ds_gen N. 8 – 2009 – Memorie//Africa-Romana

 

Pol Trousset

Université de Aix-en-Provence

 

Pénétration romaine et organisation de la zone frontière

dans le prédésert tunisien

 

 

(pubblicato in L’Africa romana. Ai confini dell’Impero: contatti, scambi conflitti. Atti del XV convegno di studio. Tozeur, 11-15 dicembre 2002, a cura di M. Khanoussi, P. Ruggeri, C. Vismara, Roma, Carocci editore, 2004, I, pp. 59-88) 

 

Sommaire: 1. L'espace des confins de l'Empire: le prédésert. – 2. Les peuples de Gétulie: contacts et conflits. – 3. Mise en tutelle des gentes et promotion urbaine dans le prédésert. – 4. Structure et fonction du limes: contrôle des déplacements et des échanges.  – 4.1. Les camps d'auxiliaires. – 4.2. Les avant-postes. – 4.3. Les tours de guet. – 4.4. Les ouvrages linéaires (fossatum et clausurae). – 5. Conclusion.

 

 

Nous devons être reconnaissants aux organisateurs tunisiens et italiens du XVe Congrès international de L’Africa romana d'avoir choisi cette oasis du Jérid - l'antique Thuzuros - si magnifiquement placée à l'orée du Sahara, comme un observatoire des plus appropriés pour y traiter du thème qui nous a réuni cette année: «Aux frontières de l'Empire: contacts, échanges, conflits».

C'est au début du principat, sous les règnes d'Auguste et de Tibère, que s'effectue, à l'occasion des guerres gétules et de la révolte de Tacfarinas, la pénétration d'une zone restée en marge des cités c6tières libyco-puniques et des royaumes numides sur lesquels les Romains avaient jusque-là étendu leur hégémonie. En abordant ces régions lointaines, le commandement militaire va se trouver confronté à des problèmes inédits liés à la découverte sur les confins du désert d'un espace géographique des plus contraignants et de populations dont le style de vie et le type d'organisation sociale ne répondaient plus aux normes habituelles des peuples avec lesquels les Romains avaient été jusqu'alors en contact.

Après une première phase placée sous le signe du conflit, une seconde étape est marquée, de l'époque flavienne à celle d’Hadrien 'par les premières implantations militaires dans la zone présaharienne, mais aussi par une mise en tutelle des gentes ou civitates, lesquelles vont peu à peu rentrer dans les cadres civiques de la romanité selon un processus comparable à celui des autres régions de l’Africa. Le cas des oasis du Jérid et du Nefzaoua est à cet égard exemplaire, en raison de 1'existence auprès des sources pérennes de communautés sédentaires fortement soudées. il en est sans doute de même dans la montagne du Sud-Est tunisien où les techniques d'irrigation traditionnelles avaient permis un enracinement précoce d'une population d'arboriculteurs. Les bornages effectués [p. 60] à cette époque entre les différents peuples et cités révèlent néanmoins la survivance d'un large secteur d'économie semi-nomade marqué par des déplacements saisonniers à la périphérie de ces pôles de vie sédentaire.

Une troisième phase qui culmine à l'époque sévérienne voit la mise en place d'une organisation militaro-administrative en réseau étroitement calquée sur les réalités qu'elle avait pour mission de contrôler: zone de confins militaires, le limes est articulé autour de pistes stratégiques - pénétrantes ou radiales - permettant la circulation des patrouilles et facilitant les échanges commerciaux à longue distance; il s'appuie sur une hiérarchie de postes fixes et d'avant-postes où sont stationnés des détachements de la IIIe Légion Auguste ou d'Auxiliaires, le tout placé sous le commandement du Légat de Lambèse. Des ouvrages linéaires (clausurae ou fossatum) permettaient de surveiller les principaux passages obligés comme le seuil du Tebaga.

Les époques ultérieures n'apporteront que peu de retouches à ce schéma général en dépit des crises et réformes successives: à la différence de ce qu'on observe ailleurs, l'occupation militaire se maintient ici jusqu'à la fin du Bas-Empire, comme le montre l'échelonnement des secteurs frontaliers dans la Notitia Dignitatum. Tout au plus enregistre-t-on une transformation interne de la société, où le pouvoir économique les emblèmes du prestige et le contrôle de l'espace paraissent de plus en plus concentrés entre les mains d'une aristocratie romano-libyenne. D'une telle évolution témoignent, dans la longue durée, les mausolées d'El Amrouni (Ier ou IIe siècle) et les forteresses bastionnées en grand appareil de l'époque tardive.

 

 

1. – L'espace des confins de l'Empire: le prédésert

 

Le cadre géographique dans lequel va s'inscrire la conquête romaine, puis la mise en place de la zone de surveillance militaire du limes, coïncide bien dans ce Sud tunisien où nous nous trouvons a présent, avec ce que les géographes identifient sous le nom de zone présaharienne, où s'effectue, du nord au sud, la transition bio-climatique entre la steppe et le désert. C'est le "prédésert" dont le signalement contrasté est donné ici par l'extension des grands Chotts, par la luxuriance des premières oasis et par la proximité des grandes étendues dunaires. Dans cet espace, la vie traditionnelle avait été fortement marquée, de l'antiquité à une [p. 61] époque récente, par les déplacements au long cours des grands nomades ou de ceux, saisonniers, des semi-nomades en direction de la steppe ou vers les pâturages sahariens.

On peut préciser que d'est en ouest, dans la fenêtre saharienne da Sud tunisien, les modalités de cette transition sont sensiblement différentes suivant les secteurs, en présentant un échantillonnage régional assez représentatif de l'ensemble de la frontière d'Afrique : au nord-ouest dans la zone du limes de Numidie, le contact de la steppe et du désert est assez brusque, entre les dernières manifestations du système montagneux plissé de l'Atlas saharien et la dépression du Bas-Sahara, où se trouvent les oasis du Jérid et du Nefzaoua. Vers le sud-est en revanche, dans le secteur du limes Tripolitanus proprement dit, ce contact est beaucoup plus [p. 62] progressif le long du Jebel formant, depuis le massif des Matmata jusqu'à la falaise du Nefousa, un rebord de plateau arqué au-dessus de la plaine côtière de la Jeffara.

Dans cet espace, la frontière romaine correspond à une région de seuils ou de passages naturels obligés qui permettaient d'éviter en les contournant les obstacles majeurs constitués par les grands chotts au centre et à l'ouest, par le Jebel à l'est et les dunes de l'Erg au sud. De ces passages le plus important est l'isthme de Gabès, boulevard côtier qui a été, à toute époque, le vecteur par excellence des influences de l'Orient vers l'«île du couchant». Mais l'isthme du Jérid a joué aussi un rôle non négligeable, de l'antiquité à la conquête arabe, pour la maitrise de la lisière présaharienne de l'Afrique du Nord. Entre ces deux seuils, des liaisons transversales étaient possibles, le long du Jebel Tebaga ou à travers le Dahar et en contournant ou en traversant les chotts entre Nefzaoua et Jérid. Enfin, un faisceau de pistes caravanières sahariennes se raccordait sur un axe nord-sud au réseau précédent en reliant les oasis lointaines du Fezzan et de Ghadamès aux emporia de la Syrte à Tacape (Gabès) ou Gightis ainsi qu'aux oasis du prédésert jusqu'à la porte de la steppe à Capsa (Gafsa).

[p. 63] L'organisation militaire et administrative de la zone frontière d'Afrique étant, comme l'ont montré les études qui lui ont été consacrées[1], une construction avant tout pragmatique, elle ne pouvait qu'être étroitement adaptée aux contraintes spécifiques du prédesert. Aussi, son enjeu principal devait-il être, plus encore que sur autres secteurs des frontières de l'Empire, la surveillance ou la prise de contrôle des axes de déplacement de toute nature à l'intérieur de cet espace voué à la circulation des hommes.

 

 

2. – Les peuples de Gétulie: contacts et conflits

 

C'est en effet ces axes de circulation dont le réseau flous est partiellement connu par les documents antiques ou médiévaux, et jalonnées par les mêmes points d'eau qu'aujourd'hui, qui avaient pu guider dès l'époque augustéenne la pénétration romaine dans le prédésert au cours des expéditions lancées contre les Gétules et les-Garamantes. C'est au long du même réseau que s'est mise en place plus tard, à partir de postes fixes créés entre le règne de Trajan et l’époque sévérienne, une surveillance permanente des déplacements à l'intérieur de la zone frontière du limes.

Il faut, pour comprendre dans sa logique le processus de l'occupation romaine, revenir à la situation qui avait résulté pour Rome de l'annexion au delà de la fossa regia, des vastes territoires relevant auparavant des princes numides et absorbés désormais dans la province unifiée de l'Africa Proconsularis. Sur les marches occidentales et méridionales de celle-ci, Rome se trouvait désormais 'en contact direct avec le monde encore mal connu de la steppe et du prédésert. Elle fut bientôt aux prises avec les peuples Gétules qu’elle n'avait qu'entrevus jusqu'alors - enrôlés qu'ils avaient été s les armées de Marius - comme des mercenaires rebelles aux rois numides. Si au dire de Salluste[2], certaines peuplades gétules [p. 64] pouvaient ignorer au début de la guerre de Jugurtha jusqu'au nom des Romains, réciproquement, pour les Romains, il n'est pas jusqu'à la définition même de ces communautés gétules qui ne fît encore problème, un siècle plus tard. En effet, à travers le vocabulaire ambigu de Pline l'Ancien[3], au sujet de ces peuples écartés de l'Africa - s'agit-il de gentes, de nationes, de civitates ?- se devinent encore les perplexités d'un ancien fonctionnaire romain appelé à rendre compte d'une structure tribale à la fois segmentaire et hiérarchisée, à lu fois semi-urbanisée et semi-nomade, dont les ramifications complexes et les ressorts politiques ou sociologiques profonds ne pouvaient que lui échapper en grande partie[4].

De même, contre les Gétules, dont les avantages militaires tactiques étaient fondés sur la mobilité et la fluidité, les rigidités et les pesanteurs de l'armée romaine se trouvèrent bientôt inadaptées. Par exemple, cette routine rappelée par Tacite[5] de prendre ses quartiers d'hiver (castra hiberna) dans les cantonnements de l'Africa vetus, devait être étrangement décalée par rapport aux conditions climatiques, face à un ennemi dont la brusquerie des raids n'était pas réglée sur les mêmes rythmes saisonniers et n'avait d'égale que la rapidité avec laquelle ces cavaliers parvenaient à se dérober dans les replis de l'Afrique profonde (les solitudines Africae, selon l'expression de Tacite).

On soulignera donc, dans cette première phase de contact, l'importance dévolue dès l'époque augustéenne, à la reconnaissance en force de ces immensités incontrôlées. L'expédition de Cornélius Balbus (en 20-19 av. J.-C.) en est une bonne illustration: il s'agit de raids de représailles contre les Gétules et leurs alliés Garamantes. Une analyse des toponymes transmis par Pline dans sa relation du triomphe du proconsul, avait amené J. Desanges à conclure que les colonnes romaines s'étaient déployées, en fait, sur deux axes distincts[6]: l'un à partir de Sabratha, à travers la "Phazanie", c'est-a-dire les confins tuniso-tripolitains actuels, avec les centres de Alele [p. 65] (Ras el Aïn Tlalet), Ciliba (Remada), et Cidamus (Ghadamès), en direction de la capitale des Garamantes (Garama) au Fezzan; l'autre en direction du Hodna et de l'Oued Djedi, par l'isthme du Jérid et le piémont saharien de l'Aurès-Nemencha. Il est remarquable de constater que ces deux axes dessinaient, deux siècles à l'avance, les lignes maîtresses de l'expansion romaine future en Afrique.

Une autre caractéristique des peuples auxquels l'armée romaine se trouvait désormais confrontée était leur aptitude à nouer à partir d'un réseau étendu de relations coutumières fondées sur le semi-nomadisme pastoral ou le commerce caravanier, de vastes coalitions tribales. On a là la manifestation d'un système relationnel décentralisé, d'une forme d'organisation en réseau liée à la fois à la structure même de ces peuples et à leurs déplacements sur des axes de communication traditionnels à travers ces marges désertiques. L'effet de "connectivité" qui en résultait pourrait se comparer à celui produit, mutatis mutandis, par les voies maritimes, entre lés comptoirs grecs ou phéniciens de la Méditerranée[7]. Ainsi s’explique, sans doute, l'étendue du champ géographique des guerres gétules et l'effet de surprise qui en résultait. à l'avantage de leurs auteurs: par le jeu des contacts périodiques entre confédérations, soit sur les estives du Tell, soit dans les zones d'hivernage du Sahara, ces soulèvements se propageaient comme par une réaction en chaine d'un bout à l'autre de la Gétulie avec la complicité d'éléments maures et numides à l'Ouest ainsi que celle d'authentiques sahariens du grand Sud, les Garamantes du Fezzan.

C'est bien un tel scénario que reproduit la guerre de Tacfarinas qui constitue pour nous l'épisode le plus connu grâce au récit circonstancié qu'en a fait Tacite[8] des réactions africaines à la conquête romaine et qui, concerne directement les régions du Sud tunisien actuel. Faisant suite à d'autres guerres gétules qui avaient eu lieu, avec les mêmes acteurs, sous le règne d'Auguste (en 5-6 ap. J.-C.), elle met en scène des peuples divers répartis sur un immense théâtre d'opération, s'étendant depuis les hautes plaines axées sur l'Oued Mellègue, domaine des Musulames, jusqu'à la [p. 66] Tripolitaine intérieure. Dans cette coalition formée par Tacfarinas seront impliqués les Cinithii peuple «non négligeable» (haud spernenda natio), selon les termes de Tacite[9] et qu'on peut localiser dans l'arrière-pays de la Petite Syrte, entre Thaenae et Gightis qui sera plus tard leur centre de rattachement[10]. Par sa position même, ce peuple menaçait la sécurité des communications romaines entre le Byzacium, les Emporia et la Tripolitaine. Réciproquement, on a tout lieu de penser, comme l'a démontré J.-M. Lassère[11], que la cause réelle - non mentionnée par Tacite - de la guerre de Tacfarinas avait été la création, trois ans avant le début des évènements, de la route militaire stratégique qui reliait les castra hiberna d'Ammaedara et le fond de la Petite Syrte. La partie de cette voie entre Capsa et Tacape ainsi que la date de sa création (14 ap. J.-C.) nous sont bien connus par les milliaires de L. Nonius Asprenas. L'ouverture de cet axe, en même temps qu'elle permettait aux troupes de la IIIe Légion de patrouiller rapidement depuis la Dorsale tunisienne jusqu'à l'isthme de Gabès, entravait du même coup la liberté de mouvement des populations locales; à tout le moins pouvait-elle être l'occasion d'incidents répétés, car deux logiques d'utilisation de l'espace s'y affrontaient: coutumière et pastorale pour les uns, militaire et administrative pour les autres. Au lieu d'être, à cette époque, une révolte pour la possession des terres, la guerre de Tacfarinas n'aurait donc été à l'origine qu'un "conflit routier". Par la suite, c'est par la force des choses, pour parfaire son contrôle sur ces mêmes populations que l'armée romaine fut conduite à prendre pied successivement dans la steppe tunisienne, dans le prédésert et pour finir, sur les antennes sahariennes qui permettaient de détecter les déplacements suspects jusque dans le désert lui-même.

La guerre de Tacfarinas marque bien un tournant essentiel dans l'occupation romaine de la région, comme le souligne la conclusion qui lui est donnée, sous le règne de Tibère, par le Proconsul d'Afrique avec le concours des arpenteurs de la IIIe Légion: il [p. 67] s'agit de l'opération de limitatio lancée à partir de la région d'Ammaedara et connue par les bornes et dédicaces découvertes sur les deux rives du Chott el Fejaj ainsi que dans le Bled Segui[12]. Un [p. 68] document nouveau, de la même série (datée du proconsulat de C. Vibius Marsus en 29-30 ap. J.-C.), a été découvert récemment dans la région de Gabès[13].

Au contrôle de l'armée limité jusqu'alors à un axe routier stratégique de pénétration entre les castra hiberna et les emporia de la Syrte, succède désormais une mainmise en bonne et due forme, sur un vaste territoire qui prend en écharpe la haute steppe tunisienne et une partie du prédésert. Cette centuriation de grande envergure constitue, en fait, le préalable d'une réorganisation ultérieure des confins de la province. En effet, la carte ou forma résultant de ces travaux d'arpentage servira, comme nous l'apprenons par l'épigraphie de certaines bornes[14], de base et de référence cartographique aux opérations de délimitations effectuées entre les territoires de tribus et de cités au cours de la période suivante, sous le règne de Trajan tout particulièrement.

 

 

3. – Mise en tutelle des gentes et promotion urbaine dans le prédésert

 

Un autre tournant décisif se situe effectivement entre la fin du 1er et le début du IIe siècle (du règne de Domitien à celui des premiers Antonins), quand le prédésert tuniso-tripolitain passe progressivement d'un système de «contrôlé hégémonique» pratiqué jusque-là sur les peuples des confins de l'Empire, à une forme de «contrôle territorial»[15] marquée à la fois par une occupation militaire [p. 69] permanente de la zone frontière et par une romanisation progressive des communautés indigènes.

À la lumière de la documentation épigraphique fournie à la fois bornes milliaires et de délimitation de territoires, c'est à cette époque que tout un pan du prédésert rentre dans l'orbite directe de la domination romaine. Ce n'est sans doute pas un hasard les opérations les mieux connues concernent des entités indigènes dont les centres de vie permanente étaient situées dans les oasis du Jérid et du Nefzaoua. Après celui de Capsa, ceux de la civitas - ou du castellum Thigensium - à Kriz et Deggache dans le groupe d'oasis des Oudiane au nord du Chott el Jérid, ou de la civitas Nybgeniorum à Telmine - promue municipe sous Hadrien sous 1e nom de Turris Tamalleni - sont très représentatifs d'un processus de mise en tutelle, mais aussi de promotion urbaine, des gentes ou civitates, lesquelles vont peu à peu rentrer dans les cadres civiques de la romanité, selon des modalités semblables à celle d’autres régions de l'Africa, c'est-à-dire par allégeance des élites sociales progressivement romanisées. Une urbanisation précoce autour;:d'un habitat fortifié traditionnel préromain (turris ou castellum), mais aussi l'existence auprès des sources de communautés hydrauliques fortement structurées autour d'un règlement des eaux (comme à Tacape ou à Lamasba)[16], étaient de nature à être perçues comme les germes d'une vie municipale. A tout le moins constituaient-elles des facteurs favorables à cette évolution générale dans le sens de la romanisation. Il en est sans doute de même autour de a montagne du Sud-Est tunisien et en Tripolitaine où les techniques d'irrigation traditionnelles, comparables au jessour actuels, avaient permis un enracinement précoce de cultivateurs-arboriculteurs dont les fermes vont se multiplier à cette époque depuis le seuil du Jebel Tebaga jusque dans les vallées du prédésert de Tripolitaine[17]. Entre ces pôles de vie sédentaire devait néanmoins subsister un large secteur d'économie semi-nomade [p. 70] marqué par des déplacements saisonniers, en direction du Dahar ou de l'Erg, vers les zones d'épandage des oueds, mais aussi au Nord, vers les zones d'estivage du littoral ou de la steppe.

D'un tel phénomène de romanisation des élites africaines témoignent également, au sud de Tataouine, les bas-reliefs à sujets mythologiques du monument funéraire d'El Amrouni, avec sa double dédicace bilingue (latine et libyco-punique). Il est daté selon l'analyse architecturale de N. Ferchiou, de la fin du Ier ou du début du IIe siècle[18] et s'inscrit dans une série de mausolées à décor sculpté situés au contact de la plaine de la Jeffara et de la montagne, sur un itinéraire caravanier (le trik Ghadamsi, reliant Ghadamès aux emporia de la Petite Syrte[19]. Sans nul doute, les propriétaires de ces mausolées étaient-ils représentatifs, à l'exemple [p. 71] de Q. Apuleus Maximus Rideus dont les parents portaient encore des noms berbères, d'une aristocratie africaine récemment latinisée, enrichie peut-être par le commerce à longue distance et exerçant son ascendant social sur les populations rurales ou semi-nomades de la région. Ces notables locaux ralliés à la politique romaine en contrepartie de la reconnaissance de leur rang social sont une bonne illustration d'un processus au long cours d'acculturation des élites, aboutissant à un métissage culturel dans une double culture romano-libyque sur les confins de l'Empire romain.

 

 

4. – Structure et fonction du limes: contrôle des déplacements et des échanges

 

C'est dans ces mêmes secteurs du prédésert, près des centres de vie sédentaires des oasis ou des zones de cultures irriguées du Jebel, qu'au cours de cette période d'expansion de la frontière sont mises en place, au delà de la ligne des Chotts et du massif de l'Aurès-Nemencha, les premières installations militaires romaines, comme le montre la fondation du camp d'Ad Maiores près de Négrine sous le règne de Trajan[20]. D'autres créations suivront dans le secteur du Sud tunisien actuel, à Remada (peut-être sous Hadrien)[21], à Bezereos près de Bir Rhezen et à Ksar Ghelane (Tisavar) sous le règne de Commode[22].

Cette mise en place est terminée pour l'essentiel à l'époque sévérienne, à la fin du IIe et au début du IIIe siècle, grâce à l'activité déployée tout au long de la frontière d'Afrique par le gouverneur de Numidie C. Anicius Faustus, à partir du quartier général de la IIIe Légion à Lambèse[23]. On retrouve son nom dans les dédicaces d'ouvrages militaires depuis l'avant-poste de Castellum Dimmidi, sur une antenne saharienne du Sud algérien[24], jusqu'au camp de Bu Njem (Gholaia) sur une des pistes conduisant de Tripolitaine en direction du Fezzan[25]. Dans le Sud tunisien il apparaît [p. 72] à Remada ainsi qu'à Si Aoun où un détachement est installé en sentinelle plus au sud sur le revers saharien du Jebel[26]. D'autres documents, les bornes milliaires nombreuses sous le règne de Caracalla et surtout les routiers comme l'Itinéraire Antonin et la Table de Peutinger, dont la documentation peut-être rapportée à la même époque, nous renseignent assez précisément sur la configuration du limes pour permettre d'en proposer une analyse succincte.

Le limes est d'abord constitué d'un réseau de voies ou de pistes stratégiques. Le terme même qui appartient à l'origine au vocabulaire technique des arpenteurs sera appliqué ensuite aux limites de l'Empire où il peut désigner à la fois des voies radiales ou des antennes vers l'extérieur (praetentura) et des éléments de rocade dessinant une sorte de route frontière ou de ceinture stratégique le long de la zone militaire. Il se trouve que dans le secteur qui nous concerne, l'expression de limes Tripolitanus apparaît pour la première fois dans l'Itinéraire Antonin associé explicitement à une route: Iter quod limitem tripolitanum per Turrem Tamalleni a Tacapis Lepti Magna ducit. Il semble qu'il s'agit bien d'une route ou d'un système de routes qui "traçaient" la frontière de Tripolitaine entre Tacape et Lepcis en reliant entre elles une série de positions fortifiées majeures[27]. Mais il y aurait beaucoup a dire sur l'interprétation de 1 'itinéraire en question, compte tenu de son développement singulier qui effectue un long détour a l'ouest par la Turris Tamalleni. Il est encore mal défini entre les stations de Bezereos et de Talalati, où il y a deux tracés possibles selon les auteurs, l'un par l'Oued el Hallouf et le Jebel[28]; l'autre par Agma sur le littoral et par Augarmi où il rejoint la piste traditionnelle de Ghadamès par Tataouine et Remada[29].

[p. 73] Un autre itinéraire qui nous est connu par la Table de Peutinger comme le prolongement de la route de Theveste à Thusuros par Thiges, contournait le Chott el Jérid par sa rive sud[30]. Il est vraisemblable qu'il s'agissait là d'un itinéraire saisonnier de remplacement, utilisé quand la traversée directe de la grande Sebkha par le passage de Kriz - face au rocher où est gravée la dédicace à Mercure-Silvain[31] - n'était pas praticable. Par ces itinéraires alternatifs s'opérait la jonction entre le réseau de Tripolitaine et celui qui par Chebika et Ad Majores, rejoignait la Numidie par le piémont sud-aurasien.

A ce réseau de pistes qui permettait la circulation des patrouilles et des caravanes, correspond tout un réseau hiérarchisé d’ouvrages militaires - forts, fortins ou tours de diverses importance - espacés régulièrement à distance d'étapes (30 milles en moyenne pour les principaux) ou échelonnés en profondeur dans la zone du limes. Leur position était bien choisie: sites permettant vues étendues, surveillance d'un passage obligé, proximité d'un point d'eau bien alimenté; ou bien encore lieux de rencontre traditionnels à l'interface d'unités écologiques complémentaires. Un point commun à tous ces postes était la mobilité de leur garnison où l’on remarque la présence de plus en plus forte de cavaliers à mesure que l'on s'avance dans le prédésert. La situation et l'importance de ces ouvrages permettent d'en distinguer quatre catégories.

 

4.1. – Les camps d'auxiliaires

 

Il s’agit d'ailes ou de cohortes avec des détachements de la IIIe Légion Auguste et éventuellement de supplétifs organisés en numeri. ieurs de ces camps ont été reconnus dans le Sud tunisien actuel: sans doute à la Turris Tamalleni où des fragments de dédicace impériale avaient été .signalés dans les ruines du bordj de Torra[32]; à Bezereos, création de Commode, à Talatati (Ras El Aïn Tlalet) près de Tataouine, daté du règne de Gallien et siège de la Cohors [p. 74] VIII Fida[33], enfin à Remada (Tillibari), garnison de la Cohors II Flavia Afrorurum (sans, doute equitata). On retrouve ici le même type d'enceinte à portes cardinales et angles arrondis, décrit sur d'autres frontières, le même dispositif des casernements et celui des principia, au centre du camp[34].

Le camp de Remada reste encore le mieux connu dans le Sud tunisien grâce aux travaux de dégagement effectués en 1914 par le Commandant Donau, mais les vestiges en question ont alors disparu, recouverts par des installations militaires modernes[35]. En Algérie, les recherches archéologiques effectuées en 1949 par J. Baradez à Gemellae sur l'Oued Djedi, celles de J.-P. Laporte à Rapidum[36]; en Libye, celles réalisées par des équipes anglaises et françaises à Gheriat el-Garbia et à Bu Njem[37], ont permis d'enrichir considérablement notre information sur ce type d'ouvrage. Elles ont montré, entre autres choses, que ces camps dont on avait pu croire autrefois qu'ils marquaient la limite de l'occupation romaine, étaient en fait les bases à partir desquelles s'effectuait un contrôle tentaculaire beaucoup plus au Sud. Ainsi, les archives sur ostraca de Bu Njem permettent-ils de se représenter la vie d'une garnison romaine dans ses tâches quotidiennes, plus bureaucratiques que vraiment guerrières: elle partait en expédition lointaine chez les Garamantes, pointait les passages de nomades, contrôlait leurs marchandises, faisait, somme toute, de l'administration militaire et surtout du "renseignement"[38]. Dans le cas du camp de Remada (Tillibari), sans doute lui-même installé auprès d'une ancienne étape caravanière [p. 75] des Phazanii, ce rôle de base arrière opérationnelle est illustré, nous l'avons vu, par l'envoi de détachements dans les avant-postes de Tisavar (Ksar Rhilane) en bordure du Grand Erg et de Si Aoun installé en 198, sur le revers de la grande cuesta du Jebel, sur une piste conduisant vers l'oasis lointaine de Cidamus (Ghadamès), laquelle reçut elle-même une garnison romaine à l'époque sévérienne[39].

Les vestiges d'un autre poste romain avaient été reconnus - et identifiés depuis lors comme étant ceux de Bezereos - à peu de distance du puits de Bir Rhezen, dont le nom actuel a conservé la marque de l'ancien toponyme libyco-berbère[40], il pourrait être un bon exemple de ces positions nodales du réseau de surveillance échelonnées le long du limes Tripolitanus. En effet, la mention du nom de Bezereos (Vezereos d'après l'inscription trouvée sur place) figure à la fois - comme une station d'étape - dans l'Itinéraire antonin (fin IIe ou début IIIe siècle) et dans une liste de la Notitia Dignitatum, qui fait état, au début du Ve siècle, d'un praepositus limitis bizerent(ani), c'est-à-dire d'un officier en charge d'un sous-secteur de la frontière d'Afrique, sous l'autorité du duc de Tripolitaine[41]. On a tout lieu de penser que ce poste était son centre de commandement, ce qui permet de souligner la pérennité de l'occupation militaire romaine à travers les mutations de l'organisation de la zone frontière au Bas Empire. Sa situation sur le réseau des pistes reliant le Nefzaoua à la région de Tamezred ou de Talalati (près de Tataouine) et au seuil du Tebaga, lui permettait de couvrir les aires d'occupation rurale dont les premières fermes se signalent à peu de distance en retrait du camp, tout en faisant office de base arrière pour les patrouilles des avant-postes placés en vedette sur les antennes sahariennes de l'Oued Hallouf ou de l'Oued Bel Recheb, jusqu'à la limite de la zone de parcours des semi-nomades.

Les inscriptions trouvées sur place nous renseignent plus précisément [p. 76] sur ce camp: fondé sous le règne de l'empereur Commode, il a été occupé clés la fin du IIe siècle par un détachement important de la IIIe Légion Auguste dont le quartier général était à Lambèse. L'analyse onomastique par J. -M. Lassère d'une liste militaire trouvée à Bezereos (et qui comportait à l'origine 300 noms), démontre qu'à cette époque déjà le recrutement de l'armée romaine d'Afrique était devenu essentiellement africain[42]. Le commandement avait donc tout lieu d'attendre des Romano-Africains en poste à Vezereos qu'ils recueillissent du renseignement auprès des tribus dont ils devaient surveiller et canaliser les mouvements.

Du poste lui-même ne subsistent que les vestiges fort dégradés du mur d'enceinte. Celui-ci dessinait un rectangle aux angles arrondis, de 50x65 m. L'emplacement d'une porte se devine sur la face nord et des restes de construction très effacés, sur la face intérieure ouest. Autour du poste principal, se remarquent des [p. 77] traces de bâtiments annexes très sommaires accolés, semble-t-il, à une sorte d'enceinte extérieure. Enfin, des ruines beaucoup plus étendues d'un groupe d'habitations avaient été signalées à 500 m environ vers le sud-est, entre le puits de Mohammed ben Aïssa et le piton de Mergueb ed Diab où se trouvent les vestiges d'une tour-vigie. Comme il est courant de le constater, une agglomération s'était constituée à proximité de l'implantation militaire et l'existence de ce centre de peuplement avait été rendue possible par aménagement hydraulique bien conservé à quelque distance en aval: il s'agit du barrage de l'henchir Sedd, sur un affluent de l’Oued Oum ech Chia, à 4 km du puits de Sidi Mohammed ben Aïssa.

Situé à un carrefour de pistes près d'un puits et à proximité d’une aire irrigable, avec de bonnes vues sur le Dahar entre les oasis du Nefzaoua à l'ouest et le seuil de Gabès au nord-est, Bezereos réalise donc la trilogie classique du point d'appui militaire de fertile et du poste d'observation, par laquelle on peut définir cette catégorie d'ouvrage dans le réseau hiérarchisé du limes.

 

4.2. – Les avant-postes

 

Au second rang dans la hiérarchie figurent les fortins de divers types placés en sentinelles sur les pistes du prédésert. Sur le limes Numidie, près de Messad, le castellum Dimmidi représente, depuis l'étude fondamentale qu'en a faite G.-Ch. Picard[43], l'exemple que de ces antennes sahariennes. Ici comme à El Kantara au débouché sud de l'Aurès se remarque parmi les divers détachements constituant la garnison, la présence d'un numerus de Palmyréniens qui a introduit sur la frontière d'Afrique des cultes orientaux. Ce poste avancé permettait de surveiller à la fois les monts Ouled Naïl et la vallée de l'Oued Djedi.

Pour le limes Tripolitanus, le praesidium ou castellum de Ksar Ghelane est, par sa position même, le plus spectaculaire et, dans état actuel, le mieux conservé des ouvrages militaires romains du Sud tunisien. Situé à 3 km à l'ouest d'une petite oasis de tamaris, près de la zone d'épandage de la garaa Bou Flidja et sur une légère éminence rocheuse dominant les premières dunes du Grand Oriental, il constituait une des clefs stratégiques du Dahar, qui permettait de contrôler, à la limite des zones de parcours saisonniers [p. 78], les itinéraires les plus courts entre Ghadamès et le Jérid ainsi que les pistes du prédésert conduisant vers la passe du Tebaga et le seuil de Gabès en arrière de l'arc montagneux tuniso-tripolitain. D'après sa dédicace, dont un fragment est conservé à Kebili, le poste a été fondé par un détachement de la IIIe Légion sous le règne de Commode, mais une tuile estampillée porte le nom de la Cohors II Flavia, dont la garnison se trouvait à Remada[44]. Une autre inscription, trouvée sous une chapelle à l'extérieur du mur d'enceinte, est la dédicace d'un centurion de la IIIe Légion au genius loci: elle nous fait connaitre le nom antique (Tisavar) de cette position fortifiée[45].

L'architecture de l'avant-poste saharien de Ksar Ghelane correspond pour 1'essentiel à la description faite en son temps par le Lieutenant Gombeaud dans son rapport de fouilles de  1901[46]: il se présente comme une construction de plan rectangulaire [p. 79] de 40 x 30 m, aux angles arrondis. Les murs en pierre de taille à la base et en moellons plus petits au dessus, devaient avoir prés de 4 m d'élévation La porte d'entrée unique du poste s'ouvrait au milieu de la face est de l'enceinte. Surmontée d'un arc en plein cintre, elle était munie d'un dispositif de fermeture à glissières. Un couloir de 7 m de long lui faisait suite, pourvu en son milieu d'une porte dont les gonds étaient encore visibles. Les casernements étaient constitués d'une vingtaine de chambres accolées au mur d'enceinte et s'ouvrant sur celle-ci. Dans les angles du fortin, des escaliers donnaient accès à un chemin de ronde aménagé au dessus du mur d'enceinte. Au centre de la cour, une sorte de réduit de 12,60 x 7, 40 m abritait le logement et les bureaux du chef de poste, ainsi qu'une chapelle à Jupiter.

En revanche, les vestiges de constructions signalés à l'extérieur du poste (par exemple la chapelle du génie de Tisavar) ont aujourd'hui disparu. A cette réserve près, la bonne conservation du site peut s'expliquer par des restaurations récentes[47]. Au cours de la seconde guerre mondiale, Ksar Ghelane a été occupé par la colonne Leclerc et fut le théâtre d'un fait d'armes commémoré par une stèle visible sur la piste qui conduit au fort. Quelques témoins subsistaient encore, il y a quelques années, des combats livrés ici le 10 mars 1943, alors que la «force L» avait pour mission de tenir cette position afin d'ouvrir la voie, par Bir Soltane et le Jebel Melab, aux chars alliés dans leur mouvement de contournement de la ligne Mareth par le seuil du Tebaga (à 80 km au nord de Ksar Ghelane). On a là une illustration grandiose applicable à l'antiquité, des données permanentes de la stratégie[48].

Le centenarium de Tibubuci (Ksar Tarcine) est un autre fortin plus tardif, situé sur la rive droite de 1'Oued Hallouf, avec des vues étendues en direction du sud[49]. Il comportait une enceinte heptagonale aux angles arrondis, de 110 m de pourtour et un réduit intérieur carré de 15 m de côté dont le mur, renforcé au dehors, avait une forme de glacis. Cette particularité qu'on retrouve dans d'autres fortins de Tripolitaine, pouvait être une [p. 80] protection contre les vents de sable. L'entrée se trouvait au sud-est, pratiquée dans une maçonnerie semi-circulaire, aujourd'hui disparue, projetée en avant du mur de façade. Un étroit couloir, de 3 m de long, avec traces de fermeture, conduisait à la cour intérieure qui communiquait par deux portes symétriques avec les pièces latérales. Dans celles-ci, alignées le long des murs, se trouvaient 22 auges suggérant la présence de cavalerie, ce que confirme l'existence, à 50 m en contrebas du fortin, d'une citerne à grande capacité (60.000 l.), alimentée par un bras de dérivation dans l'oued.

D'après sa dédicace, le centenarium Tibubuci daterait de l'époque de Dioclétien ou peu après, car elle fait mention de l'existence, toute nouvelle et attribuée aux empereurs de la Tétrarchie, dé la province de Tripolitaine (entre 294 et 303) La création du fortin était destinée à compléter le maillage des installations du limes[50]. Sa garnison, une trentaine d'hommes au maximum, était sous les ordres d'un centurion, comme l'indique le terme générique appliqué à ce type de construction[51]. Disposant d'une réserve [p. 81] d'eau pour sa cavalerie, elle devait être très mobile pour des missions de patrouille et d'interception sur les pistes du Dahar.

La fonction des patrouilles devait être, effectivement, de contrôler les déplacements à plus ou moins long rayon d'action facilités jusqu'aux confins de l'Erg, par les vallées de l'Oued Bel Recheb et de l'Oued Hallouf. À partir de ces antennes, on pouvait alors signaler aux postes plus importants situés en retrait les risques d'infiltrations suspectes en direction de la plaine de la Jeffara par les percées du Jebel Demmer, ou bien vers le seuil de Gabés par la trouée du Tebaga. Mais une des taches incombant à ces garnisons pouvait être aussi de prévenir ou d'arbitrer les conflits éventuels qui ne manquaient pas de résulter de la fréquentation par des groupes plus ou moins rivaux, de puits et d'aires de pâturages saisonniers situées à la limite de leur territoires respectifs[52].

 

4.3. – Les tours de guet

 

Une série de tours de guet complétait le dispositif de surveillance par son réseau de communication à distance. Il s'agit de petites constructions (burgus), de plan carré ou circulaire (5 m de diam.), comme dans le cas, à 1 km de Gheriat al-Gharbia, de l'exemple le mieux conservé du limes de Tripolitaine[53]. Elles étaient placées en règle générale sur des éminences, à proximité des postes militaires, tel le signal de Tlalet qui rappelle le nom berbère antique de la station et du camp romain de Talalati, à Ras el Aïn. On les trouve le long des axes routiers, à proximité ou en vue des principaux défilés conduisant à travers le Jebel Demmer en direction du Dahar d'autres servaient de repères pour la traversée des Chotts. Leur fonction était surtout de surveiller et de transmettre des signaux suivant la technique des tours à feu (ou à fumée) pratiquée la muraille de Chine .et connue dans le monde romain, à la par un texte de Végèce et par les représentations de la Colonne [p. 82] Trajane. Les informations pouvaient être transmises selon un code déterminé, aux postes voisins, et de proche en proche, aux centres de commandement[54]. Le piton rocheux de Mergueb ed Diab qui signale au loin l'emplacement des ruines du camp de Bezereos présente à son sommet les vestiges d'une petite construction de 5 x 5 m de côté, caractéristique de ces tours de guet. Le nom même du piton perpétuerait celui d'un héros de l'épopée hilalienne (Diab) qui, selon une tradition locale, observait d'ici les signaux que lui adressait son amante, la princesse Zazia, depuis le village perché de Tamezred. Cette légende pourrait être la lointaine survivance dans la toponymie locale des tours de signalisation de la frontière romaine.

 

4.4. – Les ouvrages linéaires (fossatum et clausurae)

 

Restent à évoquer les murs ou fossés sur lesquels Baradez avait attiré l'attention dans le Sud algérien, sous le nom de fossatum Africae en référence aux prescriptions du Code Théodosien relatives à l'entretien [p. 83] des installations frontalières[55]. Grâce à l'archéologie aérienne dont il avait été un des pionniers, Baradez avait reconnu ces ouvrages sur des dizaines de km entre El Kantara et Tobna, autour du Bou Taleb et dans le secteur de Gemellae, où un fossé était déjà connu sous le nom de «Seguia bent el Khrass» et interprété par St. Gsell comme le «fossé limite des frontières romaines»[56].

Dans le Sud tunisien, des réalisations du même type sont connues depuis longtemps, telle la «muraille du Tebaga», qui ferme sur 17 km de long, le couloir naturel entre les Matmata et le Tebaga, aux abords du seuil de Gabès[57]. Selon les terrains traversés, l’ouvrage se présente sous la forme d'un mur de moellons (2 à 3 m de haut. conservée) ou d'un fossé (avec talus vers l'intérieur). [p. 84] Il est muni de tours de guet et d'un "guichet" avec poste de garde permettant de filtrer les passages entre le prédésert et la plaine côtière. Plus spectaculaire est la muraille de Bir Oum [p. 85] Ali conservée sur 5 à 6 m de hauteur dans les montagnes du Cherb[58]; tous les passages de cette même ligne de crête au Sud du Bled Segui étaient munis de barrières de contrôle analogues, mais plus petites. D'autres clausurae ont été reconnues dans les percées du Jebel Demmer à l'ouest du camp de Ras el Aïn, ainsi qu'au sud de Remada[59].

En ce qui concerne la datation du fossatum et des autres clausurae, en admettant qu'elles aient été de même époque, on ne dispose, en fait, que de peu de données précises. Les spécialistes se sont dès le départ partagés entre deux options contraires: les tenants [p. 86] d’une datation haute ont été surtout sensibles, comme les auteurs anglo-saxons, aux similitudes apparentes entre cet ouvrage africain et le Mur d'Hadrien[60]; les tenants d'une datation basse sont eux-mêmes partagés entre l'époque de la dissolution de la IIIe Légion par Gordien III et celle de la Tétrarchie ou le règne de Constantin[61]. Il est raisonnable de penser qu’en ce qui concerne au moins la Tripolitaine, l'époque sévérienne pourrait correspondre à ce type d'aménagement, car à l'époque, la plupart des autres pièces du dispositif militaire sont déjà en place, comme on l'observe par exemple au sud de Remada[62].

Il faut ajouter que 1'hypothèse d'une datation tardive s'inscrit dans une vision générale dominée par le constat d'une aggravation de la pression sur les frontières des nomades chameliers. C'est le fameux «limes du chameau» de J. Guey[63], conçu en termes drastiques, comme une frontière rigide («une ligne d'arrêt à tenir coûte que coûte») comme l'écrira 10 ans plus tard Baradez à propos du fossatum[64] - mais qui à l'époque faisait curieusement écho à la ligne Maginot, autre défense linéaire fixe contre des forces ennemies mobiles. Paradoxalement, cette thèse extrême, pourtant chargée d'idéologie coloniale ainsi que la conception qui la sous-tendait, d'une opposition irréductible entre nomades et sédentaires, avait été reprise plus récemment par les tenants de la «résistance africaine à la romanisation», les rôles étant simplement inversés, le «désert atavique» - ou le réduit montagnard - devenant l'ultime recours contre les entreprises de domination venues de la Méditerranée[65].

[p. 87]

 

5. – Conclusion

 

Comme on le voit, ce problème de chronologie débouche sur un problème plus large d'interprétation historique: celui de la finalité de ce type d'ouvrage et, par extension, de l'organisation frontalière elle-même. S'agit-il vraiment d'une défense militairement efficace dans l'éventualité d'une attaque en force massive venue de l'extérieur? Même dans les sections frontalières où ceux-ci s’intégraient dans un dispositif militaire beaucoup plus dense, les murs ou autres lignes de défense n'étaient pas destinés à fournir des plateformes de combat comparables aux murailles des châteaux du Moyen Age. Ils étaient plutôt des ouvrages d'interception destinés à décourager les attaques de faible intensité[66]. A fortiori, compte tenu a la faiblesse des effectifs militaires déployés sur cette frontière d’Afrique - 10 à 12.000 hommes sur les 1.200 km de développement du limes d'Afrique (Tripolitaine incluse), c'est-à-dire du même ordre de grandeur que sur les 117 km du Mur de Bretagne – le fossatum Africae n'était-il opposable qu'à des infiltrations de commandos très mobiles, à des razzias épisodiques dont ces marges désertiques ont souvent été le théâtre.

L'idée d'une fermeture hermétique de la frontière, opposée à un retour en force des berbères refoulés au désert par l'occupation romaine et devenus chameliers à basse époque, thèse développée leur temps par St. Gsell et E.-F. Gautier[67], est à présent remise cause. Une manière de consensus s'est établie dans les travaux récents consacrés a la frontière d'Afrique, pour réévaluer la fonction des défenses du limes en les recadrant de manière plus réaliste dans leur environnement géographique et anthropologique[68]: celui d’une zone de prédésert, vouée comme nous l'avons vu à la mobilité des hommes.

C'est finalement plutôt en terme de surveillance des courants de circulation, comme un instrument d'administration militaire et [p. 88] non comme une fortification hermétique qu'il convient d'interpréter ces installations. Placés en des lieux où semi-nomades et transhumants se concentraient avant de s'engager dans les couloirs conduisant vers les aires de culture et d'estivage de la steppe ou de la plaine côtière, ces "barrières" permettaient d'en réguler au mieux le flux - et de le protéger contre d'éventuels pillards ou autres latrunculi - en le canalisant vers les principaux passages obligés de la région: ceux d'EI Kantara et du Hodna en Algérie; ceux du Tebaga, de Tataouine et de Remada en Tunisie, où se trouvaient localisés en l'occurrence les principaux postes militaires qui pourvoyaient en gardiens ces installations de surveillance, avec leurs guichets" et tours de vigie.

Un tel contrôle pouvait avoir surtout pour but de faire respecter le calendrier des récoltes pour les troupeaux transhumants, mais aussi, éventuellement, d'exercer une taxation douanière sur les marchandises transportées vers les marchés périodiques situés dans la zone de contact entre unités naturelles d'économies complémentaires. C'est du moins ce que révèle l'exemple bien connu du portus de Zaraï, situé à l'aboutissement d'une de ces routes caravanières; une inscription célèbre donne la liste des produits assujettis à la taxe et le barème appliqué à chacun d'eux[69]. L'analyse des marchandises en question a montré qu'il pouvait s'agir d'un courant commercial de longue portée dont l'origine se trouve, en partie du moins, en Tripolitaine et sur la côte de la Petite Syrte et l'aboutissement sur les confins de la Maurétanie césarienne après avoir longé la frontière romaine de Numidie[70]. Un tel exemple suffit pour illustrer un faciès longtemps trop négligé de cette frontière d'Afrique: plus qu'à un souci de fermeture, idée qui sous-tendait la conception traditionnelle du limes, c'est a des valeurs d'échanges et de communication qu'une telle organisation se référait.

 

 



 

[1] A. Di Vita, Il limes romano in Tripolitania nella sua concretezza archeologica e sua realtà storica, «LibAnt», I, 1964, p. 65-98; E. W. B. Fentress, Numidia and Roman Army, «BAR», Int. Ser., 53, Oxford 1979, p. 243; DE, s.v. Limes [E. W. B. Fentress], IV, fasc. 43/2, 43/3, p. 21-47; P. Trousset, L'idée de frontière au Sahara et les données archéologiques, in Enjeux sahariens (Table Ronde CRESM, 1981), Aix-en-Provence 1984, p. 47-78; C. R. Whittaker, Frontiers of the Roman Empire; A Social and Economic Study, London 1994, p. 33-97; D. J. Mattingly, Tripolitania, London 1995, p. 68- 89.

 

[2] Iug. LXXX, 1 ; Encyclopédie berbère, s.v. Gétules [J. Desanges], XX, 1998, p. 3063.

 

[3] Plin., nat., V, 30, commentaire J. Desanges, Paris 1980, p. 326-8.

 

[4] E. W. B. Fentress, Tribe and faction: the case of ibe Gaetuli, «MEFRA», 94, 1982, I, p. 330, n. 13; Encyclopédie berbère, s.v. Gens, gentes, gentiles [C. Hamdoune], XX, p. 3045-52.

 

[5] Le commandement romain n'y renoncera finalement que sous la campagne de Blésus contre Tacfarinas: Tac., ann., III, 74.

 

[6] J. Desanges, Recherches sur l'activité des Méditerranéens aux confins de l'Afrique, Rome 1978, p. 189-95.

 

[7] Cf. P. Horden, N. Purcell, The corrupting Sea. A Study of Mediterranean History, Oxford 2000, p. 123.

 

[8] Tac., ann., II, 52-53; III, 20-21.

 

[9] Ann., II, 52; Encyclopédie berbère, s.v. Cinithi(i) [J. Desanges], XJII, 1994, p. 1958.

 

[10] J. Gascou, La politique municipale de l'Empire romain en Afrique Proconsulaire de Trajan à Septime Sévère, Rome 1972, p. 141-2.

 

[11] J.-M. Lassère, Un conflit "routier": observations sur les causes de la guerre de Tacfarinas, «AntAfr», 18, 1982, p. 11-25.

 

[12] P. Trousset, Les bornes du Bled Segui Nouveaux aperçus sur la centuriation romaine du Sud tunisien «AntAfr», 12, 1978, p 125-77; Id., Territoires de tribus et frontière au Sud de l'Africa Proconsularis, in F. Béjaoui (éd.), Histoire des Haut Steppes, Antiquité-Moyen Age, Actes du colloque de Sbeitla, 1998-1999, Tunis 2001, p. 59-68. De nouvelles bornes viennent d'être découvertes par L. Decramer et son équipe de la Section archéologique du CNES: L. Decramer et al., Approche géométrique des cadastres romains. Les nouvelles bornes du Bled Segui «Histoire & Mesure», XVI, 3/4, 2002, p. 109-62. Les conclusions de ce travail confirment le schéma général restitué déjà dans W. Barthel, Die Römische Limitation in der Provinz Afrika, «BJ», 120, 1911, p. 39-126. La seule nouveauté importante réside dans les méthodes proposées pour l'orientation et la construction géométrique du carroyage.

 

[13] Conservé au Musée de Gafsa.

 

[14] ClL VIII, 22786 e: Nybg(enii); CIL VIII, 22787, Barthel, Die Römiscbe, cit., p. 89: ex auctoritate imp(eratoris) Nervae Traiani Caes(aris) Aug(usti) … secundum formam missam ab eo (posuit).

 

[15] Je me réfère ici aux concepts appliqués à deux modèles successifs (hégémonique et  territorial) d'organisation impériale, par E. LuttwAk, La grande stratégie de l'Empire romain (trad. fr. B. et J. Pagès), Paris 1987, p. 41, 245 6.

 

[16] B. D. Shaw, Lamasba: an ancient irrigation community, «AntAfr», 18, 1982, p. 61-103; P. Trousset, Les oasis présahariennes dans l'Antiquité: partage de l’eau et divisions du temps, «AntAfr», 22, 1986, p. 163-93; Id., Thiges et la civitas Tigensium, in L’Afrique dans l’Occident romain (Ier siècle av. J.-C.-IVe siècle ap J.-C.), Rome 1990, p. 143-167.

 

[17] H. Ben Ouezdou, P. Trousset, Aménagements hydrauliques dans le Sud-Est tunisien, à paraître in Contrôle et distribution de l'eau dans le Maghreb antique et médiéval (Colloque Tunis 22/25 mars 2002).

 

[18] O. Brogan, Henscir el-Ausaf by Tigi (Tripolitania) and some related tombs in the Tunisian Gefara, «LibAnt», II, 1965, p. 54-6; N. Ferchiou, Le mausolée de Q. Apuleus Maximus à El Amrouni, «PBSR», 57, 1989, p. 47-76.

 

[19] Brogan, Henscir el-Ausaf, cit, p. 49, 51-3; P. Trousset, Recherches sur le limes Tripolitanus du Chott el-Djérid à la frontière tuniso-libyenne, Paris 1974, p. 107-26 (sites nos  120, 121, 122, 124, 129, 139, 140).

 

[20] CIL VIII, 2478-2479  17969-17971; Y. Le Bohec, La Troisième Légion Auguste, Paris 1989, p. 430-3.

 

[21] M. Euzennat, P. Trousset La camp de Remada. Fouilles inédites du Commandant Donau (mars-avril 1914), «Africa», V-VI, 1978, p. 111-90.

 

[22] IL4fr., 27 (Bir Rhezen); CIL VIII, 22759-22761 (Ksar Rhilane).

 

[23] Le Bohec, , La Troisième Légion Auguste, cit. p. 396, 398.

 

[24] Ibid., p. 393, n. 229.

 

[25] IRTrip, 914, 915, 916; R. Rebuffat Les inscriptions des portes du camp de Bu Njem, «LibAnt», IX-X, 1972-73, p. 99-120.

 

[26] A Remada, il s'agit d'une restauration d'un temple (aedes) dans le camp, ce qui suggère que celui-ci a été fondé à une époque antérieure; cf Euzennat, Trousset, Le camp de Remada, cit., p. 139-43. A Si Aoun, il y a installation d'une garnison (praepositus) composée d'un détachement de la II FI(avia) Afr(orum) et d'un n(umerus) col(latus); cf M. Euzennat, Nouvelles recherches dans le Sud de la Tripolitaine, «CRAI», 1972, p. 19, note 1.

 

[27] It. Ant. (éd. O. Cuntz), 73-77, p. 10-11.'

 

[28] C'est l'interprétation de Donau er de Cagnat que j'avais suivie dans mon Limes Tripolitanus, cit., p. 32-3.

 

[29] Mattingly, Tripolitania, cit., p. 64, rappelle avec raison que l'Itinéraire Antonin n'est pas un guide renseignant le voyageur sur les chemins les plus courts, mais sans doute une archive consignant le souvenir de tournées officielles d'inspection.

 

[30] T. P., VI, 1-2: Thiges XXV Thuzuros XXX Aggarsel Nepte CXV Agarsel XIV Puteo.

 

[31] CIL VIII, 87, 88, 89; P. Trousset, Mercure et le limes: à propos des inscriptions de Kriz (Sud Tunisie), in Studien zu den Militärgrenzen Roms III, Vortrage des 13 Internationalen Limeskongresses, Aalen 1983, Stuttgart 1986, p. 662, fig. 2.

 

[32] CIL VIII, 23160-23164; Ct. Donau, Recherches archéologiques en  1907, «BCTH», 1909, p 33-4.

 

[33] CIL VIII, 22765 = ILTun, 3.

 

[34] Y. Le Bohec, Les unités auxiliaires de l'armée romaine en Afrique Proconsulaire et Numidie sous le Haut Empire, Paris 1989, p. 34-5, 76-9.

 

[35] Euzennat, Trousset, Le camp de Remada, cit., p. 111-6.

 

[36] J. Baradez, Fossatum Africae. Recherches aériennes sur l'organisation des confins sahariens à l'époque romaine, Paris 1949, p. 93-108; P. Trousset, Le camp de Gemellae sur le limes de Numidie d'après les fouilles du colonel Baradez (1947-1950), in Limes. Akten des 11. Internationalen Limeskongresses (Székesféhervár 1976), Budapest 1977, p. 559-76; J.-P. Laporte, Rapidum. La camp de la cohorte des Sardes en Maurétanie Césarienne, Sassari 1989.

 

[37] R. G. Goodlhild, Selected papers ed. by J. Reynolds, «LibStud», 1976, p. 46-58; G. Barker et al., Farming the Desert, The UNESCO Libyan Valleys Archaeological Survey, vol. II, Tripoli-London 1996, p. 98-105; R. Rebuffat, Bu Njem 1971, «LibAnt», XI-XII, 1974-75, p. 189-218.

 

[38] R. Marichal, Les ostraca de Bu Njem, «CRAI», 1979, p. 436-52; R. Rebuffat, Au delà des camps d'Afrique Mineure, in ANRW II, 10, 2, 1982, p. 508.

 

[39] IRTrip, 909 (Sévère Alexandre).

 

[40] A. Merlin, Le fortin de Bezereos sur le limes tripolitanus, «CRAI», 1921, p. 236-48.

 

[41] Not Dign., Oc., (éd. O Seek), XXI, 5, p. 186. On sait maintenant que cette division en secteurs - dans le cadre du limes Tripolitanus (et d'une regio Tripolitana) est attestée antérieurement sous le règne de Philippe: IRTrip, 880, G. Di Vita-Evrard, Regio Tripolitana. A Reappraisal, in D. J. Buck, D. J. Mattingly (eds.), Town and Country in Roman Tripolitania, Papers in Honour of Olwen Hackett, «BAR». Int. Ser., 274, Oxford 1985, p. 149-52.

 

[42] J.-M. Lassère, Remarques onomastiques sur la liste militaire de Vezereos (ILAfr 27) in Roman Frontier Studies 1979. Papers presented to 12th International Congress of Roman Frontier Studies, ed. by W. S. Hanson, L. J. F. Keppie, «BAR», Int. Ser., 71 (III), Oxford 1980, p. 955-75.

 

[43] G.-Ch. Picard, Castellum Dimmidi, Alger-Paris 1947.

 

[44] CIL VIII, 22631.

 

[45] CIL VIII, 22759 et CIL VIII, 22760 (sur un fragment de stuc peint).

 

[46] Lt. Gombeaud, Fouilles du castellum d'El Hagueuff, «BCTH», 1901, p. 81-94, pl. XVI; Trousset, Recherches sur le limes Tripolitanus, cit., p. 92-4.

 

[47] Par exemple, la dédicace à Jupiter a été remployée comme linteau de porte d’une cellule à droite de l'entrée du poste.

 

[48] Colonel Reyniers, Une leçon d’histoire militaire, Le système défensif romain dans le Sud tunisien, «Revue du Génie militaire», LXXXII, 1949, p. 325-32.

 

[49] P. Gauckler, Le centenarius de Tibubuci, «CRAI», 1902, p. 321-41; Trousset, Recherches sur le limes Tripolitanus, cit., p. 90-92.

 

[50] CIL VIII, 22763 = ILS, 9352.

 

[51] Vers la même époque est créé le centenarium d'Aqua Viva en Numidie et à une date antérieure, sous Philippe le Jeune (entre 244 et 247), celui de Thenteos (Gars Duib) dans un autre secteur de Tripolitaine.

 

[52] Cette hypothèse est suggérée par la mention des Arz(uges) sur la borne de Trajan (CIL VIII, 22763), découverte près du puits de Bir Soltane. Celui-ci marquait naguère encore, la limite des territoires de transhumance respectifs des Merazig de Douz et habitants de la région du Jebel, cf. Cne Maquart, Etude sur la tribu des Haouaia (territoire de Médenine), «RT», 30, 1937, p. 253-95.

 

[53] Mattingly, Tripolitania, cit., p. 83, 106, fig. 13.

 

[54] R. Rebuffat, Végèce et le télégraphe Chappe, «MEFR», 90, 2, 1978, p. 829-6I; P. Trousset, Tours de guet (watch-towers) et système de liaison optique sur le limes Tripolitanus, in Akten des 14. Internationalen Limeskongresses 1986 in Carnuntum, I, Wien 1990, p. 247-77.

 

[55] CTh, VII, 15, 1 (éd. Th. Mommsen, Berlin 1904 [1962], p. 341-2); Baradez, Fossatum Africae, cit., p. 93-106; J. Napoli, Recherches sur les fortifications linéaires romaines, Rome 1997, p. 408-33.

 

[56] ST. Gsell, Le fossé des frontières romaines dans l'Afrique du Nord, in Mélanges Boissier, Paris 1903, p. 227-34.

 

[57] Trousset, Recherches sur le limes Tripolitanus, cit., p, 62-7, 152-54, fig. 8; Id., Note sur un type d’ouvrage linéaire du limes d’Afrique, «BCTH», n.s., 17B, 1984, p. 385-7.

 

[58] Trousset, Les bornes du Bled Segui, «AntAfr», 12, 1978, p. 168-9, fig. 15-18.

 

[59] Trousset, Note, cit., p. 384; Id., Nouvelles barrières romaines de contrôle dans l’extrême sud tunisien, «BCTH», n.s., 24B, 1997, p. 155-63.

 

[60] E. Birley, Hadrianic Frontier Policy, in Carnuntina (Röm. Forsch. in Niederösterreich, 3), Graz, Köln 1956, p. 28-30; Fentress, Numidia and the Roman Army, cit., I, p. 98-102. J. Baradez s'était rallié à cette datation dans ses Compléments inédits au Fossatum Africae, in Studien zu den Militärgrenzen Roms (6. Internationalen Limeskongresses in Süddeutschland, 1964), Köln 1967, p. 200-10.

 

[61] J. Carcopino, Le limes de Numidie et sa garde syrienne, «Syria», VI, 1925, p. 43-5; D. van Berchem, L'armée de Dioclétien et la reforme constantinienne, Paris 1952, p. 37-49; J. Guey, Note sur le limes romain de Numidie et le Sahara au IVe siècle, «MEFR», LVI, 1939, p. 178-248.

 

[62] C'est la datation que semble devoir retenir Napoli, Recherches, cit., p. 440-6.

 

[63] Guey, Note sur le limes romain, cit., p. 229.

 

[64] Baradez, Fossatum Africae, cit., p. 147.

 

[65] M. Bénabou, La résistance africaine a la romanisation, Paris 1976, p. 580-4.

 

[66] Luttwak, La grande stratégie, cit., pp. 58-9.

 

[67] St. Gsell, La Tripolitaine et le Sahara au IIIe siècle de notre ère, «MMAI», 43, 1926, p. 149-66.

 

[68] Ch. R. Whittaker, Land and Labour in North Africa, «KIio», 6o/II, 1978, p. 331-62; Id., Frontiers of the Roman Empire, cit., 1994, p. 92-5; P. Trousset, Signification d'une frontière: nomades et sédentaires dans la zone du limes d'Afrique, in Roman Frontier Studies 1979, cit., p. 931-42; Mattingly, Tripolitania, cit., préface et p. 160-70.

 

[69] CIL VIII, 4508, 18643.

 

[70] J.-P. darmon, Note sur le tarif de Zaraï, «CT», 47-48, 1964, p. 7-23, P. Trousset, Le tarif de Zaraï, essai sur les circuits commerciaux dans la zone présaharienne, «AntAfr», 38 (à paraître).