ds_gen N. 8 – 2009 – Memorie//Africa-Romana

 

Michel Christol

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Centre Gustave-Glotz, Paris

 

La procuratelle du patrimoine de Lepti Minus

 

 

 

(Pubblicato in L’Africa romana. Le ricchezze dell’Africa. Risorse, produzioni, scambi. Atti del XVII convegno di studio. Sevilla, 14-17 dicembre 2006, a cura di J. González, P. Ruggeri, C. Vismara, R. Zucca, Roma, Carocci editore, 2008, III pp. 2037-2079)

 

 

Sommaire: 1. Les procurateurs équestres. – 2. Une nouvelle inscription de Pergè: Tiberius Claudius Plotinus. – 3. Les caractéristiques de la procuratelle de Lepti Minus. – 3.1. La nomenclature et le salaire. – 3.2. Esclaves et affranchis impériaux: le développement progressif de la regio Leptitana. – 3.3. Les structures de la procuratelle du patrimoine. – 4. Lepti Minus, chef-lieu d’une administration procuratorienne: un rôle ancien que la documentation du iiie siècle fait resurgir.

 

 

Au sein des circonscriptions procuratoriennes qui furent constituées dans la province d’Afrique, apparaît au plein jour, à une époque assez tardive, une procuratelle, dite du patrimoine, dont l’assise géographique est définie, selon les documents, comme regio Leptiminensis ou bien comme regio Leptitana. Comme nous le verrons, en tant que ressort procuratorien équestre son existence est attestée par la documentation à divers moments du iiie siècle. Une série des titulaires a été constituée depuis longtemps. On connaissait ainsi trois responsables, enregistrés dans l’ordre suivant par H.-G. Pflaum dans les Fasti procuratorum equestrium: M(arcus) Aemilius Clodianus, un quasi inconnu ([---]Vic[---]), enfin T(itus) Iulius Sabinus Victorianus[1]. Mais récemment cette liste s’est accrue d’un nouveau personnage dont la carrière est connue par une inscription grecque provenant de Pergè, cité de Pamphylie (province romaine de Lycie-Pamphylie)[2].

 

 

1. – Les procurateurs équestres

 

Marcus Aemilius Clodianus

 

M(arcus) Aemilius Clodianus est celui dont il faut examiner la carrière en premier, car depuis la mise en forme des fastes procuratoriens, [p. 2038], on est tenté de le considérer comme le premier titulaire connu[3]. Le point de vue qu’avait à son propos exprimé H.-G. Pflaum a été suivi dans des travaux plus récents[4]. Mais la datation de sa carrière est peut-être moins assurée qu’on ne le pense. Dans la version dactylographiée de sa thèse de doctorat[5], H.-G. Pflaum avait retenu, à la fin de la notice concernant le personnage, une datation très précise:

 

La date de la procuratèle à Lepti Minus est fixée, comme on l’a vu, par le martelage du second G et de la première N d’Augg. nn. Les deux empereurs sont les frères Caracalla et Géta, dont le second après la courte corégence de 211/212 a été éliminé par son aîné et décrété damnatus memoriae par le sénat[6].

 

Mais, par la suite, ce grand savant a, lui-même, un peu hésité sur la datation, amendant et nuançant son point de vue initial, ce qui signifiait qu’il n’était pas aussi assuré qu’il semblait et que, pour nous, il convenait de ne pas être inattentif à cette attitude d’hésitation si l’on revenait sur le personnage et sur les sujets à la connaissance desquels contribue sa notice prosopographique[7].

Déjà, dans la publication imprimée de la notice elle-même H.-G. Pflaum faisait cas de remarques d’E. Birley, pour ajouter à [p. 2039] son commentaire de nouvelles suggestions, qui rendaient plus incertain son propos initial:

 

[...] mais aussi les deux Philippes, pour lesquels nous avons récemment la preuve de martelages analogues sous le règne subséquent de Dèce, ou enfin Valérien et Gallien, le second G ayant été enlevé après la catastrophe du premier de ces princes en 259[8].

 

C’est sans aucun doute pour cette raison que, dans les fastes procuratoriens, qu’il inséra à la fin d’une de ses œuvres majeures sur les procurateurs et sur leurs carrières, tout en maintenant le personnage en première place dans la liste qu’il avait constituée, il proposait la datation suivante: «entre 198 et 209 ou entre 246 et 249 ou entre 250 et 251»[9]. Sans que l’on sache si la première indication pouvait résulter d’une inattention, H.-G. Pflaum avait nuancé l’avis qui jusque là prédominait, exprimé autant par R. Cagnat et par J. Schmidt (relativement à l’inscription de Thysdrus) que par St. Gsell (à propos des inscriptions de Théveste), ou bien par H. Dessau et L. Poinssot[10]. G. Boulvert n’a pas osé remettre en question la première de ces propositions de datation, puisqu’il recourait aux inscriptions de ce procurateur afin d’analyser la politique de Septime Sévère en matière d’organisation domaniale[11], tout en n’excluant pas une datation plus ouverte[12]. Mais récemment la datation la plus ancienne a été défendue comme la plus vraisemblable[13].

M(arcus) Aemilius Clodianus est attesté par trois inscriptions. Les deux premières proviennent de Théveste, cité dont ce chevalier romain était originaire, comme l’ont supposé successivement [p. 2040] St. Gsell[14], puis L. Poinssot[15], enfin H.-G. Pflaum lui-même, qui écrivait: «nous voyons par conséquent en Clodianus un autre de ces notables africains auxquels les postes domaniaux d’Afrique étaient réservés»[16]. Ces inscriptions se trouvent sur des bases de statues honorifiques qui lui furent adressées dans sa patrie par les cités qui se trouvaient dans la regio Tripolitana, c’est-à-dire dans le ressort administratif africain qu’il avait géré avant d’être transféré au siège de Lepti Minus: on peut estimer que, parmi les cités des bords de la petite Syrte, les Lepcitani auraient agi comme leurs voisins, mais que nous manquerait pour l’instant le témoignage honorifique de leur reconnaissance.

 

CIL viii, 16542, cf. p. 2731 (ILS, 1439) = ILAlg., i, 3063: M(arco) Aemilio C[lodiano e(gregio) v(iro), proc(uratori) Aug[[g]](ustorum) [[n]]n(ostrorum) pat]trimonii reg(ionis) Leptiminensis [item privatae] reg(ionis) Tripolitanae ob singularem eius innocentiam Oeenses publice.

 

CIL viii, 16543 = ILAlg., i, 3062: M(arco) Aemilio Clodiano e(gregio) v(iro), proc(uratori) Aug[[g]](ustorum) [[n]]n(ostrorum) patrimonii reg(ionis) Leptiminensis item privatae reg(ionis) Tripolitanae ob insignem eius [innoc]ent[iam] Sabrathenses publice.

 

Ces inscriptions dessinent le portrait d’un parfait administrateur, car l’innocentia est sans aucun doute la vertu première que l’on se plaisait à reconnaître chez un responsable dont on pouvait être justiciable[17]. Elles se veulent, avant toute chose, des témoignages de [p. 2041] gratitude, venus conclure l’exercice d’une fonction qui avait donné toute satisfaction aux cités de Tripolitaine.

Le dernier document relatif à ce procurateur équestre provient d’un lieu qui se trouvait dans la circonscription constituant le nouveau ressort de son activité, après avoir quitté la procuratelle de la regio Tripolitana, qui concernait l’administration des biens personnels de l’empereur, la ratio privata (Hr-Ksibat, à proximité de Thysdrus).

 

CIL viii, 11105, cf. L. Poinssot, «BCTH», 1938-1939-1940, p. 59 n. 2[18]: [---proc(uratori)] patrimoni(i) per regionem Leptitanam, [p. 242] proc(uratori) ration(is) privatae per reg(ionem) Tripolitanam, [o]mnium virtutum [et t]otius iustitia[e] viro, [prae]posito incompar[abili, lib]erti et famil[ia] Caesar(um) n[[n(ostrorum)]].

 

Certes, le document est acéphale, mais il est vraisemblable de le rattacher à M(arcus) Aemilius Clodianus parce que la succession des responsabilités administratives est identique[19]. Il s’agit aussi d’un éloge, mais il émane des auxiliaires administratifs du procurateur, qui avaient été soucieux de lui rendre hommage et de se mettre en évidence auprès de lui[20]: il s’agit de ceux qui l’assistaient sur le lieu même de l’érection de l’hommage. En l’appelant praepositus, ils recourent au titre le plus courant pour désigner «le chef civil d’un employé civil»[21]. Les exemples ne manquent pas: à Cagliari[22], en Sardaigne, M(arcus) Cosconius Fronto, procurateur-gouverneur, est appelé optimus et sanctissimus praepositus par Lucretius, [A]ugg(ustorum) (libertus), tabul(arius) prov(inciae) Sard(iniae); à Ancyre[23], en [p. 2043] Galatie, C(aius) Iulius Senecio, procurateur de Galatie, est appelé praepositus incomparabilis par Zeno, Augg(ustorum) lib(ertus), tabular(ius) prov(inciae) eiusd(em); à Ilipa, en Bétique[24], L(ucius) Cominius Vipsanius Salutaris, procurateur provincial qui vient d’être nommé a cognitionibus domini Imp(eratoris) L(uci) Septimi Severi Pertinac(is) Augusti, est appelé praepositus sanctissimus par Irenaeus, Aug(usti) n(ostri) ver(na), disp(ensator) portus Ilipensis.

Quant au vocabulaire employé pour composer l’éloge, il offre d’autres éléments que les inscriptions précédentes, mais ils sont orientés dans les mêmes perspectives. La mise en évidence de toutes les vertus est aussi un thème fréquent, bien attesté durant le iiie siècle. On avait procédé ainsi pour le procurateur-gouverneur de Maurétanie Césarienne C(aius) Octavius Pudens Caesius Honoratus[25], suivi, peu après, par P(ublius) Aelius Peregrinus Rogatus dans une inscription de Césarée[26]. Puis il en alla de même pour le gouverneur de Numidie T(itus) Iulius Tertullus Antiochus[27] et, dans la même province, pour M(arcus) Aurelius Cominius Cassianus. Ce dernier reçut plusieurs hommages. C’est d’abord un chevalier[28], a militiis, qui le qualifie de omnibus virtutibus abundans; puis ses cornicularii l’appellent insignis patientiae et admirabilis integritatis ac summarum virtutum vir[29]; enfin, un autre chevalier, Claudius Lucifer, l’appelle praeses genio virtutum omnium[30]. Quant à la justice, sous la forme du substantif iustitia ou du superlatif iustissimus, elle est aussi abondamment invoquée[31].

L’intérêt de l’inscription de Hr-Ksibat, qui provient d’un lieu situé dans le nouveau ressort administratif détenu par ce procurateur, est d’informer sur son organisation. Si Lepti Minus, qui donne son nom à l’intitulé de la fonction, est le chef-lieu administratif, siège [p. 2044] principal de l’autorité, Thysdrus accueillait sans aucun doute une branche de l’administration. Les liberti et la familia qui agissent collectivement étaient les employés du service, comparables en tant que groupement de personnel administratif aux liberti et à la familia constituant le collegium Larum Caes. n. d’Hippone[32], qui dans cette ville honoraient sous Trajan le procurateur ad praedia saltus Hippo-niens(is) et Thevestini, T(itus) Flavius T(iti) f(ilius) Quir(ina) Macer[33]. Cette inscription montre que, pour les dédicants, le lien était essentiel entre le service dirigé par le procurateur au moment de l’hommage (la regio Leptitana) et le centre administratif de Thysdrus. Cette inscription met au jour l’organisation du service dans sa complexité et dans sa diversité locale. Et à Thysdrus on ne peut se référer qu’à la proche cité de Lepti Minus[34].

Il importe de revenir sur la datation du document, puisqu’on a récemment argumenté à nouveau pour une date sévérienne. Il faut tenir compte que les deux bases de statues de Théveste et l’hommage rendu à El Djem ne sont pas rigoureusement contemporains. Ces témoignages se succèdent dans le temps, avec un intervalle que nous ignorons, mais qui n’abolit pas le principe de non-contemporanéité. Les deux premières inscriptions ont été suscitées par la fin du séjour du procurateur dans la regio Tripolitana: ce sont des remerciements adressés lors de son départ et qui valurent au fonctionnaire des hommages dans sa propre cité. Peu après cette date, alors même que le chevalier romain avait gagné la regio Leptiminensis, les administrés d’Oea, de Sabratha, et vraisemblablement ceux de Lepcis Magna, se sont déplacés vers Théveste et y [p. 2045] ont exécuté leur engagement. Vraisemblablement, peu de temps s’était écoulé. Puis, à Théveste, on a tenu compte des événements politiques, de la rétraction du collège impérial et de son cortège de tragédies: par un martelage judicieux, on a rendu son exactitude au texte, non par rapport à la situation politique qui existait lorsque l’on avait voulu honorer le personnage, mais par rapport à celle qu’avaient créée ailleurs des événements politiques, alors même que le personnage poursuivait sa carrière. De nos jours on aurait souhaité, par cette rectification, être «politiquement correct». Mais lorsque l’hommage des subalternes de la regio Leptitana fut élevé au procurateur à Thysdrus, un délai certain s’était écoulé, car nous sommes là aussi, très vraisemblablement, au terme de l’exercice des responsabilités dans ce dernier poste. Les deux princes qui sont sous-entendus par le redoublement des lettres ne sont plus nécessairement les mêmes que ceux des inscriptions précédentes. Aussi peut-on envisager qu’il s’agirait d’un nouveau collège composé de deux empereurs, avant que ne s’installe au pouvoir une autorité unique. Cet éclairage exclut vraisemblablement la première solution qu’avait envisagée H.-G. Pflaum, à la suite de ses prédécesseurs. En effet, après l’élimination de Géta à la fin de 211 (rasura des lettres indiquant un collège de deux personnes), il faut attendre le courant de l’année 217 pour retrouver un collège constitué d’un Auguste et d’un César, avec Macrin et Diaduménien. L’intervalle paraîtra trop long pour s’adapter au déroulement chronologique de la carrière de M(arcus) Aemilius Clodianus. En revanche les situations politiques du milieu du iiie siècle se prêtent mieux à des rapprochements, car à ce moment-là on peut envisager, à deux reprises, l’enchaînement chronologique constitué d’un collège de deux Augustes et de l’établissement à leurs dépens d’un pouvoir unifié. Ainsi après le principat de Philippe et de son fils, Dèce détint seul le pouvoir pendant plusieurs mois avant d’associer son fils, Herennius Etruscus, à la gestion des affaires publiques, en 250[35]. Puis à Trébonien Galle et Volusien, succéda Emilien, en 253. Cette mise en perspective conduirait à placer la procuratelle de la regio Tripolitana sous Philippe et son fils, puis la procuratelle [p. 2046] de la regio Leptiminensis, un peu plus tard, sous Trébonien Galle et Volusien (251-253). On pourrait même retrouver un schéma identique avec les règnes de Trébonien Galle et Volusien, celui d’Emilien, puis l’avènement de Valérien et de Gallien[36]. L’une ou l’autre solution conduisent donc à placer de préférence les étapes de ce cursus procuratorien au milieu du iiie siècle.

 

[---] Pap(iria) Vic[---]

 

Le second des personnages qui se trouve dans la liste que constitua H.-G. Pflaum, est mentionné dans le texte d’une inscription de Sabratha, dont la connaissance a été acquise par la publication du recueil de J. Reynolds et de J. B. Ward-Perkins (IRTrip., 97):

 

[----------]

PAP VIC[---]

PROC AVG[---]

DVCI PER[---]

POLITANVM[---]

[NI]S LEPTHIMI[NENSIS---]

[ca 5 l.]IVS V[---]

 

H.-G. Pflaum a ajouté ses propres remarques, faisant ainsi progresser la compréhension du texte[37]. Il indiquait en particulier qu’il était difficile d’envisager, aux lignes 3-4 conservées, une autre restitution que duci per [limitem Tri]politanum. Cette restitution courte a été acceptée sans réserve par la suite, autant par R. Rebuffat[38] que par G. Di Vita-Evrard[39], et, à ce qu’il semble, aussi par Y. Le Bohec[40]. C’est elle qui impose de retenir la restitution proposée pour [p. 2047] les lignes 4-5 conservées: [proc(uratori) regio]nis Lepthimi[nensis]. Sans être profondément différente de celle des éditeurs de l’inscription, elle s’accorde mieux, dans la forme, avec la longueur estimée des lignes. Mais l’interprétation de fond doit susciter une réflexion. En effet pour H.-G. Pflaum, dans ce cursus qu’il estimait à juste titre présenté en ordre direct, il ne pouvait être question que de la gestion du patrimonium[41]. Quant à la date, elle demeure a priori incertaine, mais il semble difficile de franchir trop nettement le milieu du iiie siècle ap. J.-C., en raison de la mention de la tribu romaine dans la dénomination du personnage[42], qui devrait aussi être d’origine africaine[43], comme M(arcus) Aemilius Clodianus.

 

Titus Iulius Sabinus Victorianus

 

Le troisième témoignage concerne un procurateur équestre originaire de la colonie de Madaure, T(itus) Iulius Sabinus Victorianus[44]. H.-G. Pflaum l’avait initialement placé au début de l’époque [p. 2048] sévérienne, et il avait composé sa notice en utilisant deux inscriptions de cette cité[45]. Mais par la suite, par une ample retractatio, non seulement il avait souhaité dissocier les documents pour faire apparaître deux personnages, cependant proches l’un de l’autre, mais encore il avait proposé de les situer bien plus tard durant le iiie siècle, vers les années 270[46]. Nous avons aussi argumenté pour revenir à l’identification des deux personnages mentionnés, comme l’avait voulu initialement notre maître, et pour utiliser les deux inscriptions en vue de dresser le portrait de ce chevalier africain[47].

Une première inscription apporte les éléments du cursus du personnage:

 

Gsell, «RSAC», 1906, p. 424, nº 419 (d’où AE, 1907, 238) = Gsell, ILAlg., i, 2035 = H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes, p. 657, texte 1 (Madaure): Aedem Con[cordiae, quam Iul(ius)] Vitalis libe[ralitate sue promiserat], T(itus) Iul(ius) Sabinu[s.. v(ir) e(gregius), fl(amen) p(er)p(etuus),] procurato[r Aug(usti) patrimoni(i) reg(ionis) ou patrimoni(i) regionis] Leptiminen[sis, procurator privat(ae)] tractus Biz[aceni---] ex (sestertium) quad[raginta m(ilibus) n(ummum)---] dedicante [---] legato Num[idiae---]. (Sur le côté) D[e Va]lentiorum familia.

 

L’autre inscription de Madaure correspond à la période de sa vie durant laquelle il s’était retiré dans sa cité d’origine[48]:

 

A. Ballu, «BCTH», 1919, p. 71 (d’où AE, 1920, 17) = Gsell, ILAlg., i, 2118: T(ito) Iulio Sabino Victoriano, eq(uiti) R(omano), [p. 2049] fl(amini) p(er)p(etuo), centenario viro gloriosae innocentiae, probatae fidei, Q(uintus) Calpurnius Honoratus, fl(amen) p(er)p(etuus), [T(itus) Fl]avius Victorianus, [T(itus) F]laviu[s---]ianus, fl(amen) p(er)p(etuus), [-] Iuliu[s Ve]nustus, [-] Cornel(ius) Salvius Cha[e]re[as p]arentes laudabil[i ---a]vo et [avunculo---].

 

Cette dernière inscription montrerait que T(itus) Iulius Sabinus Sabinianus se serait retiré avec la dignité de vir centenarius, c’est-à-dire après avoir parcouru une carrière procuratorienne qui le conduisait à ce niveau de dignité. L’autre nous fournit son cursus, vraisemblablement les deux seules fonctions procuratoriennes exercées, puisque la seconde correspond, comme on le verra plus loin, à la procuratelle centenaire de la région d’Hadrumète. C’est en tout cas le point de vue que nous souhaiterions adopter.

On peut rappeler que les restitutions de la première inscription mutilée ont varié à cause de ses mutilations: de Gsell à Saumagne, et de Saumagne à Pflaum. Mais, en revenant dans le second temps de sa réflexion aux restitutions de St. Gsell pour la première des fonctions, et en proposant pour la seconde des fonctions sa propre restitution, là où Gsell ne s’engageait pas, H.-G. Pflaum a incontestablement fait accomplir un grand pas à la compréhension de ce texte, même si, dans ses raisonnements, il a pu multiplier les hésitations. La première fonction, comme procurateur, est celle de procurato[r Aug(usti) patrimonii reg(ionis)] Leptiminensis, mais nous préférerions adopter celle de procurato[r patrimonii regionis] Leptiminensis: l’élimination de la référence à l’empereur ne change rien sur le fond[49], mais elle permet de restituer en toutes lettres le mot regionis. Ce chevalier a donc été titulaire de cette procuratelle du patrimoine pour le premier poste de sa carrière[50]. Puis il fut élevé, avec [p. 2050] un salaire centenaire, à la fonction de [procurator privat(ae)] tractus Biz[aceni---] selon la restitution originale de H.-G. Pflaum[51]. Mais ce savant n’a point voulu insérer le personnage dans la liste des procurateurs de la regio Hadrumetina. Il l’a considéré à part, en estimant que cette fonction, concernant la gestion des biens de la res privata, ne pouvait être regroupée avec la procuratelle de la regio Hadrumetina. Avait-il raison? On peut en douter, car il semble préférable à présent d’orienter différemment le commentaire de ce texte, qui n’est pas aussi isolé que l’estimait H.-G. Pflaum.

En effet, à l’endroit important de l’inscription, l’énoncé qui s’impose, certes à travers une restitution, indique que le ressort administratif désigné se rapportait l’aboutissement de l’évolution terminologique de la regio Hadrumetina. Mais, en conséquence, il faut considérer que cette entité administrative faisait partie de la res privata impériale: c’était déjà le point de vue de Gsell, exprimé dans son commentaire de l’inscription de Madaure. Il vaudrait donc mieux ajouter ce procurateur à la fin de la liste des titulaires de l’administration de la regio Hadrumetina. Nous avons déjà longuement exposé notre point de vue sur le sujet[52].

 

 

2. – Une nouvelle inscription de Pergè: Tiberius Claudius Plotinus

 

Avec le nouveau positionnement chronologique de cette carrière et celui que nous avons proposé pour le notable de Théveste, M(arcus) Aemilius Clodianus, on peut constater que les trois attestations dont on dispose sur l’existence d’une procuratelle équestre du patrimonium de la regio Leptiminensis ou de la regio Leptitana seraient toutes du milieu ou de la seconde moitié du iiie siècle ap. J.-C. Mais cela ne suffit pas pour envisager que ce poste serait apparu très tardivement. Le service en tant que tel était certainement plus ancien. En effet, une inscription de Pergè, cité de Pamphylie, ramène vers l’époque sévérienne et conduirait à placer à cette période la création de la procuratelle équestre:

[p. 2051]

S. Sahin, Die Inschriften von Perge, ii (Historische Texte aus dem 3. Jhdt. N. Chr. – Grabtexte aus den 1-3 Jahrhunderten der römischen Kaiserzeit – Fragmente), Bonn 2004, p. 16-8, n° 293, d’où AE, 2004, 1484: Ti(be@rion) Kl(au@dion) Ti(beri@ou) Kl(audi@ou)  éHrakla^[tov] eèpi@tropou doukhna[ri@ou] uiéo#n Kurei@na Plwte˜i^no[n], iéppikai^v stratei@aiv ke[kos]mhme@non uépo# tou^ qeiota@to[u] Auètokra@torov Kai@sarov èAntwnei@nou, eè[pi@]tropon eèparcei@av Narbwnnhssi@av kai# qalassi@wn kai# Liguri@av, eèpi@tropon  òAfrikov dioikh@sewv Lepteita@nhv, eèpi@tropon eèparcei@w Pampfuli@av kai# Luki@av, eèpi@tropon Kiliki@av aèpodedeigme@non, Ti@tov Auèrh@liov Flo@riov.

 

L’inscription est celle d’un procurateur impérial de la province de Lycie-Pamphylie, qui venait d’être nommé dans la voisine Cilicie[53] et qui s’apprêtait à gagner le nouveau poste que lui avait attribué l’empereur[54]. La reprise du texte dans l’Année épigraphique a suscité une addition de commentaires, au sein desquels il importe d’opérer un tri et auxquels, à l’occasion, il convient d’apporter des compléments ou des nuances. Pour définir plus clairement l’identité de l’empereur Antoninus il convenait d’opter entre Antonin le Pieux et Caracalla. Les commentateurs de l’Année épigraphique ont conforté l’avis de l’éditeur qui datait l’inscription de l’époque de Caracalla, en relevant que l’attribution de la dignité ducénaire au père du procurateur constituait un argument important en ce sens: on peut citer à ce propos les travaux de H.-G. Pflaum[55]. En revanche, l’expression iéppikai^v stratei@aiv kekosmhme@non, c’est-à-dire militiis equestribus ornatus, qui en soi ne manque pas d’originalité[56], [p. 2052] n’ajoute pas, d’elle-même, un argument chronologique déterminant, car si H.-G. Pflaum considérait que la manière consistant à «donner le cursus militaire en abrégé» permettait de dater des textes de l’époque sévérienne ou d’une époque postérieure[57], les recherches de H. Devijver ont conduit à étaler davantage dans le temps les documents se rapportant au sujet[58], même si la plupart d’entre eux appartiennent à l’époque sévérienne ou aux règnes postérieurs.

[p. 2053] De toute façon, puisqu’il s’agit de Caracalla, la mention de l’empereur, oé qeio@tatov Kai^sar Auètokra@twr  èAntwnei@nov, se réfère à l’empereur vivant[59]. Il en résulte qu’il faut comprimer quelque peu le déroulement de la carrière entre 211 (dès la disparition de Septime Sévère, car il n’est pas possible que l’on ait pu mentionner Géta) et avril 217. La fin du service militaire, les trois procura-telles qui suivent, avant la nomination pour la Cilicie, se placent dans un intervalle à peine supérieur à six années. Si la procuratelle exercée en Narbonnaise fut de durée limitée, on placera vers 213-214 l’exercice de la fonction de procurator Africae regionis Leptitanae, puis en 215-216 la procuratelle de Lycie-Pamphylie, sans que l’on puisse trop modifier la répartition des durées.

A propos de la procuratelle en Afrique, l’éditeur met en évidence essentiellement l’emploi du mot  òAfrixj, n’ajoutant rien sur cet aspect de la carrière du personnage. Mais l’Année épigraphique apporte un commentaire qui oriente l’attention sur la circonscription administrative qui nous intéresse: «la fonction de procurator patrimonii per regionem Leptitanam est un poste centenaire attesté pour l’instant à partir de la fin du iie siècle, voir CIL viii, 11105». On trouvera dans l’appréciation chronologique l’influence des datations de H.-G. Pflaum, qui faisait remonter à Septime Sévère sur la foi de la carrière de M(arcus) Aemilius Clodianus, la mise en place de ce service procuratorien. En dépit du nouveau positionnement chronologique de la carrière de ce chevalier que nous avons proposé plus haut, la nouvelle inscription vient rétablir la vraisemblance d’une création sévérienne. En définitive, on maintiendra le point de vue de H.-G. Pflaum, mais sur d’autres fondements. Mais [p. 2054] ce premier procurateur de la liste des titulaires du poste, à la différence des autres, ne devrait pas être d’origine africaine.

 

 

3. – Les caractéristiques de la procuratelle de Lepti Minus

 

3.1. – La nomenclature et le salaire

 

On doit relever d’emblée que H.-G. Pflaum semble avoir éprouvé des difficultés à définir ce service procuratorien et à fixer sa nomenclature, en dépit de données documentaire qui semblaient évidentes. Dans son premier livre, paru en 1950, même si, en une occasion, lorsqu’il énumère les nouveaux postes procuratoriens établis sous Septime Sévère, il mentionne un procurator patrimonii regionis Leptiminensis, qui aurait été doté d’un salaire centenaire[60], partout ailleurs il manifeste une prudence qui est perceptible dans l’expression adoptée et il s’y tient avec fermeté. S’il n’hésite pas à évoquer souvent la regio Hadrumetina, la regio Thevestina, ou d’autres subdivisions, attribuant à ces circonscriptions administratives les définitions que lui fournissaient les documents, il demeure plus réservé dans le cas qui nous intéresse, et il semble se refuser en général à nommer la regio Leptiminensis comme telle. Peut-être estimait-il qu’il fallait se garder d’une hardiesse qu’il trouvait dans les analyses de Ch. Saumagne[61], et se prémunir par une prudence de tous les instants de toute définition qui pourrait être jugée hasardeuse ou malheureuse. Il se contentait donc d’utiliser, dans d’autres passages, des formulations moins directes. Ainsi écrivait-il: «parmi les regiones celle de Lepti Minus», et un peu plus loin: «une région autonome de l’administration domaniale à Lepti Minus»[62].

On retrouve cette prudence de la rédaction dans les notices qui, quoique publiées en 1960-61, ne firent pas l’objet de rectifications approfondies. Par exemple, dans une discussion générale sur les circonscriptions procuratoriennes dans la province d’Afrique, à propos [p. 2055] de la carrière de M(arcus) Claudius Restitutus[63], il adopte la même retenue, ce qui s’explique par la composition parallèle de ces deux ouvrages: «la région autonome de Lepti Minus». Ensuite, dans l’analyse du cursus de M(arcus) Aemilius Clodianus, il écrit d’abord: «la gestion du patrimonium dans la région de Lepti Minus», avant d’ajouter: «la date de la procuratèle de Lepti Minus»[64]. Il en est de même dans la notice n° 245, telle qu’elle fut imprimée dans l’ouvrage de 1960-1961. Il se contenait d’écrire: «le poste de Lepti Minus», ou «le procurateur de Lepti Minus»[65]. L’expression regio Leptiminenis paraît quasi-systématiquement évitée.

C’est dans une notice nouvelle que la réflexion s’infléchit de fa-çon significative. La notice n° 339 bis sur [---] Pap(iria) Vic[---] a été précédée par le compte rendu des IRTrip. de Miss Reynolds et de Ward-Perkins, parues en 1952, lui-même paru en 1953[66]. Le commentaire de IRTrip., 97 (inscription de Sabratha), en ce qui concerne la fonction de pro[c(urator) regioni]s Lepthimi[nensis] dont la restitution lui semblait évidente, avait fourni à notre maître l’occasion d’un certain nombre de remarques: il définissait ce procurateur comme procurateur du patrimonium, en rapprochant cette nomenclature des formulations que contenaient les inscriptions de Theveste [p. 2056] relatives à M(arcus) Aemilius Clodianus[67]. Il laissait aussi entendre qu’il fallait considérer comme équivalentes l’expression procurator patrimonii regionis Leptiminensis et l’expression procurator regionis (ou dioeceseos) Leptitanae qui se trouve non seulement dans l’inscription de Hr-Ksibat, déjà citée (CIL viii, 11105), elle aussi relative au pro-curateur M(arcus) Aemilius Clodianus, mais encore dans une inscription de Sufetula (ILAfr., 135 = ILS, 9026), relative à un affranchi impérial, Inventus, que l’on examinera plus bas[68]. Mais cette affirmation d’équivalence n’était suggérée que très discrètement, car, si les références aux documents étaient clairement données, la seconde formule n’était pas transcrite et donnée à lire de la façon la plus explicite. Enfin, il sentait qu’il était nécessaire d’insister avec vigueur sur la différence entre ratio privata et patrimonium, conformément aux distinctions mentionnées dans les inscriptions relatives aux fonctionnaires impériaux, qui lui paraissaient extrêmement significatives. A cette fin il revenait alors sur des dossiers qu’il avait abordés dans ses thèses, ceux des inscriptions de M(arcus) Aemilius Clodianus et celui de T(itus) Iulius Sabinus Victorinus, que nous avons examinés ci-dessus. Il formulait alors un point de vue auquel il accordait grande importance, car il instituait une mise en parallèle entre le service du patrimonium et celui de la res privata, conçus comme entités distinctes et alternatives[69]:

 

le raisonnement ne tient pas compte du fait que la mention du terme patrimonium est provoquée par l’opposition que l’on a tenu à marquer entre cette direction ancienne des domaines impériaux et le bureau de la ratio privata récemment créé par Septime Sévère, duquel ressortissait la circonscription de Tripolitaine [...]. Tout autre est au contraire la situation de T(itus) Iulius Sabinus Victorianus, et l’on a eu raison de restituer la mention du patrimonium, mais grand tort de ne pas la faire suivre de celle de la ratio privata à la ligne suivante.

 

Tout ceci devint quelques années plus tard le développement de la notice n° 339 bis, consacrée à ce personnage connu par une inscription de Sabratha.

[p. 2057] Le contenu de cette notice est donc essentiel. Car ailleurs, même lorsqu’il opérait une retractatio du sujet, H.-G. Pflaum ne semble pas être allé jusqu’aux mêmes prises de position. En témoigne le profond remaniement de la notice n° 245 (associée à la notice 245a), qui procède aussi d’une recherche entreprise postérieurement à la thèse de doctorat, et ponctuée par un article publié en 1955[70]. Cette notice avait associé initialement deux inscriptions de Madaure (AE, 1920, 17 = ILAlg., i, 2118 d’une part; ILAlg., i, 2035 d’autre part), mais notre maître souhaitait faire apparaître deux personnages bien distincts[71]. La seconde inscription faisait connaître la carrière d’un chevalier romain qui avait été procurato[r Aug(usti) patrimoni(i) reg(ionis)] Leptiminen[sis]. Lorsqu’il reprenait les documents dans son article de 1955, notre maître, en justifiant cette restitution, ne semblait pas douter qu’elle ait fourni la dénomination ordinaire du titulaire. Il ajoutait des remarques sur la différence de nature ou de structure qui pouvait exister entre la regio Leptiminensis, explicitement désignée, et le tractus Byzacenus: «Comme Lepti Minus était dans le Byzacium, il resterait à savoir en quoi cette procuratelle du tractus Byzacenus aurait différé de celle de la regio Leptiminensis, et si elle avait été gérée par Sabinus en même temps ou plus tard». Toutefois, cette observation qui reprenait une remarque déjà exprimée dans le commentaire de IRTrip., 97 (et citée ci-dessus), disparaissait de l’addendum important consacré à la retractatio de cette notice[72]: H.-G. Pflaum se concentrait alors sur d’autres questions (la datation des textes; la valeur de l’expression centenarius vir), mais il demeurait en retrait sur ce point important qu’il avait pourtant examiné précédemment. Faute d’analyser le tractus Byzacenus et la regio Hadrumetina dans la même perspective, la distinction avec la regio Leptiminensis était difficile à argumenter et à établir. La discussion n’était pas conduite à son terme.

On ne s’étonnera donc pas que, si le procurator patrimonii regionis Leptiminensis avait pu trouver place[73], enfin!, dans l’index [p. 2058] de l’ouvrage publié en 1960-61, l’ensemble de l’ouvrage conserve dans le traitement de la question une certaine hétérogénéité.

Mais une autre question apparaît, qui concerne l’équivalence à poser entre regio Leptiminensis et regio Leptitana. En effet, la mention de cette dernière, à travers la dénomination du procurator regionis Leptitanae ne figure pas dans les rubriques adoptées pour présenter les fastes procuratoriens[74]. Il en va de même dans l’Abrégé, issu de l’article de la Real-Encyclopädie, paru en 1955: la fonction de procurator patrimoni regionis Leptiminensis apparaît dans les créations de la première moitié du iiie siècle, mais on n’apprend pas davantage, car la formulation que l’on doit considérer comme alternative n’est pas citée[75].

La nouvelle inscription de Pergè permet sur ce point de faire remonter au plein jour ce qui était resté enfoui dans les recherches de H.-G. Pflaum, alors même que ce savant mettait, peu à peu, en évidence la fonction de procurator patrimoni regionis Leptiminensis. On peut se demander à présent s’il ne convient pas, plus naturellement, de dénommer la circonscription dont nous tentons de définir les contours comme le service dirigé par le procurator (patrimoni) regionis Leptitanae, selon la formulation contenue dans l’inscription de Pergè. Jusqu’ici, dans le dénombrement des attestations, l’emportait l’autre dénomination: son emploi paraissait courant et conforme à la nomenclature officielle. Mais les deux inscriptions de Théveste relatives à M(arcus) Aemilius Clodianus provenaient, tout comme l’inscription de Sabratha relative à [---] Pap(iria) Vic[---,], d’un contexte civique lié aux cités de Tripolitaine[76]. On y était soucieux de ne pas entretenir la confusion entre Lepcis Magna et Lepti Minus: or le qualificatif Leptitanus ne réglait [p. 2059] pas la question, comme le montrent les discussions sur l’attribution de certaines inscriptions à l’une ou l’autre de ces villes[77]. En revanche, on pouvait estimer, en contrepartie, que les personnes liées au service citaient plutôt une regio Leptitana. Mais il faut tenir compte, déjà, à ce propos, que l’on doit ajouter aux liberti et à la familia impériale de l’inscription de Hr-Ksibat, l’inscription de Sufetula qui, elle aussi, mentionne un procurator dioecesis Leptitanae, de rang affranchi, dont on examinera la situation un peu plus loin. N’était-ce pas montrer qu’au sein même du service cette dénomination suffisait? Ne devrait-elle donc pas être considérée comme officielle? L’inscription de Pergè vient conforter ce point de vue. La formulation adoptée est un décalque précis de la formulation procurator Africae regionis Leptitanae. On se demandera donc s’il ne convient pas désormais de minorer la place de la dénomination que peu à peu H.-G. Pflaum avait mise en évidence et s’il ne serait pas nécessaire, sur ce point, de prêter plus d’attention à la formulation récemment projetée au premier plan, grâce à ce nouveau document.

En indiquant que le poste devait valoir à son titulaire un salaire centenaire, le commentateur de l’Année épigraphique a adopté la position traditionnelle, exprimée par H.-G. Pflaum lui-même à plusieurs reprises, depuis son premier livre sur les procurateurs[78]. Mais on ne doit pas oublier que ce savant indiquait aussi, dans son étude sur la carrière de [---] Pap(iria) Vic[---], selon IRTrip., 97, sa perplexité à ce sujet: «Nous avons classé la fonction de proc. regionis Leptiminensis parmi les emplois de la catégorie centenaire, sans d’ailleurs pouvoir en apporter une preuve péremptoire»[79]. Il reprenait intégralement ce jugement dans la notice n° 339 bis qu’il composait par la suite[80]. Ce n’est qu’indirectement que l’on apprend qu’il avait finalement changé d’avis et opté pour un salaire sexagénaire. En effet, comme l’indique B. Dobson dans les compléments qu’il inséra dans la réédition de l’ouvrage d’A. von [p. 2060] Domaszewski, c’est par lettre qu’il lui avait signalé la modification qu’il souhaitait apporter à son point de vue initial[81]. La documentation peut être interprétée en ce sens. Dans l’inscription de Pergè on trouve, dans le parcours du chevalier romain, deux procuratelles sexagénaires (la procuratelle de Narbonnaise, puis la procuratelle de la regio Leptitana) et deux procuratelles centenaires (la procuratelle de Lycie-Pamphylie et la procuratelle de Cilicie). Dans le cursus de T(itus) Iulius Sabinus Victorianus, tel que l’on doit à présent le reconstituer, c’est la procuratelle du tractus Byzacenus qui vaut la dignité centenaire au personnage[82]; la procuratelle de la regio Leptiminensis est ici un poste procuratorien de début, c’est-à-dire vraisemblablement un poste de rang sexagénaire.

 

3.2. – Esclaves et affranchis impériaux: le développement progressif de la regio Leptitana

 

Toutefois, si l’on souhaite analyser l’évolution et le rôle de ce service sur une longue durée, il faut aussi tenir compte des renseignements qu’apportent les inscriptions d’affranchis ou d’esclaves impériaux, personnels qui assuraient le fonctionnement quotidien de la vie administrative. Les unes, quoique issues de lieux extérieurs, sont toutefois explicitement rattachées à cette activité; les autres proviennent des deux lieux mêmes où se concentrait l’administration du district, le chef-lieu Lepti Minus, et le centre secondaire de Thysdrus: pour elles compte avant tout la localisation de la découverte.

On évoquera en premier une inscription de Sufetula (Sbeitla)[83]:

 

D(is) m(anibus) s(acrum) M(arcus) Aurellius Aug(usti) lib(ertus) Inventus, proc(urator) di[oe]cesis Leptitanae h(ic) s(itus) e(st).

 

[p. 2061] L’inscription a été placée à la fin du iie siècle ou au début du iiie siècle[84]. On observera que le gentilice est inscrit sous la forme particulière Aurellius. On pourrait hésiter entre deux périodes: soit la période correspondant aux règnes de Caracalla et d’Elagabal, dont les noms furent gravés de la façon la plus officielle sous la forme Aurellius[85], provoquant parfois une attraction dans la dénomination de leurs contemporains[86], soit la période du règne de Marc Aurèle, où seulement quelques exemples comparables apparaissent[87]. Mais on ne doit pas oublier qu’une autre inscription de Sbeitla, également de l’époque de Marc Aurèle, présente la même particularité orthographique[88]. Comme il faut tenir compte que la gravure du gentilice a été influencée par l’usage officiel au moment du décès, on pourrait même envisager, avec N. Duval, qu’Inventus, affranchi de Marc Aurèle, aurait été enseveli bien plus tard, à un âge avancé (l’orthographe de son nom suggérerait alors pour sa mort le règne de Caracalla). Le témoignage est donc soit antérieur à l’apparition de la procuratelle équestre, c’est-à-dire aux débuts de l’époque sévérienne, soit contemporain de cette innovation institutionnelle[89]. Dans le premier cas, il viendrait indiquer clairement non seulement que le service avait déjà une longue existence lorsqu’il fut confié à l’autorité de procurateurs équestres[90], mais encore qu’il fut d’abord, comme il arrive souvent, confié à la direction d’un procurateur affranchi de [p. 2062] l’empereur[91]. Avant de prendre parti sur ce point, il faut tenter d’é-clairer soigneusement le sens qu’il convient de donner à la sépulture de M(arcus) Aurellius Inventus, localisée à Sbeitla[92]. Nous en avions traité accessoirement dans un article précédent[93] en apportant une proposition qui dans sa formulation demeurait peut-être imprécise. Il convient donc d’ajouter les éclaircissements nécessaires. La définition du ressort de gestion du procurateur qui siégeait à Hadrumète, dans un lieu différent du titulaire de la regio Leptitana, nous avait alors conduit à Sufetula, puisqu’apparaissait dans l’épigraphie de cette ville[94] un hommage rendu par un notable local à un procurateur ducénaire de la regio Hadrumetina[95]. Comme l’indique l’inscription, ces deux personnages avaient été liés, dans le passé, par l’adfectio du condiscipulatus. Après un temps de fréquentation commune, leurs voies avaient divergé, car le notable de Sufetula n’avait pas dépassé la fonction d’avocat du fisc, tandis que son compagnon, vraisemblablement issu d’une autre cité de la province d’Afrique[96], gravissait les échelons de la hiérarchie procuratorienne jusqu’au rang ducénaire. L’hommage reçu à Sufetula signifiait que cette cité devait être un siège secondaire de son administration, comme Segermes, au nord d’Hadrumète[97]. L’épitaphe d’Inventus, de son côté, venait en [p. 2063] complément, mais l’explication qui était alors proposée était trop raccourcie et donc elliptique. La sépulture signifiait un retour au lieu de naissance[98], et devenait un élément précieux pour envisager l’existence d’une familia impériale à Sufetula, vraisemblablement dès la seconde partie du iie siècle, en liaison avec le développement de la regio Hadrumetina[99]. Mais il faut ajouter que cette familia devait s’occuper des biens impériaux relevant de la procuratelle d’Hadrumète, et non constituer une dépendance du service du patrimoine dont l’autorité était établie à Lepti Minus. C’est par le développement de sa carrière d’affranchi impérial qu’Inventus était parvenu jusqu’au siège de Lepti Minus, sans aucun doute sa dernière fonction au service du prince. Le document est donc précieux pour établir l’existence et la dénomination de la regio Leptitana[100], non pour préciser quels en auraient été les contours géographiques[101].

[p. 2064] Mais les inscriptions relatives aux esclaves et aux affranchis impériaux apportent davantage. Déjà l’indication fournie par l’inscription des environs d’El Djem[102] sur les dédicants, liberti et familia Caesar(um) nn(ostrorum), était venue souligner que cette ville abritait une dépendance du service dont le centre se trouvait à Lepti Minus: la mention de la collectivité des serviteurs du prince n’est pas à négliger, car elle indique une installation permanente du personnel administratif dans cette ville, lui attribuant un rôle administratif plus important qu’on ne le pensait habituellement[103]. Mais c’est surtout l’épigraphie de cette dernière ville, le chef-lieu du service, qui s’avère riche en informations sur la présence d’esclaves et d’affranchis impériaux, s’il faut, bien sûr, les rattacher de façon prioritaire au service dont nous savons qu’il trouvait en ce lieu son siège principal.

Le premier témoignage intéressant a été publié par de la Blanchére, qui en transmit le texte à R. Cagnat (lettre du 22 mai 1887):

 

J’ai l’honneur de vous adresser copie d’une inscription tracée sur un cippe, qui existe à Lamta, et que j’espère, malgré son poids considérable, faire apporter au Musée Alaoui. La hauteur de ce monument, qui a servi de base, est de 1m 60, et les lettres, grandes et bien gravées, n’ont subi de dégradations que dans la ligne supérieure, laquelle est gravée sur la corniche, et dans la partie droite des lignes; mais les parties détruites se rétablissent, à mon sens, avec la plus grande facilité[104].

 

Simplici. L(ucio) Septimi[o] Malchio Fortun[a]to eq(uiti) R(omano) flamini Au[g(usti)] domo Ro[ma], Felix e[t] Maxim[us] Augg(ustorum) lib[er]t[i], patrui.

 

L’inscription appartient au iiie siècle: l’usage d’un signum, ainsi que l’indication que le père du personnage principal avait été affranchi par Septime Sévère, conduiraient même à s’orienter vers les années [p. 2065] 220-240. Trois frères, membres de la familia Caesaris, ont bénéficié d’un affranchissement (en même temps, à des dates différentes?). Le fils de l’un d’entre eux s’est même hissé dans l’ordre équestre, alors que les deux autres ont vécu suffisamment de temps pour pouvoir l’honorer dans ce statut supérieur. Mais Felix et Maximus sont restés attachés au milieu des affranchis impériaux qui faisaient fonctionner l’administration établie à Lepti Minus.

D’autres témoignages ont été mis au jour par des chercheurs locaux, qui étaient en relations avec A. Merlin[105]. On citera d’abord l’épitaphe de Felicitas, Augg(ustorum) nn(ostrorum ser(va):

 

A. Merlin, «BCTH» 1913, p. CLXXVI; J.-J. de Smet, «BCTH», 1913, p. 330; AE, 1913, 28 = AE, 1914, 228 = ILAfr., 53: Diis manib(us) Felicitati Augg(ustorum) nn(ostrorum) ser(va), Marciae nepos (sic) v(ixit) a(nnis) XXX, Faustus maritus fecit. H(ic) s(ita) e(st).

 

On ajoutera l’épitaphe de Philinus, Caesaris n(ostri) ser(vus):

 

A. Merlin, «BCTH», 1913, p. CCXII; J.-J. de Smet, «BCTH», 1913, p. 331; AE, 1914, 230 = ILAfr., 54: Dis manib(us) Philinus, Caesaris n(ostri) ser(vus) vix(it) ann(is) XXXV. H(ic) s(itus) e(st); Macrina uxor viro piissimo fecit.

 

Particulièrement importante est l’épitaphe d’Anthia par Onesimus, l’un et l’autre affranchis de Metras, lui-même affranchi de l’empe-reur et procurateur, qu’a publié Louis Poinssot en 1938:

 

L. Poinssot, «BCTH» 1938-1939-1940, p. 55-61; AE, 1938, 41 = ILTun., 142: Dis Manibus / Anthia Metrae Aug(usti liberti) proc(uratoris) liber/ta vixit annis XXXII, h(ic) s(ita) e(st); / Onesimus Metrae Aug(usti liberti) proc(uratoris) lib(ertus) / coniugi piissimae fecit.

 

[p. 2066] Une partie des inscriptions que nous venons de citer est vraisemblablement antérieure au début du iiie siècle[106]. Mais toutes indiquent qu’à l’image de ce qu’enseigne l’inscription de Thysdrus, relative au procurateur anonyme considéré comme M(arcus) Aemilius Clodianus, se trouvait à Lepti Minus une familia servile et un groupe d’affranchis impériaux, dont les diverses fonctions sont encore à connaître. Toutefois la personnalité de Metras, Aug(usti) lib(ertus) proc(urator), n’est pas banale, car on peut présumer que sur le siège même du service il était inutile de préciser qu’il s’agissait d’une responsabilité dans la gestion du patrimonium de la regio Leptitana[107]. Les indications qui sont fournies ressemblent fort à celles que l’on retrouve dans une ville telle que Synnada, ou dans un lieu tel que Docimeion, pour dénommer les affranchis impériaux qui doivent être considérés comme procurateurs de Phrygie[108]. Comme le voulait L. Poinssot[109], on peut donc enregistrer Metras aux côtés de M(arcus) Aurellius M(arci) lib(ertus) Inventus, comme procurator dioecesis Leptitanae.

Au terme de cet examen de l’ensemble de la documentation, il apparaît que, vraisemblablement, à une date antérieure à l’apparition des procurateurs équestres existait une administration constituée d’esclaves et d’affranchis impériaux. On envisagera aussi qu’elle était répartie en deux sous-ensembles, à Lepti Minus et à Thysdrus. La création d’une regio Leptitana, confiée à un procurateur équestre, renforça sans aucun doute la structuration de cette administration, en donnant encore plus de relief au siège principal, Lepti Minus. Peut-être fut-ce à ce moment-là que la formulation se référant à la regio Leptitana ou à la dioecesis Leptitana devint prégnante. Dans ce cas, l’inscription funéraire de l’affranchi Inventus appartiendrait au début du iiie siècle et il serait, sans difficulté, [p. 2067] l’auxiliaire affranchi d’un procurateur équestre, dans le cadre de la collégialité inégale, chère à H.-G. Pflaum[110]. Mais, quoi qu’il en soit d’Inventus, l’existence d’un service procuratorien, mais dirigé par un affranchi impérial (ou même de plusieurs services, si les sièges de Lepti Minus et de Thysdrus avaient été autonomes dans cette phase), doit être admise. Dans cette première phase de son histoire, cette administration était nécessairement subordonnée à une autorité supérieure: comme nous allons le voir, il s’agit d’un procurateur établi à Carthage.

 

3.3. – Les structures de la procuratelle du patrimoine

 

Afin de mieux connaître cette structure administrative il importe de répondre à plusieurs questions, mais, chemin faisant, nous avons déjà apporté à certaines des réponses (sur les datations, sur la dénomination), ou bien nous avons esquissé le développement possible du sujet (sur la nature des ressources administrées). Ces premières réflexions ont eu l’utilité de donner quelque peu forme au cadre de réflexion.

Une partie d’entre elles doit être examinée dans un contexte évolutif, puisque ce service fut, pendant un certain temps, sous l’autorité d’un procurateur affranchi, puis qu’il fut transformé en procuratelle équestre, bien individualisée au sein des procuratelles qui se trouvaient en Afrique. Nous avons supposé à ce service une bien plus longue existence que ne l’estimait H.-G. Pflaum[111] et nous avons envisagé que la mutation du service en procuratelle équestre s’était produite depuis peu lorsque Ti(berius) Claudius Plotinus assuma, sous Caracalla, la responsabilité de la fonction. Mais on doit poursuivre le questionnement. D’abord: quelle était l’autorité qui coiffait le procurateur affranchi dans la première phase de l’histoire du service, car il est difficile d’imaginer que ce personnage ait été autonome dans sa gestion provinciale? En d’autres termes: quel était le cadre hiérarchique dans lequel se trouvait englobé le service durant cette période? Puis, lorsque le service passa sous l’autorité d’un procurateur équestre: ce nouveau responsable, de rang sexagénaire, n’était-il pas d’un rang médiocre pour disposer d’une totale autonomie? L’exercice de son activité [p. 2068] n’entrait-il pas dans le cadre d’une subordination hiérarchique, celle qui existait auparavant?

Pour la première période envisagée, les informations contenues dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien sont précieuses, car il emble possible de déduire de la bonne connaissance qu’il a des réalités du Byzacium, y compris des curiosités, que pour l’accomplissement de ses obligations de procurateur impérial d’Afrique il aurait parcouru cette partie de la province et siégé à Thysdrus en particulier[112]. Ce témoignage va dans le sens d’un contrôle de l’administration par le procurateur équestre établi à Carthage.

Pour la deuxième période, on s’interrogera sur le sens à donner à un épisode important de l’histoire de la province d’Afrique au iiie siècle, bien connu par Hérodien: la révolte contre Maximin le Thrace qui se produisit à Thysdrus en 238. C’est pour assurer la bonne gestion de biens qui étaient plus des biens de l’Etat[113] que des propriétés privées de l’empereur, que se trouvaient dans cette ville un procurateur qui agissait en compagnie du proconsul[114]. A suivre l’historien de langue grecque, il est défini comme procurateur de Carthage[115]. Il faut donc envisager une évolution spécifique [p. 2069] que pour chacun des grands services procuratoriens existant dans la province d’Afriques. Alors que pour les biens propres du prince une décentralisation ou une déconcentration de la gestion se serait produite dès le début du iie siècle, en revanche, pour les biens relevant du patrimonium, une gestion centralisée aurait été maintenue jusqu’à une date avancée du iiie siècle, quelle que soit la forme administrative prise par les structures régionales[116]. Il n’y a en effet [p. 2070] aucune raison de suspecter l’information de l’historien grec. L’administration dont le siège était à Lepti Minus resta longtemps subordonnée à une autorité supérieure établie à Carthage. Elle ne disposait donc que d’une mince autonomie[117], ce qui correspond bien avec le rang modeste du personnage qui n’avait qu’un salaire sexagénaire lorsque le service passa dans les mains d’un procurateur équestre. La nomenclature qu’apporte l’inscription de Pergè pourrait apporter sur ce point un éclairage complémentaire, car si elle montre bien quel était le rôle de Lepti Minus, comme siège administratif, elle semble soucieuse d’inclure la regio Leptitana dans le cadre de la province d’Afrique. Est-ce une simple référence au cadre géographique englobant?[118] On bien s’agit-il de traduire une dépendance hiérarchique?[119]

[p. 2071] Mais la plus essentielle des questions à aborder concerne le sens à donner au terme patrimonium, qui apparaît comme un fil conducteur reliant dans une forte continuité les diverses phases de l’histoire du service? Comme l’avait fait H.-G. Pflaum, dont on a déjà rappelé quelques réflexions marquantes, mais en allant peut-être plus loin que lui, il est difficile de ne pas examiner conjointement l’émergence progressive, dans l’épigraphie provinciale, de ce service du patrimonium, attaché à la ville de Lepti Minus, et le développement parallèle de la regio Hadrumetina, qui donnait aussi un rôle administratif à la ville voisine d’Hadrumète. Entre autres observations, on retiendra que lorsque s’ouvre la dernière phase de l’histoire de ce service du patrimonium, la procuratelle d’Hadrumète, valant à son titulaire équestre un salaire de cent mille sesterces, était en place depuis un siècle à peu près, puisqu’elle fut vraisemblablement constituée vers la fin du règne de Trajan, en démembrement d’un service jusque là concentré à Carthage[120]. Et si, dans les inscriptions des procurateurs, les énoncés qui donnent la nomenclature de cette procuratelle ne comportent pas, sauf tardivement[121], de référence à une branche quelconque des ressources impériales[122], les circonstances de sa constitution conduiraient plutôt à la définir comme procuratelle domaniale[123]. Le développement des services procuratoriens de Lepti Minus et d’Hadrumète est donc celui de services distincts. De plus, l’apparition d’un [p. 2072] service du patrimonium, dans une ville très voisine, vient souligner, comme caractéristique fondamentale, l’existence d’une hétérogénéité de nature par rapport au service qui s’était développé à Hadrumète et qui ne cessait de prendre de l’importance, si l’on se réfère au rehaussement de la dignité de son titulaire, devenant durant le iiie siècle procurateur ducénaire[124]. Cette profonde différence interdisait l’absorption ou la subordination; elle justifiait le maintien de ce service comme structure séparée. Les distinctions existant entre les définitions administratives sont significatives.

Il faut constater aussi que les ressorts géographiques ne se recouvrent pas nécessairement. La procuratelle d’Hadrumète a une extension assez ample, selon des témoignages qui apparaissent à Segermes et à Sbeitla[125]. Elle a pris rapidement les contours géographiques de la future province de Byzacène, en étant même appelée tractus Byzacenus dans la période précédant immédiatement la création provinciale au début du ive siècle, par extension du déterminant géographique[126]: il s’appliquait à un territoire qui dépassait en étendue le cadre de l’Africa vetus, et qui s’étendait au-delà de la fossa regia. La procuratelle du patrimoine, dont le siège principal est à Lepti Minus et le siège secondaire à Thysdrus, n’eut qu’une moindre extension, semble-t-il, car l’essentiel des témoignages concernant son activité est concentré, dans l’état de la documentation, en deçà de la fossa regia.

On reviendra sur ce point aux réflexions qui s’échelonnent dans l’œuvre de H.-G. Pflaum, en considérant qu’après la soutenance de ses thèses, et même après la publication en 1950 du premier ouvrage qui en découlait, sa réflexion s’est approfondie, mais qu’il n’a pas totalement remanié les notices de l’ouvrage paru en 1960-61. Aussi certaines nous livrent une réflexion ancienne, d’autres nous livrent une réflexion rénovée.

Lorsqu’il développe, à propos de la carrière de M(arcus) Aemilius Clodianus, ses observations sur cette procuratelle du patrimoine[127], il en reste à la première phase de sa réflexion, sans [p. 2073] procéder à des retouches ou à une ample refonte. Il envisageait que Septime Sévère aurait voulu affaiblir la position d’Hadrumète, dont était issu son rival Clodius Albinus, et qu’il aurait démembré le grand service procuratorien qui y avait son siège, en constituant la procuratelle de Lepti Minus[128]. Il a été suivi par G. Boulvert[129]. Tous deux pensaient qu’il s’agissait d’un vaste service du patrimoine, divisé pour punir Hadrumète, la cité d’origine de Clodius Albinus. Ces remarques constituent un état ancien de la réflexion, d’autant qu’elles comportent des conceptions du patrimonium et de la res privata auxquelles notre maître avait renoncé, lorsqu’il envisagea que les ressources gérées par ces deux services étaient fondamentalement différentes[130].

A ces considérations on peut opposer les rapides mais très fermes remarques qu’il formula à propos de la carrière de [---] Pap(i-ria) Vic[---], le quasi anonyme de l’inscription IRTrip., 97. Nous les avons signalées plus haut. On peut ajouter les observations qui peuvent se dégager de l’inscription de Madaure, qui mentionnait côte à côte le patrimonium de la regio Leptiminensis et le tractus Byzacenus. Mais on sait qu’il n’a pas repris dans sa retractatio de la notice sur la carrière de ce procurateur équestre ce qu’il avait écrit dans l’article publié en 1955. On reprendra la question à partir de l’interrogation que formula St. Gsell dans le commentaire qu’il fournissait de cette même inscription, lorsqu’il écrivait: «comme Lepti Minus était dans le Byzacium, il resterait à savoir en quoi cette procuratelle du tractus Byzacenus aurait différé de celle de la [p. 2074] regio Leptiminensis». On sait que H.-G. Pflaum avait apporté un début de réponse en restituant, là où Gsell avouait son impuissance, [procurator privat(ae)] tractus Biz[aceni---] et en s’y tenant fermement[131]. Mais il n’était pas allé plus avant. Il avait alors dévié et il s’était engagé dans une voie sans issue: en considérant toujours que la procuratelle de la regio Hadrumetina concernait le patrimonium impérial, tout comme celle de la regio Leptiminensis, il semblait parvenir à la conclusion que le Byzacium aurait été réparti entre deux circonscriptions de ce service financier[132]. Mais on peut s’orienter différemment, tout en prenant appui sur la restitution même de Pflaum, et en considérant que ce procurateur, après avoir géré les biens du patrimonium dans la regio Leptiminensis ou Leptitana, avait géré les biens relevant de la ratio privata, la fortune privée du prince. Mais nous le placerions alors à la suite des procurateurs de la regio, de la dioecesis, ou même de la provincia Hadrumetina.

C’est donc per differentiam que peut se définir la nature de ce patrimonium. On ajoutera qu’il convient aussi de considérer ces différences dans la perspective de la distinction existant au Bas-Empire entre les administrations dépendant du comte de la res privata et du comte des largesses sacrées, et sur la différence qu’établissent alors les textes entre les biens personnels du prince et les biens patrimoniaux[133].

Dans la documentation du iie et surtout du iiie siècle, c’est aussi vers Carthage, et vers les documents relatifs à la gestion de certaines ressources impériales, qu’orientent en effet quelques comparaisons servant de point d’appui. A partir de sa dénomination, on rapprochera en effet la procuratelle de Lepti Minus d’un autre [p. 2075] service du patrimonium, dont l’administration était établie dans la capitale de la province. Mais, pour le moment, on ne la connaît pas à travers la nomenclature d’un procurateur équestre[134]. Ce sont seulement des témoignages relatifs à des avocats du fisc qui ont exercé leur activité auprès du patrimonium de Carthage[135], qui en révèlent l’existence. Mais c’est suffisant peut-être pour considérer que la distinction que l’on trouve fréquemment dans la documentation tardive entre ressources privées de l’empereur et biens qui sont davantage des biens de l’état, et dont il a aussi la charge, était vivante dans la province d’Afrique au iiie siècle et même bien avant cette période.

[p. 2076]

 

4. – Lepti Minus, chef-lieu d’une administration procuratorienne: un rôle ancien que la documentation du iiie siècle fait resurgir

 

On peut toutefois mieux connaître le développement de ce service financier, dont l’implantation à Lepti Minus est un élément remarquable. Il vient souligner une autre distinction, une fois qu’a été relevée la diversité de nature par rapport à la procuratelle d’Hadrumète. Si le tractus Byzacenus est un point d’aboutissement de la configuration du district de la res privata, mais dans une dénomination qui attribue au déterminant géographique un sens plus élargi que le sens d’origine, il en va différemment dans le cas de la procuratelle du patrimoine de Lepti Minus. L’extension géographique que l’on peut lui attribuer est, semble-t-il, confinée à des régions appartenant à l’Africa vetus, puisqu’on ne trouve de sièges administratifs qu’à Thysdrus et à Lepti Minus, cette ville étant le siège principal de l’administration procuratorienne puisqu’elle donnait son nom à la circonscription. On fait donc apparaître une configuration géographique qui prend plus fortement en compte le Byzacium au sens strict. Si elle est prolongée, cette observation peut aider à trancher une autre question: quand ce ressort patrimonial a-t-il pris consistance?

Pline l’Ancien et sa description de l’Afrique peuvent alors nous venir en aide. On sera attentif à la description qu’il fait du Byzacium, mais si l’on s’attache à ce passage, il faut peut-être l’insérer dans un examen plus large du texte, en se laissant conduire par les commentaires de J. Desanges, quitte parfois à les prolonger[136]. Pline indique d’abord la limite occidentale de la province d’Africa: Tusca fluvius Numidiae finis (nat., v, 22). Puis, immédiatement, il reprend cette indication: A Tusca Zeugitana regio et quae proprie vocetur Africa est (nat., v, 23)[137]. Il s’engage alors dans une description qui, selon J. Desanges, correspondrait à celle de l’Africa vetus[138]: et quae proprie vocetur Africa. Puis il abandonne la Zeugitana regio un peu plus loin: mox Africae ipsius alia distinctio (nat., v, 24). Il passe alors dans le Byzacium: Libyphoenices vocantur qui Byzacium incolunt. Ita appellatur regio cccl (millia) p. circuitu. La description dans laquelle il s’engage pour présenter «une autre [p. 2077] division de l’Afrique proprement dite», le conduit à présenter d’abord le Byzacium, dont il apporte alors une présentation élogieuse[139], et qu’il convient de définir comme le Byzacium au sens strict[140]. Ensuite, il saute directement et curieusement à un groupe d’autres cités dont la première, Thaenae, est le point d’aboutissement de la fossa regia (nat., v, 25). Sont omises des cités côtières telles que Sullecthum et Acholla. Le commentaire de J. Desanges met en évidence ces maladresses, en relevant d’abord que l’on ne peut pas considérer que Thaenae appartenait au Byzacium[141], puis en soulignant qu’il y a une lacune des témoignages sur la région qui constitue la moitié méridionale de l’Africa vetus dans cette «autre division de l’Afrique»[142]. C’est là que devait se trouver Thysdrus[143] (mentionné en v, 30). Mais nous sommes alors au-delà du Byzacium au sens strict. Aussi, doit-on conclure que sur ce littoral oriental de l’Africa vetus, situé au-dessous de la Zeugitane, la province paraît avoir présenté une dualité, en associant au Byzacium une partie plus méridionale dans laquelle se trouvait Thysdrus, une sorte de Byzacium adiectum. Même si Thysdrus était devenu siège administratif financier, c’était dans la dépendance de Lepti Minus qu’elle se trouvait placée, au moins quand fut constituée, au iiie siècle, la regio Leptitana pour le compte du service du patrimonium. Mais, même unies, ces deux parties de la province étaient loin d’avoir l’extension de la regio Hadrumetina. Elles ne devaient pas franchir la limite ancienne donnée par la fossa regia.

Il convient dès lors de revenir sur la partie du texte concernant l’énumération des cités du Byzacium (nat., v, 25): Hic oppida libera Leptis, Hadrumetum, Ruspina, Thapsus. Inde... On a été frappé de la première place que tient dans cette énumération la cité de Lepti Minus. Ce n’est pas un ordre géographique, conforme à la distribution des villes sur le littoral[144], puisque Lepti Minus devrait se placer entre Ruspina et Thapsus. Ce n’est pas, non plus, un ordre alphabétique, puisqu’il faudrait admettre une inversion entre [p. 2078] Hadrumetum et Leptis. Si l’on renonce à invoquer une maladresse de Pline ou une maladresse dans la transmission des manuscrits, il reste à proposer l’hypothèse suivante: la première place de Lepti Minus dans l’énumération résulterait de sa position de chef-lieu du Byzacium, dans l’organisation des Romains, peut-être scellée par les décisions de César qui, au terme de la guerre civile, accablèrent Hadrumète[145]. C’est dans ce contexte, à une date qui nous échappe, mais en tout cas, vraisemblablement, avant la promotion d’Hadrumète comme siège domanial, qu’aurait pu être organisée l’administration du patrimonium, appelée à devenir plus tard une procuratelle équestre, de dimensions moins vastes et de moindre poids que la procuratelle qui avait son siège à Hadrumète. L’époque flavienne correspondrait peut-être à ce moment-là[146], ce qui a pour conséquence d’attribuer aux ressources gérées plus tard par ce service une longue histoire et un solide passé. Puisque l’on se trouve dans la partie la plus ancienne de la province, dans une zone où l’empreinte de l’exploitation de Rome fut précoce[147], le patrimonium dont les esclaves et les affranchis du prince, puis les procurateurs équestres, eurent à assurer la gestion, devait concerner aussi, avec d’autres biens, des revenus vectigaliens. C’est ce qu’avait envisagé par exemple M.I. Rostovtzeff en évoquant la mainmise des procurateurs du prince sur les revenus publics[148], [p. 2079] ou bien lorsqu’il écrivait, à propos de ces procurateurs du patrimonium, qu’ils administraient les agri patrimoniales et l’ager publicus à l’exception des domaines qui, propriétés de l’empereur, devaient former la res privata. On peut à l’occasion réactiver cette distinction de principe et considérer, de plus, qu’il convient de distinguer les traits majeurs de l’organisation administrative et l’histoire même des biens dont le prince prit progressivement dans ses mains la gestion. La date des documents relatifs à la mise en place de la structure administrative ne fournit pas toujours les points d’appui d’une chronologie absolue si l’on veut considérer l’autre versant de la recherche, celui qui concerne la nature des ressources administrées. Etablir les finalités du service du patrimonium de la regio Leptiminensis / regio Leptitana conduit donc à aller en deçà des seuls constats relatifs à son développement visible et à mettre en évidence quelques horizons administratifs remontant aux périodes anciennes de la domination romaine. Mais en même temps on doit s’intéresser à la substance même des revenus impériaux et à leur diversité statutaire.

 

 



 

[1] H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain, Paris 1960-61, iii, p. 1094.

 

[2] S. Sahin, Die Inschriften von Perge, ii (Historische Texte aus dem 3. Jhdt. N. Chr. – Grabtexte aus den 1-3 Jahrhunderten der römischen Kaiserzeit – Fragmente), Bonn 2004, p. 16-8, n° 293 (d’où AE, 2004, 1484). La carrière du personnage sera examinée ci-dessous.

 

[3] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 782-6, n° 302.

 

[4] Par exemple, G. Boulvert, Esclaves et affranchis impériaux sous le Haut-Empire romain. Rôle politique et administratif, Naples 1970, p. 320-1.

 

[5] Il s’agit de trois volumes dactylographiés, qui correspondent aux exemplaires soumis au jury en vue de la soutenance qui eut lieu le 12 juin 1948. Un d’entre eux correspond à la thèse principale (Essai sur les procurateurs équestres sous le Haut-Empire romain), publiée en 1950 sous le titre Les procurateurs équestres sous le Haut-Empire romain [curieusement le titre initial a été maintenu à la p. viii de l’autre œuvre majeure]; deux correspondent à la thèse complémentaire (Corpus des cursus procuratoriens équestres) qui donna lieu en 1960-61, après corrections et compléments, à la publication de l’ouvrage intitulé Les carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain (en 3 vol.).

 

[6] Pflaum, Corpus (dactyl.), cit., p. 806.

 

[7] On renverra aux premières pages de la préface de l’ouvrage paru en 1960-61: Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. ix-x. La méconnaissance des processus de composition de cette publication rend insipides et inutiles, à l’occasion, un certain nombre de commentaires: voir par exemple le commentaire fourni par l’Année épigraphique d’une inscription de Bergame (M. Vavassori, dans Supplementa Italica, ns., Roma 1998, p. 347-8): AE, 1998, 602, l’inscription est réexaminée par M. Christol, Vir centenarius, «ZPE», 158, 2006, p. 243-50.

 

[8] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 785-6.

 

[9] Ibid., p. 1094.

 

[10] H. Dessau, commentaire ad ILS, 1439; L. Poinssot, Une inscription de Lepti Minus (Lemta), «BCTH», 1938-39-40, p. 60-1, n. 5. Pour les autres points de vue, voir plus bas, à propos de l’analyse de la documentation sur ce procurateur.

 

[11] Boulvert, Esclaves et affranchis, cit., p. 321.

 

[12] Ibid.: dans la note 14, il propose de le placer dans la première moitié du troisième siècle. Ce dernier point de vue est repris par G. Boulvert, Domestique et fonctionnaire sous le Haut-Empire romain, Besançon 1974, p. 235. On a le sentiment que la datation de 211-212 paraissait à cet auteur insuffisamment étayée.

 

[13] G. Di Vita-Evrard, Regio Tripolitana. A Reappraisal, dans D. J. Buck, D. J. Mattingly (eds.), Town and Country in Roman Tripolitania (Society for Libyan Studies Occasional Papers ii; BAR Int. ser., 274), Oxford 1985, p. 144-5 et p. 154-5.

 

[14] St. Gsell, dans le commentaire ad ILAlg., i, 3062-3063.

 

[15] Poinssot, Une inscription de Lepti Minus, cit., p. 60.

 

[16] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 785.

 

[17] C’est ainsi que le procurateur L(ucius) Mussius Aemilianus, signo Aegippius, est vir innocentissimus dans l’hommage qui lui est adressé par les associations de bateliers du Tibre, quand il était procurator utriusque portus, sous le règne de Philippe l’Arabe: CIL xiv, 170 (ILS, 1433); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 925-7, n° 349; H. Pavis d’Escurac, La préfecture de l’annone, service impérial d’Auguste à Constantin, Rome 1976, p. 418-9 (et sur ses fonctions, p. 120-2). Déjà, à l’époque de Marc Aurèle, le procurateur Sex(tus) Iulius Possessor, à Hispalis, avait été loué pour son innocentia par les bateliers du Guadalquivir (les scapharii Hispalenses): CIL ii, 1180 (ILS, 1403); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 504-7, n° 302; sur sa carrière, en dernier, M. Christol, L’huile du prince: évergétisme impérial et administration annonaire au iie siècle ap. J.-C., dans Histoire, espaces et marges de l’Antiquité. Hommages à Monique Clavel-Lévêque, i, Besançon 2003, p. 209-26. Vers la même époque, à Auzia, les citoyens du municipe honorent le procurateur-gouverneur de Maurétanie Césarienne, L(ucius) Alfenus Senecio, en louant son innocentia singularis: CIL viii, 9046; Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 440-4, n° 176. Aussi à Auzia, en Maurétanie Césarienne, les autorités de la cité indiquent que le procurateur C(aius) Octavius Pudens Caesius Honoratus est innocentia praecipuus: CIL viii, 9049, cf. 20737 (ILS, 1357); puis à Caesarée, sa capitale, il est appelé praeses innocentissimus: CIL viii, 9370 (ILS, 1357a); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 703-5, n° 262a; Christol, L’œuvre de C(aius) Octavius Pudens Caesius Honoratus en Maurétanie Césarienne, dans L’Africa romana x, p. 1141-52 ( = Regards sur l’Afrique romaine, Paris 2005, p. 80-4 et p. 96-8). Sur l’innocentia, J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques, Paris 1963, p. 283. Voir aussi, pour les provinces africaines, les exemples fournis par l’épigraphie de Lepcis Magna: M. Christol, Hommages publics à Lepcis Magna à l’époque de Dioclétien: choix de vocabulaire et qualité du destinataire, «RHDFE», 61, 1983, p. 331-43 ( = Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 142-8 et p. 152-6). Mais la liste des occurrences est bien plus ample. La lettre de nomination de Q(uintus Domitius Marsianus à Bulla Regia recourt aussi à ce terme: AE, 1960, 167 = AE, 1962, 183 = AE, 1971, 491; H.-G. Pflaum, Une lettre de promotion de l’empereur Marc Aurèle pour un procurateur ducénaire de Gaule Narbonnaise, «BJ», 171, 1971, p. 349-66 ( = La Gaule et l’Empire romain. Scripta Varia, ii, Paris 1981, p. 12-29); voir enfin S. Panciera, Le virtù del governatore provinciale nelle iscrizioni latine da Augusto a Diocleziano, dans S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme, S. Lefebvre (éds.), H.-G. Pflaum. Un historien du iie siècle, Genève 2006, p. 458-79.

 

[18] Le texte fut communiqué initialement dans des lettres transmises au Comité des travaux historiques et scientifiques, et publié avec des annotations de R. Cagnat: E. de la Blanchére, Découvertes archéologiques en Tunisie (Extraits de la correspondance de M. de la Blanchére), «BCTH», 1887, p. 435-6. Citons quelques passages: «Le second texte, malheureusement décapité, devait être plus intéressant par le personnage auquel il était consacré. Il provient de la ruine appelée El-Hsibat, qui est située à cinq ou six kilomètres à l’ouest d’El-Djem. C’est un cippe de marbre blanc veiné, qui a été retaillé, à une époque postérieure, pour faire une console dans un édifice. Les lettres sont de bonne époque, et l’inscription se lit sans aucune hésitation». De la Blanchére donnait ainsi les trois dernières lignes: [prae]POSITO INCOMPARAB[ili] / [lib]ERTI ET FAMIL[iar]/[es] CAESAR (hedera) vac. R. Cagnat ajoutait, à partir de l’estampage qui lui avait été adressé: «l. 9 et suiv.: [prae]-POSITO INCOMPAR[abili] / [lib]ERTI ET FAMIL[ia] / CAESARB (hedera) NN», en précisant: «Les deux dernières lettres sont effacées, la seconde paraît avoir été martelée». Mais toutes ces observations ont été rejetées dans l’apparat critique dans le Supplément du CIL viii (par R. Cagnat et J. Schmidt). La révision de Poinssot, Une inscription de Lepti Minus, cit., p. 59, n. 2, est précieuse pour l’établissement du texte de la dernière ligne: «Ligne 11, bien que martelé, le second N est encore très visible; la barre qui surmontait les deux N n’a pas été martelée»; cf. ibid., p. 60-1, n. 5.

 

[19] Déjà H. Dessau, ad ILS, 1439. Si une telle identification n’était pas possible et s’il fallait mettre en évidence un personnage différent, on disposerait d’un autre témoignage sur les fonctions mentionnées, mais c’est peu vraisemblable; Boulvert, Domestique et fonctionnaire, cit., p. 235.

 

[20] Voir en général, avec des exemples, Boulvert, Domestique et fonctionnaire, cit., p. 234-6.

 

[21] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 855. Sur ce fondement, la restitution du mot praeposito à la dixième ligne de l’inscription CIL vi, 1529 est justifiée: H.-G. Pflaum, Deux familles sénatoriales, «JS», 1962, p. 117 ( = La Gaule et l’Empire romain, ii, cit., p. 307).

 

[22] CIL x, 7584, cf. p. 995 (ILS, 1359); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 706-8, n° 264; Boulvert, Domestique et fonctionnaire, cit., p. 234.

 

[23] CIL iii, 251 (ILS, 1373). Ce fonctionnaire, habituellement situé à l’époque sévérienne (Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestre, cit., p. 1076), vient d’être daté de la période 253-260: M. Christol, X. Loriot, Le Pontus et ses gouverneurs e dans le second tiers du IIIe siècle, dans Recherches épigraphiques. Documents relatifs à l’histoire des institutions et de l’administration de l’Empire romain, Saint-Etienne 1986, p. 36-39; B. Rémy, Les carrières sénatoriales dans les provinces romaines d’Anatolie au Haut-Empire (31 av. J.-C. -284 ap. J.-C.) Pont-Bithynie, Galatie, Cappadoce, Lycie-Pamphylie et Cilicie, Istanbul-Paris 1989, p. 176; Boulvert, Domestique et fonctionnaire, cit., p. 234.

 

[24] CIL ii, 1085 (ILS, 1406); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 629-32, n° 235; G. Boulvert, Domestique et fonctionnaire, cit., p. 235.

 

[25] Voir ci-dessus note 17 pour la bibliographie et pour les sources.

 

[26] CIL viii, 9359 (omnium virtutum viro); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 621-625, n° 233.

 

[27] CIL viii, 2393 (omnium virtutum viro).

 

[28] CIL viii, 2372 (ILS, 1154).

 

[29] AE, 1917-1918, 72.

 

[30] AE, 1939, 38.

 

[31] Panciera, Le virtù del governatore provinciale, cit., p. 482.

 

[32] E. Albertini, Procès-verbaux des séances de la section d’archéologie et de la commission de l’Afrique du Nord, «BCTH», 1921, p. ccv (AE, 1921, 19) = ILAlg., i, 3992; Boulvert, Domestique et fonctionnaire, cit., p. 245.

 

[33] PIR2 F 310; Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 229-31, n° 38; Pavis d’Escurac, La préfecture de l’annone, cit., p. 427; M. Christol, Du notable local à l’administrateur impérial, la carrière de T(itus) Flavius Macer: aspects de la vie institutionnelle de la province d’Afrique au début du iie siècle apr. J.-C., dans Splendidissima civitas. Etudes d’histoire romaine en hommage à François Jacques, Paris 1996, p. 27-37 ( = Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 104-10).

 

[34] Il n’y a jamais eu de doute sur ce point: voir par exemple H. Dessau, RE, xii, 2 (1925), col. 2076-2077, même si son appréciation sur la nature du service est superficielle («der Sitz einer bedeutenden Domänenverwaltung mit einen Prokurator an der Spitze»); voir aussi P. Romanelli, Del nome delle due Leptis africane, «RAL», ser. 5, 33, 1924, p. 255 pour le regroupement des inscriptions relatives à Lepti Minus. Même point de vue dans l’index du CIL viii, (pars v, 1), p. 199.

 

[35] Mort des Philippes à l’automne 249, et avènement de Dèce; association d’Herennius Etruscus comme Caesar à la fin du printemps 250, puis élévation à l’Augustat au printemps 251; élévation de Trébonien Galle et de Volusien en juin 251: D. Kienast, Römische Kaisertabelle. Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie, Darmstadt 1990, p. 197-209.

 

[36] Ibid., p. 207-15.

 

[37] H.-G. Pflaum, Inscriptions de la Tripolitaine romaine (à propos d’un livre récent), «Syria», 30, 1953, p. 298-304 ( = L’Afrique romaine. Scripta varia, i, Paris 1978, p. 21-7). L’essentiel des remarques est passé dans une notice de cursus procuratorien, rédigée postérieurement à l’achèvement des livres de la thèse: Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 884-9, n° 339 bis; il avait eu la possibilité de l’insérer dans le corps des notices, et non dans les addenda au sein desquels il inséra des notices conçues un peu plus tardivement ou bien d’ultimes repentirs; voir, par exemple, ci-dessous n. 46.

 

[38] R. Rebuffat, Le ‘limes’ de Tripolitaine, dans Buck, Mattingly (eds.), Town and Country in Roman Tripolitania, cit., p. 133-4.

 

[39] Di Vita-Evrard, Regio Tripolitana, cit., p. 149.

 

[40] Y. Le Bohec, La genèse du limes dans les provinces de l’Empire romain, «RHDFE», 69, 1991, p. 323. Mais cet auteur, apparemment obnubilé par la critique de l’article de R. Rebuffat (cité ci-dessus), a ignoré que l’interprétation des lettres PAP, à la ligne 1 conservée, en mention de la tribu Pap(iria), remonte à H.-G. Pflaum. C’est la solution qu’il convient de retenir, même si Le Bohec écrit à ce sujet «il est pas sûr du tout, et même à mon avis très improbable, que nous ayons là une mention de tribu». La solution d’un gentilice «abrégé» est, à tout le moins, surprenante. Dans le cours d’un maigre commentaire, on assiste à la transformation du dux per limitem Tripolitanum en dux limitis, ce qui produit un anachronisme terminologique. En définitive, ce document disparaît de la récapitulation de la p. 237, censée présenter l’évolution du problème traité.

 

[41] Pflaum, Inscriptions de la Tripolitaine romaine, cit., p. 302 ( = L’Afrique romaine, i, cit., p. 25): «il va sans dire que chaque fois que le cursus d’un personnage ne comprend que le seul poste de la regio Leptiminensis, il a apparu inutile d’insister sur l’appartenance connue de cette circonscription au patrimonium»; Id., Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 887.

 

[42] Au sein des notices de H.-G. Pflaum, on trouve CIL xi, 1836 (ILS, 1332) et CIL viii, 26582 (ILS, 9018), cf. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 901-5, n° 347 et p. 936-40, n° 353: ces inscriptions se placent entre 260 et 268.

 

[43] Grâce à la mention de la tribu Papiria, largement attestée dans la province d’Afrique, car elle est la tribu de référence des empereurs de la dynastie antonine, dont le rôle fut important dans la municipalisation: J. Gascou, La politique municipale de l’empire romain en Afrique proconsulaire de Trajan à Septime Sévère, Rome 1972, passim (voir p. 258).

 

[44] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 657-8, n° 245, et addendum, p. 990-2 (voir ci-dessous note 46). Voir aussi Id., Les procurateurs équestres, cit., p. 192, 265 et 266.

 

[45] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 658, en s’appuyant sur la qualité de centenarius vir qui menait «à la fin du second ou au début du iiie siècle».

 

[46] D’où la subdivision de la numérotation, qui fait apparaître un n° 245 a, consacrée à un procurateur appelé T(itus) Iulius Sabinus, et une longue retractatio. Déjà H.-G. Pflaum, Une inscription de Madaure, «Recueil des Notices et Mémoires de la Société archéologique de Constantine», LXIX, 1955-56 [paru en 1957], p. 121-7 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 117-23); ensuite Id., Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 990-2 (addenda et corrigenda), ainsi que p. 1093-4 (fastes procuratoriens).

 

[47] Christol, Centenarius vir, cit., p. 243-50.

 

[48] Ibid., cit., p. 245-6 et p. 259. Poinssot, Une inscription de Lepti Minus, cit., p. 61 n. 4, envisageait qu’il ait pu parcourir une carrière plus longue avant de se retirer dans sa cité d’origine.

 

[49] Sur ces détails de terminologie on verra aussi les explications qui accompagnent la restitution des lacunes de l’inscription IRTrip., 97: Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 887.

 

[50] On peut donc considérer que le salaire du titulaire était de 60.000 sesterces. Le notable de Madaure n’a détenu qu’un seul poste sexagénaire puis un poste centenaire. Dans le cursus de M(arcus) Aemilius Claudianus les deux postes procuratoriens sont donc sexagénaires. Il en va de même dans la carrière du quasi-anonyme de Lepcis Magna. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 1094 attribue en revanche un salaire centenaire, même s’il reconnaît qu’il n’avait pu en apporter «une preuve péremptoire»: ibid., p. 889. Voir aussi, à ce sujet, ci-dessous p. 2067-8, avec notes 78-81.

 

[51] Ibid., p. 1093; voir aussi ibid., p. 887. Déjà Id., Inscriptions de Tripolitaine romaine, cit., p. 302 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 25); Id., Une inscription de Madaure, cit., p. 126 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 122).

 

[52] M. Christol, L’administration et la gestion des ressources de la province d’Afrique à la transition du Haut-Empire et du Bas-Empire, «Cahiers du Centre Gustave-Glotz», 17, 2006, p. 232-4.

 

[53] Plutôt que d’envisager que l’emploi du terme aèpodedeigme@non apportait l’espérance d’une prochaine adlection dans l’ordre sénatorial, comme l’envisageait l’éditeur.

 

[54] L’inscription entre donc dans la problématique des annonces de déplacements de responsables officiels: E. Birley, Inscriptions indicative of impending or recents movements, «Chiron», 9, 1979, p. 495-505 ( = The Roman Army. Papers 1929-86, Amsterdam 1986 (Mavors, 4), p. 130-40; voir aussi Pflaum, Une lettre de promotion de l’empereur Marc Aurèle, cit., p. 349-66 ( = La Gaule et l’Empire romain, ii, cit., p. 12-29).

 

[55] En dernier, parmi ceux-ci, Pflaum, Une lettre de promotion de l’empereur Marc Aurèle, cit., p. 358 ( = La Gaule et l’Empire romain, ii, cit., p. 21); voir également, pour une mise au point plus récente, M. Christol, Th. Drew-Bear, M. Taslialan, Appius Alexander, serviteur de l’état romain et philosophe, «Anatolia Antiqua», 13, 2005, p. 278-9, ainsi que Christol, Centenarius vir, cit., p. 243-4.

[56] Les commentateurs de l’Année épigraphique donnent «exempli gratia» trois attestations: les deux qui sont citées par H. Dessau (ILS, iii, 1, p. 492), plus un exemple fourni par AE, 2002, 1393. Le premier exemple (CIL viii, 9757 = ILS, 1388) concerne Sex(tus) Cornelius Sex(ti) fil(ius) Quir(ina) Honoratus, milit(iis) equestrib(us) exornatus (Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 741-2, n° 281; datée entre 198 et 211); le second exemple concerne P(ublius) Aelius Sempronius Lycinus, qui est alternativement mis en évidence comme militiis equestribus ornatus (CIL iii, 6757 = ILS, 1413) et omnibus equestribus militiis perfunctus (CIL iii, 6758 = ILS, 1414; Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 700-1, n° 262). Quant au troisième exemple, qui n’avait pas suscité de commentaire sur ce point quand il avait été recensé par AE, 2002, 1393 ( = C. Lehmler, M. Wörrle, Neue Inschriftenfunde aus Aizanoi, iii. Aizanitica Minora, i, «Chiron», 32, 2002, p. 571-612, partic. p. 573-5), il fournit, à partir d’une inscription bilingue, construite sur le texte latin, le meilleur rapprochement avec l’inscription de Pergè. Mais on aurait aimé être invité à poursuivre l’enquête dans les travaux classiques de H. Devijver. Par exemple: H. Devijver, Some Observations on Greek Terminology for the militiae equestres in the literary, epigraphical and papyrological sources, dans Zetesis. Album amicorum E. de Strycker, Antwerpen-Utrecht 1973, p. 549-65 ( = The Equestrian Officers of the Roman Imperial Army, i, Amsterdam 1989, p. 56-72); Id., Eques Romanus, a militiis (AE, 1982, 132), dans Opes Atticae. Miscellanea Philologica et Historica Raymondo Bogaert et Hermanno Van Looy oblata. Sacris Erudiri. Jaarboek vor Godsdienstwetenschappen, xxxi (1989-1990), Brugge 1990, p. 125-30 ( = The Equestrian Officers of the Roman Imperial Army, ii, Stuttgart 1992, p. 148-53). On constate alors que la formulation adoptée à Pergè et à Aizanoi est extrêmement rare, ce qui aurait pu être souligné. Quant à la date de l’inscription d’Aizanoi, pour laquelle les éditeurs proposent le iie siècle, elle pourrait être quelque peu décalée et précisée plutôt dernières décennies du iie siècle et premières décennies du iiie siècle.

 

[57] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 700, 736, 741, etc.

 

[58] C’est ainsi que, comme il le reconnaissait lui-même ibid., p. 505, deux inscriptions de Concordia et d’Aquilée, relatives au cursus de P(ublius) Cominius Clemens, qui est daté du règne de Marc Aurèle (ibid., p. 501-5, n° 184), nous fournissent un des premiers exemples de la «nouvelle mode», qui consiste à «abréger le cursus militaire». Voir Devijver, Some Observations, cit., p. 554 n. 38 ( = Equestrian Officers, i, cit., p. 61). On ajoutera le cursus de Q(uintus) Baienus Blassianus, de la même époque, tel qu’il a été reconstruit par F. Zevi à partir d’une inscription d’Ostie (AE, 1972, 70): A. Magioncalda, Nota sulla carriera di Q. Baienus Blassianus: la datazione della procuratela-governo di Mauretania Tingitana, dans M. Christol, A. Magioncalda, Studi sui procuratori delle due Mauretaniae, Sassari 1989, p. 155-66 (functo tribus m[ilitiis equestribus]); Devijver, Some Observations, cit., p. 555, note 39 ( = Equestrian Officers, i, cit., p. 62). De la même manière que l’on évoque l’accomplissement des commandements équestres par une formule globalisante dès Pline (epist., 7, 25), on atteste de la dignité et de l’honneur qui en résultent: qui, pro caelestibus iudiciis quibus intra iuventam per tres militias exornatus sit... a-t-on écrit, sous Antonin le Pieux, dans le décret de Sala (IAMar., ii, 307). C’est en quelque sorte le décalque plus élaboré des expressions de l’inscription: iéppikai^v stratei@aiv ke[kos]mhme@non uépo# tou^ qeiota@to[u] Auètokra@torov Kai@sarov òAntwnei@nou. On rapprochera aussi d’une expression employée dans une inscription de Palmyre pour le chevalier L(ucius) Iulius  Vehilius Gratus Iulianus, en 167 (ILS, 8869): teteimhme@nov uépo# tw^n qeiota@twn Auètokrato@rwn teta@rthv stratei@av.

 

[59] J. Rougé, O QEIOTATOS AUGOUSTOS, «RPh», 13, 1969, p. 83-92.

 

[60] Pflaum, Les procurateurs équestres, cit., p. 95. Pour le salaire, voir ci-dessus note 50 et ci-dessous notes 78-81.

 

[61] CH. Saumagne, Esquisse des circonscriptions domaniales dans l’Afrique romaine, «CT», 10, 1962, p. 244-55, partic. p. 254-5 [réproduction d’un article paru dans «CT», 1940, p. 231-42].

 

[62] Pflaum, Les procurateurs équestres, cit., p. 88.

 

[63] Ibid., p. 381-2; sur cette carrière, ibid., p. 379-85, n° 158. Voir en dernier M. Christol, Les subdivisions de l’administration domaniale et financière en Afrique romaine: des limites de la procuratelle d’Hadrumète à celles de la province de Byzacène, dans C. Lepelley, X. Dupuis (éds.), Frontières et limites de l’Afrique du Nord antique. Hommage à Pierre Salama, Paris 1999, p. 73-80 ( = Regards sur l’Afrique romaine, p. 116-24). Dans la notice sur ce procurateur, H.-G. Pflaum se livre à une critique serrée de l’article de Ch. Saumagne cité ci-dessus (note 60). On peut constater que ce souci de prudence s’exerce essentiellement lorsque Pflaum évoque la circonscription de Lepti Minus. Ainsi, p. 783, il cite d’abord un passage de l’article de Saumagne, dans lequel celui-ci écrivait à propos de M(arcus) Aemilius Clodianus: «les attributions [...] auraient été [...] cantonnées [...], dans la regio Leptiminensis à celle (la gestion) du patrimonium»; ensuite il glose ainsi les conclusions de cet auteur: «tandis que le domaine de la région de Lepti Minus», puis «la double procuratelle [...] aurait été propre à la gestion du domaine de Lepti Minus». Alors qu’ailleurs dans la notice Pflaum utilise, sans hésiter, les expressions regio Tripolitana, regio Hadrumetina, tractus Thevestinus, etc., il recourt systématiquement au terme français «région» quand il aborde la regio Leptiminensis.

 

[64] Sur ce personnage voir ci-dessus. Pour la citation: Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 783.

 

[65] Ibid., p. 657-8.

 

[66] Pflaum, Inscriptions de la Tripolitaine romaine, cit., p. 296-309 ( = L’Afrique romaine, i, cit., p. 19-30); Id., Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 884-9.

 

[67] Ci-dessus p. 2040-41. 

 

[68] Surtout ci-dessous p. 2060-64 avec notes 83-102.

 

[69] Cette distinction est déjà bien ressentie et bien exprimée pr M.I. Rostovtzeff, Per la storia del colonato romano (éd. ital. a cura di A. Marcone), Brescia 1994, p. 317-8 ( = Studien zur Geschichte des römischen Kolonates, Berlin-Leipzig 1910). On tiendra compte des ajustements rendus nécessaires par la création dès les premiers Antonins de la res privata. Voir ci-dessous note 130.

 

[70] Pflaum, Une inscription de Madaure, cit., p. 121-7 ( = L’Afrique romaine, i, cit., p. 117-23).

 

[71] D’où la distinction entre le n° 245 et le n° 245 bis, qui n’existait pas dans l’exemplaire dactylographié (p. 651-3, n° 245) (voir ci-dessus note 5). Pour notre part, nous sommes revenus à l’identification: Christol, Centenarius vir, cit., p. 243-50.

 

[72] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 990-1.

 

[73] Ibid., p. 1320 (index général).

 

[74] Ibid., p. 1094. On relèvera aussi que dans les fastes procuratoriens, l’inscription CIL viii, 11105 (Hr-Ksibat) est citée comme fondement de l’existence du poste de procurator rationis privatae regionis Tripolitanae (p. 1095), mais elle n’apparaît pas dans les sources relatives à la fonction de procurator patrimonii regionis Leptiminensis (p. 1094), même si tous les commentaires montrent qu’il n’y avait aucune ambiguïté: on se référera non seulement aux commentaires des diverses carrières (voir ci-dessus), mais aussi à Id., Les procurateurs équestres, cit., p. 88. On relèvera qu’en aucune façon Pflaum n’avait tenté d’analyser la variation, y compris dans son article de 1959: Id., Nomenclature de Leptis Magna et de Lepti Minus, «BSAF», 1959, p. 85-92 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 199-206).

 

[75] H.-G. Pflaum, Abrégé des procurateurs équestres (adaptation française de S. Ducroux et N. Duval), Paris 1974, p. 41-2.

 

[76] Di Vita-Evrard, Regio Tripolitana, cit., p. 144 et p. 157, note 2.

 

[77] Romanelli, Del nome delle due Leptis africane, cit., p. 256-7; Pflaum, Nomenclature, cit., p. 86-91 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 200-5); J. Gascou, Lepti minus, colonie de Trajan, «AntAfr», 6, 1972, p. 137, note 1.

 

[78] Pflaum, Les procurateurs équestres, cit., p. 88, p. 95; Id., Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 658, 783-4, p. 1094; Id., Abrégé, cit., p. 41-2.

 

[79] Pflaum, Inscriptions de la Tripolitaine romaine, cit., p. 303 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 26).

 

[80] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 888 (mais sans retouche de l’index, p. 1094).

 

[81] A. von Domaszewski, Die Rangordnung des römischen Heeres (2. durchgesehene Auflage. Einführung, Berichtigungen und Nachträge von Brian Dobson), Köln-Graz 1967, p. l, lié à la mention de la regio Leptitana. L’index de l’ouvrage (p. 324) montre que désormais toute l’information est regroupée sous la formule procurator patrimonii regionis Leptitanae.

 

[82] Voir déjà Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 1093; Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 242.

 

[83] A. Merlin, Proces-verbaux des séances de la section d’archéologie et de la Commission de l’Afrique du Nord, «BCTH», 1908, p. ccx (ILS, 9026) = ILAfr., 135; N. Duval, Inventaire des inscriptions latines païennes de Sbeitla, «MEFRA», 101, 1989, p. 445, n° 69 (la transcription du gentilice de l’affranchi ne tient pas compte de la particularité orthographique).

 

[84] Poinssot, Inscription de Lepti Minus, cit., p. 58-60.

 

[85] M. Christol, L’épigraphie latine impériale des Sévères au début du ive siècle ap. J.-C., dans xi Congresso Internazionale di Epigrafia Greca e Latina, (Roma, 18-24 settembre 1997), Atti, vol. 2, Roma 1999, p. 337. L’usage se poursuit sous Elagabal et même Sévère Alexandre.

 

[86] Ainsi dans les inscriptions de l’arc de Volubilis, en Maurétanie Tingitane (IAMar., ii, 390-391): non seulement le nom de l’empereur est orthographié sous la forme Aurellius, mais encore la dénomination du gouverneur, conservée dans IAMar., ii, 390, comporte la même forme pour le gentilice: M(arcus) Aurellius Sebastenus.

 

[87] A. Degrassi, Aurellius, «Athenaeum», 9, 1921, p. 292-9 ( = Scritti vari di Antichità, i, Roma 1962, p. 467-72).

 

[88] A. Merlin, Proces-verbaux des séances de la section d’archéologie et de la Commission de l’Afrique du Nord, «BCTH», 1909, p. clxvi; ILAfr., 127; Duval, Les inscriptions latines païennes de Sbeitla, cit., p. 412, n° 15 et p. 414, fig. 9 (transcription au bas de cette dernière page). On lit: M(arco) Aurellio Anto/nino ...[omissis?] [---fratri L(ucii) Au]rellii Veri Aug(usti) / Armen[iaci Me]dici Parthici max(imi).

 

[89] Dans ce contexte, Duval, Les inscriptions latines païennes de Sbeitla, cit., p. 444, envisagerait qu’il aurait été le procurateur affranchi d’un procurateur équestre.

 

[90] C’est le point de vue de Poinssot, Inscription de Lepti Minus, cit., p. 58-60.

 

[91] Ce qu’envisageait déjà ibid., p. 59; Boulvert, Esclaves et affranchis, cit., p. 320-1 avec note 14, récuse cette interprétation.

 

[92] Rappelons que Poinssot, Inscription de Lepti Minus, cit., p. 60 avec note 2, voulait qu’il fût mort lors d’une tournée.

 

[93] Christol, Les subdivisions de l’administration, cit., p. 81-2 ( = Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 120-1).

 

[94] CIL viii, 11341 = 23219 (ILS, 9016), cf. ILTun., 363; Duval, Les inscriptions latines païennes de Sbeitla, cit., p. 433-5, n° 50, avec p. 434 fig. 30 a et b.

 

[95] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 826-7, n° 320, et p. 1094. La datation proposée par Pflaum est d’abord assez restreinte (ibid., p. 827: «pas trop longtemps après 212», en raison de la mention de la filiation et de la tribu, ce que retient Duval, Les inscriptions latines païennes de Sbeitla, cit., p. 433), puis elle laisse ouverte plus d’intervalle (ibid., p. 1094: «après 212»). Il nous semble possible d’aller vers le milieu du iiie siècle ou même de s’avancer un peu dans la seconde moitié de cette période: Christol, Les subdivisions de l’administration, cit., p. 81-2 (= Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 120-1).

 

[96] Contre Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 826, qui envisage qu’il ait été originaire de Sbeitla, plus justement Duval, Les inscriptions latines païennes de Sbeitla, cit., p. 435.

 

[97] L’existence de cette subdivision, interne à la procuratelle d’Hadrumète, a été admise par H.-G. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 759 (sur CIL viii, 23068 = ILS, 9012; CIL viii, 11174 = ILS, 1410; CIL viii, 11175). Voir aussi Christol, Les subdivisions de l’administration, cit., p. 81 ( = Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 120-1). A tort, selon nous, Boulvert, Esclaves et affranchis impériaux, cit., p. 321, note 14, récuse ce point de vue, car il semble considérer que H.-G. Pflaum envisagerait à ce propos une circonscription de même nature que celle d’Hadrumète, alors que pour notre maître il s’agissait d’une circonscription interne à la regio Hadrumetina; en d’autres termes: une subdivision, dirigée par un affranchi impérial.

 

[98] Les liens entre la familia provinciale d’origine et des affranchis impériaux, dont la carrière se développe ailleurs, sont bien mis en valeur par les documents épigraphiques provenant de Synnada, siège de la procuratelle de Phrygie (les inscriptions se trouvent dans Monumenta Asiae Minoris Antiqua, vi). Un exemple significatif est celui de M(arcus) Aur(elius) Aug(usti) lib(ertus) Marcio, dont la carrière s’est développée dans diverses procuratelles qui l’ont éloigné pendant longtemps de son pays natal. Mais il revient, enfin, en Phrygie, comme procurateur, et il est alors honoré par Senecianus, son coaffranchi (collibertus), qui n’avait parcouru qu’une modeste carrière locale aboutissant à la fonction de tabularius (CIL iii, 34; ILS, 1477). Sur cette inscription, les explications de W. M. Ramsay, Roman Power in Asia Minor, Aberdeen 1941 (réimpr. Amsterdam 1967), p. 273-4, qui sont très curieuses, ne peuvent être retenues. Voir M. Christol, Th. Drew-Bear, De Lepcis Magna à Aizanoi: Hesperus procurateur de Phrygie et l’administration des carrières de marbre, dans J. Desmulliez, Chr. Hoët-Van Cauwenberghe (éds.), Le monde romain à travers l’épigraphie: méthodes et pratiques, Lille 2005, p. 201-5.

 

[99] Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 239-40; R. Haensch, Capita provinciarum. Statthaltersitze und Provinzialverwaltung in der römischen Kaiserzeit, Mainz 1997, p. 98, demeure hésitant sur le sens à donner à l’épitaphe d’Inventus, et n’exploite pas l’inscription de Sufetula relative au procurateur de la région d’Hadrumète.

 

[100] C’est en ce sens que l’inscription de Sufetula a été associée à la documentation relative aux procurateurs équestres: H. Dessau, RE, xii, 2, col. 2076-2077; Pflaum, Inscriptions de Tripolitaine, cit., p. 302 ( = Afrique romaine, i, cit., p. 25), etc. Voir aussi plus bas, à la n. 106, le commentaire d’A. Merlin sur ILTun., 142.

 

[101] Un exemple comparable d’épitaphe liée au lieu d’origine, à partir de l’enracinement des parents au sein de la familia, est fourni plus loin avec celle de L(ucius) Septimius Malchius Fortunatus.

 

[102] Voir ci-dessus, à propos de la carrière de M(arcus) Aemilius Clodianus.

 

[103] En général on se contente d’évoquer le rôle de la ville comme centre d’assises: voir ci-dessous note 114.

 

[104] De la Blanchére, Découvertes archéologiques en Tunisie, cit., p. 436-7 = CIL viii, 11115.

 

[105] A. Merlin, Proces-verbaux des séances de la section d’archéologie et de la Commission de l’Afrique du Nord, «BCTH», 1913, p. clxxv-clxxvi et p. ccxii; J.-J. de Smet, Fouilles de sépultures puniques à Lemta (Lepcis Minor), «BCTH», 1913, p. 327-42. A. Merlin veut même ajouter au dossier des inscriptions relatives au rôle administratif de Lepti Minus l’inscription ILAfr., 52, qui se rapporte à un soldat de la cohorte urbaine de Carthage, originaire de Luna, enterré à Lemta: déjà dans «BCTH», 1913, p. clxxv et p. 330. La date est assez haute. Cf. ILTun., 143-144. Voir aussi Poinssot, Une inscription de Lepti Minus, cit., p. 58.

 

[106] Selon les indications de Poinssot, Inscription de Lepti Minus, cit., p. 57 et p. 60 qui orientent vers une fourchette chronologique allant d’Hadrien au début du iiie siècle.

 

[107] L’inscription est relevée par Haensch, Capita provinciarum, cit., p. 442. Pour A. Merlin, ad ILTun., 142, son contenu ne fait aucun doute, comme l’indique son commentaire: «la regio Leptiminensis ou Leptitana dite aussi, moins exactement, dioecesis Leptitana, formait une des circonscriptions entre lesquelles étaient répartis les domaines impériaux de l’Afrique proconsulaire».

 

[108] Christol, Drew-Bear, De Lepcis Magna à Aizanoi, cit., p. 191-2, 196-7, 210.

 

[109] Le seul problème est celui du rapport chronologique qu’il convient d’établir entre les deux personnes.

 

[110] Voir ci-dessus, p. 2061-2 avec notes 89-91.

 

[111] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 381.

 

[112] Plin, nat., vii, 36; xvii, 41; xxxv, 13; Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 221-2. 

 

[113] On rejoint ainsi le point de vue de Rostovtzeff, Per la storia del colonato, cit., p. 317-8, qui estimait à propos du procurateur du patrimoine, que ce procurateur administrait les agri patrimoniales et l’ager publicus à l’exception des domaines qui, propriétés privées de l’empereur, devaient former à partir de Septime Sévère la res privata. On tiendra compte pour acccepter le fond de la remarque que la datation sévérienne pour la création de la res privata n’est plus acceptable actuellement.

 

[114] C’est un des lieux d’assises de l’Africa vetus: C. Lepelley, Les sièges des conventus judiciaires de l’Afrique proconsulaire, «BCTH (Afrique du Nord)», n.s. 23, 1990-92 [1994], p. 145-57 ( = Aspects de l’Afrique romaine. Les cités, la vie rurale, le christianisme, Bari 2001, p. 62-3); Haensch, Capita provinciarum, cit., p. 84, 88, 428.

 

[115] Hdn., 7, 4, 2 et 7, 4, 3. La question des attributions du personnage n’a pas toujours fait l’objet de réflexions spécifiques. Une liste de références dans Fr. Kolb, Der Aufstand der Provinz Africa Proconsularis im Jahr 238 n. Chr., «Historia», 26, 1977, p. 450, n. 39. Pour certains auteurs l’identification de la fonction mérite discussion. X. Loriot, Les premières années de la grande crise du iiie siècle, dans ANRW, II. 2, 1975, p. 689-90, estime qu’il s’agit d’«un procurateur dont on ignore le nom et les fonctions», avant de s’interroger sur la discordance qui pourrait exister, s’il s’agissait d’un personnage dont la compétence était restreinte à la seule région de Carthage, entre les limitations de son ressort et une intervention qui se produisit dans la regio Hadrumetina. Fr. Jacques, Humbles et notables. La place des humiliores dans les collèges de jeunes et leur rôle dans la révolte africaine de 238, «AntAfr», 15, 1980, p. 225, caractérise le personnage comme «le procurateur de la région de Carthage», puis (ibid., p. 226 n. 8) ajoute que «la fonction exacte du procurateur reste un problème», en envisageant diverses solutions qui sont peu satisfaisantes, enfin (ibid., p. 230), critique le point de vue de F. Kolb, pour qui le procurateur serait celui de la regio Hadrumetina (Id., Der Aufstand der Provinz Africa Proconsularis, cit., p. 449-61). La position de ce dernier fait, de même l’objet, de critiques chez T. Spagnuolo Vigorita, Secta temporum meorum. Rinnovamento politico e legislazione fiscale agli inizi del principato di Gordiano III, Palermo 1978, p. 81 avec note 3, mais celui-ci estime que le procurateur d’Hérodien devait être en définitive le procurator provinciae Afri-cae tractus Karthaginis, tout en étant conscient des difficultés que faisait naître cette solution. Il n’y a pas de raison d’écarter les deux témoignages d’Hérodien, proches l’un de l’autre dans le récit de cet historien. L’intervention du procurateur d’Afrique, aux côtés du proconsul, présent aussi à Thysdrus lors des événements, s’éclairerait si l’on envisageait qu’au premier tiers du iiie siècle, et peut-être avant, le procurateur ducénaire résidant à Carthage, dont on trouve trace à quelques reprises dans la documentation [Un exemple au début du iiie siècle est fourni par P(ublius) Aelius Hilarianus, qui remplace le proconsul Timinianus qui venait de mourir: Kolb, Der Aufstandder Provinz Africa Proconsularis, cit., p. 451-2. Un autre exemple est donné par les Actes de Lucius et Montanus: Actus et visio martyrum Luci Montani et ceterorum comitum quod est x kal. Iunii, 6, 1 (éd. Fr. Dolbeau, La Passion des saints Lucius et Montanus. Histoire et édition du texte, «REAugss, 29, 1983, p. 70), passage élucidé par X. Dupuis selon C. Lepelley, dans Ecole pratique des Hautes-Etudes, Section des sciences religieuses. Annuaire. Résumé des conférences et travaux, vol. 102, 1993-94, p. 253, et vol. 106, 1997-98, p. 306-7, cf. Christol, Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 245. Ce procurateur ducénaire doit prendre la suite, avec des compétences qui resteraient à définir, du procurateur appelé procurator quattuor publica Africae, qui avait aussi un rang ducénaire (Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 1093)] et qui exerçait une compétence sur les problèmes de perception fiscale dans un cadre plus large que celui de la région domaniale constituée au début du iie siècle. Dans l’affaire relatée par Hérodien on se trouve plutôt à l’écart des questions relatives à la perception des revenus domaniaux. Nous avons défendu ce point de vue dans M. Christol, L’administration des biens du prince et des biens de l’Etat jusqu’à la création de la province de Byzacène (à paraître).

 

[116] Lorsque l’on pouvait envisager de placer à partir du milieu du iiie siècle tous les documents relatifs aux procurateurs du patrimoine de la région de Lepti Minus qui ont été examinés précédemment (voir aussi Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 239, 241-2), cette reconstruction plaçait la création de la procuratelle du patrimoine de Lepti Minus après les épisodes de 238. A ce moment-là la seule autorité équestre sur ces biens était le procurateur de Carthage. Mais l’inscription de Pergè interdit désormais de formuler cette hypothèse (voir ibid., p. 246).

 

[117] On peut se demander si, lorsque apparut à Hadrumète un procurateur ducénaire, venant coiffer le procurateur centenaire, celui-ci ne disposait pas d’une autorité supérieure à celle d’un procurateur domanial, et si ses compétences ne seraient pas plus proches de celles que l’on reconnaissait (voir plus haut) au procurateur de Carthage. Il ne manquait plus que le démembrement des responsabilités administratives du proconsul, au profit du praeses, pour donner consistance à l’entité provinciale, et pour qu’Hadrumète apparaisse comme une véritable capitale, siège du gouverneur de la province de Byzacène. On doit citer une inscription de Lambèse, relative à un notable local, qui appartient au iiie siècle, sans aucun doute à une date assez tardive, et qui fait connaître un chevalier romain (il est vir egregius), qui a exercé les responsabilités d’avocat du fisc dans trois sièges différents (ad fisci advocationes ter numero promotus Thevestinam Hadrumetinam Thamugadensem; CIL viii, 2757; J.-M. David, Réformes des administrations de l’annone et des domaines en Numidie, pendant la persécution de Valérien (257-260), à propos de C.I.L., viii, 2757, «AntAfr», 11, 1977, p. 149-60). L’exercice de ces fonctions ne se réfère pas à la solution de questions strictement domaniales. On est conduit à envisager la ville comme siège de juridiction fiscale. Celle-ci implique certes la juridiction du gouverneur, mais elle implique aussi l’intervention d’un haut responsable financier provincial. La compétence et l’activité de ce personnage se seraient amplifiées, en sorte que, dans sa propre région, une hiérarchie nouvelle placerait désormais Hadrumète dans une position prédominante, attirant à elle la juridiction du patrimonium de Lepti Minus.

 

[118] Comme dans la définition de la fonction du procurateur T(itus) Flavius T. fil. Quir. Gallicus, proc. Aug. prov. Afric(ae) tractus Kar(thaginiensis): CIL viii, 14763; Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 517-20, n° 192, cf. p. 1093.

 

[119] Comme dans la définition du procurateur des quattuor publica Africae, dont la gestion s’exerce toujours dans le cadre le plus global.

 

[120] M. Christol, T. Claudius Proculus Cornelianus, procurateur de la région de Théveste, dans L’Africa romana vii, p. 893-904 ( = Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 111-5); Id., Les subdivisions de l’administration, cit., p. 71-86 ( = Regards sur l’Afrique romaine, cit., p. 116-22). 

 

[121] Il s’agit de l’inscription de Madaure, relative au tractus Byzacenus. On rappellera que H.-G. Pflaum avait soutenu avec fermeté la nécessité de restituer la mention de la ratio privata: voit ci-dessus p. 2050 avec notes 51-52. Or – faut-il le rappeler? – H.-G. Pflaum, semble ne pas avoir varié, en conservant une définition de la regio Hadrumetina, comme circonscription du patrimonium, fidèle en ceci aux position d’O. Hirschfeld, Die kaiserliche Verwaltungsbeamten bis auf Diokletian, Berlin 19052, p. 125-6. Voir aussi ci-dessous, note 130.

 

[122] Inversement la nomenclature attribuée au titulaire de ce poste n’a jamais de rapport avec le patrimonium.

 

[123] Voir M. Christol, L’administration des biens du prince et de l’Etat, cit. Il faut tenir compte, avant tout, de la mention des praedia saltuum dans les deux inscriptions relatives au premier procurateur de la région d’Hippone et de Théveste, T(itus) Flavius Macer (CIL viii, 5351 [ILS, 1453] = ILAlg., i, 285; ILAlg., i, 3992), dont l’apparition, comme celle du procurateur de la regio Hadrumetina, appartient au même mouvement de déconcentration.

 

[124] Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 226-8, 231.

 

[125] Voir ci-dessus, p. 2062 avec notes 95-96.

 

[126] Sur ce ressort administratif, Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 234.

 

[127] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 783-5, à partir de CH. Saumagne, Esquisse des circonscriptions domaniales dans l’Afrique romaine, «RT», 1940, p. 241 ( = «CT», 10, 1962, p. 254-5).

 

[128] Même point de vue dans la notice 245 (devenue 245 et 245a, p. 658) de l’ouvrage de Pflaum. 

 

[129] Boulvert, Esclaves et affranchis, cit., p. 320-1.

 

[130] H.-G. Pflaum a longtemps défini la procuratelle d’Hadrumète comme procura-telle du patrimoine (voir note 121). Sur ses conceptions de la ratio privata: Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 382, Relevons deux autres passages significatifs. L’un à propos de la carrière du procurateur C(aius) Postumius Saturninus Fla-vianus: ibid., p. 758; l’autre pour le procurateur T(itus) Iulius Sabinus Victorianus, lui-même: ibid., p. 658. Rappelons que pour H.-G. Pflaum, conformément à l’avis de Hirschfeld, Die kaiserliche Verwaltungsbeamten, cit., p. 20-1, 121, et de Rostovtzeff, Per la storia del colonato, cit., p. 146, 318, ce serait sous Septime Sévère qu’aurait été organisée la ratio privata. Mais, pour finir, voir Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 1005-6 (dans la mantissa addendorum). Désormais A. Masi, Ricerche sulla ‘res privata’ del ‘princeps’, Milano 1971, p. 12-6; E. Lo Cascio, Patrimonium, ratio privata, res privata, dans Id., Il princeps e il suo impero. Studi di storia amministrativa e finanziaria romana, Bari 2000, p. 98-149.

 

[131] Voir ci-dessus avec note 51.

 

[132] Point de vue exprimé à propos de T(itus) Iulius Sabinus Victorianus (voir ci-dessus à la note 130). C’est pour ne pas avoir révisé son point de vue quant à l’explication du cursus de ce procurateur de la seconde moitié du iiie siècle qu’il n’aboutit pas à tous les résultats possibles: voir ci-dessus p. 2056-7.

 

[133] Christol, L’administration et la gestion des ressources, cit., p. 246. On situera cette réflexion en perspective avec les travaux de R. Delmaire, Largesses sacrées et ratio privata. L’aerarium impérial et son administration du ive au vie siècle, Roma 1989, surtout p. 659-98, sur la distinction, manifeste dans la documentation juridique, entre les biens patrimoniaux et les biens personnels de l’empereur. Sur ce fondement on peut considérer que le devenir des procurateurs du patrimoine, durant le iiie siècle, est différent de ce qu’envisage à leur sujet Lo Cascio, Patrimonium, ratio privata, res privata, cit., p. 147-9.

 

[134] Pour l’instant il ne semble pas que dans la nomenclature d’un procurateur équestre établi à Carthage figure cette référence au patrimonium. Mais il est vrai qu’elle est rare aussi en ce qui concerne d’autres procurateurs, établis à son image dans d’autres provinces du peuple romain. Pour la Narbonnaise, hormis la restitution du terme dans la fonction d’avocat du fisc qu’exerça L(ucius) Fulvius Kastus Fulvia-nus, le premier exemple de l’emploi du terme patrimonium dans la nomenclature d’un personnage officiel n’est connue que par la publication de l’inscription de Bulla Regia qui donne le cursus de Q(uintus) Domitius Marsianus: AE, 1960, 167 = AE, 1962, 183 = AE, 1971, 491 (voir note 17); H.-G. Pflaum, Les Fastes de la province de Narbonnaise, Paris 1978, p. 117-25, partic. p. 120. Sur le contenu de la fonction, l’interprétation de Id., Une lettre de promotion de l’empereur Marc Aurèle, cit., p. 353 (= L’Afrique romaine, i, cit., p.16), nous paraît trop restrictive; cf. aussi Id., Les Fastes de la province de Narbonnaise, cit., p. 130-3.

 

[135] Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 1093-4. Premier exemple: L(ucius) Fulvius Kastus Ful[vianus]: [fisci advocatus patrimoni tr]actus Kart(haginis) et Galliae Narbonensis. Il se placerait entre 218 et 223. CIL viii, 1578 (Musti); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 797-8, n° 311; Id., Les fastes de la province de Narbonnaise, cit., p. 129-30: la restitution et l’interprétation sont très vraisemblables. Deuxième exemple: A(ulus) Vitellius Felix Honoratus: f(isci) a(dvocatus) at patrimonium Karthag(inis). Il se place vers 250. CIL viii, 26582 (ILS 9018) (Thugga); Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 936-40, n° 353: il a été antérieurement f(isci) a(dvocatus) at vehicula per Flaminiam, [f(isci)] a(dvocatus) (per) Transpadum et partem Norici, f(isci) a(dvocatus) at fusa per Numidiam. Troisième exemple: [ – P]omponius Gai filius Papir[ia] L[---]murianus: functus adv[oca]tione fisci Hispaniarum trium et patrimoni tract[us] Karthaginis. Pflaum (ibid., p. 826-7, n° 320) voudrait le placer dans la première moitié du iiie siècle, mais on peut estimer que son cursus s’est plutôt déroulé après le premier tiers de cette période et au début de la seconde partie du iiie siècle. CIL viii, 23219 (ILS, 9016) = ILTun., 362 (Sbeitla). Quatrième exemple: [---Se]ptimianus: fisci advocatus patrim[oni tractus K]arthag(inis). Il est placé au iiie siècle en général. CIL viii, 24064. Pflaum, Les carrières procuratoriennes équestres, cit., p. 1094.

 

[136] Ed. par J. Desanges, Paris 1980 (cuf). Texte p. 56-7, commentaires p. 226-42.

 

[137] Commentaire de J. Desanges, p. 205 et p. 208-10.

 

[138] Commentaire de J. Desanges, p. 209.

 

[139] Commentaire de J. Desanges, p. 226.

 

[140] Commentaire de J. Desanges, p. 227-9. Déjà Id., Etendue et importance du Byzacium avant la création sous Dioclétien de la province de Byzacène, «CT», 11 (44), 1963, p. 7-22.

 

[141] Commentaire de J. Desanges, p. 236.

 

[142] Commentaire de J. Desanges, p. 238.

 

[143] Commentaire de J. Desanges, p. 312-3.

 

[144] Commentaire de J. Desanges, p. 231-2.

 

[145] App., bell. civ., 94; César, Afr., 97, 2. L’élévation des deux cités au rang colonial fut vraisemblablement contemporaine sous Trajan: pour Hadrumète, Gascou, Politique municipale, cit., p. 67-75; pour Lepti Minus, ibid., p. 80-1, ainsi que Id., Lepti minus, colonie de Trajan?, cit., p. 140-3. On pourrait envisager, puisque Thysdrus est chef-lieu de conventus, que Lepti Minus ait aussi joui de ce privilège. 

 

[146] Sur l’importance de cette période, Lo Cascio, Patrimonium, ratio privata, res privata, cit., p. 114-8.

 

[147] Dont un aspect important est la centuriation: Ch. Saumagne, La photographie aérienne au service de l’archéologie en Tunisie, «CRAI», 1952, p. 287-301, partic. p. 294-9; P. Trousset, Nouvelles observations sur la centuriation romaine à l’est d’El Jem, «AntAfr», 11, 1977, p. 175-207 (pour la datation des cadastrations, p. 190).

 

[148] M. I. Rostovtzeff, Geschichte der Staatspacht der römischen Kaiserzeit bis Diokletian (Suppl. Philologus, 9), Berlin-Leipzig 1902, p. 422-32, 1902 [réimpr. Roma 1971]; Id., Per la storia del colonato, cit., p. 316; C. Nicolet, Frumentum mancipale: en Sicile et ailleurs, dans A. Giovannini (éd.), Nourrir la plèbe. Actes du colloque de Genève en hommage à D. Van Berchem (1989), Basel-Kassel 1991, p. 119-41 ( = Censeurs et publicains. Economie et fiscalité dans la Rome antique, Paris 2000, p. 231-45); Lo Cascio, Patrimonium, ratio privata, res privata, cit., p. 113-4 (sur les thèses de Rostovtzeff), et plus généralement p. 106-20; Id., I greges oviarici dell’iscrizione di Sepino (CIL x, 2938) e la transumanza in età imperiale, dans Id., Il princeps e il suo impero, cit., p. 155-7.