Université de Reims
SOMMAire: I. La suppression des juridictions ecclésiastiques.
– II. L’interdiction
du recours au pape ou au métropolitain. – III. La liberté d’opinions religieuses.
– IV. La sécularisation de
l’état civil. – V. La
sécularisation du patrimoine ecclésiastique. – VI. Les ecclésiastiques, auxiliaires du
gouvernement: l’ambiguïté des solutions adoptées.
– VII. Une politique à
l’épreuve des faits.
Le 12 juin 1798, sur le chemin de
l’Egypte, Bonaparte et ses troupes s’emparent de Malte, mettant fin
à près de trois siècles de domination du pays par
l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. C’est le début
d’une occupation qui va durer deux ans et trois mois.
Le statut de Malte au cours de cette
période aurait pu permettre aux nouveaux dirigeants de laisser subsister
certains aspects du régime antérieur. N’ayant jamais
procédé à l’annexion de l’archipel, ils
n’étaient pas obligés d’y reproduire
fidèlement l’organisation institutionnelle de leur pays, ni
d’y appliquer exactement la législation française. Cependant,
Bonaparte organise les futures institutions de l’archipel (administration,
justice, finances, santé et instructions publiques) en introduisant les
principes de la Révolution française, dans leur version
Directoire. De surcroît, il pourvoit à la défense de
l’île en la plaçant sous l’autorité d’un
commandant en chef, le général de division Vaubois[1].
En matière civile, Malte est désormais gouvernée par une
commission de gouvernement – dont Bosredon-Ransijat[2]
est le président et Doublet[3]
le secrétaire général – ainsi que par un commissaire
près de cette commission, Regnaud de Saint-Jean d’Angély[4].
Le territoire maltais est divisé en cantons, chacun d’eux ayant
à sa tête une municipalité.
Dans la convention qu’il passe avec
les anciens maîtres de l’archipel, Bonaparte promet à la
population le libre exercice de la religion catholique, apostolique et romaine,
et assure à l’évêque de Malte que non seulement cette
religion sera respectée, mais que ses ministres seront spécialement protégés[5]. Or, la plupart des mesures prises vont
précisément apparaître aux yeux des Maltais comme la
violation de leur engagement initial[6].
Il est certes logique pour des Républicains de reproduire dans un pays
conquis ce qui se fait alors en France où, depuis un an, un certain
radicalisme se manifeste à nouveau[7].
Il n’est donc pas question pour les Français de laisser subsister
une Eglise dont le pouvoir temporel, ajouté à celui qu’elle
détient sur les esprits, est incompatible avec une politique
révolutionnaire digne de ce nom. Les Français ont ainsi pris
toute une série de mesures de sécularisation déjà
expérimentées dans leur propre pays au cours de la
dernière décennie. Bien entendu, Hompesch, le Grand Maître
de l’ordre chassé de Malte par les Français, s’offusque
de ce qui se passe dans ce pays. Il semble avoir oublié que les
réformes concernant les ecclésiastiques, entreprises par le
gouvernement français, permettent la réalisation des objectifs
poursuivis depuis deux siècles par l’ordre lui-même[8].
La propriété ecclésiastique n’est pas seule à
être concernée: il est aussi question de réformer
progressivement l’état-civil en retirant aux curés toutes
les attributions qu’ils ont dans ce domaine – et en les confiant
aux municipalités qui viennent d’être mises en place.
Ces mesures de sécularisation, la
mise en œuvre brutale des diverses réformes, mais aussi
l’insuffisance de moyens financiers vont avoir raison de ces projets. En
effet, à peine trois mois après la prise de l’archipel, la
population maltaise se soulève contre l’occupant, le contraignant
à se replier dans la "ville de Malte" (La Valette) et à
soutenir un siège long et difficile. Les Français vont revoir
à la baisse leurs ambitions réformatrices: désormais, ils
se montrent plus soucieux de ménager la susceptibilité et les
sentiments religieux de la population citadine que d’introduire
fidèlement les grands principes révolutionnaires.
Si le terme de
"laïcité" n’apparaît pas dans la
documentation, les dirigeants français de Malte ont clairement
exprimé la volonté de réduire le champ d’action de
l’Eglise – notamment avec l’interdiction du recours au pape
et au métropolitain, mais aussi en supprimant les juridictions
ecclésiastiques. Pour le reste, la politique menée est
très ambiguë: en associant les prêtres et
l’évêque au travail des autorités françaises,
ceux-ci deviennent non seulement les courroies de transmission des
décisions du gouvernement, mais en outre de véritables
auxiliaires de l’administration.
Jusqu’en 1798,
l’évêque, Mgr Labini[9],
et l’inquisiteur, Carpegna, avaient chacun leur propre juridiction. La
coexistence, dans un pays aussi petit que Malte, de trois autorités
judiciaires distinctes – Grand Maître, évêque[10],
inquisiteur[11]
– était certes source de difficultés. En 1798, les
Français suppriment ces juridictions ecclésiastiques. Plus
précisément, les compétences judiciaires de
l’évêque sont désormais censées se limiter au
domaine spirituel. Ransijat, le président de la commission de
gouvernement, se réjouit de ce que cet «odieux tribunal [le
tribunal de l’inquisiteur] vient enfin d’être
foudroyé, pour le bonheur des Maltais»[12].
Les Français ne reviendront pas sur cette suppression, au nom des grands
principes.
Le recours au pape ou au
métropolitain (c'est-à-dire l’archevêque de Palerme)
par un ecclésiastique ou un simple habitant est clairement
prohibé par Bonaparte. Il est précisé qu’ainsi
«aucun prince étranger ne pourra avoir d’influence ni dans
l’administration de la religion, ni dans celle de la justice» (18
juin 1798)[13].
Cette interdiction est très mal perçue par les Maltais qui y
voient une atteinte grave à l’exercice de leur religion. Elle est
d’ailleurs vivement dénoncée par
l’évêque de Malte –d’où un rapide recul
des Français afin de ménager les susceptibilités. Selon
Ransijat, le mécontentement des Maltais est dû à une
mauvaise compréhension des intentions exactes du général:
ils croient, à tort, qu’il n’est plus permis de recourir au
pape dans le domaine spirituel. Or,
affirme-t-il, Bonaparte a bien précisé qu’il s’agit
d’empêcher l’exercice de son influence sur l’administration de la religion, et non
sur la religion dans sa totalité – nuance qui, certes, peut paraître
quelque peu subtile. «On a
été obligés (précise la commission de gouvernement
en octobre 1798) d’interpréter l’article en disant que le
recours au pape était permis aux
individus, comme faisant partie de la liberté des cultes»[14].
Cette interprétation de l’ordre de Bonaparte apparaît pour
le moins très libre! En réalité, sous la pression de
l’opinion publique, les Français sont revenus purement et
simplement sur une partie de ce que le général en chef avait
initialement décidé.
En définitive, la liberté des
cultes elle-même apparaît aux Maltais comme un cadeau
empoisonné.
La liberté d’opinions
religieuses est a priori favorable
aux ecclésiastiques. Pourtant, l’application de ce principe
n’est pas toujours faite pour plaire aux catholiques maltais; elle leur
est même parfois franchement défavorable.
Ainsi, le commissaire civil, Regnaud de Saint-Jean d’Angély,
décide que le lieu de sépulture de chaque municipalité
sera commun à tous les cultes[15].
Seront désormais enterrés dans le cimetière
traditionnellement réservé aux chrétiens ceux qui ne
confessent pas cette religion: surtout des musulmans, mais aussi quelques
juifs. Le principe d’égalité est aussi invoqué par
les dirigeants français de Malte pour justifier cette mesure
impopulaire. Mais c’est avant tout, pour Regnaud, l’une des
conséquences de la liberté de conviction religieuse.
Malgré l’hostilité de
l’évêque de Malte et les réticences de la commission
de gouvernement[16],
Regnaud ne transige pas sur cette question – alors qu’en France
même, les carrés confessionnels ont survécu à la
Révolution française[17].
En revanche, sur la question de
l’inhumation dans les églises, Regnaud se montre plus conciliant:
certes, c’est un «abus contraire à la salubrité de
l’air et à la bonne police», mais il ne s’y opposera
pas jusqu’à nouvel ordre. Cette concession relative aux sépultures dans les
églises est présentée comme purement temporaire; le
commissaire n’est pas prêt à tolérer bien longtemps
des pratiques qu’il désapprouve. La relative bienveillance de
Regnaud est certainement une marque de réalisme – et
peut-être aussi de prudence. En France, c’est le souci de
préserver la salubrité publique qui a conduit à la
prédominance de l’esprit scientifique et de la technocratie administrative
sur l’aspect spirituel. En outre, la translation des cimetières
pour des raisons d’hygiène, leur éloignement des villes et
donc des lieux de culte, a favorisé la dissociation du lieu de
sépulture et du caractère religieux de l’inhumation. La déclaration royale du 10 mars
1776 a refusé à la plupart des fidèles d’être
inhumés dans les sanctuaires; la majeure partie de ses huit articles
était consacrée à l’interdiction d’inhumer
dans les églises et aux précautions qui devaient être
prises pour les exceptions à ce principe. Cet éloignement allait
permettre ultérieurement de traiter de manière identique tous les
administrés quant à leur sépulture, les administrateurs
s’étant habitués à considérer la
sépulture de manière laïque.
Comment s’attendre à la docilité
des Maltais si l’on interdit les inhumations dans ces lieux de culte,
alors qu’en France même, des résistances se sont faites jour
après la déclaration de 1776? Les habitudes se sont souvent
maintenues, les inhumations dans les églises se poursuivant
au-delà des exceptions prévues[18].
L’arrêté de Regnaud est
finalement enregistré et expédié aux municipalités
de l’Est et de l’Ouest de la Valette – soit la veille du
soulèvement.
Comme on pouvait s’y attendre, les
Français entreprennent la sécularisation de
l’état-civil, puis celle des biens de l’ordre et de
l’Eglise dont ils confient l’administration à une structure
spécifique: la commission des biens nationaux.
A Malte, jusqu’en 1798, les
évènements familiaux passaient obligatoirement par
l’Eglise. C’était elle qui tenait l’état-civil;
la naissance se prouvait par l’acte de baptême, la mort par celui
de la sépulture, et il n’y avait de mariage que religieux.
Désormais, la procédure du
mariage civil est introduite à Malte[19]. Néanmoins, en attendant que se
mette en place la nouvelle organisation, le commissaire civil de
l’île, Regnaud de Saint-Jean d’Angély, établit
un système provisoire en vertu
duquel les actes relatifs à la
naissance, au mariage et à la mort des individus seront reçus par
les curés (arrêté du 12 thermidor).
1) La situation provisoire: le
recours aux curés
Pour les habitants, il reste donc possible
– certes de manière provisoire – de s’adresser aux
paroisses pour y faire enregistrer les naissances, mariages ou
décès (liberté d’ailleurs confirmée quelques
mois plus tard). Bien évidemment, s’il est encore possible de
s’adresser aux curés des paroisses, cette démarche doit se
faire selon les conditions fixées dans l’arrêté du 12
thermidor[20].
Les curés sont dès lors assimilés – de gré ou
de force – à des auxiliaires de l’administration (cf. infra).
Cette situation présente des
difficultés pour ceux qui ne sont pas catholiques romains. C’est
pourquoi le premier arrêté de Regnaud est destiné à préparer
les esprits à un changement en profondeur du système existant
à Malte. Ainsi, le 7 fructidor an VI (24 août 1798), les
Français, Maltais ou étrangers qui, pour les actes
d’état-civil, ne voudront pas recourir aux curés des
paroisses, sont autorisés à s’adresser aux
municipalités. D’ailleurs, à terme, seules ces
dernières conserveront ce rôle[21].
2) La solution pour l’avenir:
le rôle de l’administration municipale
Le commissaire civil a prévu de
confier à l’administration municipale le soin de tenir l’état-civil[22].
Il ne pouvait que souhaiter aligner dans ce domaine le régime maltais
sur la législation française. En France en effet, la loi du 20
septembre 1792 (article 1) confie aux municipalités la tenue de
l’état-civil. Cette loi confirmait une tendance à la
tolérance annoncée dès la fin de l’Ancien
Régime. L’édit de tolérance de 1787, relatif au
statut civil des protestants, concédait le mariage non religieux ou bien
devant un juge royal, ou bien devant le curé en tant qu’officier
d’état-civil. La naissance ou le décès de
non-catholiques pouvaient être constatés par déclaration
devant un juge. Bien que le culte protestant restât officiellement
interdit, un droit à la non-catholicité était ainsi
reconnu implicitement. L’édit de 1787 avait été
précédé d’une tolérance de fait variable
selon les régions.
A Malte, il s’agit de «faire
jouir tous les individus des bienfaits de la liberté, de quelque culte et de quelque opinion
qu’ils soient, quels qu’aient été
antérieurement leur état et leur profession, leur paÿs ou
leur habitation». Regnaud considère cela comme un devoir des
agents du gouvernement français. Un juge ou un individu quelconque qui
refuserait de reconnaître un extrait d’état-civil
délivré par une municipalité encourrait une peine de
déportation – de quoi
empêcher toute velléité de contestation de la
compétence municipale en matière d’état-civil!
En France, la loi du 20 septembre 1792, en
sécularisant l’état-civil, provoqua déjà
certains remous, particulièrement en Vendée[23].
Les choses ne se passent guère mieux à Malte où, pourtant,
l’on ne retire pas complètement au clergé la tenue des
actes. Ransijat classe d’ailleurs l’introduction d’un
registre civil des naissances, mariages et décès, parmi les
causes de la révolte[24].
Les Maltais sont profondément choqués de ce qu’ils
considèrent comme une atteinte au rôle de leurs prêtres.
Mais Ransijat estime que le mécontentement provoqué par
l’arrêté du 7 fructidor vient de la mauvaise interprétation
qui en a été faite. Selon lui, les Maltais ont cru à la
suppression pure et simple du baptême et du sacrement de mariage; il y
voit le résultat des intrigues des malveillants[25].
Un agent de la cour de Naples informe d’ailleurs son gouvernement que le
mariage n’est plus considéré à Malte comme un
sacrement, et qu’il est interdit de baptiser les enfants avant
l’âge de sept ans. En définitive, il n’est pas certain
que les habitants aient cru à cette suppression; mais il se peut
qu’ils l’aient redoutée[26].
Les habitants, fortement attachés
à leur religion, ne peuvent que s’attendre à voir un jour
l’Eglise entièrement écartée des actes les plus
graves de la vie humaine. Ils peuvent aussi craindre l’introduction du
divorce, interdit par l’Eglise catholique, mais autorisé en France
par la loi du 22 septembre 1792. Les Maltais étaient informés de
toutes les transformations apportées par la Révolution, et ils
n’ignoraient rien des principaux changements intervenus dans le droit
français.
La sécularisation de
l’état-civil, qui n’a pu être opérée
durablement par les Français lors de leur "séjour"
à Malte, le sera finalement par les Britanniques – mais seulement
soixante-quinze ans plus tard.
La sécularisation des biens de
l’ordre et des biens ecclésiastiques est en revanche effective
dès les premiers mois d’occupation – et c’est justement
la rapidité de sa mise en œuvre qui est la cause de son
échec.
Même si les raisons de
l’insurrection maltaise sont très diverses, c’est la vente
de biens ecclésiastiques à la Cité Vieille, le 2 septembre
1798, qui en a assurément été la cause immédiate.
La sécularisation des biens de
certains couvents, en particulier, a fait l’objet de contestations
très virulentes. Il s’agit des établissements dont
Bonaparte ordonne la suppression lors de son séjour à Malte.
Comme l’a déjà fait en France la Constituante, le
général a décidé en effet de limiter à un
par ordre religieux le nombre de «couvents» (ou monastères);
et les biens superfétatoires des couvents supprimés sont
confisqués. De même, tous les biens de l’ordre, du Grand
Maître et des Langues deviennent la propriété de
l’Etat français[27].
1) La suppression des couvents
A chaque fois, les religieux qui le
souhaitent sont transférés dans le couvent de leur ordre qui est
maintenu[28].
La commission de gouvernement justifie ces suppressions par la participation de
l’évêque à l’arrangement contesté
– gage indiscutable du bien-fondé de la décision[29]!
Elle suscite néanmoins de vives protestations de la part des
municipalités concernées, en particulier celle de Gozo, ainsi que
de la population. Ransijat s’en irrite d’ailleurs,
considérant que seul un peuple «dont l’ignorance
égale la superstition» peut s’irriter de cette «sage
réunion»[30].
Toutefois, le comportement des
autorités françaises vis-à-vis des religieux est pour le
moins ambigu. Ainsi, lorsqu’une partie des religieuses de
Sainte-Magdelaine manifeste son désir de quitter le couvent, le
gouvernement s’empresse de lui apporter son aide – notamment
financière –, par l’octroi d’une pension[31].
Ce prochain départ est bien entendu une aubaine pour lui, une magnifique
occasion de propagande. Il apparaît comme une victoire des
Républicains sur les ecclésiastiques, de la raison sur le
fanatisme et la superstition! Pour les Français, permettre – pour
ne pas dire favoriser –
le retour de ces personnes dans leurs foyers respectifs ne va pas à l’encontre de la liberté du culte
catholique promise par Bonaparte. Cette liberté est
même «confirmée par la protection accordée selon les
lois civiles aux individus
ecclésiastiques, ou religieux des deux sexes». Ransijat est donc
chargé de déclarer aux religieuses qui veulent quitter leur
couvent que «le gouvernement
n’entend ni provoquer ni arrêter ni influencer leur
résolution, pour laquelle elles doivent consulter leur raison et leur
conscience, mais qu’en tous lieux elles seront protégées et
défendues contre l’abus de tout pouvoir dans l’exercice de
leur liberté». On espère susciter ainsi quelques
vocations à la vie laïque parmi des religieuses qui,
jusque-là, n’ont aucunement manifesté leur volonté
de quitter le couvent.
Ce sera une déception pour les
Français, puisque toutes celles de Sainte-Catherine se
déclareront satisfaites de leur sort.
Elles sont en revanche vingt-quatre du
couvent de Sainte-Magdelaine, à souhaiter se "décloîtrer".
Le seul problème qui se pose à elles est de signer leur
déclaration – déjà rédigée: la plupart
ne peuvent s’exécuter car, d’après les affirmations
de Ransijat, presque toutes ne savent pas écrire ou ne le peuvent plus
à cause de leurs infirmités ! Le président tient
à préciser que la suppression du couvent de la Magdelaine
s’est faite sans qu’aucun «acte de violence ou de
séduction» ne soit commis envers les religieuses[32].
D’après un bilan dressé
peu après le début du siège (19 octobre 1798), tous les
biens des couvents supprimés ont finalement été
laissés à ceux qui en sont partis[33].
Or le fruit de leur vente devait financer en partie l’instruction
publique, en cas d’insuffisance des biens qui y étaient
affectés. Il devait aussi, en principe, être employé
à soulager la misère et à financer les hôpitaux[34].
Enfin, Bonaparte avait prévu que les biens nationaux seraient
affectés pour trois cent mille francs au paiement des dettes du Grand
Maître, et que l’on en vendrait pour la même somme afin de
subvenir aux besoins de la garnison et de la marine[35].
Il faut noter que, dans l’ensemble,
les habitants ne se sont guère hâtés d’acheter les
biens confisqués.
2) La sécularisation des
biens des églises appartenant à l’ordre de Malte
L’église conventuelle de Saint-Jean,
en principe exceptée de cette mesure, se retrouve néanmoins la
principale victime des confiscations ordonnées par Bonaparte:
l’or, l’argent et les pierres précieuses qui s’y
trouvent sont confisqués. L’église avait pourtant
été mise à la disposition de l’évêque
en tant que concathédrale, Bonaparte voulant de toute évidence se
concilier le prélat afin d’obtenir son soutien[36].
On devait simplement laisser à l’église conventuelle de
Saint-Jean, comme aux autres églises dépendant de l’ordre,
ce qui est nécessaire à l’exercice du culte. Les portes en
argent de cet édifice religieux échappent de justesse aux
Français car elles ont pu être peintes (donc camouflées)
à temps!
Le montant de la vente opérée
sur place se retrouve dans les coffres de l’armée; le reste est
envoyé à la Monnaie pour y être frappé[37].
Bien qu’une telle pratique
n’ait rien de novateur en 1798, on remarque curieusement la constance
avec laquelle les Français prennent la peine de justifier la vente des
biens nationaux. Le général Vaubois, lorsqu’il
l’évoque dans son journal ou sa correspondance, rappelle
systématiquement que c’est le besoin impérieux
d’argent qui a déterminé cette mesure. Il n’est en
revanche jamais question de l’un des objectifs poursuivis en France dans
les premières années de la Révolution, à savoir une
répartition plus équitable du sol. Lorsque les Français se
sont emparé de l’île de Gozo, où l’ordre de
Malte possédait des terres, quelques habitants ont pourtant cru
qu’ils allaient pouvoir se les partager, et ont d’ailleurs
commencé à s’en emparer[38]!
C’était ignorer ce qu’il était advenu des
"enragés", eux aussi partisans d’une loi agraire! Les
autorités françaises durent par conséquent briser les
illusions de ces Gozitains trop empressés à mettre en pratique
des idées passées de mode.
Malgré une volonté
affichée de cantonner le clergé de Malte au domaine spirituel, le
souci d’efficacité va très tôt conduire les
Français à faire de l’évêque de Malte et des
curés de véritables auxiliaires du gouvernement.
Malgré son refus de
rémunérer les prêtres ou de leur accorder une pension[39],
le gouvernement n’hésite pas à recourir à leurs
services, quitte à en faire de véritables auxiliaires. On
commence par leur demander de prêter serment d’obéissance
à la République française (13 juin 1798)[40].
Connaissant la profonde religiosité
de la population, les Français ont très tôt le désir
d’associer une partie du clergé séculier à
l’action gouvernementale. Il s’agit, pour les autorités
civiles et militaires, d’utiliser à leur profit l’emprise
des ecclésiastiques sur le peuple maltais. Certaines attributions
administratives sont confiées à l’évêque, en
particulier la direction et l’administration des conservatoires de
filles, au mois de brumaire an VII. Mais c’est surtout comme
intermédiaire entre eux et les habitants que les dirigeants recourent
à ses services.
1) L’évêque,
auxiliaire du gouvernement
C’est bien sûr pour convaincre
la population de leurs bonnes intentions à son égard que les
autorités françaises recourent aux services de
l’évêque. Dès le début de l’occupation,
Bonaparte lui demande ainsi de se rendre sur-le-champ à la Valette et
d’user de son influence pour y «maintenir le calme et la tranquillité
parmi le peuple»[41].
Labini obtempère – et l’on peut raisonnablement supposer que
le succès de cette première intervention confortera Bonaparte
dans son idée que pour obtenir l’obéissance d’un
peuple soumis à ses prêtres, il faut exercer sur eux une emprise,
et que cela doit se faire grâce aux évêques. Le
prélat est presque à lui tout seul un organe de propagande au
service de la République. Mais pour Bonaparte, lorsqu’il demande
à Labini d’intervenir pour rétablir l’ordre à
La Valette, il ne s’agit pas à proprement parler de propagande. Ce
rôle pacificateur est normalement dévolu au clergé.
Sous l’Empire, Napoléon
utilisera d’ailleurs l’Eglise comme agent pouvant atteindre le
cœur des Français, provoquant une adhésion profonde et
encadrant l’opinion. Les évêques, attachés à
la paix et à la (relative) liberté rendue à
l’Eglise, accepteront généralement de collaborer avec
l’Empire.
A Malte, deux mois après la
première intervention de Labini, le gouvernement civil lui demande
d’apaiser l’inquiétude et l’indignation de la
population, suscitées par un arrêté que Regnaud vient de
prendre pour organiser l’état-civil (cf. supra). Le 26
thermidor an VI (13 août 1798), l’évêque écrit
donc une lettre pastorale que la commission de gouvernement envoie aux municipalités
(en français et en italien) pour qu’elle soit lue au prône
dans toutes les églises paroissiales[42].
Dans sa lettre, il cite le cas des premiers chrétiens qui honoraient et
respectaient leurs princes, alors même que ceux-ci n’étaient
que des païens! Il fait clairement allusion à l’enseignement
de saint Paul qui faisait de l’obéissance aux autorités
établies par la volonté de Dieu, l’un des principaux
devoirs de chaque chrétien[43]!
La publication d’un nouveau
"mandement" de l’évêque le 9 fructidor an VI (26
août 1798) aurait, d’après Regnaud, mis fin à un
début d’agitation[44].
Cette prise de position a pu, pour quelques jours, apaiser les tensions. Mais
une rumeur selon laquelle les Français ont contraint le prélat
à intervenir a, en tout état de cause, annulé les effets
de son action!
Dès le début de
l’insurrection, tous les curés de campagne reçoivent une
lettre de l’évêque qui leur enjoint d’exhorter leurs
paroissiens à « rentrer dans leur devoir»[45].
Cette intervention n’aura guère de succès. Deux jours plus
tard, une seconde lettre les invite à «prêcher aux rebelles
la soumission et l’obéissance»[46].
Ces deux dernières démarches, Labini les a faites de sa propre
initiative: ni le général Vaubois (commandant en chef des
îles maltaises), ni le gouvernement civil ne les lui ont
demandées. Certes, il en aurait peut-être été
autrement s’il s’était abstenu de toute intervention.
Quoi qu’il en soit, ces lettres ne
sont pas plus efficaces que celle du 9 fructidor dans la mesure où
elles ne réussissent pas à mettre un terme à
l’insurrection. Bon nombre de prêtres, inquiets et méfiants
une fois Malte passée sous domination française, sont très
vite devenus profondément hostiles aux nouveaux occupants.
Vis-à-vis des prêtres, les
Français font d’ailleurs beaucoup moins d’efforts pour
cacher leur méfiance…
2) Les curés, auxiliaires du
gouvernement
Malgré cette méfiance
croissante, les autorités françaises sollicitent aussi la
participation des curés à l’administration du pays, surtout
au début de l’occupation. Cette façon de procéder
semble dénoter chez les gouvernants un solide bon sens: les Maltais
étant très pratiquants, passer par le biais des curés des
paroisses pour informer la population est une garantie
d’efficacité. Provisoirement, ce sont les curés des
paroisses qui sont chargés de tenir les registres
d’état-civil (cf. supra)[47].
Au mois de thermidor, lorsque le
commissaire ordonnateur de la Marine, Ménard, et la commission de
gouvernement entreprennent d’organiser la distribution de pain aux
épouses et enfants de marins qui
ont dû suivre l’armée d’Orient, c’est aux
curés que l’on confie la tâche d’accorder à
chacune de ces femmes un certificat leur permettant d’obtenir
l’aide promise par le
gouvernement (13 août 1798)[48].
Surtout, véritables courroies de
transmission des ordres du gouvernement, les curés doivent concourir
à la mise en œuvre de diverses mesures. Déjà, avant
de délivrer un certificat aux épouses des marins embarqués
avec Bonaparte, ils doivent faire connaître à la population les
mesures d’assistance prévues (3 juillet 1798)[49].
Le même jour, la commission de gouvernement envoie à
l’évêque l’arrêté pris par Regnaud visant
à «décharger les habitants de la campagne de toute
redevance féodale». Labini doit demander aux curés de
publier cet arrêté dans toutes les paroisses de Malte et de Gozo[50].
Comment ces ecclésiastiques, même hostiles au gouvernement
français, pourraient-ils refuser de participer à des actions
d’une telle générosité?
Leur assigner cette tâche
s’explique en apparence par le fait que la plupart des
municipalités n’ont pas encore commencé à
fonctionner. En réalité, le gouvernement aurait pu, s’il
l’avait voulu, charger les syndics de ce travail, puisque la suppression
définitive de ces agents a été prévue pour plus
tard. Là encore, c’est probablement la volonté de faire
participer les ecclésiastiques à son action qui a
déterminé le gouvernement à recourir à leurs
services. D’ailleurs, bien après l’installation de toutes
les municipalités, il sera à nouveau demandé aux
curés d’afficher et de publier un arrêté du
commissaire civil (19 août 1798). Comme dans les cas
précédents, il s’agit de faire connaître une mesure
bienveillante puisque la décision de Regnaud vise à
protéger les biens et les familles des Maltais employés dans les
armées de terre et de mer, pendant leur absence[51].
On n’est finalement pas très loin des pratiques françaises
d’Ancien Régime qui faisaient jouer aux curés et aux
vicaires le rôle d’agents du pouvoir public: c’étaient
eux qui lisaient au prône du dimanche les nouvelles ordonnances royales.
Pendant l’état de
siège, les autorités publiques demandent encore leur aide aux
curés. Mais il ne s’agit plus vraiment de servir
d’intermédiaires entre elles et la population. Vaubois demande
ainsi à Labini d’ordonner aux curés de la ville de Malte de
fournir divers renseignements sur les habitants des deux municipalités:
ces curés devront sans délai dresser une liste dans laquelle ils
indiqueront le nom, l’âge, le sexe, la profession et la demeure de
chacun de leurs paroissiens, et désigneront par une note ceux qui sont
au service de la République[52].
Toujours pendant le siège,
autorisation est donnée – après une période
d’interdiction – de sonner les cloches des églises durant la
journée (17 novembre 1798). Depuis le soulèvement, le son des
cloches inquiète la garnison (c’était le signe de
ralliement des premiers insurgés à la Cité Vieille, puis
à Rabat[53]).
Aussi le conseil de guerre a-t-il décidé, vers la fin du mois de
fructidor an VI, l’interdiction de sonner les cloches la nuit. En cas de
contravention, ce seront les "chefs" des églises de la ville
qui seront sanctionnés; cela revient à leur confier la charge de
surveiller l’utilisation qui est faite des cloches, et donc à
faire d’eux des auxiliaires des forces de l’ordre (l’ampleur
de la tâche ne permet pas en effet aux Français de l’assumer
eux-mêmes efficacement)[54].
3) Le recours aux services des
religieuses
Dans un tout autre domaine, trois mois
après la proclamation de l’état de siège, le
gouvernement sollicite l’aide des religieuses des "monastères"
de Sainte-Catherine et de Sainte-Ursule (16 décembre 1798). Ransijat
leur demande de bien vouloir faire de la charpie pour ses "frères" malades à
l’hôpital, avec du linge qu’il leur fait remettre[55].
Un tel recours au service des religieuses en matière d’assistance
– décidé par le gouvernement lui-même – eut
été inconcevable au tout début de la Révolution.
Mais en France même, à partir de l’an IV, les sœurs qui
avaient été employées dans les hôpitaux sous
l’Ancien Régime furent de plus en plus souvent
réintégrées dans ces établissements, car la plupart
des administrateurs ainsi que les malades souhaitaient ardemment ce retour[56].
Bien que cette réintégration se fît de manière
individuelle et très souvent discrète, la relative bienveillance
vis-à-vis des religieuses qui se manifesta alors fut suffisamment
générale pour que, à Malte aussi, les Français
fassent appel à elles. Il est certain que les circonstances ne
prêtent guère à négliger l’aide que ces
sœurs peuvent apporter aux soldats français dans une période
particulièrement difficile. De toute façon, leur tâche se
limite à préparer de la charpie, non à assister les
malades au sein même de l’hôpital.
La plupart des dirigeants français
ont paru très tôt conscients de la nécessité
d’agir avec prudence dans le domaine religieux, si sensible dans ce pays.
Mais c’est seulement après le départ de Regnaud
qu’ils s’efforcent de ménager les sentiments religieux des
Maltais, allant jusqu’à adopter, non sans démagogie, un
comportement résolument favorable aux idées et traditions
chrétiennes[57].
Diverses dispositions prévues par Bonaparte restent dès lors
lettre morte: c’est le cas de l’interdiction faite à
l’évêque et aux autres ecclésiastiques de percevoir
des droits d’étole. L’évêque ayant
notifié son refus de faire exécuter cette mesure par les
curés, le gouvernement a dû s’incliner[58].
L’un des ordres de Bonaparte les plus hostiles aux ecclésiastiques
– visant à supprimer toutes les fondations particulières,
tous les couvents d’ordre séculier, les corporations de
pénitents et toutes les collégiales – ne reçoit pas
même un début d’application[59].
Le chapitre de la cathédrale, quant à lui, n’est pas
réduit alors que le général en chef l’avait
expressément ordonné[60].
Vaubois se refuse de même à confisquer l’argenterie des
églises, même lorsque les divers fonds commencent à
s’épuiser. Enfin, la décision de la commission de
gouvernement d’autoriser la réouverture de deux églises qui
avaient été fermées participe de ce mouvement de
bienveillance – mêlé sans doute à la crainte
d’accroître le mécontentement des habitants[61].
Après la découverte et
l’échec d’une conspiration au mois de janvier 1799, Vaubois
se refuse à prendre une mesure trop générale
vis-à-vis des prêtres, alors que sa méfiance à leur
égard est des plus vive. De fait, parmi les insurgés, on note la
présence d’un certain nombre de prêtres[62].
Malgré la tentation d’éliminer le danger que
représentent les ecclésiastiques en décidant, par exemple,
leur expulsion de la ville, le général sait qu’une telle
mesure lui aliénerait définitivement l’ensemble des
Maltais. C’est donc bien la crainte de mécontenter la population
de manière irrémédiable qui permettra aux
ecclésiastiques d’échapper aux mesures de rigueur prises contre d’autres
"suspects", à savoir les membres des familles des chefs connus
des insurgés, les chevaliers et, dans une moindre mesure, les Grecs.
En tout état de cause, les relations
que la commission entretient avec les ecclésiastiques semblent désormais
au beau fixe. Le 2 brumaire an VII (17 novembre 1798), la commission de
gouvernement écrit aux officiers municipaux de la ville pour les inviter
à assister à
l’office de leurs paroisses respectives lors des principales fêtes
de l’année. Elle leur demande en outre d’accepter les
invitations qui leur seraient faites de participer aux fêtes solennelles
des autres églises de leur arrondissement – autant que le service
au sein des municipalités le leur permettra[63].
Les membres de la commission
eux-mêmes ont à cœur de suivre la consigne données aux
officiers municipaux[64].
Le 18 frimaire an VII (8 décembre 1798), la commission assiste à
la messe dans l’église de Saint-Jean, le matin;
l’après-midi, comme promis, elle se rend à
l’église de Burmola pour les vêpres de la Conception,
pendant lesquelles un boulet lancé par l’ennemi endommage la
façade du bâtiment sans toutefois interrompre le service[65]!
Devenue soucieuse de respecter les
traditions catholiques, et faisant fi du calendrier républicain, la
commission de gouvernement décide qu’elle ne tiendra pas de
séance «les jours de fêtes chantées par la
catholique», à commencer par le jour de la Sainte-Anne[66].
A partir de l’été 1799, sur la proposition faite par
Ransijat, elle ne se réunit pas non plus le dimanche et rarement le
samedi.
Même pendant les derniers mois de
siège, alors que le vin est une denrée rare que l’on
réserve prioritairement à l’hôpital pour ses vertus
"fortifiantes", la commission de gouvernement s’efforce
d’en procurer aux prêtres qui font la messe à
l’hospice des invalides de La Floriane[67].
Au printemps de l’année 1800,
Ransijat se montre pleinement satisfait du respect dont les Français
font preuve à l’égard de la religion: «Ils se
conduisent si bien que les Maltais, même les plus prévenus contr’eux,
leur rendent la justice qu’ils méritent»[68].
Cherche-t-il dans son Journal
à convaincre ses lecteurs, ou se berce-t-il d’illusions quant aux
véritables sentiments des Maltais?
Quoi qu’il en soit, les efforts sont
trop tardifs et ne suffiront pas à redresser la situation. Et les
Français sont contraints à la reddition au mois de septembre
1800.
Aujourd'hui, Malte s’affirme Etat
laïc; certes, la religion catholique n’est plus religion
d’Etat, mais la religion de la "majorité des citoyens".
Une mosquée y a d’ailleurs été bâtie et,
depuis 1977, une école est attachée au centre islamique,
l’école de la Vierge Marie[69].
[I contributi della
sezione “Memorie” sono stati oggetto di valutazione da parte dei
promotori e del Comitato scientifico del Colloquio internazionale,
d’intesa con la direzione di Diritto
@ Storia].
[Colloquio
internazionale La laicità nella
costruzione dell’Europa. Dualità del potere e neutralità
religiosa, svoltosi in Bari il 4-5 novembre 2010 per iniziativa della
Facoltà di Giurisprudenza dell’Università di Bari
“Aldo Moro”, del Centre d’études internationales sur
la romanité Université de La Rochelle e dell’Unità
di ricerca “Giorgio La Pira” CNR – Università di Roma
“La Sapienza”]
[1] Le général
divisionnaire Claude-Henri Belgrand, dit Vaubois, a été
nommé commandant en chef des îles maltaises dès la prise de
l’archipel par les troupes françaises. Il exerce ses fonctions jusqu’à
la capitulation des Français en septembre 1800.
[2] Jean de Bosredon-Ransijat,
secrétaire du trésor de l’ordre depuis 1778, conserva ses
fonctions jusqu’à la prise de Malte par la France. Dès
1789, il manifeste son enthousiasme pour les idées révolutionnaires,
allant même jusqu’à proposer au grand maître de donner
à l’Assemblée Constituante toute l’argenterie qui,
dans l’église de Saint-Jean, appartenait à l’ordre.
[3] Pierre-Jean-Louis-Ovide Doublet,
au service de l’ordre de Malte au secrétariat du grand
maître depuis 1782 et affilié à l’ordre en
qualité de confratello ou donato, est nommé
secrétaire général de la commission de gouvernement au
début de l’occupation française de Malte, puis,
après le départ de Regnaud le 19 brumaire an VII (9 novembre
1798), il devient à son tour commissaire civil.
[4] Michel-Louis-Etienne Regnaud
s’était lié d’amitié avec Bonaparte alors
qu’il était administrateur des hôpitaux dans
l’armée d’Italie.
[5] Cf. la convention du 24 prairial an VI (12 juin 1798) passée
entre la République française et l’ordre de Saint-Jean (article
7).
[6] Dès les premiers jours
d’occupation, Bonaparte décide, en vain, d’expulser tous les
prêtres qui sont étrangers. En outre, il est interdit à
tout séculier qui n’est pas au moins sous-diacre de porter le
collet et la soutane. Plus personne n’a le droit de prononcer des
vœux religieux avant l’âge de trente ans. Et de nouveaux
prêtres ne pourront être ordonnés tant que ceux qui
l’ont déjà été ne seront pas tous
employés. Ces mesures visent le même objectif: permettre une
diminution du nombre des prêtres. Bonaparte pense certainement que le
port du collet et de la soutane constitue pour les jeunes clercs une incitation
à poursuivre leur parcours dans la hiérarchie
ecclésiastique. En obligeant ceux qui ne sont pas encore sous-diacres
à porter l’habit civil, il doit espérer que certains
d’entre eux seront tentés de rester dans le siècle. Comme
bien d’autres décisions, celle-ci sera l’objet de
contestations de la part de l’évêque de Malte.
[7] Si le coup d’Etat du 9
thermidor an II a marqué un retour à la liberté
religieuse, la Convention thermidorienne puis le Directoire ont
été nettement moins conciliants. En 1797, les Français ont
envahi les territoires pontificaux, occupé Rome et enlevé le pape
Pie VI (qui meurt en France en 1799). Après le coup d’Etat de
fructidor, les persécutions ont repris contre les prêtres
réfractaires et même le clergé constitutionnel: les
premiers sont déportés en Guyane, voire condamnés à
mort; les prêtres constitutionnels voient leurs églises vendues,
et on leur interdit tout signe extérieur de culte. Au moment où
les troupes de Bonaparte s’emparent de Malte, il y a déjà
en France séparation de l’Eglise et de l’Etat; un
décret du 3 ventôse an III (21 février 1795), repris par la
constitution de l’an III dans ses articles 352 et 354, prévoit que
la République ne salarie aucun culte; un décret du 2 prairial an
III (30 mai 1795) prévoit le libre usage des anciens édifices du
culte qui n’ont pas été vendus comme biens nationaux, mais
partage ces édifices entre les différents cultes; un
décret du 7 vendémiaire an IV (30 septembre 1795) regroupe les
mesures précédentes en une «loi sur l’exercice et la
police extérieure des cultes». R. Szramkiewitz et J. Bouineau,
Histoire des institutions: 1750-1914:
droit et société en France de la fin de l’Ancien
Régime à la première guerre mondiale, Paris, 1989, 184
et 185.
[8] De même qu’en France,
en nationalisant les biens ecclésiastiques, les Révolutionnaires
avaient en quelque sorte réalisé sur une grande échelle
l’un des vœux de la monarchie; celle-ci avait du reste
déjà fermé quelques couvents, inaugurant la politique plus
générale qui allait être menée sous le nouveau
régime.
[9] Né à Bitonto,
près de Bari (la terre de Bari fait alors partie du pays de Pouilles,
province du royaume de Naples), Labini débarqua à Malte le 7
septembre 1780. L’un de ses premiers actes, quelques semaines
après son entrée en fonction à la tête du
diocèse, fut de prendre un édit contre la cohabitation des prêtres
et des femmes (édit du 29 octobre 1780). Que l’évêque
ne soit pas natif de l’archipel n’a rien d’étonnant:
lors de la cession de Malte par Charles Quint à l’ordre de
Saint-Jean de Jérusalem, il avait été exigé de
celui-ci que l’évêque fût choisi parmi trois candidats
dont l’un serait né sujet de la Couronne de Sicile.
C’était le Grand Maître de l’ordre qui proposait les
trois candidats, puis le roi de Naples désignait parmi ceux-ci le
prochain évêque.
[10] Le tribunal de l’évêque ou de
l’officialité avait la compétence exclusive pour juger tous
les clercs, tous ceux qui avaient pris la tonsure. Cette juridiction avait ses
propres juges, avocats, officiers et même sa prison.
[11] Le tribunal de l’inquisiteur, quant à lui, était
aussi appelé tribunal du
Saint-Office. A Malte, depuis 1574, le Nonce apostolique était
l’inquisiteur, c’est-à-dire le gardien de la foi catholique
contre l’hérésie. Le tribunal entendait et jugeait tous
ceux qui étaient accusés d’hérésie.
L’inquisiteur pouvait délivrer un certificat (ou patente),
généralement à des gens nobles ou fortunés, ce qui
leur permettait de devenir patentati,
c’est-à-dire protégés de l’Inquisition. En
tant que tels, ils ne pouvaient être poursuivis que devant ce tribunal.
Cette juridiction avait aussi la compétence exclusive pour tous les
employés et les serviteurs de la maison de l’inquisiteur, quel que
fût leur statut social ou leur nationalité.
[12] Dans une lettre du 8 thermidor an
VI (26 juillet 1798) à Jean-Baptiste Gatt, l’assesseur de
l’inquisiteur, Ransijat se réjouit de ce que son «odieux
tribunal vient enfin d’être foudroyé, pour le bonheur des
Maltais».
[13] Cette attitude est loin
d’être nouvelle puisqu’à partir du XIIIe
siècle, les rois de France se sont efforcés de limiter
l’emprise du pape sur l’Eglise de leur royaume, préalable
indispensable d’un contrôle étatique étroit.
[14]
National Library of Malta (Nat. Libr. Malta), Registre des
délibérations de la commission de gouvernement (Reg.
délib. com. gouv.), t. III, 174.
[15] Article 6 de
l’arrêté du 7 fructidor an VI (24 août 1798) sur
l’état-civil. Reg.
délib. com. gouv., t. III, 25 et 27. Par ailleurs, la promesse
d’accorder protection aux juifs qui souhaiteraient établir une
synagogue ne plait pas davantage aux catholiques romains. Il est
révélateur à cet égard que, dès l’arrivée
des Français à Malte, de fausses rumeurs circulent au sujet de
Vaubois, rumeurs selon lesquelles celui-ci serait juif. De quoi accroître
la méfiance de la population maltaise à l’égard des
Français! Cf. le rapport
reçu par le gouvernement napolitain par un de ses émissaires au
début de l’automne 1798. British Museum (Brit. Mus.), Add. MSS
34907, f. 233.
[16] L’un des membres de la
commission de gouvernement, à la fin du mois d’août,
évoque «l’opinion, encore dans l’enfance, des Maltais
accoutumés à ne voir que des catholiques confessés et munis
de leurs derniers sacrements, enterrés dans les églises ou
cimetières». Les habitants, présentés par un de
leurs compatriotes comme des êtres immatures qui ont besoin de temps pour
renoncer à leurs habitudes, ne pourraient que désapprouver la
décision de Regnaud. Reg.
délib. com. gouv., t. III, 32-33.
[17] Avec la Révolution
française, la mort est certes «débarrassée des rites
de la religion». La sépulture, acte religieux et
ecclésiastique avant 1789, relève désormais de la police
municipale – les cimetières paroissiaux, qui font partie des biens
d’Eglise nationalisés, étant devenus des cimetières
communaux (il est toutefois prévu qu’ils ne pourront être
vendus que passé un délai de vingt ans). Cf. G. Bigot, L’administration
française. Politique, droit et société, 1789-1870, Paris, 2010, 111-112; et M.
Lassère, Villes et cimetières en France. De
l’Ancien Régime à nos jours, Paris, 1997, 61-83.
C’est la IIIe République qui abolit les carrés
confessionnaux dans les cimetières: la loi du 14 novembre 1881, dite
«sur la liberté des funérailles», abroge ainsi
l’article 15 du décret du 23 prairial an XII qui imposait aux
communes d’affecter une partie du cimetière ou de créer un
cimetière spécialement affecté à chaque culte, et
interdit tout regroupement par confession sous la forme d’une
séparation matérielle du reste du cimetière.
Aujourd’hui, la création de carrés confessionnels est laissée à la libre appréciation du maire,
au titre de son pouvoir de fixer l’endroit affecté à chaque
tombe dans les cimetières. Elle est revendiquée par certaines
familles (notamment de confession israélite ou musulmane),
encouragée par les pouvoirs publics, mais placée dans une
situation de relative insécurité juridique. Cf. le rapport en ligne «Bilan et perspectives de la
législation funéraire» sur: http://www.senat.fr/rap/r05-372/r05-37223.html.
[18] J. Thibaut-Payen, Les
morts, l’Eglise, l’Etat, Recherche d’histoire administrative
sur la sépulture et les cimetières dans le ressort du parlement
de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1977, 204, 209 et 432.
[19] L’ordre de Bonaparte est
envoyé à l’évêque et aux curés le 12
thermidor an VI (30 juillet 1798). Nat. Libr. Malta, Lettres écrites par la commission de gouvernement depuis le 27
prairial an VI (15 juin 1798, vieux style) jusqu’au 28 thermidor an VIII
(16 août 1800, vieux style), 134 (Lettres
com. gouv.).
[20] Les registres des curés,
paraphés par les juges de paix de chaque municipalité, seront
tenus en double exemplaire, l’un d’eux étant
déposé au greffe du tribunal civil à la fin de
l’année. Un acte de naissance, de célébration de
mariage ou de mort qui ne serait pas inscrit sur les registres prévus
à cet effet, serait considéré comme nul. Un mariage ne sera
valable que s’il a été célébré par le
curé de la paroisse de l’un des conjoints, après trois
publications à trente jours de distance – et avec le consentement
des père et mère, tuteurs ou curateurs, quand les conjoints ne
sont pas libres de «disposer de leur personne» selon la loi,
essentiellement s’ils sont mineurs. D’après cet
arrêté (article 5), personne ne pourra se prévaloir ni des
dispositions des actes du concile de Trente, ni d’aucune loi ecclésiastique
pour déclarer valable, devant un tribunal, un mariage
célébré par un prêtre "quelconque" ne
répondant pas aux conditions définies par
l’arrêté, et ne respectant pas les formes prescrites. Cet
arrêté est bien entendu envoyé aux tribunaux pour y
être enregistré, publié et exécuté, mais
aussi à l’évêque et aux curés afin qu’ils ne l’enfreignent pas
«sous prétexte d’ignorance»! Le commissaire
Regnaud était assez réaliste pour s’attendre à une
certaine résistance de la part des ecclésiastiques.
[22] Dans chaque municipalité,
les naissances, les mariages et les décès seront ainsi inscrits
dans trois registres. Pour constater les naissances, la présence de deux
témoins suffira; il faudra en outre que l’accoucheur ou la
sage-femme qui assistent à la naissance en fassent la déclaration
dans les vingt-quatre heures, sous peine de ne plus pouvoir exercer leurs
fonctions, de payer une amende et même d’être
emprisonnés. Les habitants qui souhaiteront contracter mariage devront,
s’ils sont mineurs, obtenir le consentement de leurs père et
mère, ou de leurs tuteurs le cas échéant (sur ce point,
l’arrêté du 7 fructidor ne fait que confirmer celui du 12
thermidor). Dans tous les cas, la promesse réciproque de mariage doit être
affichée à la porte du lieu des séances de la municipalité
de leurs résidences pendant huit jours. Enfin, pour constater un
décès, les parents, voisins ou amis du défunt devront
immédiatement en faire la déclaration à la
municipalité; un officier municipal devra aller s’assurer
personnellement de la réalité du fait, mais, assez curieusement,
un certificat médical n’est pas requis pour prouver la mort.
L’inhumation ne pourra se faire qu’au bout de vingt-quatre heures.
Deux témoins (parents, amis ou voisins) signeront l’acte de
décès, avec l’officier municipal. Les registres de
mariages, naissances et décès seront établis en double
exemplaire; l’un d’eux sera déposé par le
président de la municipalité à la fin de chaque
année, comme doit le faire le curé de paroisse, au greffe du
tribunal civil. Les municipalités délivreront les extraits de ces
registres à ceux qui en feront la demande.
[23] L’édit de
tolérance de 1787, relatif au statut civil des protestants,
concédait le mariage non religieux soit devant un juge royal, soit
devant le curé en tant qu’officier d’état-civil. La
naissance ou le décès de non-catholiques pouvaient être
constatés par déclaration devant un juge. Bien que le culte
protestant restât officiellement interdit, un droit à la
non-catholicité était ainsi reconnu implicitement.
L’édit de 1787 avait été
précédé d’une tolérance de fait variable
selon les régions.
[24] L’arrêté du 7
fructidor relatif à l’état-civil est expédié
aux municipalités de la Cité de Malte (La Valette et les
quartiers environnants) la veille du soulèvement.
[27] Ordre du 28 prairial an VI (16
juin 1798) de Bonaparte, art. 4 à 6. Correspondance
de Napoléon Ier, publiée par ordre de l’empereur
Napoléon III, Paris, 1859 (Corresp. Napoléon Ier…), pièce no 2672.
[28] On remarque, dans les choix du
gouvernement, un certain souci d’équilibrer le nombre des
fermetures entre la ville de Malte (La Valette), la cité vieille (Mdina)
et l’île de Gozo.
[31] Les religieuses de la Magdelaine
qui demandent à quitter leur couvent obtiennent chacune une pension
qu’elles recevront à leur sortie. Le 11 thermidor an VI (29
juillet 1798), Regnaud a chargé le président de la commission de
gouvernement de s’occuper du
"décloîtrèment" des religieuses de la Magdelaine.
Ransijat fait procéder à la vérification des comptes. Et un administrateur laïc
doit être nommé par la commission pour gérer les biens des
religieuses de Sainte-Magdelaine et leur en remettre le revenu (charges
déduites) tous les trois mois. Aucune autorité ne pourra
détourner tout ou partie de ce revenu sans l’autorisation de la
commission de gouvernement. (Il s’agit ici d’exécuter
l’ordre de Bonaparte d’affecter une partie des revenus des couvents
supprimés à l’entretien des religieux). Sur le produit du
revenu annuel, il sera assigné une pension à chaque religieuse
partie rejoindre sa famille; l’administrateur paiera à
l’avance ces pensions. Regnaud affirme avoir reçu plusieurs
réclamations de religieuses de la Magdelaine qui veulent quitter leur
couvent pour vivre chez leurs parents.
[32] Celles qui ont voulu rester
cloîtrées ont été transférées dans le
couvent de Sainte-Catherine, les autres ont pu aller habiter chez leurs
familles respectives. Ransijat assure que les unes et les autres ont paru
satisfaites de leur sort et n’ont émis aucune plainte. On ne peut
cependant s’empêcher de penser que les vingt-quatre religieuses "décloîtrées"
ont pu faire ce choix car la perspective de quitter Sainte-Magdelaine pour un
autre couvent ne les enchantait guère. Quitte à changer de
domicile, rejoindre leurs familles a pu apparaître comme la solution la
plus rassurante. On remarque d’ailleurs qu’aucune des religieuses
de Sainte- Catherine n’a fait le choix de quitter la vie monacale. Reg.
délib. com. gouv., t. II, 353 à 358.
[34] Ordres du 28 et du 30 prairial (16
et 18 juin 1798) de Bonaparte, Corresp. Napoléon Ier…,
pièce no 2672 et 2698.
[36] A. Blondy, Malte et
l’ordre de Malte à l’épreuve des idées
nouvelles, thèse lettres, Paris, 1992, t. III, 139.
[37] En ce qui concerne la vente de
l’argenterie de l’église conventuelle de Saint-Jean,
après quelques réactions d’hostilité, certains
habitants se seraient ravisés, de même que le clergé –
mais c’est probablement parce que cette église appartenait aux
prêtres de l’ordre qui avaient longtemps été
jalousés.
[38] Lettre du 25 prairial an VI de
Reynier à Bonaparte. Correspondance
inédite, officielle et confidentielle de Napoléon Bonaparte avec
les cours étrangères, les princes, les ministres et les
généraux français et étrangers, en Italie, en
Allemagne et en Egypte, t. I, 160.
[39] En messidor an VI, des
prêtres ont en effet demandé au nouveau gouvernement de leur
accorder la même pension que celle qui doit être versée aux
«chevaliers prêtres conventuels» aux termes de la convention
du 24 prairial an VI. Ils invoquent curieusement l’égalité,
alors qu’elle suscite habituellement la méfiance chez les
ecclésiastiques, puisqu’elle est incompatible avec le maintien de
leurs privilèges. Ils n’obtiennent pas gain de cause puisque ce
n’est pas la qualité de prêtre qui a déterminé
les Français à allouer une pension aux chevaliers, mais
plutôt leur appartenance à un ordre qui avait régné
souverainement sur Malte jusqu’au mois de juin 1798. Il s’agit en
quelque sorte de dédommager les anciens maîtres de
l’archipel, et non de rémunérer tous les
ecclésiastiques vivant à Malte. Dès lors, il n’est
pas question d’accorder cette faveur à des religieux n’ayant
jamais appartenu à l’ordre des chevaliers. Nat. Libr. Malta, Registre des pétitions, no 251.
[40] Il se peut que les prêtres
aient surmonté leur répugnance et prêté serment
à la République mais, dans le cas contraire, on ne trouve en tout
cas aucune trace de réaction des autorités françaises
à un tel manquement.
[42] Comme on n’est jamais trop
prudent, Ransijat exige qu’au moins un officier municipal assiste
à cette lecture! Lettres com.
gouv., 191.
[43] On trouve à nouveau cette
référence en février 1799: «un des points fondamentaux
de cette morale sublime est d’être sincèrement soumis au
légitime souverain, d’obéir aux lois et d’avoir en
horreur les trahisons, les révoltes et tout ce qui peut entraîner
l’effusion du sang, la guerre civile et les maux incalculables, qui
détruisent enfin les harmonies et les sociétés»!
[45] Un prêtre est chargé
de transmettre ces lettres (3 septembre 1798). Reg. délib. com. gouv., t. III, 61 et 62 (17 fructidor an VI
– 3 septembre 1798).
[47] Le gouvernement ne se permet
jamais de leur donner des ordres directement et passe chaque fois par
l’intermédiaire de Labini.
[48] Lettre du 26 thermidor an VI (13
août 1798) aux dix municipalités de canton. Lettres com. gouv., t. II, 314.
[52] Lettre du 17 fructidor an VII (3
septembre 1799) par laquelle la commission de gouvernement transmet à
Labini les ordres de Vaubois. Lettres
com. gouv., 376.
[53] L’utilisation des cloches
pour donner le signal de la révolte n’est pas sans rappeler les
"vêpres siciliennes" de 1282 au cours desquelles les Siciliens
se soulevèrent contre leurs occupants angevins.
[57] Ils laissaient auparavant les
choses s’envenimer, comme s’ils se réjouissaient de voir
Regnaud s’aliéner un nombre toujours plus important de personnes
pendant les premiers mois d’occupation.
[58] Dans le bilan du 19 octobre 1798,
il est indiqué que c’est «pour se prêter aux
circonstances» que le gouvernement n’a pas insisté
davantage. Reg. délib. com. gouv., t. III, 174.
[59] Ordre du 28 prairial an VI (16
juin 1798), Corresp. Nap. Ier…,
pièce no 2672. En ce qui concerne les fondations particulières,
il est étonnant que Bonaparte soit allé si loin alors qu’en France,
même aux pires moments de la Révolution, on n’avait pas osé procéder à ce genre de
suppression. Regnaud, qui habituellement se montre si zélé,
s’abstient d’ailleurs, cette fois, d’exécuter cet
ordre du général en chef.
[60] Lorsque la commission de
gouvernement établit un bilan de la mise en œuvre des
réformes prescrites par Bonaparte, le 28 vendémiaire an VII (19
octobre 1798), elle justifie l’inexécution des dites mesures par
la nécessité de ne pas « ajouter à
l’effervescence du clergé ». Reg. délib. com. gouv., t. III, 172.
[62] Les prêtres, si l’on
se fie aux dires des Français, seraient les véritables
responsables de l’insurrection. Le peuple maltais, superstitieux, serait
dupé par des ecclésiastiques fanatiques et cupides.
« L’assassinat lui a été commandé par ses
prêtres sanguinaires », affirme un jeune sous-lieutenant
français, Tarride, qui ajoute à propos de Malte: «Nous
l’avons jurée libre, mais elle n’est pas digne de
l’être!». Arch. Nat., AF III 73.
[64] Le recteur et les confrères
de la Conception de Burmola ayant invité la commission de gouvernement
à assister à leur fête du 8 décembre, celle-ci
promet de s’y rendre.
[65] Cela ne découragera
pourtant pas la commission de se rendre de nouveau, quelques mois plus tard,
à la fête de Burmola pour les vêpres. Ibid., 315, 317, 343 et 362.
[66] Pas plus qu’en France le
calendrier républicain n’avait pénétré dans
le langage et les habitudes populaires. De surcroît, les curés,
dont on sollicite parfois la collaboration, utilisent résolument le
calendrier grégorien dans les documents qu’ils remettent à
l’administration française. C’est le cas dans les notes
relatives à la mortalité des habitants fournies par les
curés à la commission de gouvernement à la fin de
l’été 1799; un tableau comparatif est établi par des
Français pour la mortalité des soldats, et repose quant à
lui sur la division de l’année en mois révolutionnaires. Le
regroupement en un seul tableau des divers taux de mortalité, définis
dans le cadre de calendriers différents, a posé quelques
problèmes! J. de Bosredon-Ransijat, op.
cit., 140.