N. 8 – 2009 – Memorie//Africa-Romana
Stéphanie Guédon
Université
de Limoges
Les
voyages des empereurs romains en Afrique jusqu’au iiie
siècle
(pubblicato in
L’Africa romana. Mobilità delle persone e dei popoli, dinamiche
migratorie, emigrazioni ed immigrazioni nelle province occidentali
dell’Impero romano. Atti del XVI convegno di studio. Rabat, 15-19
dicembre 2004, a cura di M. Akerraz, P. Ruggeri, A. Siraj, C. Vismara,
Roma, Carocci editore, 2006, II, pp. 689-720).
Sommario: 1. La
restitution du voyage d’Hadrien en Afrique. – 1.1. Un ou plusieurs voyage en Afrique? – 1.2. Le voyage d’Hadrien en 128 à
l’appui des sources: présentation des différents types de
sources invoquées et problèmes d’interprétation.
– 1.3. Les différentes
hypothèses de restitution proposées de l’itinéraire
suivi par Hadrien. – 2. Septime
Sévère l’Africain ou le retour de l’empereur en
Afrique? – 2.1. Les sources et leur
interpretation. – 2.2. Les
différentes hypothèses de datation et propositions de restitution
de l’itinéraire suivi par Septime Sévère.
– 3. Bilan et perspectives de comparaison.
– 4. Conclusion.
Le voyage est
un mode de gouvernement que les empereurs romains commencent à mettre en
application dès Auguste. Mais il revient à Hadrien[1]
d’avoir le premier entrepris une tournée africaine, vers une terre
qu’aucun de ses prédécesseurs au trône n’avait
foulée. Non pas qu’ils n’y aient pas songé:
Suétone raconte dans sa biographie d’Auguste que le premier
empereur romain avait projeté de se rendre en Afrique mais une
série d’intempéries l’en empêchèrent en
36 avant J.-C.[2].
Seules alors, parmi les provinces de l’Empire du ier siècle avant J.-C., la Sardaigne et
l’Afrique n’auraient pas reçu la visite d’Auguste.
C’est Hadrien qui initia donc un nouveau contact entre l’Afrique et
Rome. Plus tard, nous rapporte l’Histoire
Auguste, Commode aurait projeté lui aussi un voyage en Afrique mais,
selon l’auteur, loin de toute considération politique, afin de
dépenser les frais de route obtenus en festins et jeux de hasard[3].
Puis, il faut attendre que l’empereur soit lui-même africain, avec
Septime Sévère, pour que la question de voyages impériaux
dans les provinces d’Afrique se pose de nouveau à travers les
sources.
[p. 690]
Dion Cassius
et l’Histoire Auguste montrent
plus souvent Hadrien en déplacements nombreux dans les régions de
l’Empire, qu’à Rome[4].
On estime ainsi qu’au cours de ses vingt ans de règne, Hadrien
aurait consacré une dizaine d’années à parcourir
l’Empire, approximativement entre 120 et 131[5].
Les voyages étaient pour lui, en plus d’un mode de gouvernement et
un outil politique, un véritable mode de vie par lequel il satisfaisait
sa curiosité personnelle[6].
Durant son règne, Hadrien entreprit alors cinq voyages à travers
l’Empire[7]:
un premier en 117-118 afin de rejoindre Rome à partir de la Cilicie,
à la suite de la mort de Trajan; une grande tournée de 121
à 125, de la Bretagne à l’Anatolie en passant par la
Grèce au retour; un bref séjour dans la plaine du Pô en
127; un quatrième ensemble de voyages, en 127-128, en Sicile puis, de
retour à Rome, en Afrique; enfin, une deuxième grande
tournée à travers l’Empire, de 128 à 135. La mort
d’Antinoüs marque la fin de la narration des voyages d’Hadrien
dans le récit de l’Histoire
Auguste. Le voyage en Afrique n’appartient donc pas aux deux grandes
tournées impériales dans les provinces mais il tient une place
particulière: c’est uniquement pour visiter cette région
que le prince entreprit un déplacement depuis Rome au cours de
l’année 128.
Un passage de
l’Histoire Auguste fut
interprété par certains historiens comme la preuve de la venue
d’Hadrien en Afrique au cours de la grande tournée entreprise de
121 à 125[8].
En effet, selon [p. 691] l’Histoire
Auguste, l’empereur «réprima des soulèvements
chez les Maures»[9],
à la fin de son premier grand voyage à travers l’empire en
121-122. À partir de ce passage, il fut déduit qu’Hadrien
était directement venu de l’Hispanie en Maurétanie
où il aurait passé l’hiver, afin de mener en personne une
campagne contre la rébellion maure. Mais, comme le rappelle R. H.
Chowen, qu’un empereur ait conduit personnellement ou non une
expédition militaire, il en récolte quoi qu’il en soit les
fruits de la victoire[10].
Ces quelques lignes de l’Histoire
Auguste ne suffisent donc pas pour impliquer nécessairement une
intervention d’Hadrien. Rien dans les deux autres témoignages sur
la venue d’Hadrien en Afrique livrés par l’Histoire Auguste, ne laissent par
ailleurs supposer deux voyages successifs. Dans l’un, le narrateur
évoque la traversée de la Méditerranée par Hadrien
pour passer de l’Italie à l’Africa[11]:
ce dernier terme doit être pris de façon très probable dans
un sens géographique général pour désigner
l’ensemble des provinces africaines, comme le soutient
l’utilisation, dans le même passage, de l’expression globale
des provinciis Africanis,
plutôt que dans un sens administratif restreint à la province de
l’Africa Proconsularis[12].
Par ailleurs, dans la dernière allusion de l’Histoire Auguste, il n’est question que d’une seule
venue coïncidant avec le retour de la pluie après cinq
années de sécheresse[13]
et le terme d’Africa semble de
nouveau pouvoir être pris dans son acceptation géographique
générale pour désigner l’ensemble des provinces
africaines[14].
C’est dans ce même sens qu’Eutrope emploie le terme Africa, quand, à propos des
origines de Septime Sévère, il distingue bien l’Africa de [p. 692] la provincia Tripolitana, en suivant une
gradation géographique[15].
On peut alors suivre R. H. Chowen pour qui l’agitation
évoquée dans le premier passage de l’Histoire Auguste fut stoppée sans l’intervention
personnelle de l’empereur[16].
Néanmoins,
la thèse de la présence personnelle de l’empereur sur le
territoire africain en 121-122 fut défendue dernièrement par A.
J. Birley[17],
s’appuyant sur deux arguments d’ordre littéraire
tirés de ces mêmes passages de l’Histoire Auguste. Il invoque d’une part les prières
publiques votées en faveur d’Hadrien par le sénat à
la suite de son intervention en Germanie et de la répression de la
révolte maure: A. J. Birley attribue alors ses prières à
la participation de l’empereur aux deux expéditions[18].
Par ailleurs, il considère que l’évocation par l’Histoire Auguste des frontières
artificielles juste avant la révolte maure impliquerait que
l’empereur ait demandé aux gouverneurs des deux Maurétanies
de porter leur attention sur ce fait et que lui-même ait projeté
une inspection des frontières d’Afrique du Nord.
Ces arguments
ne reposent alors sur aucune preuve solide et dépendent d’une
interprétation personnelle du texte de l’Histoire Auguste qui va bien au-delà de l’information
qu’elle délivre. Mais ce n’est pas la seule source
littéraire invoquée par A. J. Birley, qui s’appuie par
ailleurs sur un passage de Phlegon[19],
affranchi d’Hadrien, dont les deux derniers livres des Olympiades sont consacrés au
règne de cet empereur. Or, Phlegon fait une référence, au
livre xv[20],
à la ville africaine de Furnita
et à ses habitants. Arguant que le livre xv couvre les années 117-125, A. J. Birley
suggère que l’empereur avait eu à faire avec cette ville
lors de son voyage en 123, ce qui expliquerait qu’elle soit connue et
mentionnée par Phlegon pour ces années-là.
D’autres
historiens ont fait appel à l’archéologie pour
étayer [p. 693] l’hypothèse de deux voyages[21].
Selon eux, au cours du premier voyage en 122-123, l’empereur aurait
opéré une réorganisation des défenses de
l’Afrique, en liaison avec la révolte maure qui venait de
sévir: sont données comme preuve l’installation des
Chalcidéniens sur la rive de l’Oued Djedi à Gemellae, attestée en 126 sur le
site du futur camp, la construction de la route Carthage-Theveste en 123 et la réfection en 126 de la voie Cirta-Rusicade. Mais ces éléments de réorganisation
sur la frontière africaine ne sont pas probants[22].
L. Leschi lui-même, l’un des principaux partisans d’un lien
entre un premier voyage d’Hadrien et les réformes militaires,
semble s’être détaché de cette hypothèse[23].
Des indices épigraphiques montrent effectivement que les procurateurs
d’Hadrien, en poste en Césarienne, se soucièrent
d’améliorer les défenses de la province avant même
l’année 122. C’est ce qui ressort de la création, par
les procurateurs de l’empereur dès 119 ou 120, du praesidium Sufatiuve[24].
L’idée d’un rapport entre la révolte maure et la
nouvelle installation des Chalcidéniens en 126, ainsi que la
réfection de la voie Cirta-Rusicade
la même année, soulève d’autre part des
problèmes de cohérence chronologique. En effet, la date de 126
apparaît trop tardive pour avoir un lien avec des
événements passés en 123. Par ailleurs, si le voyage fut
envisagé, il dut être reporté à cause de la menace parthique
requérant alors la présence de l’empereur sur un autre
front de l’Empire.
Dans
l’état actuel des recherches, nous considérons donc
l’hypothèse d’un premier voyage d’Hadrien en 123,
comme peu [p. 694] probable. En revanche, le voyage d’Hadrien en Afrique
en 128 est certifié par différents types de sources[25].
L’Histoire Auguste en a
conservé le souvenir à travers deux passages[26].
La venue
d’Hadrien en Afrique aurait laissé le meilleur souvenir dans la
province car son arrivée se serait accompagnée d’une pluie
inespérée, interrompant miraculeusement la période de
sécheresse qui aurait sévi depuis cinq ans[27].
Que déduire de cette information climatique? Selon Y. Le Bohec, elle
concerne la zone provinciale limitrophe du Sahara, au sud de l’actuelle
Algérie[28].
Quoi qu’il en soit, on peut douter que cette période sèche
fut aussi longue que le prétend l’Histoire Auguste, les pluies se firent alors peut-être
simplement plus rares durant cinq années.
Des
témoignages épigraphiques et numismatiques viennent à
l’appui de l’Histoire Auguste
à propos du voyage d’Hadrien en Afrique. La source principale est
constituée par les discours de l’empereur devant les armées
d’Afrique. À travers eux le voyage d’Hadrien dans les
provinces africaines revêt la forme d’une tournée
d’inspection auprès des corps de troupes qui y étaient
stationnés : un monument retrouvé à Lambèse a ainsi
conservé le souvenir gravé de cinq allocutions impériales
devant la iiie Légion
Auguste et ses différents auxiliaires[29].
On dispose par ailleurs d’une [p. 695] inscription mentionnant un comes divi Hadriani per Siciliam, Africam,
Mauretaniam[30].
L’activité monétaire semble également
s’être inspirée du passage d’Hadrien sur le sol
africain: une série de monnaies frappées à Rome vers la
fin de son règne rappelle le voyage que l’empereur y entreprit[31].
Elles montrent trois sujets principaux: l’Afrique personnifiée, le
thème de l’adventus et
de l’exercitus Mauretanicus[32].
Les mentions
de l’Histoire Auguste,
combinées aux témoignages épigraphiques et numismatiques,
semblent donc pouvoir donner la direction générale de
l’itinéraire suivi par Hadrien qui, après avoir
quitté Rome, passa par la Sicile pour aborder en Afrique et se rendre
ensuite en Maurétanie.
La restitution
des allocutions impériales devant les armées d’Afrique
reproduit les appréciations livrées par Hadrien à la suite
des manœuvres qu’il observa pour chaque unité. Elle permet
alors de préciser l’itinéraire d’Hadrien. On sait
ainsi qu’il fut à Lambèse le ier juillet 128, où il rencontra l’infanterie et
la cavalerie de la iiie
Légion Auguste et la cohors ii Hispanorum; à Zarai le 7 juillet pour visiter une
cohorte inconnue; puis le 12 ou 13 juillet, au camp de base de la cohors vi
Commagenorum, probablement à Phua
non [p. 696] loin de Cirta[33],
où était aussi présente l’Ala i Pannoniorum.
Enfin, cette liste s’achève en indiquant qu’Hadrien se
rendit au lieu indéterminé de garnison de la cohors ii Flavia Equitata,
à une date non établie. Ces témoignages des discours
d’Hadrien sont les seuls indices chronologiques précis de son
passage en Afrique. Pour le reste, la restitution de l’itinéraire
qu’il suivit, sa durée et l’identification des étapes
principales qui le jalonnèrent, se fondent sur des hypothèses.
À la
fin du xixe siècle, J.
Dürr proposa de reconstituer le trajet du prince à partir des
cités qui reçurent des bénéfices d’Hadrien,
ou encore manifestèrent leur reconnaissance envers le prince par la
construction d’édifices en son honneur[34].
En effet, selon l’Histoire Auguste[35],
Hadrien «se rendit en Afrique et combla de bienfaits les provinces
africaines», ce que corroboreraient les sources épigraphiques.
Arrivé en Afrique, l’empereur aurait piqué, à partir
de Carthage et Utica, vers le sud,
jusqu’à Turris Tamalleni,
puis suivi la direction de Lambèse et serait également
passé à Zarai. Puis,
parvenu en Maurétanie, Hadrien aurait fait demi-tour pour reprendre, en
suivant la côte, la direction de Carthage, d’où il aurait
réembarqué pour Rome. Selon J. Dürr, le voyage africain
d’Hadrien dura alors environ six mois, de mars à novembre.
Un autre essai de restitution fut proposé un peu plus tard par W.
Weber, au début du xxe siècle, s’appuyant sur les
mêmes sources que J. Dürr[36].
W. Weber évalue alors la durée du voyage d’Hadrien à
quatre mois environ, envisageant de le faire commencer en avril ou mai.
L’empereur serait ainsi rentré à Rome aux environs du mois
d’août. Ce n’est pas la seule différence avec les
thèses avancées par J. Dürr car W. Weber propose par
ailleurs un itinéraire inverse par rapport à son
prédécesseur. De Carthage, Hadrien se serait rendu, selon W.
Weber, à Utica, Thabarca, Rusicade, Cirta, Choba, puis à Quiza et en Maurétanie
Sitifienne. Le circuit du retour l’aurait ensuite conduit à Auzia, Lambèse, Zarai, Phua, Theveste et enfin Carthage d’où Hadrien serait reparti
pour Rome. Il aurait donc suivi principalement, avec quelques crochets, la [p.
697] route de la côte, tandis qu’au retour le choix des
étapes montre un voyage à l’intérieur des terres.
P. Romanelli,
après avoir confronté les deux itinéraires
suggérés par les savants allemands, prit position dans les
années cinquante en faveur de la thèse de W. Weber[37].
Une fois rentré à Rome, Hadrien repartait effectivement peu de
temps après pour la Grèce et l’Orient, ce qui conduit P.
Romanelli à penser que l’empereur devait être rentré
en Italie au plus tard à la fin du mois d’août. C’est
la position adoptée plus récemment par H. Halfmann qui situe le
retour d’Hadrien à Rome, puis son départ vers
Athènes, à la fin de l’été 128[38]
.
Parti de Rome,
l’empereur aurait alors, selon P. Romanelli, accosté à
Carthage. L’Histoire Auguste
nous apprend qu’à cette occasion la capitale africaine fut
appelée Hadrianopolis[39]
mais aucune trace épigraphique n’a conservé le souvenir de
ce changement de nom. Hadrien aurait profité de son passage à
Carthage pour visiter le municipe tout proche d’Utica, auquel il aurait alors accordé le statut de colonie[40].
Le savant italien penche ensuite pour un trajet en direction de Theveste. Au cours de cet
itinéraire, les villes de Thuburbo
Maius, Abthugni, Zama Regia, Althiburos auraient constitué les principales étapes
d’Hadrien sur la route de Carthage à Theveste. De là, le parcours se serait poursuivi vers Capsa où un arc
dédié à Hadrien conserve peut-être le souvenir de
son passage[41],
puis Gemellae. Ce circuit aurait
permis à l’empereur de visiter les lignes romaines
défensives de la frontière. On peut remarquer que si la
restitution du périple africain de l’empereur divise encore
aujourd’hui les chercheurs, le tronçon Carthage-Lambèse par
Theveste fait
l’unanimité, qu’il soit situé à l’aller
du prince débarquant à Carthage, ou dans un itinéraire de
retour bouclant sa visite des provinces africaines. Pour en revenir au trajet
suggéré par P. Romanelli, le passage en revue des troupes se
serait ensuite prolongé en direction de Lambèse, Zarai et Phua.
[p. 698]
L’empereur avança jusqu’en Maurétanie
Césarienne, peut-être en Tingitane mais ce n’est pas
assuré. En effet, il est possible que son voyage le conduisit
jusqu’à Quiza,
située sur la route de Portus
Magnus en Césarienne où un arc fut dressé en son
honneur la même année[42],
mais ce seul témoignage archéologique ne suffit pas à
l’affirmer[43].
A. R. Birley suggère qu’Hadrien rallia peut-être
l’Italie à partir de Portus
Magnus[44],
tandis que P. Romanelli suppose un trajet de retour vers l’Italie via
Carthage.
Si P. Romanelli s’accorde avec ses prédécesseurs pour
penser que l’itinéraire de l’empereur peut se déduire
des différentes promotions et bénéfices qu’il
accorda aux cités africaines comme le mentionne l’Histoire Auguste, J. Gascou[45]
met en garde contre une lecture trop linéaire de ce texte utilisé
comme argument pour faire coïncider les promotions juridiques des villes
africaines en colonies ou municipes sous le règne d’Hadrien, avec
son passage dans la province[46].
J. Gascou souligne d’une part que le terme beneficia, employé par Spartien pour évoquer les
«bénéfices» que l’empereur aurait
accordés aux cités africaines, peut être
interprété de bien des manières, par exemple dans le sens
de construction de routes, remises d’impôts, monuments publics
édifiés aux frais de l’empereur, ou recouvrir une
réalité plus large encore. D’autre part, les quelques mois
passés par Hadrien dans les provinces africaines ne paraissent pas, pour
J. Gascou, être un délai de temps suffisant pour que le prince ait
pu répandre le droit de municipe et de colonie à un aussi grand
nombre de villes uniquement au cours de son voyage. A. Merlin et J. Poinssot
ont cru cependant possible de déterminer précisément
celles qui en bénéficièrent lors de la venue
d’Hadrien sur le sol africain, suggérant que son voyage de
Carthage à Lambèse aurait été marqué par les
faveurs impériales accordées aux cités situées sur
cette route[47].
Ainsi s’expliquerait la transformation d’Althiburos en municipe et les [p. 699] promotions d’autres
villes localisées soit sur la même route, soit à
proximité, entre La Medjerda et l’oued Miliane. Pour J. Gascou,
une telle hypothèse est invérifiable et il préfère
voir une politique réfléchie de promotion juridique des cités
plutôt que de s’en remettre au hasard de la route qui aurait conduit
l’empereur vers telle ou telle cité. Mais ces deux conceptions ne
sont pas inconciliables. On ne saurait parler, comme J. Gascou, de hasard car
les voyages des empereurs répondaient à un itinéraire
prédéterminé et rien n’empêche alors de penser
que la décision de promouvoir un certain nombre de villes fit parti du
plan élaboré à Rome en prévision du voyage
africain. Mais il est bien difficile de citer quelles villes
bénéficièrent précisément de ces faveurs
à l’occasion du voyage d’Hadrien.
On a
d’ailleurs des exemples précis sur l’importante
préparation mise en œuvre dans le cadre de la planification des
voyages d’Hadrien, bien qu’ils ne soient pas africains[48].
Ainsi, huit mois avant son arrivée en Egypte durant
l’été 130, des aménagements des bords du Nil
étaient en cours au niveau d’Oxyrhyncus
pour recevoir l’empereur.
Nous pouvons
donc conclure à un seul voyage en Afrique d’Hadrien, en 128, selon
un trajet qui emprunta la voie Carthage-Theveste
de façon quasiment sûre, pour le conduire probablement, lors
d’un itinéraire aller, vers les lignes frontières. Sa venue
jusqu’en Maurétanie reste, elle, encore hypothétique.
Après Hadrien, c’est Septime Sevère qui rétablit le
lien entre la personne de l’empereur et l’Afrique. Le contact est
d’autant plus favorisé avec Septime Sévère
qu’il est lui-même originaire de cette région de
l’empire romain. Parti de Leptis
Magna, sa ville natale, pour Rome en 162, il revint en Afrique en 174-175
comme légat de Carthage auprès de son cousin alors proconsul
d’Afrique. Une fois devenu empereur en 193, il aurait effectué en
203 un nouveau voyage en Afrique dont la restitution, sinon
l’authenticité, est encore aujourd’hui source de
discussions.
[p. 700]
Avec Septime
Sévère, le voyage est également érigé en
véritable mode de gouvernement, qui le mène à passer une
grande partie de son règne sur les routes des provinces romaines.
Néanmoins, parmi les historiens latins, seuls Aurelius Victor[49]
et l’Histoire Auguste[50]
pourraient faire allusion au voyage de Septime Sévère, dans des
passages très discutables. Les deux extraits ne renvoient en effet
qu’à une victoire remportée au nom de l’empereur sans
que l’on sache s’il mena l’expédition en personne ou
si les honneurs d’une campagne réussie lui revinrent simplement.
Philostrate, contemporain de Septime Sévère, évoque par
ailleurs le voyage de celui-ci en Libya[51].
Mais, d’une part, il semble bien que Philostrate inclue dans le terme Libya l’Egypte, d’autre part
les éléments de datation font défaut dans le texte de
Philostrate. L’extrait de Philostrate fut rapproché de
l’évocation chez Procope[52],
selon la traduction donnée du texte grec, d’un édifice
laissé par Septime à sa ville[53].
Mais la compréhension du texte de Procope reste sujette à
discussion. La lecture que donne en particulier J. Guey n’établit
pas de lien direct avec un voyage de Septime à Leptis[54].
[p. 701]
D’autres témoignages historiques complètent les rares
mentions littéraires pour étayer la thèse du voyage de
Septime Sévère en Afrique. Il s’agit d’une part de
monnaies, évoquant les bienfaits accordés par le prince à
la région. Plusieurs, frappées en 203-204, les unes à
l’effigie de Septime d’une part, de Caracalla de l’autre,
portent le revers indulgentia Augusti[55].
Cette légende semble pouvoir être mise en rapport avec
l’octroi du droit italique à Carthage, par ailleurs attesté
par le Digeste[56],
auquel Septime Sévère aurait pu procéder lors de sa venue
à Carthage[57].
La ville possédait une immunité depuis Trajan mais elle
n’était que partielle. Elle devint pleine et entière
grâce à Septime Sévère aux environs de
l’année 205[58].
Or, la légende indulgentia Augusti
paraît sur le revers des monnaies romaines à partir
d’Hadrien, avec toujours le sens de remise d’impôt
accordée par l’empereur. La concession du droit italique rendait
alors exempte d’impôts la colonie provinciale[59].
La figuration de la déesse Caelestis à côté de qui
des eaux s’échappent d’un rocher, sur un as de Septime
Sévère, un sesterce et un dupondius de Caracalla, les trois
frappées en 203[60],
portant au revers la légende indulgentia
Aug. in Carth, laissa alors penser qu’il s’agirait de la remise
de la taxe que devaient payer les Carthaginois afin de financer les frais
engagés pour la construction de l’aqueduc du mont Zaghouan
à Carthage[61].
D’autres
monnaies ont été mises en rapport avec Carthage et Septime
Sévère, pour argumenter l’hypothèse de sa venue dans
la capitale africaine. Fut ainsi invoqué un aureus daté de 207,
qui porte l’effigie [p. 702] de Septime Sévère et sur le
revers une figuration de temple sur le devant duquel se tient Esculape. Le
même revers apparaît sur une autre monnaie de Septime
Sévère, de Caracalla et de Géta. Elles furent alors
interprétées comme la preuve de la restauration ou de
l’embellissement du temple d’Esculape de Carthage, preuve
supplémentaire du voyage de l’empereur sévérien dans
cette ville[62].
Mais
l’octroi du ius Italicum[63],
par Septime Sévère ou plus tard[64],
à Carthage, Leptis Magna[65]
et Utica, de même que la
restauration et la construction de monuments[66],
ne requièrent pas nécessairement la présence de
l’empereur[67].
Néanmoins, ces interventions impériales ont pu tout aussi bien
prendre forme à l’occasion d’un voyage impérial et
composent donc une conjonction d’actions qui rend la présence du
prince d’autant plus plausible, à défaut de probable.
Certains historiens s’appuient d’autre part sur l’arc
quadrifrons de Leptis Magna[68]
et les similitudes très fortes qu’il présente avec [p. 703]
l’arc septimien de Rome sur le forum
Boarium[69],
pour argumenter la thèse d’un voyage de la famille
impériale sévérienne dans la ville d’origine de
l’empereur et par conséquent dans les provinces africaines. Aucune
dédicace épigraphique ne permet cependant de dater
précisément la construction de l’arc de Leptis: les partisans d’un voyage
de Septime Sévère en Afrique ont supposé qu’il fut
érigé en 203, sur la base que Septime Sévère se
trouvait à Leptis à ce
moment-là[70].
L’arc quadrifrons de Leptis
montre quatre reliefs et représente en particulier une scène de
triomphe rattachée à la famille impériale
sévérienne, qui connut plusieurs interprétations. Certains
proposèrent d’y voir un hommage local du triomphe de Septime sur
les Parthes, parallèlement à la représentation plus
officielle présente à Rome sur l’arc qui lui était
dédié[71].
D’autre part, la scène de guerre sur l’arc quadrifrons de Leptis figure le siège
d’une ville, identifiée de façon vague comme «une
ville de l’Est»[72],
tandis que d’autres ont postulé qu’il s’agissait plus
précisément de Nisibe assiégée par les Parthes[73],
ou encore de Ctésiphon dont la prise couronnait la guerre parthique de
Septime Sévère[74].
On suggéra [p. 704] aussi que le siège de la ville se rattachait
à l’expédition africaine qu’aurait menée
Septime Sévère. La ville en question symboliserait Leptis, qui célébra alors
le triomphe de l’empereur à travers les différents panneaux
de l’arc quadrifrons, à l’occasion du retour de
l’empereur dans la cité en 203, après son expédition
victorieuse[75].
Selon une autre hypothèse, à l’arc pourrait être
lié l’octroi à la cité du statut de colonia iuris Italici, bien que la mise
en parallèle entre la célébration d’une victoire de
l’empereur et un événement local tel que le changement de
statut de la cité de Leptis
laisse sceptique[76].
Mais ces
diverses interprétations ne sont peut-être pas incompatibles,
encore faut-il distinguer précisément entre les
différentes scènes représentées sur l’arc
quadrifrons et non les considérer comme un tout. Ainsi, P. Veyne suggère
de rapprocher la scène de sacrifice de l’arc lepcitain, au
cœur de laquelle est représentée la famille impériale
accompagnée de militaires dont l’apparence laisse supposer
qu’il s’agit des représentants d’un corps auxiliaire
ou d’une vexillatio envoyée
en Tripolitaine, au relief sévérien de sacrifice figuré
à Sabratha[77].
Ce dernier s’inscrit dans un ensemble de bas-reliefs
d’époque sévérienne qui décore le pulpitum du théâtre de Sabratha. Sur ces deux reliefs figure le
couple Ordo et Populus sous l’aspect d’un jeune homme en toge et
d’un vieillard[78],
ainsi qu’un corps de troupe. Mais la famille impériale ne figure
pas sur le relief de Sabratha. Sont
associés aux deux scènes de sacrifice des militaires, que
l’on déduit de passage à Sabratha, avec en position centrale la Tyché de Sabratha
serrant la main de la déesse Rome, forme d’allégeance de Sabratha envers sa cité
protectrice. P. Veyne propose alors de voir dans les deux reliefs la
reconnaissance des cités de Leptis
et de Sabratha envers Septime
Sévère et les soldats qui partent entreprendre, ou en reviennent,
sous la conduite de l’empereur, une campagne contre les nomades du
désert. En revanche, il incline à penser que la scène du
grand triomphe de l’arc quadrifrons n’a pas de lien avec celle du
sacrifice et se rapporte à une campagne orientale menée par
Septime Sévère[79].
[p. 705] Quel que soit d’ailleurs le fait à l’origine de
l’édification de l’arc quadrifrons de Leptis, il ne constitue pas en soit une preuve de la venue de
l’empereur sur le territoire de sa cité d’origine. De
façon plus générale, à l’exemple de
l’arc quadrifrons lui-même, l’ensemble des travaux
architecturaux entrepris à l’époque sévérienne
n’offre aucune inscription de datation permettant de les relier à
une visite de l’empereur et donc d’attester celle-ci[80].
Une grande partie des constructions semblerait d’ailleurs être
postérieure et faire suite à la visite de la famille
impériale dans la cité lepcitaine[81].
L’arc
quadrifrons n’est pas le seul indice lepcitain invoqué au
cœur du débat portant sur le passage de l’empereur dans sa
ville natale. Le catalogue des trouvailles épigraphiques à Leptis Magna montre une concentration des inscriptions concernant Septime
Sévère et sa famille, entre les années 197 et 204 [82].
À l’intérieur de cette fourchette chronologique, un nombre
particulièrement important d’inscriptions
répertoriées furent gravées au cours du bref intervalle
des années 201-203: M. I. Barton met alors ce phénomène en
relation avec le voyage de l’empereur vers sa terre natale d’Afrique
et la publicité qui le précéda[83].
Leptis a livré en
particulier une inscription[84],
datée du 11 avril 203 voir 204 [85],
pro reditu Imperatorem trium in Urbem
suam[86].
[p. 706] Cette
inscription, dédiée à Jupiter Dolichenus, fut
gravée par les soins d’un centurion légionnaire du nom de
T. Flavius Marinus, sur un autel localisé près d’un temple
appelé dès lors temple de Jupiter Dolichenus. Or, le 11 avril est
le jour anniversaire de Septime Sévère[87].
Le point
principal de discussion sur l’éventualité d’un voyage
de l’empereur sévérien en Afrique porte alors sur
l’interprétation même de l’expression pro reditu Imperatorem trium in urbem suam,
dont dépend d’ailleurs la datation de l’inscription.
Certains considèrent que l’urbem
suam en question correspond à la ville de Rome et évoque le
retour de Septime Sévère et ses fils dans la capitale romaine. P.
Veyne[88]
avance comme argument que les empereurs avaient pour habitude de
désigner Rome par les expressions urbs
mea, tua, sua, ainsi que le montre des témoignages numismatiques et
littéraires[89].
Il fut suivi par H. Halfmann[90].
Urbem suam évoque en
revanche pour d’autres la ville de Leptis,
à commencer par P. Merlat, selon qui l’expression sous-entend un
voyage déjà effectué par les imperatores Septime et ses fils, dans la ville natale de
l’empereur, Caracalla ayant été proclamé Auguste en
198 et Géta en 209. Partant du postulat que Septime et ses fils se sont
effectivement rendus en Afrique en 203-204, P. Merlat proposa alors
d’identifer la victoire en question dans l’inscription, à la
campagne de Bretagne dans laquelle ils s’était engagés
personnellement en 209[91].
À sa
suite, J. Guey avança une nouvelle lecture de l’inscription[92].
Pour lui, il ne fit aucun doute qu’urbem
suam évoquait la ville natale de l’empereur Septime
Sévère, c’est-à-dire Lepcis Magna: suam ne s’attacherait donc pas aux
imperatorum trium mais à la
personne de Septime Sévère, ce qui en soit n’est pas
contraire [p. 707] aux usages de la syntaxe latine[93].
J. Guey suggéra alors que le retour des empereurs à Lepcis évoqué dans la
dédicace de T. Flavius Marinus pourrait correspondre à leur
retour d’expédition menée dans les confins sahariens contre
des tribus insoumises[94],
dont le soulèvement est évoqué par Aurelius Victor[95]
et l’Histoire Auguste[96].
Des vexillations de la iiie
Légion Auguste stationnée à Lambèse,
défendaient alors le limes
tripolitain[97]
mais T. Flavinius Marinus, centurion de la iiie
Légion Auguste, prit peut-être part à cette
expédition. Un autre autel à Jupiter Dolichenus fut
élevé entre 201 et 210 à Ain Wif, pour le salut et la
victoire des empereurs, par les soins d’un praepositus vexillationi legionis III Augustae piae vindicis[98].
Cette inscription se rattache peut-être à
l’expédition sévérienne évoquée par
les sources écrites contre les nomades[99].
Or, une
inscription romaine vient éclairer la lecture de la dédicace
lepcitaine. F. Grosso[100]
s’est ainsi rallié à l’identification de l’urbem suam à Leptis, en proposant une autre interprétation à
l’appui d’une dédicace découverte à
Saint-Jean-du-Latran[101].
Le texte est gravé sur le chapiteau des castra Seueriana et donne la datation précise du 10 juin
203. On peut y lire la dédicace faite par les equites singulares, des images impériales en l’honneur
du redit(um) ab exped(itione)
felic(issima) in Urbe(m). Selon F. Grosso, l’inscription lepcitaine,
qu’il date de 203, se fait l’écho de l’attente
d’une prochaine visite des empereurs et de leur préfet du
prétoire à Leptis,
tandis qu’ils étaient de retour à Rome pour le 10 juin de
[p. 708] la même année 203. Ce serait alors ce retour
d’Afrique, à la suite d’une expédition menée
contre des tribus révoltées, que célébreraient les equites singulares dans leur
dédicace[102].
Nous voudrions
ajouter une remarque à propos de l’inscription lepcitaine
laissée par T. Flavius Marinus. Elle porte sur le verbe redire employé dans la
dédicace. Son utilisation peut être rapprochée d’un
exemple lié à un contexte similaire, particulièrement
intéressant puisqu’il a trait aux voyages d’Hadrien. Le biographe
de l’empereur, dans l’Histoire
Auguste explique effectivement que: quinto
decimo anno ad patriam redit. Or, patriam
correspondait à la cité d’Italica[103].
On admet généralement aujourd’hui qu’Hadrien vit le
jour à Rome et non à Italica
[104].
Ce fut la première fois, qu’âgé de 15 ans, il se
rendit dans la ville d’origine de ses ancêtres. L’emploi du
verbe redire,
préféré volontairement par l’auteur à celui
d’ire, semble alors
s’appliquer ici au voyage, même s’il s’agit du premier,
vers le pays de ses pères. La patria[105]
ne correspond donc pas dans ce cas précis au lieu de naissance[106].
On pourrait rapprocher cette utilisation du verbe redire, pris dans le sens du retour dans la patrie, de son emploi
dans l’inscription lepcitaine, à la différence qu’urbem suam revêtirait non
seulement le sens de «ville natale» mais aussi ville de ses
pères, c’est-à-dire Leptis.
Quoi
qu’il en soit, les chercheurs ont peut-être eu tendance à
trop se focaliser sur le sens de l’expression urbem suam. Finalement, peu importe que suam renvoie à Rome ou Leptis.
Il s’agit là d’un problème
d’interprétation de l’inscription qui, quel que soit le sens
donné à l’urbem suam,
ne va pas à l’encontre de l’hypothèse d’un
voyage de l’empereur en Afrique et de son retour à Rome, en
passant par Leptis, après une
expédition militaire africaine, le 10 juin 203.
Une deuxième catégorie de remarques peut être faite
à propos de l’autel de Jupiter Dolichenus de Leptis. T. Kolendo argumentait [p. 709] qu’il
s’agissait d’une divinité orientale pour en tirer la
conclusion que la victoire commémorée dans l’inscription
renvoyait à la guerre parthique menée par Septime
Sévère[107].
La popularité des cultes orientaux et particulièrement celui de
Jupiter Dolichenus en Afrique, montre la faiblesse de cet argument fondé
sur une méconnaissance des pratiques religieuses dans
l’armée romaine d’Afrique[108].
Ce dieu, d’origine syrienne, est connue dans l’armée
d’Afrique dès Hadrien[109]
et il est considéré dans la région comme une
divinité essentiellement militaire[110].
En revanche,
on peut s’interroger sur l’origine orientale éventuelle des
dédicants dans les inscriptions africaines d’époque
sévérienne. Elle pourrait être liée aux mouvements
de troupes opérés par Septime Sévère en
Tripolitaine, dont certaines unités participèrent alors
peut-être à l’expédition punitive menée par l’empereur
contre des tribus révoltées décrite dans les sources
écrites. On peut ainsi rapprocher de la dédicace lepcitaine une
inscription déjà évoquée ci-dessus, gravée
sur un autel également consacré à Jupiter Dolichenus sous
le règne de Septime Sévère pour le salut et la victoire
des trois empereurs et de Julia Domna; elle fut retrouvée à Ain
Wif dans la région du limes
Tripolitanus[111].
Le dédicant, M. Caninius Adiutor Faustinianus, est préfet de
cohorte. Il n’est connu par aucune autre mention épigraphique mais
on supposa que la [p. 710] cohorte qu’il commandait[112]
fit partie des unités prélevées en Syrie et
envoyées sur la frontière de Numidie par Septime
Sévère[113].
Ce caractère oriental des unités, sinon des hommes, est à
mettre en correspondance avec la remarque de P. Merlat qui dénota par
ailleurs une ascendance orientale dans le nom de T. Flavius Marinus, le
dédicant de Leptis[114].
Peut-être existe-t-il alors un lien entre le choix de Jupiter Dolichenus
dans ces dédicaces en l’honneur de Septime Sévère,
la garde syrienne installée sur le limes
de Numidie sous les Sévères et les opérations
menées par l’empereur dans cette région du limes. Ce serait ainsi un
élément supplémentaire ajoutant à la
popularité dont cette divinité bénéficiait
déjà dans l’armée, pour comprendre la
référence à Jupiter Dolichenus chez ces deux militaires de
façon quasi-simultanée. C’est d’ailleurs sous la
dynastie sévérienne que les cultes orientaux, dont celui de
Jupiter Dolichenus, atteignent leur apogée. On peut sans doute y
déceler l’influence féminine de Julia Domna,
d’origine syrienne de même que celle des conseillers
impériaux Papinien, Ulpien, Julien Paul ou encore celle de Julia Soemias
et Julia Mamaea, mères respectives d’Elagabal et de Sévère
Alexandre, qui épousèrent des Syriens[115].
Le dieu Jupiter jouissait par ailleurs d’une faveur particulière
auprès de l’empereur Septime Sévère, qui est
à travers plusieurs témoignages iconographiques et
épigraphiques, assimilé à cette divinité[116].
Or, on connaît l’exemple d’un autre autel de Jupiter
Dolichenus, dédié également semble-t-il à
l’occasion d’un voyage de Septime Sévère en Pannonie
en 202[117].
L’inscription qu’il porte fut gravée pour le salut des
empereurs, par les sacerdotes de la
province[118].
Il fait partie d’un groupe de trois inscriptions retrouvées
à Gorsium en Pannonie, dont la
datation et la localisation initiale [p. 711] furent discutées. Pour A.
Alföldi[119],
l’inscription de l’autel date du règne commun de
Dioclétien et Maximin, tandis que plus récemment J. Fitz[120]
le rattachait à l’époque sévérienne en
s’appuyant sur les autres inscriptions datées de cette même
période, retrouvées à Gorsium.
L’une d’elles commémore la restauration du sanctuaire de
Jupiter Dolichenus par les soins de Septime Sévère et Caracalla
en 202[121]
et la troisième est une dédicace pour le salut de Septime
Sévère, Caracalla et Géta[122].
J. Fitz rangea les trois inscriptions parmi les preuves de la visite de Septime
Sévère en Pannonie en 202[123].
Il réaffirma récemment cette position à propos de
l’autel dédicacé à Jupiter Dolichenus qu’il
semble considérer comme un indice probant du voyage de Septime
Sévère[124].
Jupiter Dolichenus, dieu protecteur de l’armée et gage de
victoire, est supposé assurer la protection de ses fidèles et de
leurs familles, mais aussi de l’Empire et des institutions
impériales[125].
C’est peut-être pour cette raison qu’il serait invoqué
à l’occasion des voyages de Septime Sévère dans les
deux autels de Leptis et de Gorsium[126].
Ces deux invocations similaires, au même dieu, dans des circonstances
identiques, conduit donc à renforcer la thèse d’un voyage
de Septime Sévère en Afrique et de son passage à Leptis, où fut
érigé l’autel de Jupiter Dolichenus.
Le domaine
épigraphique apporte d’autres pièces significatives
à [p. 712] joindre au dossier. Des sépultures d’employés
de la familia rationis castrensis
sévérienne furent en effet retrouvées à
Lambèse[127].
P. Romanelli se montrait réservé sur l’utilisation de ces
éléments pour prouver le passage de l’empereur en Afrique.
S’appuyant sur des considérations aujourd’hui révisées,
qui faisaient de la ratio castrensis
un simple organe administratif en charge des dépenses militaires de
l’empereur et des résidences impériales des provinces, il
pouvait alors conclure que la trace de ces employés de la familia rationis castrensis
n’impliquait pas nécessairement la présence de
l’empereur pour justifier leur fonctions administratives auprès de
la légion de Lambèse[128].
Or, le rôle de la rationis
castrensis a depuis été reconsidéré et on pense
aujourd’hui que c’est elle qui constituait le cœur de
l’intendance du palais impérial dont une section suivait
probablement l’empereur dans ses voyages[129].
L’attestation du personnel de la maison impériale
sévérienne à Lambèse pourrait donc suggérer
que l’empereur lui-même s’y trouvait. C’est la conviction
d’H. Halfmann[130]
qui relie alors la présence de la maison impériale
sévérienne à Lambèse et delà, celle
supposée de l’empereur, avec une série de
témoignages épigraphiques mentionnant des constructions
entreprises sous Septime Sévère à Lambèse[131].
Il faut joindre à ces témoignages mis en évidence par H.
Halfmann, une autre inscription retrouvée à Timgad, faisant
état de la réfection du temple sévérien
organisé autour d’une piscine dont l’eau est
qualifiée de Salvis Augustis aqua Septimiana Felix[132].
Pour M. Leglay, une guérison des empereurs Septime Sévère
et Caracalla au cours de leur voyage en Afrique durant leur séjour dans
la région de Lambèse, grâce à l’eau de cette
piscine, expliquerait que son eau ait été
considérée comme salutifère depuis les
Sévériens[133].
[p. 713] Le retour de Septime Sévère à Rome est, lui,
mieux connu que les différentes étapes restituées
ci-dessus. L’inscription retrouvée au Latran, des equites singulares qui
commémorent une expédition victorieuse menée sous les
ordres de l’empereur, permet d’affirmer qu’il était
rentré dans la capitale le 10 juin 203[134].
La question qui se pose alors est de savoir si l’empereur y participa
personnellement. Les equites singulares
Augusti faisaient fonction de garde
personnelle de l’empereur et le suivaient dans ses voyages hors de Rome[135]:
c’est ce que montre notamment une dédicace datée du 9 juin
197, gravée ob reditum du numerus qui accompagna l’empereur
Septime Sévère dans son expédition contre Albinus[136].
La participation personnelle de Septime Sévère à
l’expédition évoquée dans l’inscription de
Saint-Jean-du-Latran, où se situait la caserne des equites singulares Augusti, serait donc implicitement sous-entendue
par l’identité des auteurs de la dédicace. Peut-être
faut-il voir alors une justification possible de l’emploi du terme felicissima dans la participation
impériale à cette expédition, en liaison avec la
dévotion à Fortuna Redux,
qui veillait au retour des empereurs à la suite
d’expéditions périlleuses[137].
Tous ces
éléments concordent donc pour envisager de façon
sérieuse un voyage de Septime Sévère en Afrique. Ainsi, si
P. Romanelli émit quelques réserves quant à
l’hypothèse de ce voyage, sur ses témoignages, sa date et
le dessein dans lequel il fut entrepris, il tendit néanmoins à en
admettre la très forte probabilité[138].
Mais deux historiens fondèrent par la suite des réserves plus
grandes quant à ce voyage. La critique la plus virulente vint de T.
Kotula, dans sa démonstration de l’inexistence du voyage de
Septime Sévère en Afrique[139].
[p. 714]. Il conclut cependant en envisageant, au vu de l’importance des
indices concordants, à la probabilité d’un plan de voyage
de l’empereur en Afrique, plan qu’il n’aurait pas eu
l’occasion de mener à bien. T. Kotula se contredit alors
lui-même dans son argumentation, car il explique le silence des sources
épigraphiques à propos de l’éventualité
d’un voyage de l’empereur Septime Sévère en Afrique,
par le fait que celui-ci n’eut pas lieu et, parallèlement, il
justifie la somme des indices, compensant le silence relatif des sources
littéraires, par la publicité qu’aurait connu
l’élaboration d’un projet, finalement avorté, de
déplacement du prince dans la région. Cette contradiction est
poussée à l’extrême lorsque, après avoir
insisté sur la difficulté d’interprétation des
sources littéraires et particulièrement du passage de Philostrate
dans lequel, selon lui, il n’est pas question de la venue du prince en
Afrique[140],
T. Kotula propose plus loin une autre interprétation de cette source et
affirme que le passage de Philostrate évoque bien le projet d’un
voyage de Septime Sévère en Afrique parce que l’auteur
lui-même, convaincu par la publicité autour des préparatifs
de ce voyage, y aurait tellement crû qu’il l’aurait
anticipé et aurait écrit dessus comme s’il avait eu lieu[141].
Le scepticisme
de T. Kotula fut partagé plus récemment par Y. Le Bohec à
l’occasion de son travail sur la iiie
Légion Auguste[142].
Il oppose notamment que la ratio
castrensis a pu détacher quelques employés auprès du
gouverneur ou d’une légion et ajoute, d’autre part, que la
ville dont il est question dans l’inscription de Leptis peut tout aussi bien représenter Rome que Leptis. Néanmoins, Y. Le Bohec se
montre par ailleurs beaucoup plus enclin à prendre partie en faveur
d’un voyage de Septime Sévère en Afrique en affirmant que
celui-ci eut lieu à propos de la dédicace lepcitaine à
Jupiter Dolichenus[143].
Toute autre
fut la conviction partagée par un nombre plus grand d’historiens
de la fin du xixe siècle
à aujourd’hui[144].
[p. 715] L’hypothèse du voyage de l’empereur Septime
Sévère en Afrique ne fait aucun doute pour eux. Comme ils
l’ont montré, on dispose pour le dater de deux repères
chronologiques[145].
Il s’agit tout d’abord du terminus
post quem posé par la semaine de fêtes qui, du 9 au 15 avril
202, célébrèrent les Decennalia
de Septime Sévère, l’arrivée des empereurs à
Rome et le mariage de Caracalla avec Plautilla[146].
La dédicace adressée par les equites
singulares Augusti, à Rome, pour le retour de l’expeditio felicissima des empereurs,
datée du 10 juin 203, offre par ailleurs un terminus ante quem[147].
Plusieurs
chronologies sur le voyage de Septime Sévère furent alors
proposées. Pour J. Hasebroek[148],
Septime Sévère serait parti de Rome en 203, pour arriver à
Carthage et se rendre ensuite à Lambèse au cours de la même
année. Le chemin que J. Hasebroek fait suivre à l’empereur
s’appuie sur les dédicaces relatives à Septime
Sévère retrouvées sur plusieurs sites, témoignant
selon lui, de façon hypothétique, de la visite de
l’empereur[149].
J. Guey[150],
lui, suggéra d’avancer le départ à
l’année 202, contestant le fait que J. Hasbroek s’est
appuyé sur une interprétation erronée d’un denier de
Caracalla qu’il aurait daté à tort de 203, tandis que
lui-même [p. 716] avance, comme argument d’un départ plus
précoce, l’épithète de Septimiani[151]
accordé en 202 aux habitants de Leptis.
Pour J. Guey, la concession à la ville du ius Italicum résulte d’une faveur impériale
accordée lors du passage de Septime Sévère à Leptis[152].
Une dernière voie fut désignée par V. M. Strocka, qui
appuie son argumentation sur l’étude des reliefs qui ornaient
l’arc quadrifrons sévérien de Leptis Magna[153]:
s’il met bien ces reliefs en liaison avec un voyage de Septime
Sévère et de la famille impériale, l’absence de
Plautianus et de Plautilla, ainsi que le genre de coiffure portée par
Caracalla, le conduisent alors à proposer une datation des frises et par
conséquent du voyage, comprise entre les années 206 et 209. La
date qu’il propose du voyage est donc postérieure à celles
émises avant lui par J. Hasebroek et J. Guey, à moins,
suggère V. M. Strocka, que la venue de l’empereur à Leptis qu’il situe entre 206 et
209 ne résulte d’un deuxième déplacement de Septime
Sévère en Afrique. Mais ces arguments semblent isolés et
n’ont pas encore réussi à convaincre les historiens qui se
sont par la suite penchés sur le sujet. Les études plus
récentes de M. Corbier[154],
T. Kotula[155]
et A. R. Birley[156]
se rallient préférentiellement à une datation d’un
unique voyage de Septime Sévère en Afrique en 202-203, en faveur
de la thèse de J. Guey. Pour H. Halfmann, la réalité
d’un deuxième voyage reste encore à prouver et il
préfère suivre A. R Birley quant à la datation du voyage de
Septime Sévère[157].
Dernièrement, A. Daguet-Dagey reprit la datation d’un voyage de
Septime Sévère réalisé entre le deuxième
semestre 202 et la fin du printemps 203[158].
Qu’en est-il de l’itinéraire suivi par Septime
Sévère? J. Guey modifia par rapport à J. Hasebroek le lieu
d’arrivée de Septime Sévère en Afrique: selon le
Français, Septime Sévère et le cortège [p. 717]
impérial auraient débarqué non pas à Carthage mais à
Leptis, où ils se seraient
arrêtés lors de l’hiver 202-203. C’est au cours de ce
séjour que se serait déroulé le congrès des
«lumières» dont parle Philostrate, et qu’aurait
été initié l’important programme urbanistique qui
allait transformer Leptis, parmi
lequel les sculptures de l’Arc quadrifrons. Le parcours se serait
poursuivi ensuite par la visite des sites de Lambèse, Cirta, Carthage en 203, avant de
s’achever par un retour à Rome en 203. Au cours de son passage
dans la région, l’empereur aurait alors accordé, de
même qu’à Carthage, le ius
Italicum à Utica et Leptis Magna[159].
Si la famille impériale fut bien présente à Lambèse
le 22 août 203 comme pourrait le suggérer une dédicace
faite en l’honneur de ses membres[160],
il ne fait aucun doute pour J. Guey qu’elle avait déjà
visité Leptis, par deux
itinéraires possibles: soit l’empereur revenait du limes Tripolitanus où se seraient produites des attaques des
Garamantes[161]
et emprunta de ce fait la voie de terre de Tripolitaine jusqu’en Tunisie
actuelle, soit il avait débarqué à Carthage, qu’il
rejoint par mer à partir de Leptis.
La
dernière proposition de restitution du voyage de Septime
Sévère revient à A. R. Birley, produite en 1999 dans la
dernière édition de sa biographie sur Septime
Sévère[162].
Mais il met en garde contre toute affirmation hâtive et souligne que
l’on en est encore réduit à de simples hypothèses.
Pour A. R. Birley, l’empereur aurait d’abord touché la terre
africaine à partir de Carthage. À cette occasion il aurait
accordé à la métropole le ius Italicum ainsi que d’autres privilèges aux autres
villes alentour: Thugga, Thignica et Thubursicu Bure auraient notamment reçu le statut de
municipe. Septime Sévère se serait ensuite rendu à
Lambèse où la légion avait sa garnison, puis enfin
à Leptis Magna, peut-être par Theveste,
Thelepte, Capsa, Tacapes, Sabratha et Oea. Le cortège impérial aurait hiverné
à Leptis, puis, en hiver ou au
début du printemps, Septime Sévère aurait projeté
une campagne au pays des Garamantes: il s’agirait de celle
évoquée par Aurelius Victor[163]
et l’Histoire Auguste[164].
A. R. Birley suggère que Septime Sévère est [p. 718]
allé jusqu’à Gheriat ou Gholaia, puis laissa le
légat de la iiie
Légion Auguste, Claudius Gallus, et Plaute, accomplir le reste de la
mission. Pour lui, Septime Sévère n’était
peut-être alors pas rentré à Lepcis lorsque fut gravée l’inscription en
l’honneur des trois empereurs, pour leur salut et leur retour dans leur
cité.
Il est donc
périlleux, en l’état actuel des indices
avérés, d’avancer un itinéraire précis du
voyage de Septime Sévère en Afrique. La seule certitude est,
semble-t-il la réalité du voyage de l’empereur dans sa
région natale. La difficile restitution des voyages respectifs
d’Hadrien et de Septime Sévère permet néanmoins de
dégager quelques grandes pistes de réflexion dans la comparaison
des itinéraires suivis successivement par les deux empereurs.
Ce qui est en
jeu ici, c’est l’interprétation des différents types
de sources invoquées. Seule la trace épigraphique des discours
d’Hadrien devant l’armée d’Afrique constitue une
preuve directe émanant de l’empereur romain, du passage de sa
personne en Afrique. Ce genre de témoignage est d’ailleurs unique
au regard des différentes traces laissées en
général par les empereurs romains de leurs voyages. Pour le
reste, aucun des documents exposés à propos des voyages
d’Hadrien et de Septime Sévère n’impliquent la
présence nécessaire des empereurs auxquels ils se rapportent pour
leur donner du sens. Cependant, si le voyage d’Hadrien en Afrique, dans
l’hypothèse d’un seul passage sur le sol africain, ne semble
pouvoir faire aucun doute, nous inclinons à penser que le voyage de
Septime Sévère doit également être envisagé
avec de fortes probabilités au vu du faisceau d’indices
concordants qui ont été présentés ci-dessus.
La
géographie des itinéraires suivis par les deux empereurs, tels
qu’on peut les supposer dans leurs grandes lignes, soulève alors
deux remarques. Le passage dans la région de Carthage, est commun aux
voyages d’Hadrien et Septime Sévère et s’explique par
l’importance politique et économique que revêtait cette
zone. Tous les deux portèrent également leurs pas vers
Lambèse, dont l’intérêt militaire et
stratégique conduisit successivement les deux empereurs dans cette
région intérieure. Mais les deux itinéraires se
démarquent ensuite par des directions différentes
empruntées par les Hadrien et Septime Sévère. Le premier
se serait rendu dans [p. 719] Maurétanies, tandis que la région
de Lambèse semble correspondre à la zone occidentale définissant
la limite géographique atteinte à l’ouest par Septime
Sévère lors de son voyage. Or la Maurétanie
Césarienne était pourtant au cœur des préoccupations
africaines de Septime Sévère puisque sous son règne fut
initié le programme de la nova
praetentura. En revanche, son attention se porta plus à l’est
que celle d’Hadrien, car si Septime Sévère semble bien
avoir poussé jusqu’à Leptis,
Hadrien ne paraît pas s’être intéressé aux
régions orientales par rapport à la Proconsulaire lors de son
voyage africain. On voit donc chez les deux empereurs un même passage par
le foyer central autour de Carthage et de Lambèse, et deux axes
divergents, vers l’ouest pour Hadrien, vers l’est pour Septime
Sévère. Ces directions impliquent à la fois des
considérations d’ordre officiel lié à la fonction
impériale mais aussi des choix plus personnels, avec en particulier le
voyage de la famille sévérienne à Lepcis.
Se pose alors
à propos de ces deux empereurs la double question de
l’intérêt du voyage dans la pratique personnelle du pouvoir,
et de la place de l’Afrique dans la géopolitique de l’Empire
romain. Pour Hadrien, son voyage en Afrique relève du domaine de la
gestion de l’Empire, une façon, selon l’expression
d’A. Chastagnol, «de faire le tour du propriétaire»[165].
Le discours d’Hadrien devant les armées d’Afrique conduit
à penser que c’est le souci sécuritaire qui décida
de la direction générale prise par le voyage du prince en terre
africaine[166],
comme le montre son intérêt pour les exercices militaires
manifesté à l’occasion de son passage non seulement en
Afrique mais aussi dans d’autres provinces frontalières de
l’Empire[167].
Le même objectif de sécurité anime le voyage de Septime
Sévère[168].
Ces deux voyages impériaux visaient à la progression de la
romanisation de la région, dont les [p. 720] empereurs sont venus sur
place se rendre compte de l’avancée. Mais le voyage de Septime
revêt par ailleurs un caractère plus personnel. On peut
émettre l’hypothèse qu’une fois devenu empereur,
Septime Sévère aurait projeté de revenir sur sa terre
natale en visite, dessein réalisé après avoir
affirmé son pouvoir face à Albinus et pacifié le front
oriental, avant de réprimer la révolte de tribus africaines.
À
travers Hadrien et Septime Sévère, il est remarquable que ce soit
avec deux empereurs parmi ceux qui ont le plus voyagé à travers l’Empire
romain, que se pose la question du voyage impérial en Afrique[169].
En dehors de tout contexte particulier de troubles, le passage en Afrique
apparaît donc loin d’être une priorité pour les
empereurs romains dans le cadre d’une tournée provinciale et sans
doute le goût pour les voyages contribua-t-il, au-delà des
considérations politiques, à décider Hadrien et Septime
Sévère à venir visiter les provinces africaines. Encore
faut-il distinguer entre celles-ci: les exemples de ces deux empereurs ont
montré l’intérêt hiérarchisé
manifesté pour chacune d’entre elles, dans lequel les
régions maurétaniennes font figure de Finistère.
L’Afrique, dans son ensemble, reste donc une terre à
l’écart des voyages impériaux du Haut-Empire et le
Bas-Empire ne modifie en rien la situation. Au IVe siècle, le passage de
Maximin en terre africaine est bien isolé et s’inscrit par
ailleurs dans un contexte politique et géographique particulier, celui
de la tétrarchie.
[1] Sur les voyages
d’Hadrien: J. Schwartz, Remarques sur les voyages d’Hadrien,
dans Bonner Historia-Augusta-Colloquium,
1979-1981, Bonn 1983, p. 291-301; H. Halfmann,
«Itinera principum».
Geschichte und Typologie der Kaiserreisen im Römischen Reich,
Stuttgart 1986, p. 188-210; R. Syme,
Journeys of Hadrian,
«ZPE», 73, 1988, p. 159-70; A. M. V. Contini, I viaggi in
età Adriana, dans G. Camassa,
S. Fasce (a cura di), Idea e
realtà del viaggio. Il viaggio nel mondo antico, Genova 1991, p. 343-58; A. R. Birley, Hadrian’s
Travels, dans L. De Blois et al. (eds.), The representation and perception of Roman Imperial Power. Proceedings
of the third workshop impact of Empire (Roman Empire, C. 200 B.C.-A D. 476),
Netherlands Institute in Rome, March 20-23, 2002, Amsterdam 2003, p.
425-38.
[4] Brèves
évocations des voyages d’Hadrien chez Dio Cass., lxix,
9, 1-6, et 10, 1; SHA, Hadr., 10, 1
à 25, 5.
[6] Dio Cass., LXIX, 9, 1, repris dans SHA, Hadr., xvii, 8: Peregrinationis
ita cupidus, ut omnia, quae legerat de locis orbis terrarum, praesens vellet
addiscere (trad. fr.: «Il avait une telle passion pour les voyages
qu’il voulait connaître sur le terrain tout ce qu’il avait lu
à propos des sites du monde entier» A. Chastagnol (éd.), Histoire
Auguste, Paris 1994, p. 43); sur le sujet cf. Contini, I viaggi in
età Adriana, cit., p. 343-58.
[8] M. Labrousse, Note sur la
chronologie du premier voyage d’Hadrien, dans Mélanges de la Société toulousaine
d’études classiques, t. 2, 1948, p. 125-47; B. D’orgeval, L’empereur Hadrien. Œuvre législative et
administrative, Paris 1950, p. 23; L. Leschi,
Découvertes épigraphiques
dans le camp de Gemellae, «CRAI», 1949, p. 220-6; R. H. Chowen, The Problem of Hadrian’s visits to North Africa,
«CJ», 65, 1970, p. 323, note 1; M. Bénabou, La
résistance africaine à la romanisation, Paris 1976, p. 77; J.
E. Ifie, The Romano-African Municipal Aristocracy and the Imperial Government
under the Principate, «Museum Africum. West African Journal of Classical
and Related Studies», 5, 1976, p. 36-58.
[11] SHA, Hadr., xiii, 4: Inde Romam
venit atque ex ea in Africam transiit ac multum beneficiorum provinciis
Africanis adtribuit.
[13] SHA, Hadr., xxii,
14: Quando in Africam venit, ad adventum
eius post quinquennium pluit, atque ideo ab Africanis dilectus est.
[18] SHA, Hadr., xii,
7: Germanis regem constituit, motus
Maurorum compressit et a senatu supplicationes emeruit (trad. fr.:
«Il donna un roi aux Germains, réprima la rébellion des
Maures, et le Sénat vota en son honneur des prières
publiques», Chastagnol
(éd.), Histoire Auguste, cit.,
p. 35).
[21] Labrousse, Note
sur la chronologie du premier voyage
d’Hadrien, cit., p. 125-147; Leschi,
Découvertes épigraphiques dans
le camp de Gemellae, cit., p. 225-226: les documents épigraphiques
et archéologiques montrent la relève des troupes,
l’installation des Chalcidéniens à Gemellae attestée en 126 mais peut-être
antérieure, la création de postes fortifiés, la
construction et réfection de routes.
[22] W. Weber, Untersuchungen
zur Geschichte des Kaisers Hadrianus, Leipzig 1907, p. 201; R. Cagnat, L’armée romaine d’Afrique et l’occupation
militaire de l’Afrique sous les empereurs, New York
rééd. 1975, p. 46, 146-151; P. Romanelli,
Storia delle province romane
dell’Africa, Roma 1959, p. 337-8; Chowen,
The Problem of Hadrian’s, cit.,
p. 323-4; Halfmann, Itinera principum, cit., p. 197; Syme, Journeys of Hadrian, cit., p. 159-70.
[23] L. Leschi, Études
d’épigraphie, d’archéologie et d’histoire
africaines, sous la dir. du Gouvernement de l’Algerie, Beaux-Arts,
Service des Antiquites, Paris 1957, p. 111, note 3.
[26] SHA, Hadr., xiii, 4: Inde Romam venit atque ex ea in Africam transiit ac multum beneficiorum
provinciis Africanis adtribuit; xxii,
14: Quando in Africam venit, ad adventum
eius post quinquennium pluit, atque ideo ad Africanis dilectus est. L’emploi du terme latin Africa dans ces deux extraits doit
d’ailleurs probablement être pris dans un sens géographique
général et non réduit à la simple province de
l’Africa Proconsularis: voir Chowen, The Problem of Hadrian’s, cit., p. 323-4.
[29] CIL viii, 2532 et 18042; ILS, 2487 et 9133-9135; bibliographie:
L. Homo, Le Siècle d’or de l’Empire romain. Les Antonins (96-192
ap. J.-C.), 2e éd., Paris 1947, p. 197-200; Cagnat, L’armée
romaine d’Afrique, cit., p. 147-51; L. Leschi, Essai de
restitution du monument de l’inspection de la légion par
l’empereur Hadrien, dans Id.,
Études d’épigraphie,
d’archéologie et d’histoire africaines, cit., p.
196-200; M. Le Glay, Hadrien et Viator sur les champs de
manœuvre de Numidie, dans Mélanges
d’histoire ancienne offerts à William Seston, Paris 1974, p.
277-83; Id., Les discours d’Hadrien à Lambèse (128 après
J.-C.), dans Limes. Akten des 11. Internationalen
Limeskongresses, Székesfehérvár, 30. 8.-6. 9. 1976,
Budapest 1977, p. 545-58; Y. Le Bohec,
Les discours d’Hadrien en Afrique,
«BSNAF», 1999, p. 158-63 et Id.
(éd.), Les discours
d’Hadrien à l’armée d’Afrique, cit.
[31] J.-G.-H. Greppo, Mémoire sur les
voyages de l’empereur Hadrien et sur les médailles qui s’y
rapportent, Paris 1842; RIC ii, 1926, p. 314-35; H. Mattingly, Coins of the Roman Empire in the British Museum, iii. Nerva to Hadrian, London 19662, monnaies au type de l’adventus: p. 487-8 et p. 494-5; monnaies
à l’effigie de l’Africa:
p. 506-7, et p. 518-9; exercitus
mauretanicus: p. 501. Bref commentaire sur l’Afrique et les monnaies
d’Hadrien dans Romanelli, Storia delle province romane
dell’Africa, cit., p. 342-3; Birley,
Hadrian. The Restless Emperor, cit.,
p. 213.
[32] Cfr. R. Pera, I riferimenti all’Africa nelle emissioni monetali della zecca di
Roma, dans L’Africa romana viii, p. 504-7; N. Methy, La représentation des provinces dans le monnayage romain de
l’époque impériale (70-235 après J.-C.),
«NAC», xxi, 1992, p.
279-84.
[33] W. Weber, Untersuchungen
zur Geschichte des Kaisers Hadrianus, rééd. Hildesheim-New York 1973, p. 204; Romanelli, Storia delle
province romane dell’Africa, cit., p. 338-9.
[40] Sur la promotion d’Utica: J. Gascou, La politique
municipale de l’Empire romain en Afrique Proconsulaire de Trajan à
Septime-Sévère, Rome 1972, p. 119-22; Id., La politique
municipale de Rome en Afrique du Nord, I. De la mort d’Auguste au d but
du iiie siècle, dans ANRW, 10/2, 1982, p. 183.
[46] A. Merlin, Notes et
documents publiés par la direction des antiquités et arts. vi. Forum et maisons d’Althiburos,
Paris 1913, p. 47-8; P. Quoniam, Fouilles récentes à Bulla
Regia, «CRAI», 1952, p. 460-72, p. 467; M. Ennaïfer, La cité d’Althiburos et les édifices des Asclepieia,
Tunis 1976, p. 30-1.
[47] Merlin, Notes
et documents, cit., p. 48, à propos de la fondation du municipe
d’Althiburos sous Hadrien,
surnommé municipium Aelium
Hadrianum Augustum Althiburos; L. Poinssot,
Trois inscriptions de Thuburbo Maius,
«CRAI», 1915, p. 330-331, à propos de la modification de
statut de Thuburbo Maius en municipe
sous le règne d’Hadrien, sous le nom d’Aelium Hadrianum, et dans la région de laquelle «les
municipes auxquels son nom [celui d’Hadrien] a été
donné, les dédicaces nombreuses qui lui sont
dédiées ne font-ils pas en quelque sorte que jalonner l’un
des itinéraires de son voyage en Afrique»; pour Poinssot, la fondation
de la colonia Aelia Hadriana Augusta Zama
Regia et celle du municipium Aelium
Hadrianum Augustum Althiburos correspondent à la même phase du
voyage d’Hadrien.
[49] Aur. Vict., Lib.
de Caes., xx, 19: Quin etiam Tripoli, cuius Lepti oppido
oriebatur, bellicosae gentes submotae procul (trad. fr.: «De plus, on
refoula loin de Tripolitaine, où se trouvait Leptis, sa ville natale,
les peuplades belliqueuses», éd. et trad. P. Dufraigne, Paris 1975, p. 28).
[50] SHA, Sev., xviii,
3,: Tripolim, unde oriundus erat,
contusis bellicosissimis gentibus securissimam reddidit ac p. R. diurnum oleum
gratuitum et fecundissimum in aeternum donavit (trad. fr.: «Il
apporta à Tripoli, son pays d’origine, une parfaite
tranquillité en écrasant des peuplades belliqueuses et accorda en
permanence au peuple romain une abondante ration d’huile quotidienne et
gratuite», Chastagnol
(èd.), Histoire Auguste, cit.,
p. 331).
[53] J. Hasebroek, Untersuchungen
zur geschichte des kaisers Septimius Severus, Heidelberg 1921, p. 133; Halfmann, Itinera principum, cit., p. 218. Les deux historiens donnent comme
référence du passage de Procop.,
aed., IV, 4, 5, à corriger en aed., VI, 4, 5.
[54] J. Guey, Lepcitana
Septimiana vi,
«RAfr», xciv, no
422-423, 1er et 2e trimestres 1950, p. 63-4, note 43, qui propose de lire ainsi
le passage de Procope: «Sévère, né dans cette ville,
laissa (à sa mort) ce palais comme monument de la
prospérité (de son règne)», et non «en
quittant cette ville, laissa (à son départ)...».
[55] Références dans
E. Babelon, Les monnaies de Septime Sévère, de Caracalla et de
Géta relatives à l’Afrique, «RIN», xvi/2, 1903, p. 157-74; P. V. Hill, The Coinage of Septimius Severus and His Family of the Mint of Rome,
A.D. 193-217, London 1964; Guey,
Lepcitana Septimiana vi, «RAfr», 1950, cit.,
p. 62; Methy, La représentation des provinces,
cit., p. 287-8.
[56] Dig., 50, 15, 8,
11: In Africa Carthago, Utica, Leptis
Magna a divis Severo et Antonino iuris Italici factae sunt.
[57] Rapprochement entre la mention
numismatique de l’Indulgentia Augusti, et le texte du Digeste fait par
Halfmann, Itinera principum, cit., p. 218.
[60] Babelon, Les
monnaies de Septime Sévère, cit., p. 161; H. Mattingly, Coins of the Roman Empire in the British Museum, v. Pertinax
to Elagabalus, London 1950, p. 334-5.61.
[61] Babelon, Les
monnaies de Septime Sévère, cit., p. 157-74; Mattingly, Coins of the Roman Empire in the British Museum, v, cit., p. cxlix; Hill, The Coinage of Septimius Severus, cit.,
p. 6 et p. 29.
[62] Babelon, Les
monnaies de Septime Sévère, cit., p. 157-74; Mattingly, Coins of the Roman Empire in the British Museum, v, cit., p. CLIX, suggère
qu’il s’agirait d’une référence au
problème de santé de Septime Sévère souffrant de la
goute; de même Hill, The Coinage of Septimius Severus, cit.,
p. 33-34, qui invoque d’autres monnaies pour appuyer
l’hypothèse du voyage de Septime Sévère en Afrique
et classe les monnaies au motif d’Esculape dans la catégorie plus
générale des vœux pour la santé de l’empereur.
[64] X. Dupuis, La concession
du ius Italicum à Carthage, Utique et Lecpis Magna: mesure
d’ensemble ou décisions ponctuelles?, dans A. Chastagnol, S. Demougin, C. Lepelley
(éds.), Splendidissima civitas.
É tudes d’histoire romaine en hommage à François
Jacques, Paris 1996, p. 57-65.
[65] M. I. Barton, The Inscriptions of Septimius Severus and His Family at Lepcis Magna, dans Mélanges offerts à Léopold Sédar Senghor. Langues, littérature, histoire ancienne, Dakar 1977, p. 3-12, qui lie
l’octroi du ius Italicum
à Leptis au voyage de Septime
Sévère dans sa ville natale.
[66] Sur l’œuvre
architecturale sous le règne de Septime Sévère à Leptis: J. B. Ward Perkins, Severan
Art and Architecture at Lepcis Magna, «JRS», xxxviii, 1948, p. 59-80; M. I. Barton, The Effects of Imperial Favour: Septimius Severus and Lepcis Magna,
«Museum Africum. West African Journal of Classical and Related Studies», 6,
1977-1978, p. 60-3; A. Di Vita, Leptis Magna. La ville des Sévères, «Karthago», 25,
1995, p. 71-7.
[67] Argument sur lequel
s’appuie notamment T. Kotula,
Septime-Sévère a-t-il
visité l’Afrique en tant qu’empereur?,
«Eos», lxxiii, 1985,
p. 158.
[68] Sur l’arc quadrifons de Leptis: R. Bartoccini, L’Arco
quadrifronte dei Severi a Lepcis (Leptis Magna), «Africa
Italiana», iv, 1931, p.
32-152; P. W. Townsend, The Significance of the Arch of the Severi
at Lepcis (Plates xviii-xx),
«AJA», 42, 1938, p. 512-24; Ward
Perkins, Severan Art and
Architecture, cit., p. 59-80; Romanelli,
Storia delle province romane
dell’Africa, cit., p. 416-7; P. Veyne,
Ordo et Populus, génies et chefs
de file, «MEFRA», lxxiii,
1961, p. 240-52; G. Caputo, E. Vergara
Caffarelli, L’arco dei
Severi, dans R. Bianchi Bandinelli
(a cura di), Leptis Magna, Roma 1964, p. 67-70; M. Floriani-Squarciapino, Le sculture severiane di Leptis Magna,
dans 8e Congrès International
d’Archéologie Classique “Le rayonnement des civilisations
grecque et romaine sur les cultures périphériques”,
Paris 1963, Paris 1965, p. 229-35; Id.,
Leptis Magna, Basel 1966, p. 63-9; A. M. Mac
Cann, The portraits of Septimius
Severus (A. D. 19-211), «MAAR», XXX, 1968, p. 76-8; V. M. Strocka, Beobachtungen an den Attikareliefs des severischen Quadrifrons von
Lepcis Magna, «AntAfr», 6, 1972, p. 147-72.
[69] Bartoccini, L’Arco quadrifronte dei Severi a Lepcis, cit., p. 32-152; Romanelli, Storia delle province romane dell’Africa, cit., p. 416-7.
[70] Bartoccini, L’Arco quadrifronte dei Severi a
Lepcis, cit., p. 32-152; Ward
Perkins, Severan Art and
Architecture, cit., p. 72; Romanelli,
Storia delle province romane dell’Africa, cit., p. 416-7; Caputo, Vergara Caffarelli, L’arco
dei Severi, cit., p. 67-70; A. R. Birley,
Septimius Severus. The African Emperor, London-New York 1999, p. 150. Contre cette position, Strocka, Beobachtungen, cit., qui date la construction de l’arc des
années 205-209.
[71] Bartoccini, L’Arco quadrifronte dei Severi a
Lepcis, cit., p. 32-152; Guey,
Lepcitana Septimiana vi, «RAfr», xcvi, no 430-431, 1er et 2e trimestres
1952, p. 61-3; Romanelli, Storia delle province romane
dell’Africa, cit., p. 416-417; Birley,
Septimius Severus, cit., p. 150.
[78] Ibid., p. 229-74 et p. 229: «le
vieillard et le jeune homme sont deux figures allégoriques qui
représentent l’ordre des décurions et le peuple d’une
cité, ordo et populus (plebs), comme disent tant d’inscriptions; ils sont en somme,
les équivalents municipaux des génies du Sénat et du
peuple romain».
[80] Halfmann, Itinera
principum, cit., p. 132, bien que p. 218 il semble accorder du
crédit à la position de A. R. Birley qui considère que
l’arc quadrifrons peut être daté par la visite de
l’empereur en 203.
[84] IRTrip, 868; A. Mastino, I Severi nel Nord Africa, dans Atti
xi Congresso internazionale di
epigrafia greca e latina (Roma 1997), Roma 1999, p. 359-63.
[85] P. Merlat, Répertoire
des inscriptions et monuments
figurés du culte de Jupiter Dolichenus, Rennes 1951, p. 277-8, no
284, proposa au départ de dater l’inscription du 11 avril 208, 209
ou 210. Mais les articles parus de J. Guey
(Le travail archéologique en
Tripolitaine, «CRAI», 1950, p. 9, notamment n. 10; Lepcitana Septimiana vi, «RAfr», 1950, cit., p. 55-67; Lepcitana Septimiana vi, «RAfr», 1952, cit. p. 61-63)
corrigèrent cette chronologie par l’année 203 ou 204 et
cette nouvelle datation fait aujourd’hui l’unanimité: voir Halfmann, Itinera principum, cit., p. 218; Y. Le Bohec, La
troisième légion Auguste, Paris 1989, p. 178; Birley, Septimius Severus, cit., p. 153.
[86] IRTrip, 292; Guey,
Le travail archéologique en
Tripolitaine, cit., p. 9, notamment n. 10; Id., Lepcitana
Septimiana vi,
«RAfr», 1950, cit., p. 55-67; Merlat,
Répertoire des inscriptions,
cit., p. 276-80, no 284; Guey, Lepcitana Septimiana vi, «RAfr», 1952, cit., p. 61-3; Le Bohec, La troisième légion Auguste, cit., p. 178, note 229; Birley, Septimius Severus, cit., p. 153.
[87] Guey, Lepcitana
Septimiana vi,
«RAfr», 1950, cit., p. 58-9, qui répertorie les
célébrations faites en l’honneur du dies natalis de Septime Sévère.
[89] Il donne ainsi pour preuve des
monnaies de Maxence et de Constantin, qui portent la légende conserv. urb. svae, et cite par ailleurs
Plin., paneg., 22, 1, s’adressant à Sévère: qui dies ille quod expectatus desideratusque
urbem tuam ingressus es; et Sévère écrivant au
préfet de la ville Fabius Cilo (Ulp.,
Dig., I, 12, I, 4): cum urbem nostram fidei tuae commiserimus.
[93] O. Riemann, Syntaxe latine
d’après les principes de la grammaire historique, 7e
éd. revue par A. Ernout,
Paris 1932, p. 25: «L’adjectif possessif suus, placé à côté du substantif auquel
il renvoie, peut viser, dans une même proposition, un nom autre que le
sujet grammatical. [...] Le contact doit être immédiat, ou bien il
ne doit pas y avoir entre le réfléchi et le nom auquel il renvoie
des mots prêtant à équivoque».
[98] IRTrip., no 868. R. G. Goodchild, J. B. Ward Perkins, The limes Tripolitanus in the light of recent discoveries,
«JRS», xxxix, 1949,
p. 86; M. Speidel, The Religion of Iuppiter Dolichenus in the
Roman Army, Leiden 1978, p. 69, no 44; Le
Bohec, La troisième
légion Auguste, cit., p. 143, note 193.
[100] F. Grosso, Ricerche su Plauziano e gli avvenimenti del
suo tempo, «RANL», a. ccclxv,
vol. 23, fasc. 1-2, 1968, p. 38-43.
[101] AE, 1935, 156; A.
Ferrua, Nuove iscrizioni degli equites singularis,
«Epigraphica», xiii,
1951, p. 138-41, no 118; AE, 1968, 8.
[102] Sur l’emploi de ob dans l’inscription du Latran et
de pro dans celle de Leptis: Grosso, Ricerche su
Plauziano, cit., p. 41, note 184.
[105] Sur la diversité des
sens recouverts par le terme patria:
M. Bonjour, Terre natale. Études sur une composante affective du patriotisme
romain, Paris 1975, p. 41-50.
[106] Sur cette
interprétation du verbe redire et le commentaire de ce passage de
l’Histoire Auguste: R. Syme, Hadrian in Italica, «JRS», 54, 1964, p. 142-3; Chastagnol (éd.), Histoire Auguste, cit., p. 18, note 1.
[107] Kotula, Septime-Sévère,
cit., p. 157-8: «plusieurs savants penchent récemment à
estimer que le mot urbs désigne dans ce cas Rome, comme
c’était d’ailleurs habituel et normal. Par conséquent,
étant donné la dédicace à Jupiter Dolichenus, une
divinité syrienne, il nous semble plus probable qu’il
s’agisse du retour des Sévères en 202 de la guerre
parthique dans la capitale de l’Empire».
[108] Sur le culte de Jupiter
Dolichenus dans l’armée: P. Merlat,
Jupiter Dolichenus. Essai
d’interprétation et de synthèse, Paris 1960, p. 13-4; Cagnat, L’armée romaine, cit., p. 351; Speidel, The Religion
of Iuppiter Dolichenus, cit.; Le
Bohec, La troisieme legion auguste,
cit., p. 568-9 sur l’ouverture de l’armée romaine, plus
accueillante que les autres habitants de l’Afrique, aux cultes orientaux:
M. Le Glay, Les syncrétismes dans l’Afrique ancienne, dans F. Dunand, P. Lévêque (éds.), Les syncrétismes dans les religions de l’Antiquité.
Colloque de Besançon (22-23 octobre 1973), Leiden 1975, p. 123-51.
[109] CIL viii, 18221 = CIL viii, 2680: temple à Jupiter
Dolichenus à Lambèse, dont la construction est datée de
125-126 (Le Bohec, La troisième légion Auguste,
cit., p. 550 et 564).
[111] AE, 1950, 126 = IRTrip., 868; Goodchild,
Ward Perkins, The limes
Tripolitanus, cit., p. 86; Speidel,
The Religion of Iuppiter Dolichenus,
cit., p. 69, no 44; Le Bohec, La troisième légion Auguste,
cit., p. 143, note 193.
[113] J. Carcopino, Le limes de
Numidie et sa garde syrienne d’après des inscriptions
récemment découvertes, «Syria», vi, 1925, p. 30-57 et p. 118-49.
[116] Mac Cann, The
Portraits of Septimius Severus, cit.; Le
Glay, Les syncrétismes dans
l’Afrique ancienne, cit., p. 144.
[117] Sur l’hypothèse
de ce voyage: Halfmann, Itinera principum, cit., p. 221; Birley, Septimius Severus, cit., p. 143-4.
[118] CIL III, 3343; Merlat, Répertoire
des inscriptions, cit., p. 72-3; J. Fitz,
Der Besuch des Septimius Severus in
Pannonien im Jahre 202 U.Z., «AArchHung», xi, 1956, p. 241-2.
[119] A. Alföldi, Epigraphica
iii, «Archaeologiai
Ertesitö», 1940, p. 195-235 (synthèse de W. Seston, «REA», xlv, 1943, p. 163-4, qui suit A.
Alföldi dans son interprétation de l’inscription CIL VIII, 3343); Merlat, Répertoire
des inscriptions, cit., p. 72-3, s’est également rallié
à lui dans son commentaire de l’inscription.
[121] CIL iii, 3342; AE, 1944, 86; Merlat, Répertoire des inscriptions, cit., p. 70-71; Fitz, Der Besuch des Septimius Severus, cit., p. 241-2.
[124] J. Fitz, The Great Age of Pannonia (A.D. 193-284), Corvina 1982, p. 38 :
«It was mostly soldiers who worshipped Jupiter Dolichenus, but his cult
was also accepted by Savarian citizens. A Dolichenus altar in Gorsium that was
probably raised as the offering of all the priests in 202, on the occasion of
the visit of Septimius Severus, indicates the organization and significance of
groups of these worshippers. The emperor himself also worshipped in this
martial cult, and this fact may have contributed to its spread in
Pannonia».
[125] Merlat, Jupiter
Dolichenus, cit., p. 28 et p. 104; Speidel,
The Religion of Iuppiter Dolichenus,
cit., p. 77; Brouquier-Reddé,
Temples et cultes de Tripolitaine,
cit., p. 301.
[129] C. Daremberg, E. Saglio
(éds.), Dictionnaire des
antiquités grecques et romaines, s.v. Ratio, rationalis [C. Lecrivain], Graz 1969, p. 812-4.
[133] M. Le Glay, Le temple sévérien de
l’Aqua Septimiana Felix (Timgad), «BCTH», n.s., 3, 1967,
p. 262: devenu dès lors un lieu très fréquenté, le
temple connut des aménagements fonctionnels, avec une vaste cour
dallée et des salles d’accueil. Mais on peut opposer à
cette déduction les nombreuses mentions de culte aux Aquae Africae dont certaines portent le
nom de tous ces empereurs jamais venus en Afrique: E. Pettenò, Le
Aquae e le terme curative dell’Africa romana, «AntAfr»,
34, 1998, p. 133-48.
[135] Grosso, Ricerche su Plauziano, cit., p. 41; M. Speidel, Die Denkmäler der Kaiserreiter. Equites singulares Augusti,
Bonn 1994, p. 1-8.
[137] I. Kajanto, Fortuna, dans ANRW, ii, 17/1, 1981,
p. 517-8. Le culte
de Fortuna Redux est
particulièrement bien attesté sous le règne de Septime
Sévère qui offre pour l’année 203 une série
de monnaies portant précisément au revers la légende Fortuna Redux: RIC, iv, 1936, p. 69;
Mattingly, Coins of the Roman Empire in the British Museum, v, cit., London 1950, p. clv. Un denier daté de 196-197
célèbre l’ADVENTVI AVG FELICISSIMO de Septime
Sévère, représenté sur un cheval, une main
levée: H. Gilter, M. Ponting, The Silver Coinage of Septimius Severus and his family (193-211 A.D.). A Study of the Chemical Composition of the Roman and
Eastern Issues, Milan 2003, p. 79 et pl. viii, no 86.
[141] Ibid., p. 162, qui reconnaît
d’ailleurs que «les arguments directs et indirects si nombreux,
tirés des sources à la fois littéraires,
épigraphiques, numismatiques et archéologiques, qui
étaient longtemps utilisés à corroborer
l’authenticité du voyage africain de Septime Sévère,
ne reflécteraient-ils pas certaines circonstances
réelles?».
[143] Ibid., p. 178, à propos de la
dédicace faite par T. Flavius Marinus à Jupiter Dolichenus,
«en 203 ou 204, au moment où Septime Sévère vient
à Lepcis Magna».
[144] Parmi eux, Hasebroek, Untersuchungen, cit., p. 132-135; Guey,
Lepcitana Septimiana vi, (1950), cit., p. 55-67; Id., Lepcitana Septimiana vi,
(1952), cit., p. 61-63; M. Le Glay,
Épigraphie et organisation des
provinces africaines, dans Atti del
terzo congresso internazionale di epigrafia greca e latina, Roma, 4-8 settembre 1957, Roma 1959, p.
235; M. Corbier, Plautien, “comes” de
Septime-Sévère, dans Mélanges
de philosophie, de littérature et d’histoire ancienne offerts
à Pierre Boyancé, Rome 1974, p. 213-8; Halfmann, Itinera principum, cit., p. 216-7, 222-3; Birley, Septimius
Severus, cit., p. 146-54; A. Daguet-Dagey,
Septime Sévère. Rome,
l’Afrique et l’Orient, Paris 2000, p. 373-4.
[146] Dio Cass., lxxvii, 1, 1-5, qui évoque le
«retour de Septime Sévère»;
célébrations du triomphe parthique à Rome de 202: SHA, Sev., xiv, 7.
[147] AE, 1935, 156-7; Grosso, Ricerche su
Plauziano, cit., p. 38-43 sur la dédicace des equites singulares retrouvée à Saint-Jean-du-Latran
et le voyage de Septime Sévère en Afrique: F. Grosso pense que
l’expeditio felicissima renvoie aux
opérations menées par l’empereur en Afrique au cours
d’un voyage dans les provinces africaines.
[151] AE, 1925, 104; 1931, 1; 1947, 49 et 50;
R. G. Goodchild, Reports and Monographs of Department of
Antiquities in Tripolitania, no 2, 1949, p. 30-1 et p. 34, note 12.
[152] Guey, Lepcitana
Septimiana vi,
«RAfr», 1950, p. 63; Le Glay,
Épigraphie et organisation des
provinces africaines, cit., p. 235, place de la même manière
le voyage de Septime-Sévère en Afrique en 202-203.
[165] Chastagnol (éd.), Histoire Auguste, cit., p. 7.
[167] SHA, Hadr., x,
2: Inde in Germaniam transiit pacisque
magis quam belli cupidus militem, quasi bellum inminiret, exercuit tolerantiae
documentis eum imbuens, ipse quoque inter manipula vitam militarem
magistrans... (trad. fr.: «De là il passa en Germanie
où, bien que plus attiré par la paix que par la guerre, il
exerça les soldats comme si la guerre était imminente: il les
instruisait en donnant lui-même des exemples d’endurance, menait au
milieu d’eux la vie militaire parmi les manipules...» Chastagnol, éd., Histoire Auguste, cit., p. 31). Sur
l’intérêt accordé par Hadrien à
l’inspection des armées: Dio
Cass., lxix, 9, 1-4.