Ce qu’on pourrait
affirmer avec certitude, est le fait qu’au début du Recueil, là où devait se trouver la dédicace
à l’empresse Irène qui a commandé le manuscrit, on
voit l’expression «élève de la Parole»,
accordée à Jean Alexandre. Il sera difficile, à ce stade
des recherches, de préciser si ce changement a été
effectué sous la plume du copiste Philippe (peu probable), où il
avait été déjà fait par un traducteur inconnu,
finit sa traduction avant 1344-1345. La deuxième supposition semble plus
plausible. De toute façon, le prêtre Philippe est influencé
par la stylistique de la glose, puisque il répète un des
adjectifs typiques pour le tsar Jean Alexandre - прэкрасьнъ,
en principe
traditionnel dans la description du souverain, mais utilisé à
fréquence différente dans les manuscrits différents. De
plus, il ne le relie pas à l’apparence physique, comme on
l’aurait utilisé aujourd’hui, mais le rattache à un
noyau périphrastique rappelant le début de la glose et
évoquant l’idéal du souverain puissant et très beau.
La mention de la ville de Tarnovgrade,
nommée la nouvelle Constantinople, rappelle une manifestation
préliminaire de l’idée Moscou-Troisième Rome en
Russie et se réjouit
d’une importance extraordinaire. Elle impose un modèle de
glorification de la capitale comme métonymie du pouvoir suprême.
On aboutit à cette assimilation suivant les exemples bibliques où
le céleste Jérusalem incarne les cieux de Dieu, mais
l’exemple le plus éloquent serait la première et
éternelle capitale du monde chrétien – Rome.
C’est ici que la tradition marque son début et le modèle
que suit la ville de Constantin le Grand, appelée par l’Eglise
officiellement “la Nouvelle Rome ». L’éloge de
Tarnovgrade-la nouvelle Constantinople, autrement dit une Seconde
Constantinople, et d’ici une Troisième Rome, est une des
caractéristiques de l’idéologie étatique du Seconde
Empire bulgare. Dans les éloges, on observe la synthèse de la
tradition romaine impériale et la tradition biblique qui marquent toute
la culture du Haut Moyen âge, issue de la religion
hébraïque, mais née, aussi comme le Sauveur, sur le
territoire de l’Empire.
Les éloges aux tsars bulgares
contiennent également une sorte d’imaginaire par lequel le
souverain se présente tel qu’il est vue et imaginé par le
créateur du texte. Ou bien selon le but de ce dernier à le
présenter d’une certaine manière. Habituellement, les
images utilisées pour qualifier le tsar proviennent soit de
l’histoire héroïque, soit de l’Ecriture Sainte, mais
à la base, elles sont toujours d’un caractère sensiblement
religieux. Les parallèles bibliques ne sont pas toujours très
évidents, mais ils sont constamment présents.
3.1. L’encomion du Psautier de 1337
se fixe sur les gloires militaires du tsar Jean Alexandre et ce fait
prédéfinit les images, proposées par le scribe. Avant
tout, c’est celle d’Alexandre
le Grand, roi de Macédoine, car le tsar bulgare est appelé
« nouveau Alexandre ». Bien sur, la raison n’est
pas la coïncidence des noms, mais les victoires et les conquêtes
militaires de l’ancien roi-guerrier qui a uni le monde de son
époque. Selon l’esthétisme de l’Antiquité, un
souverain se présente surtout avec sa vaillance en tant que la
qualité belliqueuse la plus appréciée et qui mène
aux victoires glorieuses. En ce sens l’image d’Alexandre est
toujours brillante. Nous voudrions attirer l’attention sur un autre
élément de l’image du roi de Macédoine. Alexandre le
Grand n’est pas seulement une image des temps anciens, mais aussi une
personne vivante dans la littérature médiévale. Sans
doute, était-il connu en Bulgarie du XIVe siècle, surtout et,
même peut-être, exclusivement à travers le roman, consacrée
à lui et appelée «Alexandria ». Il
s’agit de ladite « Alexandria
serbe » car la plus ancienne « Alexandria des chronographes » qui est aussi plus proche
de l’original grec de Pseudo-Calisthène, fut déjà
perdue en Bulgarie (Йонова 1992, 103-117 et
plus spécialement 112). L’ « Alexandria serbe »[2]
et l’œuvre littéraire qui présente Alexandre à
travers le modèle biblique ce qui est assez éloigné de la
poétique des héros païens de l’Antiquité. La
conquête du monde par le roi de Macédoine ne pourrait pas
être accomplie sans la volonté, l’aide et la participation
de Dieu. Cela fait d’Alexandre un prédécesseur des
empereurs romains, mais aussi – et ce qui est plus important – un
parallèle des rois du Peuple élu d’Israël. En ce sens
le texte de l’ « Alexandria
serbe » et très important et plus spécialement
dans sa partie, après sa visite à Jérusalem, quand il
devient adepte de la fois de Dieu Unique, continuateur de l’œuvre de
Josué[3]
étant mené par le prophète
(Йонова 1992, 140-141). Alexandre est un
héros de mission et la conquête du monde est seulement une partie
d’elle. Il transfigure, il change le monde par la
propagande de la fois yahwiste. Après Alexandre, le monde est
différent, mais non pas à cause d’Alexandre. Il est
différent à cause de la mission de Dieu qu’il accomplit.
Tenant compte des légendes tardives, liées à
l’interprétation de l’image du roi de Macédoine nous
pouvons comprendre sa vénération dans l’Empire. On peut
inclure, ici, l’histoire de « son assomption », ses
contacts avec des personnages bibliques et sa mention dans le cycle de Dyginnis
Acritas en tant qu’image de protecteur de la Chrétienté.
Ces éléments doivent être toujours considérés
quand on étudie l’imaginaire autour Alexandre et son importance
lors de la création de type du souverain idéal durant le Moyen
Age européen.
3.2. Comme nous avons vu, l’image
d’Alexandre est étroitement liée à la tradition
universelle de l’Empire, mais la figure suivante – celle de
l’empereur romain Constantin le
Grand (306-337) – en est encore plus centrale pour
l’Oecumène chrétienne. Il incarne et symbolise une
ère nouvelle de l’histoire de l’Humanité, en tant que
modèle des souverains européens, « rex et pater Europae »
(Stanescu 1998). Constantin est celui qui réunit la fois
chrétienne avec l’idée impériale romaine et
crée l’Empire chrétien, englobant le monde tout entier.
Sans doute, quand on compare le tsar bulgare à cette figure
emblématique pour le monde chrétien on définit la
conception du caractère même de l’Etat bulgare et surtout de
ses prétentions. Constantin est la figure de la victoire de la
Chrétienté dans l’Univers à travers de
l’Empire. C’est lui qui est en tête de l’Eglise
militante dont on trouve
l’image dans l’église de Pãtrãuți (Roumanie), édifiée
sous le règne du prince moldave Etienne le Grand, prétendant de
l’héritage étatique, politique et idéologique de la
Bulgarie médiévale. L’élément le plus
important de la vénération de Constantin, liée à la
victoire de la Chrétienté, est celui de la Croix et sa vision
dans les Cieux qu’il a vue avant la bataille au pont Milvius. C’est
la base de l’image du souverain chrétien victorieux qui ruine les
ennemis à l’aide de Dieu et le signe de la Vraie Croix de Seigneur[4].
L’image de saint Constantin et de sa
mère l’empresse Hélène est présentée
aussi dans l’éloge du Tetraévangile de Londres, mais dans
ce texte l’accent tombe sur la propagande de la Révélation
divine. Les deux y figurent comme archétypes des souverains
zélotes de la fois chrétienne qui méritèrent
à trouver la Croix de Jésus Christ. Cet évènement
est présenté en tant qu’équivalent de la
découverte d’un trésor dans la terre. Le scribe de
l’encomion utilise dans ce cas un symbole – la Croix. Dans la
littérature chrétienne la Croix est aussi vivifiante que la
Parole de Dieu, donc l’Evangile et la Croix sont des substitutions de la
présence de Dieu qui se démontre de la manière la plus
complète dans l’Incarnation et l’Inhumanisation de la Parole
– le Seigneur Jésus Christ. En effet, cet éloge glorifie
surtout la piété et la propagande de la Parole en tant que la
qualité royale, la plus importante. C’est
l’idéologème qui donne les paramètres du pouvoir et
ses buts : la multiplication, le copiage de l’Ecriture Sainte et sa
propagation est en effet un des objectifs de l’Etat chrétien et de
ses pouvoirs. Par cette mission le pouvoir s’affirme et obtient
légitimation. L’Evangile n’est pas seulement un livre ou un
objet précieux, il est une émanation de la Parole de Dieu qui est
la source de chaque pouvoir. Voila pourquoi le tsar Jean Alexandre commande la
préparation du Tetraévanglie « pour confirmer son
Empire («на
óтвръждение
своем¹
црЌств¹»)
(Дуйчев 1940:150).
3.3.
La troisième image, utilisée dans l’encomion pour le tsar
bulgare et son peuple est celle d’enfants
d’Israël. Elles sont mentionnées dans le contexte de la
victorieuse Croix de Seigneur en présentant les triomphes et les conquêtes du Peuple
élu en tant qu’images antérieures des rois
chrétiens. Bien sûr, les vertus belliqueuses sont plus
vétérotestamentaires que néotestamentaires, mais ici le
scribe met l’accent ailleurs. Ce n’est pas sur les victoires du
tsar et son peuple, mais sur le fait qu’elle est obtenue par la
volonté et l’appui de Dieu et sous le signe de la Croix. Cette
dernière a ses parallèles dans l’Ancien Testament parmi
lesquels on peut citer seulement le bâton du prophète Moïse
(Grabar 1936, 29; Dagron 1996, 114-115, 155, 238). Ainsi, par la citation des
enfants d’Israël on renouvelle la liaison entre Dieu, le Peuple
élu et ses rois glorieux et victorieux.
La citation du tsar comme « un
juge juste pour les orphelins et les veuves » qui provient or du
Psaume 67 :6, représente aussi un motif biblique. Ce texte de
l’Ecriture glorifie Seigneur comme le Roi du monde qui donne la victoire
à Son Peuple d’Israël. C’est une chanson triomphante
dont l’esprit coïncide avec la direction générale de
l’éloge du Psautier de l’an 1337. Deux des verbes y
utilisés décrivent les campagnes militaires du tsar et ses
victoires comme « je capture entre mes mains » et « je
mais sous mes pieds » au début le « roi
grec » puis les autres ennemis. Ces deux figures sont
adoptées de l’Ecriture Sainte. L’image du vainqueur avec le
vaincu entre les mains et aussi populaire dans l’imagination biblique
qu’il ne vaut pas la peine de s’en arrêter. Piétiner
l’ennemi terrassé est un motif que l’on retrouve également
dans le texte de l’Ancien Testament en tant que description de la
victoire (Deutéronome, 33:29; Josué 10:24; Psaumes 109:1; Psaumes
17:41-43; 2 Samuel 22:41-43; Zacharie 10:5; Malachie 4:2-3). L’image est
rependue aussi bien dans la littérature que dans l’art médiéval et elle se
perpétue
jusqu’à nos jours. Il s’agit d’une tradition
vétérotestamentaire de représenter la victoire de Seigneur
et du Peuple élu. Apres l’instauration de la fois
chrétienne ce sont ses fidèles qui ont été
conçus comme le Nouveau Peuple élu. La citation de ce motif dans
l’Encomion de l’an 1337 est encore une confirmation des racines
biblique de la conception du pouvoir, combinée avec
l’héritage universel romain adopté en Bulgarie par la translatio Imperii chez les ex-Barbares
du Nord.
La paix est une valeur importante pour
toutes les religions, et l’instauration de la paix est une œuvre de
Dieu, fait par l’intermédiaire du roi, promu par le
Très-Haut. Dans la tradition romaine c’est la Pax romana qui est au cœur de la doctrine impériale. En
Bulgarie, on en a un exemple très intéressant : un sceau du
tsar Syméon avec l’inscription “EijrhnopoioV"
basileuv"”,
donc « Empereur pacifiant » qui confirme
l’idée de l'affiliation du pouvoir à Dieu par la
grâce et charisme (Божилов 1982,
113 suiv.). On retrouve la même idée dans l’éloge de
l’an 1337, dans la citation que le tsar « instaura une
sérénité solide dans l’Univers »
après sa victoire contre ses ennemis. Certes, le fondement de cette
idée provient de la Bible. La citation de la paix comme
sérénité pourrait être trouvée dans Job
34 :29; Psaumes 106:29; Ecclesiasticus, 28:15; Isaïe 30:15. Dans la
plupart des cas, il s’agit d’une sérénité
interne de la personne, mais il faut tenir compte aussi de l’utilisation
du mot même « silence » pour désigner un
état qui n’est pas simplement lié à l’absence
de bruit et de sons en sens direct. Un texte, donc, très proche de celui
de l’éloge.
3.4. L’image du nouveau Ptolémée que l’on retrouve dans les
encomia des tsars bulgare a, elle aussi, ses racines bibliques : новъ
Птоломеи (pour les boyards) не вэро«, но
желани¬мь
паче. Cette citation se trouve dans le contexte du tsar comme
collecteur de tous les livres divins dans son palais. Notre thèse est
que l’image de Ptolémée est liée à
l’interprétation vétérotestamentaire du pouvoir. On
peut se demander quelle est la signification de cette comparaison. Il
s’agit de quelle personne de la dynastie des diadoques d’Alexandre
le Grand ? Certains auteurs sont tentés d’y voir la figure de
Ptolémée Ier Sôter
(337-283 avant J. Ch.) comme fondateur de la dynastie et surtout de la
fameuse Bibliothèque Alexandrine, et en ce sens, amateur des livres.
Nous croyons que le scribe visait surtout Ptolémée II
Philadelphus (283-246 avant J. Ch.) qui a réuni la commission des
Septante pour la traduction de la Bible en grec et de cette façon
l’a propagée dans le monde de son temps
(Божилов 1982, 163 suiv.).
C’est un des évènements les plus importants de
l’époque. Cette traduction, qui porte le nom de Septuaginta par la
Commission, donne le texte officiel de l’Ecriture Sainte aux
Hellènes baptisés plus tard ainsi que à tous les
Orthodoxes. Dans l’éloge en question est écrit que
Syméon fut semblable à Ptolémée par le désir
et le zèle mais non pas par la fois car le roi de l’Egypte
était païen, mais très appliqué à la
propagation de la Bible. On voit donc dans le texte de l’éloge
d’indications sur la raison de magnifier le tsar bulgare pour être
amateur des livres et ceci non pas pour le désir d’avoir de
connaissances et d’élargir le champ de sa science, mais son
dévouement à la propagation de la Parole de Dieu, la
Révélation.
3.5. Le texte de prologue-addition au
recueil dit Zlatosruj nous
mène aux mêmes conclusions. Le tsar Syméon y est
magnifié de la même manière comme amateur de livres et propagateur de la Parole de Dieu. Le texte est
complètement clair et ne nous laisse aucun doute : il ne
s’agit pas de la multiplication simple des livres et de la
littérature, et non plus des œuvres des saints pères de
l’Eglise (comme st. Jean Chrysostome, l’auteur des Homélies
du recueil). Le scribe vise l’Ecriture Sainte elle-même, la
Révélation : « Le très pieux tsar
Syméon, ayant étudié l’Ecriture divine, tous les
livres – les anciens et les nouveaux, tels chrétiens et aussi
pré-chrétiens… » (Въс
кънигы
ветъхъª и
новыª
вънэшьны и
вън©трьныª
благовэрныи
цэсарь
Сvмеwнъ божьствьна¬го
писания
испытавъ...)
(Димитров 1980, 22). Il nous
semble que l’on pourrait affirmer que lesdits livre
« anciens » et « nouveaux » sont
ceux de l’Ancien et du Nouveau Testament aussi bien que sous
« externes » et « internes » il
faut comprendre les textes chrétiens et préchrétiens. Il
s’agit donc de nouveau des textes de la Bible juive et du Testament de
Notre Seigneur Jésus Christ et non pas des textes
« chrétiens » et
« païens ». Ces derniers ne pouvaient point
être tolérés et même exister dans un milieu
chrétien médiéval. En ce sens on peut dire que nous avons
de nouveau une référence à la tradition biblique
concernant la légitimation du pouvoir du tsar.
Nous voudrions attirer l’attention
aussi sur un autre texte qui présente le tsar Syméon en tant
qu’amateur de livres. Il s’agit d’un manuscrit moldave du
XVIIe siècle : а„
се” мно‘гы
цzр·е м©‘дри
бэ‘ш©. и„
кни‘гы мнw‘гы
испи‘саш©.
соломwOђ
прэм©D°ръ бэ
па‘че въсэa°
члzкъ вь i…е„рTђлмэ
жи‘в№щиa;
и„спи‘са бw. #гz.
при‘тъчи и„.
#еz. пэ‘сни. вь
дzни
i„зекi‘илэ цzр.
wˆвы
№ˆбо § книCђ°.
и„збра‘нни
бэш©. wˆвиF
wˆг°ню
прэда‘ни
бэ‘ш©.
wˆри‘геOже
е„ре‘тикь.
с©‘ще
съста‘ви. #sz
книCђ°. а. #вz бzъ
потопи’. и. #аz.
по‘ж°же. а„
и„си‘дwR.
полуиˆс·wUђскы”
и„спи‘са. #iz . книCђ°. а„
птоло‘мэ”
къниголю‘бець
събра’ до. #иz к°нигы.
а„ СyЁмеwOђ цzрь
блъ‘гарскы”
и„спи‘са
мнw‘гϋ кни‘гϋ.
и„ яˆко дzвдъ
цzрь на
зла‘тϋ.
стр№‘и.
и„гра‘аше. и„
кни‘гы па‘че
въсеCђ
любэ‘аше<7... [5]. (Милетич
1898, 159). On revient donc à l’image du roi David. Il est amateur
de livres, lui également. Le roi et prophète biblique est celui
qui a écrit certains livres de l’Ancien Testament. Nous ne pouvons
pas l’appelé « auteur » de ces livres car
les prophètes « écoutent » la
Révélation, mais elle reste la Parole de Dieu et non pas leur
œuvre. Ils ne sont que la voie par laquelle cette Parole nous parvient,
donc celle que le Seigneur a décidé nous révéler. Dans cette citation on retrouve de nouveau
le tsar bulgare magnifié comme propagateur de la Parole et non pas
seulement des connaissances qui proviennent des livres. Voila pourquoi
Grégoire presbytre et moine appelle le tsar Syméon
« amateur des livres » justement dans sa préface
de la traduction de l’Ancien Testament vue comme un
livre-prédécesseur des Evangiles de Jésus Christ, le Fils
Incarné. (Христова,
Караджова, Узунова
2004, 117, 294-295, No 489)
L’encomion
du Tetraévangile de Londres ne crée pas une image verbale de
l’amateur des livres, mais ces mêmes idées sont
exprimées par une image iconique se trouvant parmi les miniatures du
manuscrit. Il s’agit de nouveau de Ptolémée,
présenté assis près d’une table avec deux livres
portant reliures en or. Le roi d’Egypte est représenté en
train de lire dans la nuit alors qu’un serviteur, derrière lui,
porte deux bougies allumées. Je voudrais attirer l’attention, ici,
sur l’instrument d’écrire – une sorte de plume –
que le miniaturiste a mis dans les mains de Seigneur Jésus Christ et du
chroniqueur Constantin Mannassès dans la copie slave de sa chronique
conservée aujourd’hui à la Bibliothèque du Vatican
(Vat. Slav. 2). Un instrument semblable nous trouvons également dans la
main de l’ange d’une fresque de l’église
« Sts. Pierre et Paul » à Tarnovgrade
(Дуйчев 1964:131).
3.6. A l’image de l’amateur des livres est bien
liée aussi à la figure de l’abeille
de l’éloge pour le
tsar Syméon : акϋ
бъчела
любодэльна
съ вьскааго
цвэта
пьсанию
събьравъ. Le symbole de l’abeille
récoltant le nectar des fleures est bien connu pour l’amateur des
livres qui trouve la sagesse dans l’écriture. On le
découvre dans la Chronique de Constantin Mannassès pour
l’empereur Théophile qui y est appelé « une
abeille laborieuse » (Хроника
Константина
Маннассии, 193; Стара
българска
литература
1983, 304). Cette comparaison est citées aussi dans une notes serbe de
l’an 1319 :... яко
нэкая
чьстьная
пчела § всэхь
краснϋихь
цвэтьць
сьбравь... (Стоjановић
1902, 22 No 52). Il
est à souligner que c’est un texte qui présente bien
l’idée serbe du « Nouvel Israël ».
L’abeille est un symbole général du labeur et de
l’application ce qui est présentée ici comme une vertu
royale. Le zèle du roi-abeille a son archétype dans
l’Ecriture Sainte et se rapporte à la connaissance de sa sagesse
et à la propagation de sa parole. Tels sont les cas aussi bien de
l’empereur Théophile que du tsar Syméon. L’abeille
est présentée dans le texte biblique aussi. Proverbes 6 :8
nous donne son image comme laborieuse et sage. Elle est petite et pas
très forte, mais le résultat de son travail est le plus doux
– le miel (Ecclesiasticus, 11:3). Il nous semble que nous pouvons trouver
les points communs entre ses idées et les encomia royaux bulgares en
question. Ces points sont l’application à l’Ecriture Sainte,
à la Parole de la Révélation et le dévouement pour
sa propagation.
Voila pourquoi les pensées du tsar
sont comparées au miel : акϋ
стрьдь
сладк© (« ses pensées sont comme
une miel doux »), les pensées qu’il poursuit ses
boyards pour les convaincre à propager les idées bibliques.
L’image du tsar, maître en Ecriture est très importante, ce
qui nous mène de nouveau vers le paradigme Davidique et Salomonien du
roi-prophète dérivé de l’Ancien Testament.
C’est le roi qui peut « entendre » et
déclamer la
Révélation, la chose la plus douce dans le monde.
Il s’agit d’une quantité
importante de données qui présentent une bonne opportunité
d’étudier les formules verbales d’exaltation du pouvoir. Les
documents du Moyen Age bulgare sont très peu nombreux et ils proviennent
tous de la chancellerie des tsars. Ainsi, dans ces textes nous sommes en
présence d’une forme d’auto appellation du tsar puisque l’acte
est édicté par sa chancellerie. En ce sens, les formes seraient
différentes de celles que l’on retrouve dans les éloges.
Par ailleurs, tous ces textes nous fournissent de matériel très
important pour l’étude de la conception du pouvoir à
l’époque. Les épithètes prédominant sont telles
que “благовýнъчанъниыи”, “благовýðüíú”, “благочьстив¥и”, “боговýнъчанъниыи”, “боголюбив¥и”, “богоначрьтан¥и”, “äðüæàвьнъ”. Tous ces mots
dérivent des épithètes lesquelles étaient en usage
à Constantinople. Ils étaient soit calqués de la pratique
de l’Empire, soit d’un autre type d’emprunts de la langue
grecque. Ceci devient évident même par leurs constructions ou le
préfixe “благо-” correspond au
grec “eu-” et celui “бого-” au
grec «qeo-».
Les épîtres de
l’époque avaient, comme toujours, un protocole certain et normatif
qui devait exprimer une attitude vers le pouvoir et démontrer la
position de l’expéditeur et celle du destinataire. Les
épithètes sont bien fixées, elles aussi, ainsi que les
formules verbales de exaltation. Un trait caractéristique des protocoles
des Etats orthodoxes, y compris la Bulgarie, est leur dépendance forte
de celui de Constantinople dont ils proviennent. Pratiquement toutes les
épithètes s’y trouvant sont adoptées de la pratique
de l’Empire. Cette question est développée ailleurs
(Билярски 1991, 262) et on ne
citera, ici, que les résultat de cette recherche ainsi que les mots les
plus importants de ce groupe : «äðüæàвьнъ» (kravtisto"), “свтъ” (a{gio"),
“прýвысокъ” (uJyhlov"/uJyhlovtato"), “áîãîëþáèâú” (qeofilhv", poqeinov"), “боговýнъчанъниыи” (qeovstepto"), “õðèñòîëþáèâú” (filovcristo"), “
великъ / прэвеликъ”
(mevga"), “âýðüíú / благовýðüíú / âüñåâýðьíú” (pistov", eujsebhv"), “богодаруданыи” (qeodovto"). Il est à signaler que
toutes les épithètes citées ont non seulement leurs
correspondants grecs, mais aussi que leur emploi est le même.
Nous pouvons passer aux notes marginales et
étudier le lexique de l’éloge s’y trouvant. Ainsi que
les inscriptions, elles forment un groupe à part parmi les sources de
l’idéologie impériale. Bien qu’ils ne soient pas
aussi fixes, ces textes possèdent également un protocole avec ses
formules de doxologie spéciales ce qui forme leur langage particulier. Voila pourquoi il est
très difficile de trouver dans une note ou bien dans une inscription des
éléments principalement nouveaux quant à la description
(disons ‘glorification’) du pouvoir. Ce sont des clichés qui
pourraient être combinés entre eux et la fréquence de
l’emploi d’un terme ou d’un autre concernant le souverain nous
démontre l’étiquette littéraire des éloges de
l’époque. Nous présenterons ci-dessous les
épithètes les plus répandues :
- le titre самодрьжьць, les mots qui en dérivent
et qui y sont liés, les épithètes qui pourraient
être utilisées indépendamment ou dans certaines
phrases : « властьнъ » (« de
pouvoir », « дрьжавьнъ » (car « дрьжава » en slavon signifie
« pouvoir », « force »
d’où provient la signification
« Etat ») ; самодрьжавьнъ
(Лаврентиев
сборник, в
Стихирара на
гръцки език,
в Евангелието
от Анхиало,
Пролога от 1337-1338
г.). A ce groupe d’épithètes il faut rajouter aussi
les participes qui dérivent des verbes объдрьжати
ou дрьжати, donc « tenir, exercer
le pouvoir »
(Висарионов
патерик от 1345-1346
г.). Ici on peut citer l’expression « скиптро въ
р©цэ дръжати » (« je
tiens le sceptre dans mes mains ») comme typique parmi les formules
phraséologiques de ce verbe pour désigner la position dominante
du souverain (dans l’Evangile du scribe Daniel, etc.) Il faut
expressément signaler que le mot slave de самодрьжьцъ est une calque à partir du
terme grec aujtokravtwr ce qui forme l’expression la plus forte de
l’idée d’autocratisme des basileis de la Nouvelle Rome. C’est justement par ce terme
que s’exprime la thèse du pouvoir illimité du souverain sur
l’Univers chrétien. C’était aussi la signification du
mot à Constantinople et en Bulgarie médiévale. Le mot
« autocrate » est ajouté comme faisant partie du
titre impérial du basileus durant
le IXe siècle et on le retrouve en Bulgarie pour la première fois
au début de XIe siècle dans l’inscription de Bitolia de
tsar Jean Vladislav[6].
Ce titre faisait partie également de la titulature des rois serbes et
des princes et grands ducs roumains et russes, donc aux souverains qui ne
portaient pas un titre impérial. Sans doute, est-ce une contradiction
interne car le titre d’autocrate vise un pouvoir universel ce qui se
rapporte exclusivement au titre impérial. Cette question est bien
traitée dans une étude spéciale de Georges Ostrogorsky qui
prouve que le terme « samoderzhec »
a la même signification, « avoir
tout seule le pouvoir tout entier » en Serbie et en Russie
aussi, mais déjà sans le sens d’universel inclus dans
l’expression. Chez les voisins occidentaux des Bulgares, elle signifie
que le pouvoir du roi n’est pas limité par des forces
étrangères, donc qu’il est un roi indépendant et en
Russie elle signifie que le pouvoir du grand duc n’est pas limité
par des forces ou institutions internes (comme une diète, parlement et
ainsi de suite)
(Острогорски
1935). En Bulgarie le titre d’autocrate a la même signification
universelle du pouvoir qu’à Constantinople.
- благовэрьнъ,
вэрьнъ (fidèle) et
христолюбивъ
(philochriste) sont
les autres formules et épithètes du pouvoir qui expriment
l’idée de son origine divine. Il est évident que les mots
suivent le style étatique constantinopolitain ce qui se confirme du fait
qu’ils sont des calques du grec. On les retrouve dans des textes
différents – officiels ou non. « Благовэрьнъ » (« вэрьнъ ») comme ce mot a deux
significations liées, mais différentes :
gnoséologique (vrai, véritable) et éthique
(fidèle). C’est la seconde qui nous intéresse. Le tsar est
fidèle à Dieu, Qui lui a donné le pouvoir dans le monde
terrestre. Sa thèse a ses racine dans l’idéologie
théocratique vétérotestamentaire où le Seigneur est
l’Unique Roi de Son peuple, d’Israël et Son oint
n’exerce que ce qu’il obtient par grâce divine. Une fois
ayant perdu sa fidélité à Dieu le roi perd aussi sa
qualité royale comme dans le cas du roi Saül. On peut dire que le
mot « philochriste » désigne le même
paradigme royal.
- прэвысокъ /высокъ/ (haut,
grand) est une épithète directement adoptée par le mot
correspondant grec (uJyilov", uJyilovtato"). Elle désigne la position
hiérarchique du souverain dans le système institutionnel
étant résultat du pouvoir uni dans les mains d’une seule
personne. On la retrouve dans les doxologies du Psautier de l’an 1337,
dans le Tetraévangile de Londres, le code du moine Laurentius, dans la
note du prêtre Philippe et ainsi de suite. Même dans le texte de
l’Ancien Testament le mot « haut » ne signifie
seulement la grandeur physique de l’homme, mais aussi sa position
hiérarchique et de valeur. Dans Nombres 24 :7 – le premier
livre biblique qui parle du pouvoir royal – on retrouve le topos que le roi d’Israël
sera plus haut (grand) des autres rois. Les expressions
vétérotestamentaire concernant le pouvoir royal sont
étroitement liées à l’idée d’être
ou de (pro)mouvoir au-dessus comme dans le livre d’Ecclésiaste
où on lit : « …car au-dessus d’un grand
veille un plus grand, et de plus grands encore au-dessus
d’eux » (Ecclésiaste 5 :7). Ici
nous pouvons citer aussi la vénération de la montagne,
très typique pour l’Ancien Testament, et très bien
présentée dans le livre d’Isaïe. C’est
là, sur la montagne Horeb où le prophète Moïse
obtient de Dieu la Loi. Sur ma montagne de Moriah ce trouve le Temple, donc
l’Habitat de Seigneur dans ce monde.
- великъ (grand) est un topos biblique très typique pour description du pouvoir impérial
qui provient sans doute de l’adjectif grec de mevga". On le retrouve dans les deux doxologies de Psautier et du
Tetraévangile de Londres.
- благородьнъ (noble) est une épithète qui doit confirmer la
légitimité du pouvoir et non pas l’origine du souverain. En
ce sens, le cas du tsar Jean Alexandre est très intéressant car
il vient au pouvoir par un coup d’Etat, mais dans la littérature
de l’époque il est exalté comme descendant de la dynastie.
On trouve cette épithète dans le Patericon de Bessarion et dans
le code du prêtre Philippe. Dans le chrysobulle de Zographou le
trône du tsar est appelé ‘des aïeuls’ ce qui est
un référence à l’hérédité du
pouvoir. Il est à souligner que la noblesse n’est pas parmi les
qualités les plus aimées des traditions biblique et
néotestamentaire, car elles insistent surtout sur le choix de Dieu et
Son onction. Malgré cela, l’origine noble est bien citée
dans l’Ancien Testament : « Heureux es tu, pays dont le
roi est fils d’hommes libres et dont les prince mangent au temps convenable,
de façon virile et non pour s’enivrer. »
(Ecclésiaste 10 :17). De telle façon elle entre dans la
liste des qualités royales qui ont une base scripturale plus encore,
elle est liée à la choix divine faite « depuis le
ventre de sa mère » (v. spécialement chez Isaïe
chapitre 44 suiv.). Tout cela crée la liaison avec le terme
« porphyrogénète » que l’on retrouve
en deux formes : “багрýнородьнъ/багрородныи” et “порфирородныи”. Evidemment, en Bulgarie il n’y avait pas un
règlement certain pour la transmission du pouvoir et
l’hérédité traditionnelle du père au fils
n’existait pas. Cela se confirme non seulement des
évènements lors d’une vacance du trône, mais aussi
par la référence à la pratique de Constantinople qui
était toujours strictement suivie à la capitale bulgare. En ce
sens dans l’Empire et le monde orthodoxe, la noblesse d’origine ne
possède pas l’importance que dans les monarchies
héréditaires, mais elle pourrait signifier le choix divin fait
depuis le ventre de la mère (Dagron 1994).
- свэтьлъ,
свэтоносьнъ (« lumineux »), on retrouve cette
épithète dans le Tetraévangile de Londres et ailleurs. Le
terme est lié à la sémiotique de la lumière et la
sainteté, respectivement à la protection de Dieu et le choix
divin.
- побэдоносьнъ (« victorieux »,
« porte-victoire », « tropaiofovro" ») est une
épithète de la doxologie de Psautier de l’an 1337,
étroitement liée à la glorification du souverain pour ses
succès guerriers. Cela touche une des fonctions principales du pouvoir
de ce siècle et notamment celle de la défense, la conquête
et l’instauration de la paix au monde. Le leader victorieux est une
figure typique pour l’Ancien Testament car les triomphes du Peuple
élu, donnée par Dieu, se réalisent à travers des
hommes braves, les chefs humains des Hébreux. Ce sont les images des
« Nouveau Josué », « Nouveau
Gédéon » utilisées pour les rois
chrétiens au Moyen Age (Ђурић 1983).
En conclusion
on peut dire que la rhétorique et les représentations
artistiques officielles sont une des manifestations les plus claires de
l’idéologie politique de l’époque. Quant à la
Bulgarie médiévale, cette idéologie empruntée de
Constantinople et avec elle ses marques rhétoriques et plastiques. De
son côté ces expressions des idées politiques deviennent un
facteur important du développement social et culturel du pays. La
transplantation et la modification des modèles constantinopolitains
définissent le Xe et le XIVe siècles comme l’apogée
de la « rhôméisation » (ou
« byzantinisation ») en tant que paradigme axiologique en
Bulgarie. C’est un processus culturel et politique que l’on appelle
Translatio imperii dans le contexte
de Balkans. De telle façon on découvre l’importance
particulière de l’institution impériale ou royale au Moyen Age
et non seulement lors de l’exercice du pouvoir, mais aussi lors de
l’interprétation du monde et de l’orientation culturelle
toute entière.
L’étude des manières
verbales ou iconiques de la doxologie confirme nos conclusions concernant
l’institution du souverain en Bulgarie médiévale au niveau
idéologique. Son image suit les modèles romains et
constantinopolitains, développés par la tradition biblique des
Juifs et du Christianisme. On y retrouve, aussi, beaucoup
d’éléments vétérotestamentaires qui arrivent
en Bulgarie de nouveau par Constantinople. Ce sont les sources
d’où la Bulgarie adopte les mots, les formules verbales et les
images pour créer le portrait du pouvoir. C’est une
synthèse qui n’est pas limitée au monde orthodoxe, mais
appartient à tous les Chrétiens et leur pensée politique
au Moyen Age.
LITTERATURE CITEE :
А
н д р е е в 1993 Й. Андреев.
България
през втората
четвърт на XIV в.
(цар Иван
Асен IV- син на
Иван
Александър).
Велико Търново,
1993.
Б
а к а л о в 1995 Г.
Бакалов. Средновековният
български
владетел
(титулатура и
инсигнии). С, 1995.
Б
а к а л о в а 1985 Е.
Бакалова.
Ктиторските
портрети на
цар Иван
Александър
като израз на
политическата
и религиозната
идеология на
епохата. –
Проблеми на изкуството
4, 1985, 45-57.
Б
а к а л о в а 1991 Е.
Бакалова.
Аспекти на
съотношението
словесен
текст-изображение
в
Българското
средновековие
(песеннопоетична
образност
–визуални съответствия).
– Проблеми на
изкуството 1, 1991.
Божилов 1982 Ив.
Божилов, Цар Симеон
Велики (893-927):
Златният век
на
средновековна
България,
София, 1982
Б о ж и л о
в 1984 И.
Божилов.
Един
осмогласник
от времето на
цар Иван Алек-
сандър (НБКМ 180
(313). – В: Сборник
в памет на
проф. Ст.
Ваклинов. С., 1984,
60-65.
Б
о ж и л о в 1994 И.
Божилов.
Фамилията на
Асеневци (1186-1460).
Генеалогия и
просопография.
С., Второ
фототипно
издание, 1994.
Димитров
1980
П. Димитров,
“Около предисловието
и названието
на
Златоструй”, Език и
литература,
т. 35 (1980), кн. 2, с. 17-28
Добрев
1980 Ив.
Добрев,
«Палеографски
бележки
върху
царското
титулуване и
някои царски
отличия през
епохата на
Второто
българско
царство», Старобългарска
литература,
кн. 6, 1980. с. 69-80.
Добрев
2007
Ив. Добрев, Два
царсамуилови
надписа, Линц,
2007
Д
у й ч е в 1940
И.
Дуйчев. Из
старата
българска
книжнина. II.
Книжовни и
исторически
паметници от
Второто
българско
царство. С., 1940
Д
у й ч е в 1964
И.
Дуйчев.
Миниатюрите
на
Манасиевата
летопис. С., “Български
художник”, 1964.
Ђурић 1983 В.
Ђурић, “Нови
Исус Навин”, Зограф,
14, 1983, 5-16
Ж
и в к о в а 1980 Л.
Живкова.
Четвероевангелието
на цар Иван
Александър.
С., Изд.” Наука
и изкуство”, 1980.
Йонова
1992
М. Йонова, Белетристиката
в системата
на старата българска
литература,
София, 1992
К
у е в 1980
К.
Куев.
Образът на
Иван
Александър в
среднобългарската
поезия. – В:
Българско
Средновековие.
Българо-съветски
сборник в
чест на проф. Иван
Дуйчев. Д., 1980, 256-259.
М
е ч е в
1977
К.
Мечев.
Покровител
на книжнината.
С., 1977.
Милетич
1898 Л.
Милетич, “Цар
Симеон споменат
в един
среднобългарски
ръкопис”, Български
преглед, VI, 7 (1898)
Плюханова,
Бадаланова
1987
М. Плюханова,
Ф.
Бадаланова,
Средневековая
символика
власти: крест
Константинов
в болгарской
традиции”, Литература
и история, Acta et
commentationes Universitatis Tartuensis, , в. 78, 1987
Плюханова,
Бадаланова
1993
М. Плюханова,
Ф.
Бадаланова,
“Средневековая
символика
власти в Slavia Orthodoxa”,
Годишник на
Софийския университет
“Св. Климент
Охридски”,
фсф, т. 86, кн. 2, 1993
С т а н ч е в
1995
К.
Станчев.
Стилистика и
жанрове на
старобългарската
литература.
С.,
“Просвета”, 1995.
С т а р а б ъ л г а
р с к а
л и т е р а т у р
а 1982 Стара
българска
литераратура.
2. Ораторска
проза.
Съставителство
и редакция Л.
Грашева. С., 1982.
Стара
българска
литература, 1983 Стара
българска
литература.
т. 3, Исторически
съчинения,
София, 1983
Стоjановић
1902
Љ.
Стоjановић, Стари
српски
записи и
натписи, I,
Београд, 1902
Х р и с т о в
а, К а р а д ж о в
а , У з у н о в а 2003 Б.
Христова, Д.
Караджова, Е. Узунова.
Бележки на
български
книжовници X-X
Христова,
Караджова,
Узунова 2004 Б. Христова,
Д. Караджова,
Е. Узунова.
Бележки на
български книжовници
X-XVIII в. т. II, XVI-XVIII век, С., 2004
Хроника
Константина
Маннассии
Среднеболгарский
перевод
хроники Константина
Маннассии в
славянских
литературах, София, 1988
B a k a l o v a 2007
E. Bakalova. The Image of the
Ideal Ruler in Medieval Bulgarian Literature and Art. – In: Les cultes
des saints souverains et des saints guerriers et l’ideologie du pouvoir
en Europe Centrale et Orientale. Actes du colloque international 17.01.2004.
New Europe College, Bucarest. Volume coordonné par I. Biliarsky et R. G. Păun. Bucarest, 2007, 34-80.
Biliarsky 2008 Iv.
Biliarsky, « Deux ensembles des rites de passage concernant la
personne et la Res Publica :
Baptême/Onction et Mariage/Couronnement », Personne et la Res Publica, ed. J.
Bouineau, vol. I, Paris, 2008, p. 239-253
Dagron 1994 G. Dagron,
« Né dans la pourpre », Travaux et mémoires du Centre de recherches d’histoire et
civilisation de Byzance, 12, 1994, p. 105-142
Dagron 1996 G. Dagron,
Empereur et prêtre. Etude sur le
‘césaropapisme’ byzantin, (Paris, 1996)
Grabar 1936 A. Grabar,
L’empereur dans l’art
byzantin (Paris, 1936)
S t a n e s c o
1998
M. Stanesco. L’Europe
médiévale. – In : Précis de littérature
européenne. Sous la direction de B. Didier. Paris, 1998, 291-308.
[1] Comme le souligne à juste
titre I. Dobrev dans une contribution relevante au sujet, les
épithètes et les formules verbales de glorification sont
déterminées, à côté d’autres facteurs,
du type du texte où elles sont présentes
(Добрев 1980: 69).
[2] Ce texte est très proche
à l’hagiographie chrétienne
(Йонова 1992, 129-130) et comme tel il
présente Alexandre dans un contexte chrétien.
[3] Il obtient la Pierre
précieuse et miraculeuse avec le nom de Dieu Sabbaothe portée
autrefois par Josué sur son
heaume. L’image d’Alexandre est parallèle à
celle de Josué en toute les directions – un guerrier victorieux
qui s’impose sur les ennemis par l’aide du Très-Haut –
v. Ђурић 1983.
[4] Cette formule est très bien
connue dans tous les pays orthodoxies et aussi dans l’Empire
d’où elle provient. Il y en a plusieurs études sur ce theme
qui ne concerne seulement la position officielle de l’Eglise et de
l’Etat mais aussi la foi populaire – v. Плюханова,
Бадаланова 1987
и Плюханова,
Бадаланова 1993.
[5] А. И.
Яцимирский,
„Мелкия
замеки”, Известия
отдела
русскаго
языка и
словесности
Императорской
Академии
наук, т. II, 1897, кн. 2,
с. 359. Ce texte de А. И.
Яцимирский fut
copié et réimprimé par Л.
Милетич („Цар
Симеон,
споменат в
един средно-български
ръкопис”, Български
преглед, VI, 7 (1898), с.
159) et après lui par tous les auteurs bulgares qui l’ont
cité. Ici on publie de nouveau le texte entier (comme il fut
publié par А. И.
Яцимирский). Cet
auteur nous communique qu’il s’agit d’un manuscrit de milieu
du XVIIe siècle contenant des homélies et enseignements pour les
dimanches des carêmes. Le code fut propriété de la
scètes de Saint Nicolas du monastère Kondritski (un
métoche du monastère hagiorite de Zographou) se trouvant dans
l’ex-région de Bassarabie de l’Empire Russe. A. I.
Yatsimirsky l’a visitée en été 1895. Ivan Biliarsky
a consulté les professeurs Andrei Eşanu et Silviu Tabac de la
République de Moldavie en essayant trouver le manuscrit mais pour le
moment la réponse est que probablement il est perdu durant na
Première guerre mondiale ou pendant la révolution et les autres
désastres que cette région a subi.