Tradizione-Romana-2021

 

 

SAMIR AOUNALLAH, ATTILIO MASTINO,

ANTONIO CORDA, PAOLO FILIGHEDDU

 

 

 

 

 

 

 

L'homélie d'Augustin adressée aux habitants de Thignica dans l’hiver 403-404 et leur conversion tardive au christianisme: la lente disparition du culte impérial [1]

 

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Sommario: 1. Thignica, hiver du 404. – 2. L’épigraphie chrétienne de Thignica. – 3. Le Sermo d’Augustin à Thignica. – 3.A. La découverte du manuscrit. – 3.B. Le sermon à Thignica. – 3.C. La typologie des sermons. – 3.D. La transmission des sermons. – 3.E. Le genre littéraire. – 3.F. L’exégèse d’Augustin. – 3.G. Le public du sermo. – 3.H. Les thèmes de l'homélie. – 4. Conclusion. – 5. Références bibliographiques. – Abstract.

 

 

 

1. – Thignica, hiver du 404

 

La pensée d'Augustin continue d'être vitale à ce jour, comme en témoignent les homélies dans les églises du monde entier mais aussi des épisodes surprenants de la vie civile et politique de notre temps[2]; sa mémoire est religieusement cultivée dans les lieux qui ont accueilli sa dépouille mortelle, Hippo Regius, Carales-Cagliari en Sardaigne, Ticinum-Pavie[3]. Dans la célèbre épître 50, écrite peut-être en 399, adressée aux ductoribus ac principibus vel senioribus Coloniae Suffectanae, Augustin avait rappelé le massacre de Sufes (aujourd'hui Sbiba, juste au sud-ouest de Maktar), lorsque les païens de l'aristocratie locale sont arrivés à massacrer 60 chrétiens, accusés d'avoir détruit une statue antique d'Hercule: un crime bien connu dans tout l'empire (famosissimus scelus), qui a choqué tout le monde, a couvert de sang les temples et les places de la colonia Aurelia Sufetana, un homicide qui crie désormais vengeance mais qui entre-temps a conduit les plus responsables à être récompensés par le sénat citoyen païen, qui les a élevés au sommet de la curie[4] ; les coupables n'avaient été punis d'aucune façon : les comitatenses sous les ordres du comes Africae n'étaient pas intervenus, car - comme semble le démontrer la Notitia Dignitatum - à cette époque ils étaient absolument de peu d'utilité[5]. Mais – affirme Augustin - , s'il est désormais possible avec de l'argent de réparer les dégâts matériels en commandant aux artistes une nouvelle statue rouge d'Hercule, remplaçant l'ancienne statue du Genius Patriae, du dieu auquel étaient très dévoués les flamines perpetui nommés par le splendidissimus ordo col(oniae) Sufetan[ae][6], détruite par les chrétiens, comment indemniser l'offense représenté par l'évêque, qui a subi la mort de 60 fidèles ? Les sénateurs de la ville doivent faire amende honorable : Reddite igitur animas, quas truculenta manus vestra contorsit, et sicuti a nobis vester Hercules redhibetur, sic etiam a vobis tantorum animae reddantur[7].

Nous n'avons pas de nouvelles d'un affrontement tout aussi virulent dans les années suivantes (hiver 403-404), mais le sermon 159/B, inclus dans la collection Opera omnia agostiniana parmi les Sermons sur l'Écriture Sainte, prononcé à Tignica (mieux Thignica, 100 km à l’ouest Carthage)[8] cinq ans plus tard par Augustin (commentant les psaumes 59, 3 et 118, 71 et l'épître de Paul aux Romains 11, 32-36) contient peut-être une trace de la conversion tardive au christianisme des fidèles présent au moment où l'homélie a été prononcée[9] : Sermo Beati Augustini super verbis Apostoli : O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei, et de Psalmo LIX : «Deus, reppulisti nos et destruxisti nos, iratus es et misertus es nobis »[10] et de Psalmo CXVIII : « Bonum mihi quod humiliasti me, ut discam iustificationes tuas»[11]. Le texte provient de la Bibliothèque du Laureshamense Monasterium des Saints Pierre, Paul et Nazare de Lorsch en Hessen (Reichsabtei Lorsch) (nr. 8), avec la mention de Tignica[12] et fait partie aussi de la collection Mayence (Mainz, Stadtbibliothek I 9, f. 162-163, XVe s.)[13]. Sur la date, Dolbeau pense à l’hiver 404, en voyage entre Carthage et Hippone, après l’embuscade à l'aller à Carthage[14]; pour le caractère « africain » de la prédication augustinienne, il y a beaucoup de recherches[15].

Nous savons qui à Thignica en 411 ap. J.-C. aurait eu son siège l'évêque catholique Aufidius episcopus plebis Tignicensis, 152 sur la liste de l'église africaine et souscripteur du document établi à Carthage[16] – peut-être consacré quelque an avant par Augustin même – que nous connaissons en polémique avec le donatiste Iulianus Tignicensis, 253 sur la liste de l'église rivale (qui confirme la déclaration d'Aufidius : «et diverso habeo Iulianum», avec les mots «agnosco illum»)[17]. L'homélie, prononcée à l'hiver 403-404 lors du voyage le plus méridional d'Augustin après avoir quitté Carthage[18] lors d'une mission d'enquête sur le schisme de Maximien au sein de l'église donatiste, contient divers aspects qui renvoient aux auditeurs (les chers fratres du 3.20) qui se sont précipités dans le municipe de Septime Sévère et de Caracalla pour entendre les paroles de l'évêque d'Hippone[19]. En réalité, l'endroit où le discours a été prononcé est très douteux: à l'extérieur dans le forum? dans amphithéâtre ou dans le théâtre, dans une maison privée ? à l'intérieur de cet édifice à absides opposées fouillé à partir du XIXe siècle par des savants français qui l'avaient généralement interprété comme une basilique au début du Ve siècle: ainsi A. Berbrugger, V. Guérin, Ch. Tissot, Dr. Darré, H. Saladin, L. Carton, L. Poinssot[20] , nié par les fouilles de J. Carcopino de 1906, qui a d'abord émis l'hypothèse qu'il s'agissait (comme en réalité) de thermes, peut-être réutilisés à la fin de l'Antiquité[21]. Il faut dire que la plupart des inscriptions chrétiennes connues à Thignica proviennent d'ici, notamment des épitaphes, comme l'épitaphe de Fortunata o celui de l’enfant [---]nus[--- / ---] fidelis (vd. Corda, infra § 2, nn. 7-8)[22]. L. Poinssot a signalé la clef de voûte portant le monogramme du Christ[23]. J. Carcopino est responsable de la découverte de CIL VIII 25929 (Corda, infra, § 2, n° 5) avec monogramme, alpha et omega [---]ISIIL / [---]sna vixit in pace / fidelis ann(o)s LXX recessit / die XII Kal(endas) Maias [---][24]. Mais à l'occasion de la visite d'Augustin, y avait-il une vraie basilique ? On n’est pas sûr[25].

Le discours 159 / B donné à Tignica (mieux à Thignica), que nous possédons dans l'édition de F. Dolbeau[26], commente la lettre de Paul aux Romains (toujours appelée l'Apôtre) [27] en relation avec la profondeur des richesses et de la connaissance de Dieu, à la lumière des psaumes cités. Les thèmes abordés dans l'homélie peuvent être résumés comme suit : 1. Divitiarum sapientiae et scientiae Dei altitudo inscrutabilis; 2. «Pracessit delictum, secuta est humiliatio»; 3. Misericordia motus Dei nos humiliat; 4. Amore motus punit pater filium degenerem; 5. Homo Deo subiectus, visibilium creaturarum dominator; 6. De cognitione que fit per sensus et de cognitione per lucem intellegibilem; 7. Offendimus Deum: per corpus cruciamur; 8. Serviamus Dominum, qui cupimus a corpore serviri; 9. Christus Dominus unica spes nostra; 10. Christus passus est voluntate, non necessitate; 11. Causa aerumnarum quas patitur homo, superbia; 12. Vera est caro in qua Christus natus et mortuus est; 13. «Noli contemnere humilitatem qua sanaris»; 14. Ubi abundavit delictum, suuperabundavit gratia; 15. Gemamus, cum peregrini sumus a Domino; 16. Dei promissa impleta conspicimus; 17. «Ecclesia non est in parte, sed in toto est»; 18. Gaudeamus eo quod ad Christi sorte pertinemus.

Le sermon d'Augustin garde les traces d'une expérience réelle : les nombreuses références au voyage, un moment de purification pour l'évêque d'Hippone[28] même après la fameuse embuscade quelques semaines plus tôt (si non est tribulatio, non est peregrinatio)[29]; le nombre de pas que le corps permet peut être fait en une journée, par exemple, au § 8 (verbi gratia potes ambulare decem milia passuum, videamus in quo tibi non obtemperat corpus tuum; vis viginti: non obtemperat. Potes ambulare quinquaginta milia, vis sexagina: non obtemperat); au § 15: quandiu sumus in corpore, peregrinamur a Domino. Quare peregrinamur a Domino ? Et il ajoute : per fidem enim ambulamus, inquit, non per speciem, donc dans la foi et non dans la vision); le voyage qui le conduit à Thignica était considéré comme l'un des voyages effectués pour participer à un concile (le VIII du 25 août 403, suivi de la prédication à Carthage, jusqu’au 8 novembre)[30].

Augustin énumère clairement les vices et les péchés de ses auditeurs locaux, nous croyons tous citoyens romains de la municipalité de Sévères (même les pèlerins étaient devenus cives après l'édit de civitate de Caracalla): l’incredulitas, un péché commun à beaucoup d'hommes, mais qui est propre à ses auditeurs au §1; les leviers sur lesquels Augustin peut se référer sont la caritas vestra, qui permettra d'admettre humblement ses limites : «priusquam humiliarer, ego deliqui» au § 2; la superbia au § 3, au § 11 et au § 13, en particulier celle du servus propriétaire d'esclaves en rapport au Dominus au § 7; cette même superbia qui caractérise les païens et beaucoup haeretici qui se christianos dicunt, qui se moquent face l’humilitas Christi au § 12: l’avaritia et la perfidia de Judas au § 8; tous aspects qui rapprochent les hommes aux aegrotantes au § 11, aux infirmi quia sub fragilitate carnis suae iacent au § 14.

Passant à la deuxième personne du singulier, s'adressant non seulement dans un sens rhétorique à un auditeur idéal présent à l'occasion spécifique, Augustin précise au § 16: opus est ut credas, et fides tua non deserat Christum, non deserat evangelium non deserat promissa eius, pourquoi maintenant Ecclesia ista, quam videtis toto orbe diffusam, ante parvum tempus non erat. Laissons de côté l'expression toto orbe, qui est aussi utilisée pour le Christ[31], en utilisant une identité cosmocratique qui vient tout droit du titre des empereurs romains[32]. Venons-en au fait : passant de la deuxième personne du singulier, qui désigne tout interlocuteur qui se trouve devant lui, maintenant Augustin s'adresse à tous les auditeurs présents. C'est le point central de notre discours au § 16. Nous nous bornerons ici à aborder le thème du jugement exprimé par Augustin sur ses auditeurs indiqués à la deuxième personne du pluriel : Vos ante paucos annos pagani eratis, modo christiani estis, parentes vestri daemoniis serviebant, antea plena erant templa turificantibus, modo plena est Ecclesia Deum laudantibus. Quomodo mutavit Deus subito res humanas (16): «Il y a quelques années vous étiez païens, maintenant vous êtes chrétiens. Vos parents adoraient les démons, et les temples étaient remplis de gens brûlant de l'encens ; maintenant, au lieu de cela, l'Église est remplie de gens qui louent Dieu. Comme Dieu a rapidement changé l'histoire !». Après tout, comment ne pas penser qu'il y a dans ces phrases une référence autobiographique à la récente conversion d'Augustin lui-même ?[33]

Thignica était un centre religieux païen très vivant[34]: des temples païens, des édifices sacrés et de nombreux cultes locaux sont documentés à Thignica, parmi lesquels le célèbre sanctuaire régional de Saturne Auguste émerge dans les faubourgs à environ un km de la ville[35]. Le municipe de Thignica de l’époque sévérienne adopte les cognomina qui renvoient au culte de Frugifer et d’Hercules, municipium Septimium Aurelium Antoninianum Herculeum Frugiferum Thignica, après aussi Alexandrianum[36]. Il y avait aussi l'aedes de Neptune Auguste Africain à les Aquae Thignicenses[37], les dédicaces à Mercure Auguste[38], Vesta Augusta[39], Pluton[40], le culte impérial[41]; avec une dédicace à Numen Augusti à l'époque de Domitien[42], sans oublier le temple qui semble dédié au Genies des Tétrarques, inauguré en pleine persécution dioclétienne par le notoire proconsul C. Annius Anullinus en 304, l'impius iudex d'Optat de Milev III.8, persécuteur des chrétiens[43] et avec de nombreux autres cultes locaux ou introduits de l'extérieur, p. ex. dans le sanctuaire de la colline de Dis Pater et du Saturne italique (Fig. 6). Très rare est le culte de Monna Augusta[44], la déesse numide, à la base du nom berbère de la mère d’Augustin, Monnica. Un taurobolium en l'honneur de la Magna Mater est rappelé dans la même période dioclétienne[45].

Le paganisme était encore très répandu dans la classe aristocratique qui conservait encore le flamine impérial jusqu’au 405 ap. J.-Ch. et plus: la suppression du culte impérial en Afrique (per totam Africam, non tam per Africam quam per omnes regiones in nostro orbe positas) n’est documentée qu’en 415 d.C., par la constitution de Orose et Theodose II dans le Code Théodosien 16.10.20, daté le 30 août, mais la disposition impériale entra en vigueur le 1er novembre 415 et se réfère aux sacerdotales paganae superstitionis mais plus généralement aussi à d'autres cultes païens[46].

Dans le cadre d'une refonte globale des décisions impériales et du déclin progressif du paganisme, Guido Clemente estime désormais que la période de l'Antiquité tardive doit être présentée non pas comme un moment de déclin qui précède la chute de l'Empire romain, mais (avec le christianisme) un moment de démocratisation de la culture et de la vie religieuse[47].

A Thignica et en en Afrique dans l'aristocratie municipale la culture classique, le mythe, la connaissance des auteurs grecques et romains (d'Homère à Lucan et au-delà) sont bien documentés[48]; dans l'Antiquité tardive de grands sites de réutilisation sont observés, avec des restaurations et de nouvelles constructions[49]. Le municipe c'est certainement l'un des centres d'une région à la prestigieuse tradition païenne, dotée d'écoles et située à la limite ouest du territoire de Carthage, avec la présence de familles appartenant à l'aristocratie sénatoriale, équestre ou carthaginoise. Nous apprenons à Thignica la profondeur de la culture païenne, bien que l'attention de Constantin et de ses fils Constantinus II, Constantius et Constans vers le municipe en 333 soit désormais documentée, à l'occasion de la dédicace du forum holitorium[50]. Pour ne donner qu'un exemple, quelques décennies avant la visite d'Augustin, en tout cas dans les dernières décennies du IVe siècle et aussi dans le Ve siècle après la visite d’Augustin, en toute la région, nous avons un témoignage clair de la survie du flamine impérial, de sa vitalité et du renouveau des traditions religieuses ancestrales: ainsi à Uchi Maius (2.88) sur le linteau réutilisé Pullaienus, Furius Victorinus fait une dédicace en 383-384, pour évoquer une liberalitas, une évergésie interprétée par le flamen perpetuus, avito honore suffultus, reprenant ainsi une tradition familiale qui remontait peut-être à plusieurs générations, mais qui était toujours vitale[51].

Près des thermes («près de la basilique»)[52] ont été placées les trois grandes bases pour les statues voulues par le flamen perpetuus et curator rei publicae, un représentant de l'aristocratie païenne dans l'Antiquité tardive, Fabius Caecilius Praetextatus à Venus Augusta, à Ceres Augusta, à Fortuna Augusta (respectivement CIL VIII 15200, 1398 =14903, 14909): pour Cl. Lepelley «le fait que le curateur soit un décurion local, de même que l’absence de filiation, de tribu et surtout du prénom, rendent difficile une datation antérieure au IVe siècle»[53].

Le dernier flamine impérial que nous connaissons est Q(uintus) V[i]bul[e]nus Fabius Arianus fl(amen) p(er)p(etuus) cur(ator) rei p[ubl(icae) Thignicens(ium) en 405 à l’époque de Arcadius, Honorius, Theodose II[54]: c’est l’année successive au voyage d’Augustin[55], qui n’avait pas changé la situation dans la curie: par contre en Afrique on connaît des cas encore plus tardifs de flamines en fonction, comme à Aradi et Culusa; différents les cas de Theveste et Ammaedara)[56].

Bref, il semble clair à Thignica que les démons païens étaient vénérés bien après la paix constantinienne et la christianisation apparaît tardivement, surtout chez les curiales, au moins jusqu'aux dernières années de Théodose, qui avait déjà reconnu le christianisme en 380 avec l'édit de Thessalonique, comme religion officielle de l'empire, venant persécuter les païens dix ans plus tard: Non ergo irridere humilitatem Christi. Irrident enim multi pagani quia humilis venit Christus – et utinam pagani soli ! – et multi haeretici qui se christianos dicunt. Sordet illis quia natus est Christus de femina; sordet illis quia fixus est in cruce et vulneraus est, et vera erant illa vulnera quae accepit, et veri erant illi clavi qui infixi sunt; sordet et dicunt: «Illa omnia simulavit, finxit et non pertulit». (12.1).

Les références dans l'homélie d'Augustin à la situation locale ne sont pas nombreuses, mais elles confirment la présence de païens et d'hérétiques parmi les citoyens à la lisière de l'ancien territoire de la colonie de Carthage : parmi ses auditeurs à Thignica il y a une vraie soif de savoir : voir p. ex. les expressions fratres carissimi, 3.20; intendat caritas vestra, 2.15. Il existe encore une controverse anti-païenne très vive contre les hérétiques qui se prétendaient chrétiens (probablement les maximianistes parmi les donatistes)[57], qui semble également locale, concernant la vérité des écritures: voir la phrase sur les haeretici qui se christianos dicunt, déjà citée supra, 12.1 [58].

Ainsi les fidèles étaient païens jusqu'à quelques années auparavant, ils se sont convertis peut-être après l'édit de Théodose, près d'un siècle après la paix religieuse de Constantin ; leurs parents ont continué à servir les daemones païens (ce n’est pas le diable)[59]. Très récemment, C. Letta, reprenant les suggestions de B.W. Winter, a supposé que le passage de la première lettre de Paul aux Corinthiens 10.20, lorsqu'il affirme que les Gentils δαιμονίοις κα ο Θε θύουσιν (sacrifient aux démons et non à Dieu) il se réfère aux Genii des empereurs vivants et atteste donc des sacrifices au Genius de Néron également dans la colonie romaine de Corinthe[60]; nous pensons qu'il faut retenir le terme δαιμόνια de la traduction de la Septante de Deutéronome 32.17 («Ils sacrifièrent à des démons qui ne sont pas Dieu, à des divinités qu'ils ne connaissaient pas, des nouvelles, récemment arrivées, que vos pères n'avaient pas redoutées») ; le mot est traduite par Paul (encore dans 1Cor 8.5-6) également par θεοί : pour C. Auffarth le culte impérial et le culte du Christ sont en quelque sorte liés sur le plan cosmocratique et parleraient le même langage[61], tandis que Winter pense que Paul se réfère au Genius de l'empereur unique (traduit en grec γαθς δαίμων)[62]. Il est surprenant que la polémique entre chrétiens et païens au sujet du rapport entre le culte impérial (avec ses flamines) et le culte du Christ le Κύϱιος avec ses épiscopes soit si ancienne et remontante[63]; ce qui est certain, c'est qu'elle se poursuit bien au-delà de la visite d'Augustin à Thignica. Le refus du culte impériale n’est pas généralisée comme on l’a cru[64].

Enfin, P.-A. Février avait déjà noté l'intérêt de l'homélie prononcée par Augustin à Bulla Regia dans les années immédiatement précédentes, pour Pâques[65]: nous sommes en 400 ou en 399 après J.-C. et Augustin parlait devant les fratres Bullenses, regrettant le fait que ses auditeurs étaient peu nombreux dans la basilique pour la fête des Saints Maccabées (sed paucos vos video), mais au lieu de cela ils deviendraient très nombreux au temps de Pâques dans la basilique, «et ce local ne pourra pas contenir votre foule», comme maintenant dans le théâtre («il sera rempli par ceux-là même qui à présent remplissent le théâtre», là ou il y a des représentations honteuses à suivre. C'était une vraie anomalie, l'énorme quantité d'habitants, beaucoup des qui se disaient chrétiens, qui visitent les théâtres, pour suivre des spectacles profanes: Ecce veniet dies passionis Christi, ecce veniet Pascha, et ista spatia multitudinem vestram non capient. Ergo ipsi haec loca implebunt, qui modo theatra implestis? (8). C'était une chose très différent dans la ville voisine de Simitthus, dont les citoyens ont été loués: nemo ibi intrat in theatrum, nullus ibi turpis remansit. Legatus ibi voluit agere huiusmodi turpitudines; nullus principalis, nullus plebeius intravit, nullus Idaeus intravit. Ipsi honesti non sunt? Illa civitas non est? Illa colonia non est, tanto honestior, quanto istis rebus inanior? Haec vobis non direremus, si bona de vobis audiremus; si autem tacuierimus, timeo ne pariter iudicemur (9)[66]. Même l'homélie de Bulla Regia nous donne la mesure de la persistance des traditions païennes (qu'Augustin jugeait honteuse) et de l'implacable sévérité de l'évêque d'Hippone envers ses auditeurs, chrétiens seulement en paroles. Un peu comme à Thignica.

 

 

2. – L’épigraphie chrétienne de Thignica

 

La documentation épigraphique chrétienne de Thignica est très limitée et ne contient pas plus d'une douzaine d'épitaphes très simples: nous n'avons actuellement que 9 inscriptions, pour la plupart fragmentaires et non conservées, en partie trouvées dans la zone des thermes (à double abside), les qui dans le passé nous a fait penser à une réutilisation du complexe thermale comme une basilique chrétienne originale, qui précède celle de l'époque byzantine dans la forteresse : nous connaissons le lieu de découverte de l'épitaphe de Fortunata (n. 7) et d'un enfant fidelis, mort à l'âge de deux ans (n° 8), tous deux à l'intérieur de l'abside ouest.

Parmi les formules utilisées: in pace (nr. 1, 2, 4, 9) et vixit in pace (trois fois, nr. 5, 6, 7): on sait que l'expression est très courante dans l'empire chrétien[67] et fait allusion à repos du corps au-delà de la mort, au désir de conserver les os jusqu'au moment de la résurrection[68] il est attesté 8 fois à Thignica (si le n° 3 est exclu); les adjectifs les plus significatifs sont fidelis, généralement utilisé dans le sens de “chrétien baptisé" (n° 5, 7, 8) et dulcissimus (n° 9): fidelis est très courant parmi les inscriptions datées surtout du IV-Ve siècle et surtout en Afrique[69]; dulcissimus est l'une des expressions les plus simples de l'affection dans le style épigraphique funéraire des premiers siècles[70].

L'onomastique est généralement très courante et très simple : noms uniques Fortunata, que parmi les inscriptions païennes de Thignica nous connaissons une dizaine de fois (nom masculin ou nom féminin) et qui est peut-être à rapprocher du culte local tardif de la déesse Fortuna Augusta (nr. 7)[71]. Rebocatus pour Revocatus (nr. 3), un nom qui dans le sanctoral africain, bien que pas excessivement attesté, est célèbre car il est rappelé dans la inscriptions carthaginoise de Perpetua et Felicita[72]; après tout c'est un nom déjà porté par les païens[73]. De plus Concilius (nr. 9).

Dans un seul cas on peut remonter dans le temps, peut-être au IVe siècle, avec le gentilice suivi du cognomen (prénom déjà tombé), Lurius Fortunatus (nr. 2) : le gentilice Lurius est bien connu à Thignica parmi les fidèles du dieu Saturne : C. Lurius Mustulus[74], C. Lurius Felix[75], Q. Lurius Felix[76]; Q. Lurius Numas[77]; L. Lurius Felix[78]; tantôt chez les inscriptions funèbres païennes (P. Lurius Vitalis)[79]; mais aussi à Thugga, Tichilla, Carthage, si bien qu'on peut peut-être penser à une branche de la colonisation primitive de la colonie triumvirale ou augustéenne[80].

Le nom Concilius (n° 9) n'est attesté ainsi que dans notre inscription seulement dans une tabula patronatus de la colonie Aelia Augusta Mercurialis Thaenitana (l'actuelle Thyna) trouvée à Rome et dans laquelle est mentionné un Caius Hortensius Concilius[81].

Senecta fait allusion à la vieillesse du défunt (n° 1): la comparaison la plus proche est le célèbre carmen chrétien de Sabina à Thugga[82].

Nous terminerons par la référence à la domus Rebocati, c'est-à-dire domus aeterna ou aeternalis[83], en référence au tombeau d'un chrétien destiné à la vie éternelle[84]; cette manière d'indiquer le tombeau comme siège du repos éternel est, comme en témoignent divers savants, particulièrement utilisée en Afrique[85]. L'utilisation de domus est différente quand on parle de l'ecclesia et aussi de l’église, par ex. domus orationis à Sufetula CIL VIII 11414 = ILCV 1834 = ILTun 361 et au Bardo, AE 2000, 1744 ; voir domus Dei dans Theveste CIL VIII 10642 (p. 1576) = ILCV 2464; ILCV 2422 ; voir également CIL VIII 839 = ILCV 1844a, Municipium Turcetanum; CLEAfr. 2, 87, Sufetula.

Il n'est pas certain que l'épiscopes que nous connaissons lors de la collatio Carthaginiensis en 411 ap. J.-C. Aufidius episcopus plebis Tignicensis est d'origine locale[86] ; nous avons formulé au § 1 l'hypothèse qu'il a été consacré par Augustin lui-même en 404 ; tout comme nous ne sommes pas sûrs que son adversaire donatiste Iulianus Tignicensis soit originaire du municipe[87].

 

Les inscriptions: catalogue

 

1.          CIL VIII 1423, EDCS-17701294
[---]autor I[---] / sui PROMA[---] / complerun[t ---] / senectam / in pace

2.          CIL VIII, 15243 = ILCV 2688, EDCS-25700156
Lurius / Fortu[n]/atus vix(it) / annis [---] / in pac[e---]

3.          CIL VIII 15244 = ILCV 3645e, EDCS-25700157
Do/mus / Rebo/cati

4.          CIL VIII 15245, EDCS-25700158
[---]V / [---]ATE / [--- i]n pace.

5.          CIL VIII 25929, EDCS-25501746
[---]ISIIL / [---]sna vixit in pace / fidelis ann(o)s LXX recessit / die XII Kal(endas) Maias [---].

6.          CIL VIII 25930, EDCS-25501747
II[---] / SA in / pace.

7.          Thignica p. 130 = AE 2006, 1769, EDCS-44200028
Fortunata vixit / in pace fidelis / annis LX in die / VII K(alendas) Ianu(arias).

8.          Thignica p 130 = AE 2006, 1770, EDCS-44200029
[---]nus v[ixit] / in [pace] fidelis / annos II et / menses II in / die Kal(endis) Mai(as ?).

9.          Inédite (400 m NW des thermes)

Concilius / dulcissimus / in pace.

 

Le petit nombre d'inscriptions chrétiennes du site de Thignica confirme ce que l'on peut identifier comme la principale caractéristique des centres africains, à savoir l'existence d'une grande disproportion entre le nombre d'épigraphes à connotation explicitement chrétienne par rapport au nombre total du corpus local[88]. Surtout, il y a une grande disproportion entre ce que l'on peut définir du poids des sources écrites par rapport à celui des textes épigraphiques.

Le paysage épigraphique chrétien tel qu'il est tracé par les quelques textes disponibles propose donc à Thignica une situation qui contraste avec un centre dans lequel Augustin lui-même semble supposer une communauté chrétienne d'une certaine consistance. En réalité, les données épigraphiques de cohérence numérique et de contenu ainsi que celle archéologique suggèrent qu'à l'époque de la présence du docteur de l'église en Afrique centrale, la communauté locale pouvait être non seulement peu nombreuse mais sans lieu dédié de culte et selon toute vraisemblance sans berger.

D'où le sens de la présence d'Augustin à Thignica, une présence jugée nécessaire et décisive pour le sort futur de la communauté locale.

 

 

3. – Le Sermo d’Augustin à Thignica

 

3.A. – La découverte du manuscrit

 

La découverte par R. Étaix et F. Dolbeau[89] en 1988 et les années suivantes à Mayence, d'un manuscrit contenant de nombreux discours inconnus (trente-trois), tenus par Augustin dans diverses localités de la Proconsularis, il a suscité un grand intérêt auprès des chercheurs. Ces derniers ont ainsi pu profiter d'un contenu nouveau dans l'enquête sur l'intense activité de prédication de l'évêque d'Hippone, soucieux d'étendre son champ d'action à des zones géographiques qui avaient été jusqu'alors l'apanage des religions païennes et de la fraction hérétique du Donatisme.

Il s'agit de deux collections distinctes: l'une de Mayence-Lorsch et l'autre de Mayence Grande-Chartreuse, qui conservent une certaine unité thématique.

La numérotation de l'édition italienne de F. Dolbeau respecte l'ordre du sermonarium, dans lequel la série de la Grande-Chartreuse est incluse dans celle de Mayence-Lorsch[90]. Les discours D. 2-27 (vingt-six) sont tous tirés d'un même manuscrit, qui contient un sermonnaire à usage des Chartreux de Mayence, datant des années 1470-1475 [91]. Ce recueil (Mainzer Stadtbibliothek I 9) est constitué de deux originaux distincts aujourd'hui perdus, qui rapportent chacun une série ancienne de discours augustins. La première d'entre elles, d'après un inventaire de la bibliothèque du IXe siècle, attestée depuis longtemps en Allemagne, dans l'abbaye impériale dédiée à Saint Pierre, Paul et Nazaire à Lorsch[92], près de la ville de Bensheim, le long du fleuve Weschnitz. Remontant aux années 762-763, fondée par un certain Cancor, comte d'Oberrheingau et sa mère Williswinth, qui promeuvent la construction d'un monastère privé nobiliaire sur un terrain leur appartenant, en y transférant le corps du martyr romain Saint Nazaire et l'inaugurant en 764. La direction de l'abbaye est confiée à s. Chrodegang (+766), évêque de Metz, apparenté à la famille des fondateurs. Cette abbaye fut l'une des plus célèbres de l'empire carolingien. La deuxième série, présente à Hippone, en vivant son Auteur[93], était connue par une édition du XVIe siècle, fondée sur un manuscrit perdu de la Grande-Chartreuse, dans les Alpes françaises. D'où les appellations de "Mayence-Lorsch" et "Mayence Grande Chartreuse" attribuées à ces deux collections qui transmettent respectivement les discours D. 2-7.2127 et D. 8-20. La distinction entre les deux niveaux de classification est donc pertinente : si le manuscrit de Mayence est, pour la lecture matérielle, un texte du XVe siècle ; textuellement, il est une sorte de fossile, car il réunit deux ensembles de discours qui conservent la structure et les rubriques des collections de l'Antiquité tardive.

Un grand intérêt a accompagné les discours d'Augustin au cours des siècles. Les lecteurs médiévaux, confrontés à la rugosité et à l'obscurité du texte, ont souvent entrepris de rendre les sermons plus faciles à lire, en expurgeant ou en corrigeant des éléments particuliers de leur originalité, ce qui a commencé immédiatement après leur diffusion, aboutissant à un texte vulgate, reproduit substantiellement également dans l'édition des moines Maurini. D'une certaine manière, l'adaptation à l'écriture et à la lecture, qui n'a pas été faite au moment de leur publication, a été réalisée lentement par les copistes médiévaux, ce qui a entraîné une banalisation de la forme, voire du sens de l'original. Parallèlement à la question des modes de transmission, celle de l'établissement du texte dans son intégrité devient un nœud vital de la question de la méthode. C'est pourquoi la nécessité d'une révision critique des sermons apparaît particulièrement nécessaire en raison de leur genre, en y attachant une grande importance pour le travail de restauration du texte. Il serait nécessaire, à ce stade, de vérifier comment le style rhétorique d'Augustin s'est déversé dans sa prédication, en considérant attentivement l'utilisation du genre. Les caractéristiques saillantes qui définissent le genre, appliqué à l'oratoire augustinien, sont - selon l'analyse de F. Gori[94]– les suivants :

1.   Les sermons sont des homélies, conçues et prononcées pour avoir un effet sur le public qui écoute et regarde l’orateur ;

2.   Ce sont des sermons improvisés ;

3.   Ceux-ci ont été prononcés sans aucune révision.

Le recueil de Mainz conserve un style de prédication plus proche de l'exposition orale, dans le contexte du IVe-Ve siècle, que la moyenne des autres discours augustiniens[95]. En effet, le texte fait l'objet de notre étude, dans le paraphe canonique, M 54 (Mainz Stadtbibliothek I 9, f. 162-173) = D. 21 (F. Dolbeau 2002) = 159/B, en reprenant la liste du recueil fait par les Maurini[96], il nous semble au moins exempt d’interventions de réduction drastiques des auteurs médiévaux, même si le contenu du discours ne nous permet pas de comprendre pleinement à quel auditoire il s’adresse. L’incipit de D. 21 (= Lorsch 8) dit: Sermo Beati Augustini super verbis Apostoli ... qui fait partie de la rubrique finale de M(ayence) 54.

 

3.B. – Le sermon à Thignica

 

Devant le public africain de Thignica à l’hiver 404, Augustin se montre très prolixe, considérant que, généralement, l’Hipponate improvise ses discours, ravivant de temps en temps l’attention de la foule.

Il est d'usage chez Augustin de prononcer ses sermons pendant la célébration eucharistique, après la proclamation des lectures bibliques et avant de renvoyer les catéchumènes. Mais à cette occasion, nous pensons que ce long et délicat discours s'adressait à un public plus large, compte tenu des thèmes abordés. Il est très probable qu'il ait prononcé ce sermon à deux moments divers, car il aurait provoqué des réactions différentes, non seulement des discussions spirituelles, mais aussi de véritables harangues à l'égard des intellectuels païens et devant les fidèles donatistes, déjà présents avec leur pasteur[97]. Il semble également probable qu'Augustin y ait consacré Aufidius comme évêque, destiné précisément à Thignica afin d'empêcher la propagation d'alternatives à la foi catholique parmi le pusillus grex des chrétiens (voir le petit nombre d'épitaphes, sub A.M. Corda, ici au § 2) dans la ciuitas peregrina. Cela semble être le contexte historique du discours.

 Nous ne savons pas, si à Thignica il avait parlé dans une basilique, d’ailleurs non encore identifiée, ou dans un environnement destiné à d’autres usages (par ex. la station thermale), ou dans le forum ou le théâtre. Il est probable qu'à Thignica il y avait déjà des structures de nature ecclésiastique. Celles-ci pouvaient être très larges, comme les bâtiments africains, et Augustin aurait eu du mal à se faire entendre à cause de sa faible voix[98]. Il avait l'habitude de s'adresser aux fidèles de la partie la plus interne de l'abside, située sur un étage surélevé du presbytère, d'où dominait l'auditoire, mais il préférait parfois parler du centre de la clôture, délimité par une porte, située près de l'autel qui, à cette époque, était situé à mi-chemin de la nef[99]. Selon les circonstances, l'évêque prêchait assis, comme il était coutume, de sa chaire[100], ou debout, comme la plupart des personnes présentes, mais sur une chaire en bois[101] qui était déplacée en fonction des besoins, résultant de l'acoustique, mais pas exclusivement de celle-ci.

Dans le sermon Lorsch 8, les textes principaux commentés sont les suivants: Rm 11.33 et les deux psaumes Ps 59.3 et 118.71.

L'homélie est le moment de l'actualisation la plus intense de la Parole, non pas tant parce qu'Augustin en déduit le sens spirituel, moral et parénétique pour l'Église de son temps et pour la vie des chrétiens présents, mais parce que dans le contexte de la célébration la tâche de l'homélie est de mettre en communication Dieu avec la communauté chrétienne: est le moment où l'évêque prédicateur se rend médiateur visible pour le peuple de l'auteur sacré et intermédiaire du Christ (alter Christus).

Dans un temps postérieur à 415, les communautés monastiques d'Afrique insistèrent auprès d'Augustin pour qu'il commente le Psaume 118, complétant ainsi le commentaire aux Psaumes, resté interrompu. En référence à celui-ci, Augustin écrit dans le préambule que son absence de commentaire ne dépendait pas tant de la longueur du texte du psaume (verba), mais plutôt parce qu’il était intimidé par la profondeur insondable de ses significations (res). Du point de vue formel, en outre, les sermons d’Augustin se rendent attrayants tant pour la structure familière de l’exposition, que pour la vivacité et pour l’élégance de l’expression oratoire. L'homélie exégétique chrétienne avait eu au début de la prédication les finalités de la formation culturelle, outre religieuse, des communautés chrétiennes sur le modèle d'Origène. Le public qui écoutait les homélies était constitué d'une minorité aux motivations spirituelles fortes. Non seulement à Carthage, mais ailleurs aussi, le public était composé non seulement de personnes instruites, mais aussi de personnes de basse condition socioculturelle, qui avaient besoin de motivations fortes, de stimulations morales et de rappels résolus aux valeurs de l'esprit.

Comme mentionné ci-dessus, Augustin parlait en improvisant, comme c'était la coutume chez les orateurs de l'Antiquité. Dans son de doctrina christiana, il ne prend pas en considération le fait que l'on lit un discours déjà écrit, en déconseillant de le réciter par cœur[102]. Qu’Augustin parle en improvisant, c'est aussi évident dans la lecture des Enarr. in ps., ainsi que dans ses attestations[103]. Cependant, improviser ne signifie pas ne pas être préparé, mais il lui arrivait d'aborder un sujet différent de celui initialement prévu. Il arrivait aussi qu'au cours de l'exercice oratoire, Augustin mette au premier plan la sagesse, c'est-à-dire la connaissance de l'Écriture et, à titre subsidiaire, l'éloquence, c'est-à-dire l'utilisation des règles de la rhétorique traditionnelle. Mais la question essentielle était de prendre en compte les réactions du public auquel il s'adressait. Il est clair que le succès du discours dépendait de la capacité d'accueil de l'auditoire, de sorte que l'orateur devait savoir l'évaluer sur le moment, en interprétant ses mouvements et ses attitudes[104].

Il devait avoir la capacité de surmonter un argument, dès qu’il s’aperçut que le public avait compris l’argument ou s’il s’attardait sur l'explication, même si seulement une partie de celui-ci montrait de ne pas l’avoir saisi. Cela provoquait des récapitulations ou des retours sur l’exposition. Ainsi, l'évêque était attentif aux signes de fatigue que pouvaient manifester les auditeurs et qui amenaient à raccourcir le thème ; les questions qui émergeaient soudainement de la foule l’entraînaient sur des parcours imprévus du langage, les digressions, le changement de discours par inspiration soudaine. La péroraison était parfois très éloignée du thème abordé précédemment ou de la forme annoncée au début (voir D. 10), comme Augustin l'avait également manifesté dans une conversation confidentielle[105].

Dans les sermons, comme aussi dans les Enarr. in ps., cet effort pédagogique est visible: Serm. 52.8.20; 101.9; 164.2.3; 335/A.2.

 Le style qu’Augustin préférait était en contrepoint avec les degrés de l’éloquence classique : pour docēre utilisait le style humble (genus dicendi submissum), pour delectāre le style tempéré (genus temperatum), pour flectĕre le style sublime (genus grande). Les homélies de caractère exégétique ont un but purement pédagogique : elles demandaient en règle générale l’emploi du style simple. En outre, le commentaire devait également d’un genus humile.

Les variations du style et du ton oratoire pouvaient avoir un certain effet sur le public présent, dont les réactions peuvent être saisies par quelques annotations de l’auteur[106].

 

3.C. – La typologie des sermons

 

Les sermons d'Augustin étaient enregistrés par des notarii tachygraphes: des témoignages sont présents dans les œuvres sûres[107]. Il est cependant probable que tous les discours n’ont pas été transcrits. Il est également largement admis que les sermons étaient diffusés sans révision, puisqu’ils ont été versés directement par l’enregistrement tachygraphique en écriture courante. Le lecteur doit donc tenir compte continuellement du caractère oratoire de ces textes pour les comprendre correctement ou pour prendre acte que le passage de la forme orale à l’écriture sans adaptation les a définitivement privés de celle perspicuitas dicendi (de doctr. chr. 4.8.22) et de la suavitas dictionis (4.13.29) qu’ils devaient avoir pour l’auditeur.

Ces prédications ont perdu irrémédiablement une grande partie de leur force communicative. On ne reconnaît pas le son, essentiel pour tant de figures rhétoriques ; les cadences ont disparu, on ne saisit plus les pauses de la voix qui scannaient la périodicité ou faisaient entendre des connexions ou des distinctions dans des contextes syntaxiquement incertains pour l’usage large de la parataxe; en outre, elles permettaient de saisir d’éventuelles incisions ou d’entendre des anacoluthes, qui deviennent des sentiers impétueux pour le lecteur, constatant de plus en plus que notre système de ponctuation est souvent inapplicable.

Le ton de la voix faisait saisir les interrogations sans pronom ou de conjonction interrogative, que le lecteur trouve parfois équivoque. Même là où le lecteur les considérait comme inhabituels ou aigres, la prédilection pour les asynchrones devait être très agréable. De même que les répétitions fréquentes de termes ou de phrases entières, qui paraissent redondants ou incompréhensibles au lecteur, devaient être significatives face à une pause ou à un fort accent de la voix[108]. Enfin, ces homélies ont aussi perdu la gestuelle, l’actio de l’orateur qui rendait perspicaces des expressions qui pour nous restent obscures, jusqu’à ce que nous puissions imaginer les gestes, avec lesquels le prédicateur désignait, en les distinguant, les objets ou les personnes dont il parlait ou désignait quelque chose au loin à l'extérieur de l'église ou du bâtiment[109].

Telles sont les considérations exposées avec une critique particulière par les éditeurs de textes augustiniens relatifs à l’édition des sermons eux-mêmes[110].

 

3.D. – La transmission des sermons

 

L'étonnante donnée qui ressort des discours de la collection Mayence-Lorsch est qu'ils ont maintenu presque inchangée la fraîcheur de leur oralité et du style personnel de l'orateur. Ceci en raison du fait qu'ils avaient eu au Moyen Âge une circulation limitée, dite – nous pensons– de la présence de divers sujets, tous centrés sur les problématiques de la société et d'une époque, qui en excluait une utilisation immédiate par les copistes.

En effet, dans son ensemble, la collection de Mayence-Lorsch (D. 2-7.21-27), à laquelle appartient notre sermon, nous offre un important aperçu de l'Église africaine en relation avec les situations historiques, socio-économiques tourmentées, politiques qui l'agitaient à l'aube du Ve siècle[111]. En effet, dans ce dernier siècle, l’environnement de l’Église était assez explosif, principalement pour deux raisons: d'abord, parce que les empereurs avaient promulgué des décrets sévères contre les cultes païens à partir de 399 et, ensuite, contre l'action des Donatistes schismatiques, qui en 405 reprit avec une vigueur particulière, atteignant son point culminant[112].

Dans ce climat de haute tension, l’action d’Augustin se concentra sur quelques lignes fondamentales : (a) tout d'abord, son intervention résolue pour apaiser les esprits ; b) répondre aux objections théoriques des lettrés païens; c) rechercher la cohésion sociale sur le plan religieux; (d) orienter les convertis vers une vie chrétienne authentique.

Dans ses fréquents déplacements, dictés par des impératifs d'ordre pastoral, il tend à souligner des aspects qui représentent les raisons de l'affrontement social en cours, à savoir : (1) l’attribution injuste aux chrétiens des malheurs du temps ; (2) l’isolement des Donatistes, en contradiction avec leur prétention de se considérer comme la véritable Église ; (3) la prédiction des prophètes juifs sur la fermeture des temples païens et la destruction des idoles ; (4) l’évocation de l’orateur d’une enquête des autorités à charge de païens qui insistaient pour participer aux cultes interdits.

Dans le discours analytique, nous croyons pouvoir percevoir une recherche constante de la vérité, en attachant une importance absolue à la cohérence des Écritures, qui semble être niée par des adversaires (il est probable que ce soient les Manichéens). En outre, la tentative avancée par Augustin de la conversion des païens et l'espoir de ralliement avec les Donatistes, qui prendra corps concrètement dans l'invitation qui leur est adressée de trouver des unités d'intentions lors de la Conférence de Carthage de 411, n'apparaît pas si dissimulé. Ceci, en résumé, l’horizon pastoral de la série Mayence-Lorsch[113].

Le discours 159/B nous est parvenu intact et maintien des échos des sténographes anciens qui, en dissolution, nous permettent de saisir le « milieu », le « Sitz im Leben », dans lequel il a été prononcé, davantage pour les références à l’actualité. Il constitue un précieux monument de littérature orale et laisse quelques indices précieux pour une datation précise en rapport avec les événements cités par l’orateur (par exemple l’abattage en cours de statues des daemones païens, la polémique avec les évêques donatistes, etc.).

Ce discours apparaît en outre exempt d'une révision stylistique et nous permet d'entendre encore l'orateur, enflammé dans le commentaire des Écritures (en particulier aux Psaumes et à la Lettre aux Romains), dont la voix est à peine voilée par la tachygraphie des notaires, et étendue en une belle copie dans le bureau.

 La variété des sujets traités permet de faire émerger en Augustin une capacité singulière d'actualiser les Écritures, la volonté d'affronter les problèmes présentés par la société de son temps et de prendre position à leur sujet, en s'ouvrant au débat avec le public.

 

 

3.E. – Le genre littéraire

 

Le genre littéraire du sermo Le genre littéraire qu’Augustin préfère est celui du sermo, les tractatus populares ou sermones, que les Grecs appelaient « homélies »[114]. Le lessema tractatus désigne de préférence l’ exposé exégétique, oral ou écrit, et ensuite la prédication catéchétique, quelle qu’elle soit[115].

Dans le genre littéraire du sermo nous trouvons une richesse d'appels, qui suscitent un intérêt surtout pour les références aux Écritures (la forme de la Bible latine), pour l'exégèse, pour la théologie pastorale. En outre, il ne manque pas l'intérêt pour les historiens du paganisme, du droit ancien et de la société africaine. De nombreux sujets de réflexion sont des phrases ou des comparaisons tirées de la vie quotidienne, par exemple le très grand nombre d'esclaves possédant d'autres esclaves, présence de divers dialogues entre les malades et leurs médecins[116], d'autres fois, on souligne sa contrainte à parler, parce qu'il vous entraîne par un tumulte, interrompu bruyamment par son auditoire[117]. Le sermo, déjà en usage dans la littérature latine classique, mais aussi dans la littérature patristique, ainsi que dans les anciennes versions bibliques africaines, où il traduit le grec λόγος, devient - pour R. Grégoire – « une claire entité expressive sacrée ; le vocable, désormais enrichi de nouveaux éléments, appartient à la latinité chrétienne »[118]. Son sens premier contient une modalité de communication simple et immédiate d'une instruction religieuse, qui suppose une opération rationnelle ainsi que de rédaction. Par ailleurs, en Lactance[119] les termes λόγος et sermo sont assimilés : melius Graeci λόγον dicunt quam nos verbum, sive sermonem: λόγος enim et sermonem significat et rationem.

Dans la vaste diffusion de la latinité chrétienne, sermo deviendra un discours public destiné à l’annonce de la Parole de Dieu et à la formation dans l’enseignement de la foi chrétienne. Il sera aussi un genre littéraire : les évêques prêchent des sermones, qui sont enregistrés par des tachygraphes (comme pour Augustin), mais qui rendent également le texte du domaine public.

La motivation et le but des sermones, dont la détection implique le problème du genre littéraire[120] dans ceux utilisés, a poussé certains chercheurs[121] à des considérations fondamentales visant à en comprendre la valeur dans leur Sitz im Leben.

Certains considèrent que le but de ces derniers est surtout de vouloir systématiser au niveau dogmatique et polémique certaines questions, c'est-à-dire de les clarifier au niveau pastoral, car Augustin aurait eu l'intention soit d'informer ses fidèles sur les accusations alléguées par des païens et des hérétiques en général et, donc, de leur donner les moyens de les défendre, soit d'instruire les chrétiens de son temps sur les questions traditionnellement débattues.

Offrant ainsi une solution aux difficultés posées par les hérétiques, tendant à expliquer l'Écriture et à clarifier le sens de passages obscurs.

 

3.F. – L’exégèse d’Augustin

 

Le point de départ de l’exégèse d’Augustin, soit par la méthode utilisée soit par le contenu, ne peut être repéré ailleurs que dans le Nouveau Testament, bien que la même disposition du Canon des Écritures néotestamentaires n’ait eu lieu définitivement qu’à l’époque patristique.

Ce constat permet de prendre des mesures pour établir une sorte de continuum entre les auteurs, qui produisaient l’ensemble des livres du Nouveau Testament et les auteurs chrétiens successifs. Indistinctement, ces Auteurs se sont laissés guider par le principe selon lequel tout ce qui s'était passé, dans les faits et dans les paroles de Jésus de Nazareth, devait être lu comme une réalisation de figures, d'images, de prophéties déjà présentes dans la tradition et dans les livres sacrés d'Israël.

La première forme d’application de ce principe pourrait être appelé «herméneutique chrétienne naissante»[122], elle a été identifiée dans les textes sacrés de la tradition d’Israël, les traces plus ou moins évidentes qui démontraient une telle conviction chrétienne.

Cette méthode a été considérée comme pouvant synthétiser dans le terme Testimonia, entendu comme vérification textuelle de la possibilité ou de la nécessité d’interpréter de cette façon, et seulement en elle, le sens correct du texte biblique et des faits et enseignements concernant Jésus de Nazareth.

L’exégèse d’Augustin a une intention pastorale: elle est toujours orientée vers la formation du clergé et l’instruction du peuple qui lui est confié. Il s'est inspiré de l’Apôtre Paul, dont il prend les devants, s'inscrivant dans le courant qui en valorise la pensée et l'utilise dans la ligne de son témoignage.

C'est précisément sur la base de l'émergence de l'intérêt pour Paul, qui, au cours du IVe et du Ve siècle des commentaires ont commencé à apparaître au Corpus Paulinum en Occident à partir du premier interprète de Paolo, à savoir Caius Marius Victorinus, Afer, un rhéteur païen qui s’est converti au christianisme à un âge avancé. Ces personnes se sont concentrées sur les lettres adressées aux Éfesins, aux Galates, mais aussi aux Romains, en rédigeant des commentaires à Rome vers 363. La première tentative d'Augustin de commenter la lettre aux Romains date de 394 [123]. En fait, il ne s'agit pas d'un commentaire, mais d'un traitement sur des questions liées à des motifs spécifiques qui ont été discutés entre amis.

Mais ce n’est qu’à l’aube du Ve siècle qu’il faut approfondir les témoins bibliques et, en particulier, l’opus Paulinum, non seulement pour une meilleure compréhension des textes, mais pour essayer d’apporter une réponse aux questions posées par une situation d’angoisse qui s’est propagée depuis le début de la décadence du monde antique[124].

Le problème qui semble dominer dans l’interprétation des textes français, plus que la lettre aux Romains, est de répondre à la question: comment l’homme peut-il se sauver? Quel homme sauve-t-il? Et en lien avec ce problème se situent les questions relatives au péché d’origine; le libre arbitre; la fonction de la loi; la valeur de la foi et des œuvres; au sens de la souffrance, etc. C’est toujours Augustin qui nous informe sur sa façon de s’approcher de la lecture de l’ancienne Loi et des Prophètes, et plus précisément de l’apôtre Paul, pour une juste compréhension du Christ, quand il raconte que: avidissime arripui venerabilem stilum spiritus tui et prae ceteris apostolum Paulum[125].

 

3.G. – Le public du sermo

 

Il faut dire, en principe, que l'on peut argumenter sur l'opinion publique présente lors de l'homélie d’Augustin à Thignica, que nous estimons prononcée en relation aux événements survenus à Sufes quelques années auparavant sur le massacre des soixante chrétiens.

Augustin se présente comme un grand homme de l'Église, qui s'adresse à des amis et des adversaires de la foi catholique, aux notables de l'Empire et aux frères dans le prêtre et l'épiscopat, qui s'associent à la volonté de recevoir des idées pour la connaissance et la compréhension des événements. L'habitude constante de l'introspection et la vigueur avec laquelle Augustin présente les résultats de son parcours sur les chemins de l'intimité, la franchise avec laquelle il dialogue avec les autres, le conduisent à un délicat mais fort discernement des valeurs spirituelles et culturelles dans un processus d'assimilation et de purification. Il s'en tient à la contradiction de l'âme humaine en tant qu'interlocuteur syntonique.

Il est l'homme de l'intériorité. Si d'une part ses réflexions partent d'une réflexion sur la condition réelle de l'homme de son temps, telle que l'expérience historique nous la fait connaître, d'autre part c'est dans sa réflexion intérieure que les choses, les événements et les personnes acquièrent de la profondeur et révèlent leur propre sens. Dans la relation avec les autres, Augustin nous avertit, c'est l'intériorité qui compte : comme la mesure de la relation avec l'autre, dans une dilatation qui dépasse le domaine psychologique, s'ouvrant à la contemplation religieuse.

En scrutant les Écritures, Augustin apprend que la violence a avant tout le visage du meurtre, de toutes les formes de meurtre. Il est horrifié par cela.

Sa voix secouée et sincère s'élève avec force contre le meurtre de rue, qui frappe aveuglément, innocents et coupables confondus. C'est ce qui s'est passé à Sufes[126], où soixante chrétiens furent massacrés[127] par la foule en colère pour avoir abattu, conformément à une disposition impériale précise, une statue d’Hercule, le Genius loci[128].

Agostino écrit à ce propos : « La manifestation inattendue de votre cruauté a secoué la terre et a frappé le ciel, tandis que dans vos places et dans vos temples, le sang coulé et le cri des gens que vous avez tués resurgit encore … Si vous prétendez qu'Hercule est votre propriété, nous vous le rendrons certainement… Tout comme nous vous rendrons votre Hercule, vous nous rendrez les nombreuses personnes dont vous avez abrégé la vie !»[129].

D'après la série de sujets ou de thèmes abordés dans l'homélie, qui a en quelque sorte une valeur « œcuménique », on peut penser que les plus intéressés par l'événement étaient d'abord les représentants des décurions qui accueillaient l'illustre invité, les notables païens, certainement un public cultivé, et les croyants donatistes présents avec leur pasteur, dont la plupart appartenaient à la fraction des Maximianistes[130], mais aussi des personnes des classes inférieures, ainsi que naturellement des résidents chrétiens.

Le fait que la présence des païens était importante est évident par la présence massive de bâtiments civils et religieux et de cultes souvent mixtes. Alors que le discours direct à la deuxième personne adressé aux chrétiens nouvellement convertis montre la fragilité de leur foi, encore vacillante face aux accusations des païens : « Vos … ».

Mais avant d’essayer de déterminer quel public païen s’est placé à l’écoute de l’Hipponate, il faut se demander s’il s’agit de paganisme ou plutôt de "paganismes" de différentes sortes, auxquels Augustin a dû faire face. Un phénomène qui devait se décliner sous différentes formes pour indiquer un certain complexe de traditions religieuses, mais exprimé en expériences plurielles internes à la civilisation romaine. Ces traditions «ont pris corps dans une contrainte sacrée communautaire, une religion civique », selon l’expression de G. Rinaldi[131].

La comparaison avec le monde païen, bien que dépourvue de documentation fiable, presque toujours incomplète et fragmentaire, visant à en comprendre la dynamique, nous donne néanmoins un aperçu de l'ampleur, de la profondeur et de la vivacité d'un débat qui a dû être vaste et intense[132]. La confrontation a impliqué non seulement les intellectuels, mais aussi le public moins bien informé. La politique des empereurs en matière de religion et d'ordre public, dont les directives étaient concrètement interprétées et mises en œuvre par des gouverneurs provinciaux, doit également être prise en compte dans le cadre du débat, qui opéraient avec une grande discrétion, ce qui a souvent conduit à des cas où le malentendu régnait sur la souveraineté.

En l'absence de textes païens parallèles, dont le contenu est expressément antichrétien reçus intégralement, les sermones témoignent des appréhensions des pasteurs chrétiens face à l'opposition croissante à la proclamation de la foi chrétienne. Mais c'est aussi l'occasion d'exprimer, à travers l'exégèse des textes scripturaires, non pas une simple curiosité intellectuelle, mais la nécessité de faire face à la critique des textes et des contenus fondamentaux de la foi chrétienne par les païens ou, dans ce cas, par les franges hérétiques de l'Église elle-même.

La Bible était, par conséquent, un champ de bataille[133].

 

3.H. – Les thèmes de l'homélie

 

Les thèmes abordés par Augustin dans son homélie, s'ils contrastent d'une part avec la mentalité païenne, montrent d'autre part une forte ouverture de l'évêque envers les valeurs prônées par le monde romain. Malgré les différences substantielles dans la conception du salut de l’homme, c’est l’ouverture d’Augustin à la religiosité des Romains, révélatrice d’un sens religieux proche de la sensibilité chrétienne. D’ailleurs, Augustin lui-même s’était nourri dans sa jeunesse des idées présentes dans l’Hortensius de Cicéron, dans lequel étaient reconnus l’existence et la primauté des dieux. Comme, d’ailleurs, dans le nom même de la divinité principale du panthéon romain Iuppiter, qui, dans sa forme originale, apparaît comme Diespiter[134] , composé de dies « jour » et pater (sanscrite: pitr̥) « père ». Les Romains s'adressaient au dieu comme à un père, se considérant comme ses enfants[135]. Cicéron cite le poète Ennius: Iuppiter pater divomque hominumque.

Néanmoins, si Augustin conserve le respect de certains intellectuels païens, ouvrant la voie à une compréhension spirituelle de Dieu par des lectures des néo-platoniciens ; il s’en écarte abondamment dans la substance. La foi chrétienne – il enseigne – est fondée sur une personne vivante.

La lecture approfondie des Écritures a fourni aux chrétiens un vocabulaire nouveau pour parler de Dieu, des hommes du monde et de l’histoire. Elle accueille de nouvelles catégories de pensée et rompt avec les conventions de la pensée romaine. Tout en reconnaissant et en opérant à l’intérieur de schémas de pensée qui avaient des racines dans la culture antique, Augustin les transforme si profondément que ce processus conduit à la naissance de quelque chose de radicalement nouveau. On a l’impression que l’évêque parlait aux chrétiens autochtones, pour que les autres puissent comprendre, en utilisant une technique qui avait déjà été l’instrument des anciens prophètes écrivains en Israël, en particulier le premier Isaïe[136]: parler à d’autres, en les appelant comme témoins, pour que ceux-ci (i.e. son public) entende - comme cela se passait dans les rîb prophétiques.

Augustin commence par le texte de S. Paul dans la Lettre aux Romains (Rm 11.33), en invoquant les voies insondables du « mystère » (cependant dans l’acception paulinienne de μυστήριον, «projet, plan divin »)[137], reconnu comme évidence par les païens, bien que dans l’impossibilité - selon eux – de le connaître, mais de toute façon de le percevoir.

L'évêque d’Hippone se fonde sur la contemplation de la sagesse divine, en la plaçant comme une fresque sur laquelle se penchent tous les sujets qu'il a analysés, en faisant précisément l'un des piliers du sermo, en se référant au célèbre morceau de Rm 11.33, ci-dessus: « Oh profondeur des richesses de la science et de la science de Dieu !». Il est presque consterné par l'immensité et l'impénétrabilité de la sagesse de Dieu. Nous croyons seulement, même si nous sommes capables de comprendre, que Celui qui a créé les choses spirituelles et matérielles dispose de tout « avec mesure, calcul et poids » (Sap. 11.21). Le chrétien, irradié par la sagesse divine, doit être considéré comme le vrai philosophe, l'amoureux de la sagesse, qui connaît et aime Dieu de manière ordonnée, l'unique réalité absolue ; il aime par contre relativement toutes les autres réalités, reconnues comme signes dont il faut se servir pour s’élever au principe, à l’immatérielle Sagesse créatrice. Dieu n’est pas seulement le «pilote de l’histoire»[138], il a créé le monde avec sagesse, avec mesure, précisément. Cette mesure peut être conçue comme l’ordre global des processus naturels, sociaux et historiques, comme l’ordre global d’une justice pacifique et clairvoyante, comme la domination d’une dernière raison de l’histoire du monde.

L'autre thème soulevé par Augustin est celui de la justice. Il rappelle la 2Tm 4.8 où Dieu est présenté comme «Juge équitable»[139], qui travaille en accord avec la justice (Ps 50.6).

La référence à la fonction juridictionnelle du κύριος, δίκαιος κριτής, est la ratification du jugement de Paul par son propre jugement.

La recherche de la paix est un autre sujet de réflexion[140]. La recherche de la paix, comprise comme le désir de construire une authentique communion universelle avec Dieu et entre les hommes, s'engage également sur les chemins de l'intériorité. Une véritable ascèse, qui demande endurance et vigilance, d'abord pour ne pas se laisser submerger par l'expérience décourageante de son propre ressentiment et de celui des autres. La recherche de la paix passe par la responsabilité de la correction, cet exercice laborieux d'introspection honnête, qui fait la lumière dans le maquis des sentiments. Dans ses fonctions pastorales d'évêque, auxquelles Augustin consacre tant d'énergie, ce sont les soucis du monde qui le poussent à aspirer à la tranquillité éternelle. Seule la paix qui sait construire l’unité peut les faire vaincre et dont la demande est le sens même de l'appel à se concentrer sur la vie intérieure. Une fois de plus, il s'agit pour Augustin de faire la paix en lui-même, de mettre en relation l'homme du centre avec celui de la périphérie, l'administrateur impérial avec l'admirateur convaincu d’un radicalisme qui prend ses distances de l'ordre mondain. Par ailleurs, la société de l’antiquité dans laquelle il exerce ses activités se heurte à une violence pervasive. Augustin vit sur sa peau les tourments de l’époque, à la recherche d’une stabilité concrètement réalisable et, ensemble, d’un renouveau profond. Depuis son enfance, il a dû faire l’expérience de la violence et du déchirement qu’elle comporte. Si la découverte de l’insondable sagesse de Dieu est à la fois conquête progressive de la paix, qu’est-ce que la violence ? Sans aucun doute, prendre ses distances par rapport à Dieu, aller en dehors de ses chemins.

Enfin, parmi les sujets abordés dans le sermon, il y a l’hérésie. Augustin déteste l’erreur pas moins que la violence. Comme la violence, l’erreur est l’affirmation d’un ordre inauthentique, d’un ordre sans Dieu, sans sa charité pacifique. Si l’errant doit être aimé, il faut cependant éviter l’erreur. Dans les franges extrêmes de l'hérésie, il y a des positions qu'Augustin veut corriger et rétablir dans l'orthodoxie. Au § 12, l'invitation à ne pas se moquer de l'humilité du Christ est exprimée (cf. D 25, § 17). En effet, le fait que le Christ soit venu dans l'humilité est une source de moquerie pour de nombreux païens, mais pas seulement. C'est également vrai pour beaucoup d'hérétiques qui se disent chrétiens ![141]. Parmi les déviations de la foi catholique, il faut compter celle du Docétisme[142]. L’étymologie de la dénomination de cette doctrine christologique est grecque : du verbe δοκεν, «apparaître». Celle-ci accentue l’humanité du Christ, en niant sa souffrance dans l’expérience terrestre de Jésus par sa passion et sa mort. Les souffrances endurées par Jésus n’auraient donc été qu’apparentes. Jésus feint de souffrir.

Augustin conteste les docètes. Leur position ne le convient pas (sordet illis quia …) notamment deux aspects de la vie de Jésus: 1. qu'il est né d'une femme; 2. qu'il a été cloué sur la croix et couvert de plaies.

Tout cela leur répugnait, alors ils ont prétendu que le Christ était un simulateur.

Mais Augustin souligne avec un réalisme critique que ces blessures étaient réelles (verae cicatrices) et que ces clous étaient réels.

Si ces blessures n'étaient pas réelles, les cicatrices ne l'étaient pas non plus[143].

 Si la lutte acharnée contre la conception matérialiste des Manichéens fut l’une des préoccupations les plus pressantes de son ministère, la lutte contre le rationalisme donatiste ne le fut pas moins.

Dans l’erreur se trouvent les donatistes[144], qui sont convaincus qu'ils sont la seule vraie Église du Christ, parce qu'elle est la seule sans tache ni ride. Leur culpabilité consiste à lacérer l'unité du corps ecclésial, à se séparer de la communion avec les autres Églises. Pour exprimer leur conviction qu'ils étaient les seuls à avoir la force de ne pas se laisser contaminer par la séduction mondaine dans laquelle était tombée l'Église impériale, ils ont rebaptisé les chrétiens qui étaient passés de l'Église catholique dans leurs rangs : un geste très visible et, en même temps, qui soulignait fortement leur volonté de rompre avec le monde.

En déchirant l'Église, ils déchirent l'unité de l'Empire. Leur responsabilité est également politique, leur protestation concerne Rome. En tant que provinciaux, ils incarnent d'une certaine manière cette périphérie non romanisée qui ne s'est jamais sentie appartenir à l'Empire ou qui n'a pas voulu s'identifier au centre. En tant que chrétiens, ils se sentent les fiers successeurs d'une conception précise de l'existence, ferme dans son intention de ne laisser aucune place à la perversion diabolique dans laquelle le monde se trouve emprisonné. Par conséquent, il est tout à fait clair qu’ils ne peuvent ni ne veulent inscrire l’expérience de l’Église post-constantinienne dans le dessein de l’histoire du salut.

Bien qu'elle ait été abordée sous différents angles, la question du donatisme doit être comprise comme un problème ecclésial, relatif à l'unité des communautés chrétiennes.

Augustin, dans sa recherche constante d'une possible réconciliation, estime que la christiana societas, en désarmant ses ennemis et en corrigeant leurs erreurs, joue le rôle du pacificateur.

 

 

4. – Conclusions

 

L'homélie d'Augustin à Thignica apparaît comme un miroir des contrastes entre la religion romaine traditionnelle, réaffirmée dans ses principes ataviques sous Dioclétien, et la foi chrétienne, qui cherche de nouveaux terrains d'expansion. Non seulement cela, mais il soulignait de plus en plus la grave et incurable fracture entre les disciples de Jésus-Christ, qui s'était créée à partir du moment suivant la grande persécution de 304/305. Cela s'est concrétisé par le schisme donatiste, qui s'est produit lorsque Maximien a convoqué un concile à Bagai, en Numidie, en 394. La signification du schisme n’est pas claire. Au printemps 405, l’empereur Honorius publia un édit d’unité[145] et les schismatiques sont devenus l’objet de punitions sévères décrétées pour les hérétiques : l’interdiction de leur nom et la confiscation de leurs biens.

Deux visions opposées de l’ecclésiologie : l'une défendue avec vigueur et même violence par l’« Église des Martyrs », liée aux racines africaines (i.e. les diocèses de Numidie) et l'autre, celle "catholique", insérée dans le contexte méditerranéen, et plus en harmonie avec le message cosmopolite de Paul de Tarse, qui a appelé l'homme nouveau à vaincre (Col 3.11 et Rm 10.12) les divisions et les vieilles antinomies. Un message qui, loin d'annuler les différentes cultures, comprises comme des manifestations de la singularité et de l'irrépétibilité des diverses expériences nationales, vise à transcender leur exclusivisme ethnocentrique et à faire assumer à la nouvelle foi les valeurs pérennes qu'elle contient, purifiées de l'égoïsme matérialiste et du polythéisme païen.

 

 

Abréviations

 

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ABSTRACT

 

Résumé: Le sermon 159/B, inclus récemment dans la collection Opera omnia agostiniana prononcé à Thignica dans l’hiver 403-404 par Augustin (commentant l'épître de Paul aux Romains 11 et deux psaumes) contient peut-être une trace de la conversion tardive au christianisme des fidèles présents dans le municipium Septimium Aurelium Antoninianum Herculeum Frugiferum Thignica, qui était un centre religieux païen très vivant (maintenant recherches INP Tunis et Université de Sassari). Le sermon d'Augustin garde les traces d'une expérience réelle : les nombreuses références au voyage difficile, ses auditeurs qui avaient été païens, leur parents qui avaient adoré les daemones (les divinités païennes), la présence d'hérétiques parmi les citoyens à la lisière de l'ancien territoire de la colonie de Carthage: nous savons maintenant de l’activité des flamines perpetui dans le sénat municipal encore dans le premier décennie du Ve siècle ap. J.C., l’année après la visite de l’évêque d'Hippone. Le problème de la basilique chrétienne se pose, avant la construction de la forteresse byzantine. Ici on présente aussi les quelques inscriptions chrétiennes (douze) et le contenu théologique de l'homélie.

 

Abstract: Sermon 159 / B, recently included in the Opera omnia agostiniana collection, delivered at Tignica in the winter of 403-404 by Augustine (commenting on Paul's epistle to Romans 11 and two Psalms) perhaps contains a trace of the conversion late to the Christianity of the faithful present in the municipium Septimium Aurelium Antoninianum Herculeum Frugiferum Thignica, which was a very lively pagan religious center (now researches INP Tunis and University of Sassari). Augustine's sermon retains traces of real experience: the many references to the difficulty of travel, his listeners who had been pagans, their parents who had worshiped the daemones (pagan deities), the presence of heretics among the citizens in the edge of the old territory of the colony of Carthage: we know now of the activity of the flamines perpetui in the municipal senate still in the first decade of the 5th century AD, the year after the visit of the Bishop of Hippo. There is the problem of the Christian basilica, before the construction of the Byzantine fortress. The few Christian inscriptions (12) and the theological content of the homily are also presented.

Mots-clés: Thignica, pagani, flamines, daemones, basilica.

 

 



 

[Per la pubblicazione degli articoli della sezione “Tradizione Romana” si è applicato, in maniera rigorosa, il procedimento di peer review. Ogni articolo è stato valutato positivamente da due referees, che hanno operato con il sistema del double-blind. Continuano ad essere valutati i fuori ruolo delle Università italiane; mentre per gli studiosi stranieri valutazione solo se richiesta.]

 

[1] Cette intervention est conçue de manière unifiée, mais Samir Aounallah (Institut Natonal du Patrimoine, Tunis, samiraounallah@gmail.com) et Attilio Mastino (École Archéologique Italienne de Carthage, Sassari, mastinoatt@gmail.com ) ont écrit le § 1, Antonio Corda (Université de Cagliari, mcorda@unica.it ) le § 2; Paolo Filigheddu (École Archéologique Italienne de Carthage, Olbia, arwad57@gmail.com ) le § 3.

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sousse, Sousse 2-4 décembre 2021, Septième Colloque International “Eglise et christianisme au Maghreb: Antiquité et Moyen Age”, Laboratoire de recherche “Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval, Troisième séance, en publication.

[2] Combien la pensée d'Augustin continue d'être une référence positive encore aujourd'hui est démontré par exemple. du fait que le nouveau président américain, le démocrate Joe Biden, a cité Augustin le 20 janvier 2021 à Washington au moment du serment public solennel. Augustin, « un saint dans mon église », selon lequel une communauté de personnes se définit par les objets communs de son amour : opportunité, sécurité, liberté, dignité, respect, honneur et oui, la vérité. «Many centuries ago, Saint Augustine, a saint in my church, wrote to the people was a multitude defined by the common objects of their love. What are the common objects we as Americans love, that define us as Americans? I think we know. Opportunity, security, liberty, dignity, respect, honor and yes, the truth». Il y a plusieurs siècles. Saint Augustin, un saint dans mon église, a écrit au peuple était une multitude définie par les objets communs de leur amour. Quels sont les objets communs que nous aimons en tant qu'Américains, qui nous définissent en tant qu'Américains? Je pense que nous savons. Opportunité, sécurité, liberté, dignité, respect, honneur et oui, la vérité. Il est facile de se référer à N. BENSEDDIK et autres, 2019, 1-4.

[3] Pour tous: A. MASTINO, 2019.

[4] Voir G. RINALDI, 2016, 218.

[5] Voir G. CLEMENTE, 2022, 226 ss.

[6] CIL VIII 262 = 11430 = ILS 6835 = AE 2018, 30, EDCS-14900260 (quod annis XII K(alendas) Nov(embres) die natali dei Herc(uli) Geni(i) Patriae), voir A. CADOTTE, 2007, 296. Pour la condition de colonie, voir [col(onia) splendidi]s(sima) Sufes dans AE 1992, 1763 = 2003, 1889 en 304 (pour la dédicace de l’arc sous Dioclétien et ses collègues).

[7] Aug., Ep. 50, Scripta formasse a. 399. Sufetanorum ductoribus expostulans de LX Christifidelium nece pollicensque suum ipsorum illis reddendum Herculem: Ductoribus ac principibus vel senioribus Coloniae Suffectanae, Augustinus episcopus, 1: Immanitatis vestrae famosissimum scelus, et inopinata crudelitas terram concutit, et percutit coelum, ut in plateis ac delubris vestris eluceat sanguis, et resonet homicidium. Apud vos Romanae sepultae sunt leges, iudiciorum rectorum calcatus est terror. Imperatorum certe nulla veneratio nec timor. Apud vos LX numero fratrum innocens effusus est sanguis, et si quis plures occidit, functus est laudibus, et in vestram curiam tenuit principatum. Age, nunc principalem veniamus ad causam. Si Herculem vestrum dixeritis, porro reddemus: adsunt metalla, saxa nec desunt; accedunt et marmorum genera, suppeditat artificum copia. Caeterum deus vester cum diligente sculpitur, tornatur et ornatur. Addimus et rubricam quae pingit ruborem, quo possint vota vestra sacra sonare. Nam si vestrum Herculem dixeritis, collatis singulis nummis ab artifice vestro vobis emimus deum. Reddite igitur animas, quas truculenta manus vestra contorsit, et sicuti a nobis vester Hercules redhibetur, sic etiam a vobis tantorum animae reddantur.

[8] La localité est Tignica, selon une note de l'inventaire carolingien de Lorsch (n° 9, BECKER 93), vd. Indiculus MA II, 197. Sur les recherches INP et Université de Sassari dirigées par S. Aounallah et P. Ruggeri: A. CORDA, S. GANGA, A. GAVINI, A. IBBA, P. RUGGERI, 2018, 323-342; A. GAVINI, 2019, 221-227.

[9] F. DOLBEAU, 1991, 279-296 nr. 21 (159 B) (Mayence 54); F. DOLBEAU, 1996 a, 279-296; NBA 35/2, 348-439; F. DOLBEAU, 1996, 279-296; F. DOLBEAU, 2002, 398-439; Appendice 865 s.; F. DOLBEAU, 2005.

[10] En réalité Ps. 60 (59), Deus, reppulisti nos, destruxisti nos. / Iratus es. Convertere ad nos!

[11] En réalité Ps. 119 (118), Bonum mihi quia humiliatus sum, / ut discam iustificationes tuas.

[12] Lorsch n° 8 : Habitus Tignicae de apostolo: O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei, et de psalmo LVIIII: Deus reppulisti nos, et de psalmo CXVIII: Bonum est mihi quod humiliasti me ut discam iustificationem.

[13] Mayence n° 54 (f. 162-173), De apostolo: «O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei [et cetera] et de versu psalmi quinquagesimi noni: Deus reppulistii nos et destruxisti nos, et de versu psalmi centesimi octavi decimi: Bonum mihi quoniam humiliasti me ut discam iustificationes tuas», voir F. DOLBEAU 1993, 153-171; pour le sermon 159 B voir 170.

[14] F. DOLBEAU, 1991, 61-306: Augustin ne participe au synode provincial de Numidie du 28 janvier, pour rester à Carthage: «Pour rentrer dans sa ville épiscopale, il choisit une route très méridionale parce qu’il souhaite effectuer, dans les archives de plusieurs bourgades de Proconsulaire, une enquête sur le schisme Maximianiste. Cela lui procure l’occasion de prêcher à Tignica, puis à Boseth, où il fait état de l’entrée solennelle d’Honorius à Rome, survenue le premier janvier 404».

[15] P.Y. FUX, J.-M. ROESSLI, O. WERMELINGER (éds.), 2003; S. LEPELLEY, 2005, 29-44; A. MICHEL, 2005, 67-108.

[16] Voir déjà RE VI,1 A, 1936, cc. 1256-1257, s.v. Τίμικα; S. LANCEL, 1972, II, Gesta I, 133, l. 71 p. 750 (Aufidius episcopus plebis Tignicensis); 223; S. LANCEL, 1991, IV, 1497; J.-L. MAIER, 1973, 223; 259 (Aufidius, n° 152) et 344 (Iulianus, n° 253); St.A. MORCELLI, 1816, 324-325; DACL 9, 1930, 1286.

[17] Gesta I, 133, l. 74, S. LANCEL, 1972, II, 750. Voir Gesta I, 207, 164 = S. Lancel, 1972, II, l. 164 p. 892. Vd. S. LANCEL, 1991, t. IV, 1497. Sur le siège épiscopal, J. MESNAGE, 1912, 162 s.; P.B. GAMS, 1931, 469.

[18] O. PERLER, dans O. Perler, J.-L. Maier, 1969, 19, 22, 24 e n. 45, 27 (date inconnue !!), près de Thunuba, 410 s.

[19] Auparavant Thignica (ou Tignica) était une civitas bipartite, formée par les Romains et les peregrini: vd. P. RUGGERI, sous presse. Voir. Cl. LEPELLEY, 1981, 194 s. L'histoire municipale de Thignica dans la période suivante (Severus Alexander) est maintenant en C. FARRE, 2019, 285-298.

[20] Vd. H. BEN HASSEN, 2006, 120.

[21] J. CARCOPINO, 1907, 35, voir «plan du monument à deux absides», 31, fig. 5.

[22] H. BEN HASSEN, 2006, 130; S. MORENO, 2021, 2-3. Sur Fortunata: AE 2006, 1769, EDCS-44200028, ici Figg. 16-18; pour [---]nus … fidelis, AE 2006, 1770, EDCS-44200029. Pour les autres inscriptions chrétiennes, voir A. CORDA dans cet article §2, nn. 1-9; voir CIL VIII 1423 (n° 1), 15243 = ILCV 2688 (n° 2), 15244 = ILCV 3645e (n° 3), 15245 (n° 4), 25929 (n° 5), 25930 (n° 6), inédite infra, CORDA § 2, nr. 9.

[23] L. POINSSOT, 1884, 142.

[24] CIL VIII 25929, EDCS-25501746. Voir aussi le fragment CIL VIII 25930.

[25] J. CARCOPINO, 1907, 31 ss. On a signalé plusieurs fois des lucernes chrétiennes.

[26] F. DOLBEAU, 1991, 261-306. Un premier commentaire: S. MORENO, 2019, Carthage; s.d. s.l.

[27] Pierre et non Paul est l'apôtre cité par excellence dans les sermons sur les martyrs Scillitains tenu à Carthage dans la Basilica Novarum le 17 juillet 413 (299/D), voir M. MARIN, 2020, 397. Maintenant, voir, V. HUNINK (éd.), Acta Martyrum Scillitanorum. A Literary Commentary (Giornale italiano di Filologia, Bibliotheca 24), Turnhout, 2021, 92 § 12: Speratus dixit: ‘Libri et epistulae Pauli viri iusti. Voir Agostino, 1986, 414-425.

[28] Sur les fouilles 1832-1962 à Hippone, voir. St. ARDELEANU, 2020, 29-56.

[29] Enarr. in ps. 137.12, PL XXXVII, 1781.

[30] O. PERLER, dans O. PERLER, J.-L. MAIER, 1969, 13; 27: «La plupart des sermons prêchées au dehors d’Hippone dans les villes de la Proconsulaire, Carthage, Utica, Hippo Diarrhytus, Bulla Regia, Tignica, Thunuba, Boset, Chusa, même à Thagaste, à Césaréee en Maurétanie sont à mettre en relation avec ces voyages conciliaires». Pour le sermon de oboedientia prononcé a Carthage le 23 janvier 404 en plein hiver (MAYENCE, Stadtbibliothek I 9, XVe s.), voir F. DOLBEAU, 1992, 50-79: par conséquent il ne lui a pas été possible de participer au conseil provincial convoqué par le primat de Numidie Xanthippus fixé au 28 janvier.

[31] M. CAMERON, 2005, 59-70; Y. MESSNER, 2019, 83-93.

[32] Au § 16: Dieu n'a pas trompé Abraham, comment peut-il tromper le monde entier, orbem terrarum ? Unum non fefellit, orbem terrarum poterit fallere ? Exhibuit uni orbem terrarum plenus christianis, exhibebit orbem terrarum cum Christo filio suo vivere in aeternum; al § 17: universus orbis terrarum habet christianos, voir A. MASTINO, 1984, 63-162.

[33] M.A. NSIRI, «Les représentations de la conversion chez les lettrés romains de l’Antiquité tardive», dans Studia Patristica, CIV, 2008, 35-48.

[34] Voir H. BEN HASSEN, 2006; S. AOUNALLAH, L. CAVALIER, 2013; S. AOUNALLAH, L. CAVALIER, H. BEN ROMDHANE, E. CAYRE, M. GARCIA, 2016.

[35] A. GAVINI, 2021, 187-200.

[36] CIL VIII 1404 = 25907 = ILTun. 1305 (Septime Sévère) et CIL VIII 1406 = 14906 = ILS 6795 (Severus Alexander), voir C. FARRE, 2019 et A. MASTINO, 2020 b, 437 ss.

[37] A. MASTINO 2018, 181-200; P. RUGGERI, S. GANGA 2020, 73-91.

[38] A. CORDA, A. TEATINI, 2020, 53-71; A. CORDA, 2019, 109-120.

[39] P. RUGGERI, 2019, 319-329.

[40] M.B. COCCO, 2021, 121-132.

[41] A. MASTINO, 2020 a, 193-221; A. MASTINO, 2020 b, 437-442.

[42] AE 2006, 1760.

[43] CIL VIII 1411 = 14910; AE 1942-43, 82; ILTun 1308, en cours d'examen par Claudio FARRE.

[44] CIL VIII 14911; le nom est utilisé quelque fois pour les femmes, p. ex. CIL VIII 1679, Sicca Veneria; 11256, Gemellae; 11744, el Gheria; 16879, Madauros.

[45] AE 2018, 1927.

[46] C.Th. 16.10.20. G. CLEMENTE, 2022, 308 e n. 20.

CTh. 16.10.20pr.: Impp. Honorius et Theodosius aa. sacerdotales paganae superstitionis competenti coercitioni subiacere praecipimus, nisi intra diem kalendarum novembrium de Karthagine decedentes ad civitates redierint genitales, ita ut simili quoque censurae per totam Africam sacerdotales obnoxii teneantur, nisi de metropolitanis urbibus discesserint et remearint ad proprias civitates. (415 aug. 30).

CTh. 16.10.20.1: Omnia etiam loca, quae sacris error veterum deputavit, secundum divi Gratiani constituta nostrae rei iubemus sociari ita ut ex eo tempore, quo inhibitus est publicus sumptus superstitioni deterrimae exhiberi, fructus ab incubatoribus exigantur, quod autem ex eo iure ubicumque ad singulas quasque personas vel praecedentium principum largitas vel nostra maiestas voluit pervenire, id in eorum patrimoniis aeterna firmitate perduret. quod non tam per Africam quam per omnes regiones in nostro orbe positas custodiri decernimus. (415 aug. 30).

CTh. 16.10.20.2: Ea autem, quae multiplicibus constitutis ad venerabilem ecclesiam voluimus pertinere, christiana sibi merito religio vindicabit, ita ut omnis expensa illius temporis ad superstitionem pertinens, quae iure damnata est, omniaque loca, quae frediani, quae dendrophori, quae singula quaeque nomina et professiones gentiliciae tenuerunt epulis vel sumptibus deputata, possint hoc errore submoto compendia nostrae domus sublevare. (415 aug. 30).

CTh. 16.10.20.3: Sane si quondam consecrata sacrificiis deceptionem hominum praestiterunt, ab usibus lavacrorum vel publicis affectibus separentur, ne illecebram errantibus praestent. (415 aug. 30).

CTh. 16.10.20.4: Chiliarchas insuper et centonarios vel qui sibi plebis distributionem usurpare dicuntur censuimus removendos, ita ut capitalem sententiam non evadat, si quis aut volens ad huiusmodi nomen accesserit aut passus fuerit vel invitum se huiusmodi praesumptioni atque invidiae deputari. dat. iii kal. sept. ravennae honorio x et theodosio vi aa. conss. (415 aug. 30).

[47] G. CLEMENTE, 2022, 25 ss.

[48] A. MASTINO, 2020 c, 49-76; A. MASTINO, sous presse.

[49] A. TEATINI, 2019, 81-96.

[50] CIL VIII 1408, maintenant révisé par P. RUGGERI.

[51] UM 2, 56, CIL VIII 15453 = 26267, M.S. BASSIGNANO, 1997, 211-213 nr. 3. Voir S. ROCCHI 2021, 621-623 (avorum vestig[ia] recolens).

[52] L. POINSSOT, 1884, 142 n° 414-416; dans la même page la clef de voûte portant le monogramme du Christ.

[53] Cl. LEPELLEY, 1981, II, 196 et prosopographie 197. Ce serait le même personnage retenu avec le nom fragmentaire ([---] ius Caeci [---]) sur la base dédiée à la Victoire ou au Génie des Tétrarques avant 305 (CIL VIII 1407).

[54] A. IBBA, Il blocco con la dedica effettuata dal cur(ator) rei p[ub(licae)] Q(uintus) V[i]bul[e]nus Fabius Arianus, dans A. CORDA, S. GANGA, A. GAVINI, A. IBBA, P. RUGGERI, 2018, 333-338. La date du 405 est fixée sur la base du gouverneur Flavius Pionius Diotimus. Le texte: [(vacat) Pro gloria d(ominorum trium) n(ostrorum trium) Arcadi Honori et Theodosi] principum inclytorum semper Augustorum (vacat) / [administrantibus Flavio (?) Bathanario v(iro) c(larissimo) primi ordinis comite Africae et Flavio Pio]nio Diotimo v(iro) c(larissimo) amplissimo proconsule provinciae Africae vice sacra iudicant[e] / [thermas --- vetutate conlapsas (?) - c. 44 - ob] soliditatem et usum saluberrimum fundamentis parie[t]e renovatis cameri[s / ---] (vacat) Q(uintus) V[i]bul[e]nus Fabius Arianus fl(amen) p(er)p(etuus) cur(ator) rei p[ubl(icae) Thignicens(ium) (?) restituit] (AE 2006, 1767; 2018, 1929).

[55] AE 2006, 1767; 2018, 1929, EDCS-44200026.

[56] Bou Arada (Aradi) entre 402 et 408 avec Arcadius, Honorius et Théodose II (AE 2004, 1798 = 2009, 1671 = 2011, 1524 = 2013, 130 = 2018, 1909). Voir également Culusa (Mesguida) entre 408 et 423 dans CIL VIII 24104, voir S. Rocchi 2021, 621-623 (avorum vestig[ia] recolens). D'intérêt FIRA 3, 139 = AE 1952, 209, EDCS-13900439 à Theveste, diptyque de l'âge vandale daté de 493-494 sous Gundamundus, avec une reconstruction de l'histoire d'un fundus appartenu à un Fl(avius) Gem(inius) Catullinus fl(amen) in pertpetu(um); encore à Ammaedara un fl(lamen) p(er)p(etuus) C(h)ristianus en époque vandale en 527, CIL VIII 10516 = 11528.

[57] A.C. DE VEER, 1965, 219-237.

[58] Pour les Manichéens, voir G. FILORAMO, 2020, 241-250.

[59] C. LETTA, 2020, 147 ss.; E. ELM, N. HARTMANN (éds.), 2020, passim.

[60] C. LETTA, 2020, 81.

[61] C. AUFFARTH, dans H. CANCIK, K. HITZL (éds.), 2003, 304.

[62] B.W. WINTER, 2015, 214-224.

[63] C. LETTA, 2020, 147-149, voir 1Cor. 10.19-20. Mais on peut rappeler les Acta Martyrum Scillitanorum, cit., § 3, ou il y a quelque concession des martyrs aux païens: «et nos religiosi sumus et simplex est religio nostra, et iuramus per genium domini nostri imperatoris et pro salute eius supplicamus».

[64] C. LETTA, 2020, 152.

[65] Sermo 301/A, PL 46.874-881; P.-A. FÉVRIER, 1982, 382 ss.; Agostino, 1986, 473 ss.

[66] Agostino, 1986, 472-489.

[67] C. CARLETTI, 2008, 41-45. Voir par exemple le cas d'Hadrumetum où sur 270 cas plus de la moitié ont cette forme.

[68] A. MASTINO, 2007, 289-332.

[69] C. CARLETTI, 2008, 55.

[70] Ibid., 9-16.

[71] CIL VIII 14909: Fortunae Aug(ustae).

[72] Basilique dit de Mcidfa, Carthage. CIL VIII 25038 = ILCV2041 = ILTun. 1004= Y. DUVAL, 1982, I, 6 = ICKarth II,1 n.1 [Hic] sunt marty[res] / Saturus Satu[r]n[inus] / Rebocatus(!) S[e]c[undulus] / Felicit(as) Per[pe]t(ua) pas(si) N[on(as) Martias] / Maiulus.

[73] Pour ex. CIL VIII 1817, Assuras.

[74] CIL VIII 14978.

[75] CIL VIII 15106.

[76] CIL VIII 15107.

[77] CIL VIII 15108.

[78] CIL VIII 15109.

[79] CIL VIII 15221.

[80] C. CAZZONA, 1998, 253-277.

[81] Le document est daté de 321 après J-.Ch. Cf. S. MOKNI, 2020, 129-130. A noter Concilius, qui fait peut-être allusion comme dans la mosaïque inédite de Tipasa (EDCS-75900483) au Concile de Nicée célébré par Constantin en 325 évidemment après un certain temps (une référence à la Collatio Carthaginiensis de 411, à l'époque d'Augustin, est exclu). Le nom hypothétiquement pourrait même remonter aux milieux païens, s'il faisait allusion au conventus, le conseil provincial qui réunissait les flamines affectés au culte impérial: ainsi semble-t-il à Madauros dans ILAlg. I 2045: Genius Sa[nc]/tissimi se[na]/tus ob ex[pert]/am iustitiam / servatae de / fensaeque / provinciae / Africae / dec(reto) conseils(i) / p(ecunia) p(ublica); Voir aussi IRTrip. 875.

[82] CIL VIII 1542 = 15511 = 26673 = ILTun 1448 = Dougga157 = CLE 1872 = CLEAfrique 69 = AE 2017, 1671: Haec est Sabina nom[ina]/ta laude omnib(us) et pr[ae]/dicata reb(us) cunctis q[uib(us)] / probantur feminae / vera sancta pruden[s] / fecunda subolis opti/m(a)e quae quod proba e/rat etiam in sup{p}remis / meruit de deis ut mox / post maritum quem / solum norat vita ex/cederet vixitq(ue) at u/num unde est sen[ec]/tae exordium.

[83] P.ex. domus aeternalis CIL VIII 10712 (p. 980) = 17613 = ILCV 3680 en Numidie, Mabrek. Voir aussi en Maurétanie: CIL VIII, 8430 = ILCV 3665, Horrea.

[84] A. MASTINO, 2007, 289-332.

[85] R. LATTIMORE 1962, 162-169; G. SANDERS, 1991, 300.

[86] Voir dejà S. LANCEL, 1972, II, Gesta I, 133, l. 71 p. 750 (Aufidius episcopus plebis Tignicensis); p. 223; S. Lancel, 1991, IV, 1497; J.-L. MAIER, 1973, 223; 259 (Aufidius, n° 152) et 344 (Iulianus, n° 253); DACL 9, 1930, 1286.

[87] Gesta, I, 133, l. 74, S. LANCEL, 1972, II, 750. Voir Gesta I.207.164 = S. LANCEL, 1972, II.l.164, 892. Vd. S. LANCEL, 1991, t. IV, 1497.

[88] A Thignica les chiffres sont les suivants: nous n'avons que 9 inscriptions chrétiennes contre un total de 466. En réalité, le pire chiffre de la ville n'est pas disproportionné si l'on considère, pour ne donner que quelques exemples, qu'à Dougga environ 2000 textes seulement 14 sont chrétiens et à Tichilla-Testour ils sont 7 sur 100, à Mustis seulement 3 sur 190; à Agbia et Numlulis, du moins jusqu'à présent, aucun.

[89] L’editio princeps dans F. DOLBEAU, 1996a et 2001; R. ÉTAIX, 1994.

[90] F. DOLBEAU 2001, vii et note 15.

[91] Voir F. DOLBEAU, 1996, 5-52.

[92] Située dans le Land allemand d’Hessen, à environ 18 km à l’est de Worms (Reichsabtei Lorsch ; lat. Laureshamense Monasterium, également connu sous le nom de Laurissa ou Lauresham).

[93] Voir le témoignage de Possidius, biographe d’Augustin, dans l’Indiculum operum Sancti Augustini, X 6.102-133 : édit. de A. WILMART, «Operum s. Augustini elenchus a Possidio eiusdem discipulo Calamensi episcopo digestus, post Maurinorum labores nouis curis editu critico apparatu numeris tabellis instructus», dans Miscellanea Agostiniana, 2, Roma 1931, 149-233, spéc. 161-208 et 200-202. Voir aussi E. ZOCCA, 2009, 347-363, spéc. 351-353.

[94] F. GORI, 2001, 63.

[95] Voir F. DOLBEAU, 2001, vii-viii.

[96] La référence est à l'édition monumentale organisée par les Maurins, moines bénédictins de la Congrégation française de s. Mauro dans le tome V des œuvres complètes, publiées à Paris de 1679 à 1700 en onze tomes en folio. Le tome V date de 1683. En ce qui concerne notre discours, voir l'édition de F. DOLBEAU, 1991, 271-288 ; F. DOLBEAU, 1996, 279-296 et l’édition de F. DOLBEAU, 2002, 398-439 (texte latin avec trad. ital. en face).

[97] Le contexte historique du sermon est discuté dans F. DOLBEAU, 1996, 269-278.

[98] C'est ce qui ressort dans D. 27.1: ve/rumtamen, carissimi, cogitate quam amplia spatia facta sint aedificiorum istorum! Putatis longe positos difficilius audire? Iter vocis nostrae quies vestra est. Ecce quieti quam cito audiunt, etiam quod non tam magna voce dicitur! (sermo tenu pas loin de Siniti à l'automne 407). Voir aussi le sermon 380, § 1 (= MAYENCE 6): Quietis et parva vox sufficit. Si autem vultis, fratres,quieti audire, nolite habere cor in auribus, sed aures in corde (dans Nativitate Ioannis Baptistae); Enarr. in ps. 80.1: Loqui ad vos de praesenti psalmo suscepimus: adiuvet vocem nostram quies vestra; etenim aliquanto est obtunsior: dabit ei vires intentio audientium, et adiutorium iubentis ut loquar (voir Agostino, 1971, 1114-1115.

Parfois il lui arrivait de ne pas pouvoir prononcer le sermon, même l'interrompre, car il était en mauvaise santé, fatigué et sans voix, In Joh. ev. tr., 19.20: date veniam, quia diuturnum non reddo sermonem: nostis etenim fatigationem meam, dans Augustin, 1968, 2005, 116-119, ou dans Serm. 68.1, qui raconte l'audience bruyante et agitée pour laquelle le prédicateur pouvait à peine se faire entendre: quia heri multitudo constipata etiam angustis aliquanto inquietior voci nostrae non dabat facilitatem; quoniam non est talis ut sufficiat nisi magno silentio, sed quia infirmitate vocis multitudini non sufficimus; voir Augustin, 1982 [1983], 361 et note de bas de page (1). Voir aussi le Serm. 41.1: animadverti unam sententiolam, verborum numero brevissimam, pondere autem sensus amplissimam. Inde elegi, adiuvante Domino, huic tantae expectationi Caritatis vestrae, pro virum nostrarum mediocritate servire … dans Augustin, 1979, 728-729. Aussi dans le Serm. 320 souligne également la fatigue du berger: date veniam, quia diuturnum non reddo sermonem: nostis etenim fatigationem meam…, dans Augustin, 1986, 772-773.

Sur le catalogage des manuscrits de Lorsch, voir M. KAUTZ, 2010-2014 (édition numérique). Voir aussi la contribution classificatoire à l'identification des références diplomatiques et codicologiques de A. HÄSE, 2002, 240, n° 17.

[99] Voir D. 2 = 359/B et F. DOLBEAU, 1996a, 316-320.

[100] Voir D. 2 = 359/B et F. DOLBEAU, 1996a, 316-320; A. OLIVAR, 1991, 735 s.

[101] Le 22 janvier 404, à la demande pressante de l'évêque Aurélius (D. 2.2), Augustin se rendit à Carthage et, pendant la célébration de l'Eucharistie, au moment de l'homélie, on lui demanda de passer, avec l'ambon, du chœur à la nef, dans l'espace délimité par la balustrade, d'un ton qui n'était décidément pas en accord avec l'atmosphère de la basilique, raison pour laquelle il refusa de prêcher. Après le tumulte, Augustin reprit son discours le lendemain, donnant indirectement des indications sur l'organisation interne des basiliques et les conditions matérielles de la prédication. Sur la discussion avec la foule, voir les §§ 6 («Missa fiant»), 20 («Missa fac», «Missa, missa fac»), 23 («Quid enim? Nos venenum petivimus, quia pulpitum de loco ad locum tranferre voluimus?»).

[102] Voir Aug., de doctr. chr. 4.10.25 : Solet autem motu suo significare utrum intellexerit cognoscendi avida multitudo, dans Agostino, 1992 [1993], 228-231.

[103] Voir Aug., Enarr.in ps. 120.15: etsi brevis psalmus est, longa tamen tractatio et longus sermo. Putate, fratres, quia per natalem beatae Crispinae invitavi vos, et immoderatior fui in convivio producendo, dans Agostino, 1976, 1993, 1458-1459. Sur l'aspect de l'improvisation, voir R.J. DEFERRARI, 1915, 35-37; R.J. DEFERRARI, 1922, 97-119 et R.J. DEFERRARI, 1922, 193-219; Chr. MOHRMANN, 1965, 18-26; A. OLIVAR, 1970 [1971], 736-767 et encore A. OLIVAR, 1991, 606-611.

[104] Aug., de doctr. chr., ibid.

[105] Voir Poss., Vita Aug. 15.1-6, éd. E. ZOCCA, 2009, 202-205.

[106] Serm. 302.7: acclamastis, suspirastis, voir Agostino, 1986, 496-497.

[107] Retract., prol. 2: multa etiam quae dictata non sunt, tamen a me dicta conscripta sunt dans Agostino, 1994a, 2-3; Poss., Vita Aug. 7.3: quisquis, ut voluit et potuit notarios adhibentes, ea quae dicebantur excepta describentes (voir E.

ZOCCA, ibid., 162 s.). Sur l'utilisation de la tachygraphie, voir H. HAGENDAHL, 1971, 24-38; J. SCHEELE, 1978, 40-60; H.C. TEITLER, 1985.

[108] Sur tous, voir Aug., Enarr. in ps. 125.7: decrevisti facere, dixisti; dixisti, fecisti, Agostino, 1977, 1993, 122-123.

[109] Par exemple, voir deux textes de Aug., Enarr. in ps. 80.1: nigra tenebris ignorantiae amurca insultet, et illa tamquam per plateas proiectas publice insultet, dans Agostino, 1971, 1990, 1115-1117, spec. 1116; et Aug., Enarr. in ps. 139.10: illi appellant deum, a quo coronentur; sub illo illi fugiunt, a quo damnentur, dans Agostino, ibid., 1977, 1993, 522-523.

[110] Encore l’analyse ponctuelle de F. GORI, 2001, 70-71.

[111] Pour une description et un examen précis, voir A. DI MAURO TODINI, 2015, 133-146, spéc. 133-134.

[112] T. BRUNO, 2015, 43-55, spéc. 43-51.

[113] Voir F. DOLBEAU, 2001, xi-xii.

[114] Voir Aug., Ep. 224.2: restabant epistolae, deinde tractatus populares, quos Graeci homilias vocant; voir Agostino, 1974, 2005, 648-651 et note 4.

[115] Voir Chr. MOHRMANN, 1961, 2006, 63-72.

[116] F. DOLBEAU, 1996a, 256-259, 447-448, 599. Voir notamment P. GARNSEY, 1998, 471-479 et D. & M. GOUREVITCH, 1998, 505-517.

[117] Voir D. 2.1 et 3.

[118] R. GRÉGOIRE, 2008, col. 4871.

[119] Lact., Div. inst. IV.9.1 dans CSEL 19.300.

[120] Quel genre littéraire, le sermo est utilisé à partir du IVe siècle dans divers contextes de prédication : catéchèse, exégèse, homilétique, avertissement moral et parénèse; vd. Aug., Serm. 228.3: propterea hic sermo brevis esse debet, et propter laborem nostrum, et propter aedificationem illorum [i.e. infantium], dans Agostino, 1984, 394-395. Le sermo était écouté debout. Généralement, cela était prononcé en conformité avec le contexte humain et doctrinal des fidèles, bien qu'il s'agisse d'un acte liturgique, enchâssé dans la célébration ; le ministerium sermonis est lié au ministerium altaris: qui iam ministrantes altari, quo (vos) accessuri estis, assistimus, nec ministerio sermonis vos fraudare debemus (Aug., Serm. 214.1), ibidem, 218-219, en impliquant le prédicateur dans le climat spirituel créé par le texte.

[121] W. RÜTING, 1916, voir en particulier les différentes parties des 262-285 (sur l’utilisation des instruments exégétiques formels) et dans les pp. 281-285 (sur les questions littéraires).

[122] Voir G.I. GARGANO, 2010, 161-162.

[123] Aug., Expositio quarumdam propositionum ex epistula ad Romanos, dans Agostino, 1997. Pour un commentaire critique de l’ouvrage et un examen des études récentes, voir G. PANI, 2008, 7-39, spéc. 9-10, note 9.

[124] W. GEERLINGS, 1981, dans M.G. MARA, 2000, 149. L’intérêt pour Paul, dans les commentaires de ses Lettres, serait dû à la tentative de répondre à une situation d’angoisse répandue à partir de la décadence du monde antique. Pour la première tentative d’Augustin d’interpréter Paul, voir M.G. MARA, 2000, 143-144 avec la note 68.

[125] Aug., Conf. VII 21,27: itaque avidissime arripui venerabilem stilum spiritus tui et prae ceteris apostolum Paulum, dans Agostino, 1994, 52-53.

[126] Sufes semble être un toponyme d'origine libyenne. Ainsi B. ETTOUZRI, 1964, 105, qui émet l'hypothèse d'une origine de la racine √suf, indiquant «torrent, wâdi». La langue parlée par les habitants était le punique, qui s'est maintenu jusqu'au VIe siècle.

[127] Aug., Ep. 50. Voir Agostino, 1969, 2015. Sufes est connu, en effet, pour les soixante martyrs chrétiens, commémorés dans le martyrologe romain le 30 août, dans un épisode lié à la persécution des païens par l'Empire, suite au décret d'Honorius en 399. Il a ordonné la fermeture des temples païens et la destruction des idoles.

[128] Une statue culte en argent d'Hercule avait été détruite par des chrétiens et, en représailles, les citoyens païens de Sufes ont massacré soixante chrétiens, jugés coupables du méfait.

Le culte d'Hercule Genius patriae à Sufes est attesté dans CIL VIII 262 = 11430. Sur Hercule comme Genius loci, voir A. CADOTTE, 2007, 296.

[129] Aug., Ep. 50, voir supra.

[130] Sur la figure du donatiste Maximien, voir l'étude de F. SCORZA BARCELLONA, 2007, col. 3109. Des détails sur Maximien également dans :

(a). Aug., Enarr. in ps. 36.d.2,19-21.22-23, dans Agostino, 1967, 792-795 (Maximianistes)-811 ;

(b). c. Cresc. III-IV. Voir Agostino, 2002, 182-443.

Pour l'histoire des Maximianistes en particulier, voir c. Cresc. 3.52.58. Ils ont subi des mesures répressives, infligées par les tribunaux civils pour le crime de schisme. Comparer l’importante étude de C. WEIDMANN, 1998.

[131] Voir G. RINALDI, 2016, 11-12.

[132] Si l'on se réfère aux prodromes de ce débat, il figurait parmi les païens des auteurs éminents comme Celse, Porphyre de Tyre, Empereur Julien, ainsi que Macaire Magnes.

[133] Les travaux de J.G. COOK, 2000 et J.G. COOK, 2004 sont significatifs à cet égard.

[134] Cité dans A. VALVO, 2005 [2006], 1-3 < 11-13.

[135] Cic., de nat. deor. II.4.64, qui fait référence au poète Ennius dans Ann. 581 V.2 = 592 S. Voir dans VALVO, 2005 [2006], ibid. Bien sûr, Augustin avait aussi à l'esprit ce qui a été exprimé dans Cic., de legibus I.2.25: est igitur homini cum deo similitudo quod cum ita sit, quae tandem esse potest proprior certiorue cognatio? Voir l'édition bilingue dans M. RIZZOTTO, 2021.

[136] Voir l'exégèse d’Is. 1.2(-9): « Ouïe, ciel ; écoute, terre … ». Le prophète s'adresse aux témoins du cosmos.

[137] Sur le concept paulinien, voir W. KRAMER, 2004, t. II, coll. 433-441. Il s’«agit de l’action salvifique de Dieu dans le Christ». Dans la 1Cor 2.1 il indique le contenu de la prédication de Paul sur le Christ crucifié (voir aussi 1.23.2.2). Le μυστήριον το θεο est l’événement salvifique inaccessible au ratio humain : c’est la «sagesse cachée de Dieu, qui s’exprime dans un μυστήριον (historiquement réalisée)». Autres textes contenant le concept sont Rom 16.25 s., Col 1.26.3,6; 2Cor 1.19.3.4.; Ep. 1.9 et Col 1.26, où il est question de l’insertion des Gentils dans le corps du Christ (Ep. 3.6).

Dans les auteurs chrétiens de la région africaine, comme dans Augustin, le concept de « mysterion » est fortement contemporain symbolique. Les interactions entre les deux concepts de «Mysterion» et de «Sacramentum» et la terminologie qui s'y rapporte sont également accentuées. Voir à ce sujet les recherches de M. Sordi (M. SORDI, 2003, 65-74), reprises dans M. SORDI, 2006 [2007], spéc. 314-315. De plus, les études approfondies de I. Ramelli (voir I. RAMELLI, 2003, 81-104).

[138] H. HAAG, 1978, 1989, 43-49.

[139] On voit ici l’usage du titre impérial «Juge de justice» par Augustin.

[140] Sur le concept de paix dans la patristique voir A.G. HAMMAN, M.S. FLORES COLIN, 2008, coll. 3717-3721 (ad voc. pace).

[141] Aug., In Joh. evang. tr. 97.3. Voir Agostino, 1968, 2005, 1354-1355.

[142] Sur cette hérésie, voir C. ANDRESEN, G. DENZLER 1992, 254-255.

[143] La question des verae cicatrices se retrouve surtout dans la controverse anti-manichéenne. Voir Sermo 375/C, 3 : falsae erant cicatrices Domini, et vera sunt verba Manichaei ? Absit a nobis. Immo vera Domini verba sunt, vera ossa ostendit Dominus: cicatrices verae: vera membra in caelum levavit, dans Agostino, 1989, 536-537.

[144] Les études sur cette fraction hérétique sont nombreuses. Parmi les plus importantes, citons celles de J.S. ALEXANDER, 1974, 1984, 1987 et 2001 ; W.H.C. FREND, 1952 (1971, 1985), 2000, 2006, 2006a; J.L. MAIER, 1987-1989 ; E. ROMERO POSE, 2006.

[145] CTh. 16.6.4 du 12.02.405.