La citoyenneté romaine des
vaincus
Notes de travail
Université
Montpellier I
Sommaire: 1. La
question générale de l’état de nature entre les hommes. – 2. La problématique spéciale du rapport
juridique vainqueurs/vaincus. – 3. Recours
à la méthode comparatiste dans le temps (confrontation doctrine/sources). – 4. Principe. – I. ROUSSEAU (PRINCIPES DU DROIT DE LA GUERRE; EXTRAIT DU PROJET DE PAIX PERPETUELLE) – a) – PRINCIPES
DU DROIT DE LA GUERRE – 5. La
guerre, produit de société (d’Etat à Etat). – 6. Hommes, terre, argent: principaux
objets d’hostilité entre puissances. – 7. L’asservissement des vaincus par les
vainqueurs. – 8. Le
vaincu asservi ne peut pas en droit être mis à mort. – b) EXTRAIT
DU PROJET DE PAIX PERPETUELLE – 9. Le choix romain d’une union resserrée
vainqueur/vaincu: le droit de cité. – 10. L’Empire romain comme chaîne civile
entre les hommes. – 11. La
«juridiction» jusqu’à aujourd’hui du droit civil romain en Europe. – II. JUSTINIEN (LIVRE I DES INSTITUTES SUR LA JUSTICE, LE DROIT ET
LES PERSONNES) – a) GUERRE,
CAPTIVITE ET SERVITUDE DES VAINCUS: DES «INSTITUTIONS» DE DROIT HUMAIN
CONTRAIRES AU DROIT NATUREL – 12. La
guerre, désinstallation par l’homme du droit naturel (I. 1.2.2). – 13. La liberté comme faculté naturelle (I.
1.3.1). – 14. Prisonniers
de guerre gardés en vie, vendus et asservis (I. 1.3.3-4). – 15. Occupation/prise de possession par la
guerre et évasion (I. 2.1.17). – b) LA TENSION
JUS-IMPERIALE ROMAINE: HUMANITÉ, LIBERTÉ ET CITOYENNETÉ DES VAINCUS – 16. Puissance
de vie et de mort du dominus sur son servus? La distinction historique
romaine (I. 1.8.1-2). – 17. La
manumission: une institution de droit humain rendant aux hommes leur état
juridique naturel (I. 1.5.pr.). – 18. Tous
les «libérés» deviennent citoyens romains (cives)
à part entière (I. 1.5.3).
La citoyenneté romaine des vaincus[1] peut se concevoir comme
partie d’une plus vaste question: le rapport entre les hommes dans l’état de
nature. Depuis Th. Hobbes (Léviathan,
1651), l’école du droit naturel moderne conçoit la guerre entre les hommes comme
l’état de nature (avec, de façon correspondante, recours aux notions d’Etat
social et de traité pour instaurer l’ordre)[2]. Au contraire, les auteurs
anciens (romains notamment) conçoivent la paix comme l’état premier, naturel,
des rapports humains (v. infra).
Malgré les sources, le grand romaniste allemand Th. Mommsen, dans sa
reconstruction scientifique du Droit de
l’Etat romain (1871-1888)[3], a recours au postulat
fixé au XVIIe siècle par Hobbes. Depuis quelques décennies, l’historiographie
juridique, très attentive aux sources des Romains eux-mêmes, reconsidère ce
postulat appliqué au droit romain[4]. Dans son effort, elle a
eu recours à la pensée de J.-J. Rousseau qui, dès le XVIIIe siècle, avait
relevé (contre Hobbes) la spécificité de la ligne de pensée antique.
Les rapports de droit existant, au sortir de la guerre, entre les
vainqueurs et les vaincus s’apprécient évidemment en fonction de la conception que
l’on a du droit (naturel) de la paix et de la guerre. C’est sur ce point précis
(et néanmoins central pour la question générale paix/guerre) que l’on
s’arrêtera ici, en considérant particulièrement l’outil de la citoyenneté,
c’est-à-dire du droit de cité (civitas)
conféré à Rome aux vaincus. C’est une donnée que Rousseau a relevée et qui a
déterminé chez lui une reconstruction (historiographique) a priori correcte du
point de vue du droit romain[5].
Etant donnée la position (finalement) singulière de Rousseau dans
la pensée de son/notre temps, il s’agira d’abord d’en comprendre les tenants et
les aboutissants en ce XVIIIe siècle européen[6] à la recherche d’une paix
universelle. Et puisque Rousseau, historiographe, se réfère dans son Extrait du projet de paix perpétuelle (e.p.p.p.)
au droit des «livres de Justinien»[7] pour étayer ses propres
thèses, une évocation (comparatiste) des sources que nous a laissées le grand
compilateur du ius s’imposera. Dans
un souci d’efficacité, on se limitera néanmoins (et provisoirement) à n’évoquer
que les principes généraux livrés par la partie du Corpus Iuris que sont les Institutes[8] (manuel d’enseignement à
destination des étudiants en Iurisprudentia,
promulgué à Constantinople en 533 ap. J.-C.)[9].
Cette stricte autolimitation aux «éléments» (premiers) du droit
romain[10] se justifie d’autant plus
que Rousseau se conçoit lui-même à la recherche du principe des choses, à l’encontre
du temps, de l’histoire ou des préjugés (autant d’obstacles qu’il perçoit chez
les jurisconsultes de son temps): «je me bornerai, écrit-il dans ses Principes du droit de la guerre (p.d.g.),
comme j’ai toujours fait à examiner les établissements humains par leurs
principes et à corriger, s’il se peut, les fausses idées que nous en donnent
les auteurs intéressés; et à faire au moins que l’injustice et la violence ne
prennent pas impudemment le nom de droit et d’équité»; «que le lecteur songe
seulement qu’il s’agit moins ici d’histoire et de faits que de droit et de
justice, et que je veux examiner les choses par leur nature plus tôt que par
nos préjugés»[11]; car
«il semble qu’on ait pris à tâche de renverser toutes les vrayes idées des
choses»[12].
Dans ses Principes du droit
de la guerre (et dans les ébauches fragmentaires leur correspondant),
Rousseau pose d’entrée son projet: dénoncer «l’horrible système»[13] de Hobbes (selon lequel
l’instinct naturel «destructeur de l’espèce» nous pousse vers les chaînes
sociales), système qui, relayé par les jurisconsultes modernes (Grotius, Droit de la guerre et de la paix, 1625)[14], ne fait que servir la
domination (fondement du politique)[15]. Au contraire pour
Rousseau, la guerre, précisément parce qu’elle n’est qu’une relation
(consensuelle) d’Etat à Etat, de personne publique à personne publique (ou
morale), relève de l’ordre social, pas naturel[16].
Le but de la guerre consiste en la destruction mutuelle des Etats[17]; elle implique le
principe de dissolution de l’Etat social. C’est pourquoi les hommes, mais aussi
la terre et l’argent (et tout ce qui conserve le pacte social), sont les
principaux «objets des hostilités réciproques» entre puissances concurrentes[18]. Rousseau insiste néanmoins
(contre Hobbes) sur l’idée que ce «désir effréné de s’approprier toutes choses
est incompatible avec celui de détruire tous ses semblables», la richesse
supposant effectivement l’échange (donc la valeur) entre les hommes[19].
Que faire des peuples vaincus? C’est ce point-là qui, selon
Rousseau, change l’état de la question: car, si au lieu de massacrer son
trésor/butin humain (les captifs), le vainqueur l’asservit, alors l’état de guerre
(entre corps politiques) est anéanti puisqu’à cet instant il n’est
(manifestement) plus question de détruire[20]: la passion sociale de
guerre s’éteint avec son objet (étant postulé que la guerre générale d’homme à
homme est un «faux principe»: elle n’est qu’«accidentelle» au regard de la «loi
naturelle»[21]).
Après avoir commenté durement le pouvoir des Spartiates sur les
Hilotes (nécessité d’une déclaration formelle de guerre pour les mettre à mort)[22], Rousseau entreprend de
dénoncer sur ce point les erreurs des jurisconsultes de son temps qui, selon
lui, excusent bien des crimes[23]. Car, le droit de tuer
étant lié à l’état de guerre, le droit de tuer des hommes tombés en servitude
ne résulte aucunement de l’état de guerre: dès que le vaincu dépose les armes,
il cesse d’être ennemi[24]. Une phrase forte des Principes résume à elle seule l’idée et
la méthode: «Quand mille peuples féroces auraient massacré leurs prisonniers
quand mille Docteurs vendus à la Tyrannie auraient excusé ces crimes qu’importe
à la vérité l’erreur des hommes et leur barbarie à la justice. Ne cherchons
point ce qu’on fait mais ce qu’on doit faire»[25].
Le monde ancien n’est pas unanime sur le problème de la servitude
(Rousseau parle d’«esclavage»[26]). Quand les Grecs ont
clairement distingué ceux qui commandent, c’est-à-dire eux-mêmes, et ceux qui
servent, le reste du monde (à l’époque, la qualité d’homme est «ravalée» par
l’esclavage[27]), les
Romains ont pour leur part réalisé: 1) une union politique de commandement (par
le joug technique de l’imperium); 2)
une union civile de communauté de droit en communiquant au vaincu/étranger le
droit de cité du vainqueur[28].
Cette naturalisation romaine des vaincus a du reste déterminé
l’outil spécifiquement romain d’organisation de la paix universelle (paix qui
est le grand sujet de Rousseau[29]): la confédération, que
Rousseau conçoit généralement comme une sorte d’extension du Contrat social,
non plus entre hommes mais entre cités, les peuples (l’Imperium romain). En termes de confédération, les Romains ont donc
été bien plus loin que les autres peuples anciens (Grecs ou Etrusques) en
doublant le lien politique par le lien civil, par la chaîne civile[30].
Rome, en doublant le lien de force par le lien de droit et en
distinguant clairement le rapport politique prince/sujets du rapport civil de
citoyen à citoyen (détermination dans l’orbe romain des droits et des devoirs
de chacun selon l’équité), donna les institutions civiles et les lois au monde
connu[31]. Plus encore, elle posait
de la sorte les éléments de sa survie: «Le code de Théodose, & ensuite les
livres de Justinien furent une nouvelle chaîne de justice et de raison,
substituée à propos à celle du pouvoir souverain, qui se relâchoit très-sensiblement.
Ce supplément retarda beaucoup la dissolution de l’Empire, et lui conserva
long-tems une sorte de jurisdiction sur les Barbares même qui le désolaient»[32]. Des lois (romaines) qui
participent avec la religion, les mœurs, les coutumes à la «société réelle» des
peuples d’Europe au siècle de Rousseau: des lois (i.e. le droit romain) «dont aucun des peuples qui la composent
[l’Europe] ne peut s’écarter sans causer aussi-tôt des troubles»[33].
Justinien, qui distingue d’entrée les droits naturel, humain et
civil (I. 1.2.pr.-3)[36], énumère les grandes
institutions du ius gentium (§2).
L’usage et les nécessités humaines ont en effet impliqué la production de tels iura: de là sont venues les guerres (bella), logiquement suivies des captivités
(capitivitates) et des servitudes (servitutes:
au sens ici de mise au service d’hommes au bénéfice d’autres hommes). Il s’agit
là de iura (communs aux peuples, au
genre humain) contraires, contrariae,
au droit naturel: car, en droit
naturel, tous les hommes, à l’origine (ab
initio: c’est-à-dire dans le
principe), naissaient libres. Suit une précision importante: c’est le droit des
gens qui a introduit presque tous les contrats, à commencer par la vente[37].
Selon Justinien (I. 1.3.1)[38], la liberté est la naturalis facultas (comprendre, à la
lumière du droit naturel[39]: la possibilité de mettre
en œuvre les dispositions que nous a données la nature, que l’on soit oiseau,
poisson ou animal qui se meut sur terre comme l’homme, faculté qui peut être
empêchée ou par la force ou par le droit: vis/ius[40]). A la suite (§2) et de
façon cohérente, la servitude est définie comme une constitutio, c’est-à-dire un établissement du droit des gens, par
laquelle un homme est assujetti contre la nature au domaine (dominium) d’un autre[41].
Justinien indique que les asservis/serviteurs (lat. servi) sont ainsi nommés parce que les
chefs d’armée (vainqueurs) avaient coutume de vendre ceux qu’ils avaient fait
prisonniers/rendus captifs (captivi)
pour qu’ils servent, au lieu de les tuer (servare
nec occidere). ‘Servi’ mais aussi
‘mancipia’ (pris/appropriés
physiquement; gens de main-prise) car les vaincus, par la main, sont saisis
parmi les ennemis et ainsi ramenés en captivité (…ab hostibus manu capiuntur)[42]. Ce qui justifie plus
loin (§4)[43] que la
dite captivitas, institution du droit
des gens[44] comme l’est
la guerre, soit une des modalités par laquelle on devient servus (car on peut aussi l’être par la naissance ou le devenir par
le droit civil en se vendant soi-même).
A titre de complément, on peut évoquer la cohérence systématique
de Justinien entre les aspects de droit personnel et de droit réel (droit des
biens): dans les deux cas un «butin»[45]. C’est l’objet du § 17
Livre II Titre 1 des mêmes Institutes (De occupatione in bello, de ce dont on
s’empare à la guerre): en substance, ce que nous prenons (capimus) par la guerre sur les ennemis devient nôtre par droit des
gens (et «les biens du vaincu et le vaincu lui-même» pourrait-on dire avec C.
Accarias[46]); ainsi
les hommes libres (liberi homines)
soumis à notre (droit de) servitude; mais s’ils s’évadent (si evaserint) ou s’échappent à notre puissance et reviennent chez
eux, ils reprennent le premier état (la liberté) qu’ils avaient perdu (…pristinum statum recipiunt)[47].
Catégorie de personnes non libres, les asservis sont sous la puissance
de leurs maîtres (in potestate dominorum).
Cette potestas[48] relève techniquement du
droit des gens car, comme l’indique Justinien, on remarque chez la plupart des
peuples que les maîtres ont eu la puissance (illimitée) de vie et de mort sur
leurs serviteurs (la vitae necisque
potestas)[49]. Or,
précisément, le § 2 [50] rend compte d’un avant et
après empire romain: désormais (sed hoc tempore…), nul homme sujet d’empire
(sub imperio nostro) ne peut sévir de
cette manière (supra modum–saevire)
et tuer son servus sans cause
légalement prévue. Le long paragraphe s’achève sur une citation in extenso d’un
rescrit de l’empereur Antonin le pieux (138-161) sur le thème, rescrit adressé
au proconsul de la Bétique et déjà bien connu de Gaius (1.53)[51]: si la potestas du maître sur ses asservis doit
être maintenue et qu’à aucun homme ne doit être retiré son ius, il est de l’intérêt des domini
(et de la Res publica ajoute
Justinien) que l’on vienne au secours des servi
injustement maltraités ou affamés. Le traitement qui dépasse les bornes de
l’aequum privera le maître de sa potestas au moyen de la vente forcée[52].
Les «affranchis»[53] sont des hommes libérés (manumissi) d’une juste servitude, rendus
par conséquent libres de potestas. Et
Justinien de préciser que la manumission est une institution du droit des gens
comme l’est la servitude à laquelle elle met fin: car, en droit naturel, les
hommes naissant libres (…utpote cum iure
naturali omnes liberi nascerentur), servitude et libération ne se
conçoivent pas[54]. Il
s’agit toutefois d’une institution humaine «positive» (au contraire de la
guerre : cf. I. 1.2.2) puisque, perfectionnée par les Romains, le favor libertatis, elle est censée
corriger le destin humain (les calamités : cf. I. 1.4.pr.) pour faire retourner
l’homme à son état premier (d’homme purement et simplement[55]).
Justinien informe qu’il y avait autrefois (antea) trois statuts d’affranchis à Rome: 1) ceux qui, recevant une
grande et juste liberté, devenaient consécutivement citoyens romains (cives Romani); 2) ceux qui, recevant une
moindre liberté, devenaient latins (par la loi Iunia Norbana[56]); 3) enfin, ceux qui,
recevant seulement une liberté inférieure, avaient la condition déplorable (pessima conditio) de déditiens (par la
loi Aelia Sentia[57]). Mais l’empereur[58] indique qu’il fait pour
sa part (référence à la pietas: nostra pietas omnia augere et in meliorem
statum reducere…) revivre le plus ancien usage, celui des commencements de
la cité, par lequel le libertinus
recevait la même liberté que le manumissor,
sans distinction (una atque simplex
libertas): aussi, l’affranchi-libertinus
dispose-t-il définitivement du titre de citoyen romain (…et omnes libertinos–civitate
Romana decoravimus). Et Justinien de conclure ce long § 3: la libertas du servus va de pair avec la citoyenneté romaine, l’unique qui est à
présent – en 533 (libertas servis cum
civitate Romana, quae sola in praesenti est)[59].
[1] Support matériel d’une communication présentée
au XXXIVe séminaire international Da Roma
alla Terza Roma («Empire: migrations, citoyennetés, gouvernements régionaux.
De Rome à Constantinople à Moscou», Rome, 22-23 avril 2014) sous le titre «La
citoyenneté romaine des vaincus. De Rousseau à Justinien».
[2] Voir plus généralement Les fondateurs du droit international. F. de Vitoria, A. Gentilis, F.
Suarez, Grotius, Zouch, Pufendorf, Bynkershoek, Wolf, Wattel, Martens,
Paris, 1904 (réédition «Introuvables», éditions Panthéon-Assas, Paris, 2014).
[4] Voir par exemple P.
CATALANO, Linee del sistema
sovrannazionale romano, I, Torino, 1965 (ouvrage dont différentes parties
sont reprises par l’A. dans Diritto e
persone, Torino, 1990, 5-52).
[5] J.-J. ROUSSEAU, Principes du droit de la guerre, Ecrits sur la paix perpétuelle.
Edition nouvelle et présentation de l’établissement des textes par B.
Bernardini et G. Silvestrini (dir. B. Bachofen et C. Spector), Paris, 2008.
Qu’il nous soit permis, à titre informatif, de reporter ici la présentation
synthétique de cette nouvelle édition (quatrième de couverture): «Parmi les
projets de Rousseau figurait un ouvrage intitulé Principes du droit de la guerre. On a longtemps cru cet ouvrage
perdu ou resté à l’état d’ébauches fragmentaires. Or un travail sur des
manuscrits (jusqu’alors publiés séparément et dans le désordre) a permis de
reconstituer un texte très abouti, qui est manifestement la première partie de
cet ouvrage. La redécouverte de ce texte et son rapprochement avec les écrits
sur le Projet de paix perpétuelle de l’abbé
de Saint-Pierre, sur lesquels Rousseau a travaillé immédiatement après,
éclairent d’un jour nouveau sa conception des rapports entre les Etats».
[6] Siècle évidemment délicat à interpréter en ce qu’il
prépare intellectuellement le passage (sinon la coupure) entre l’ «ancien
droit» et le «droit contemporain»: cf. J.-M. CARBASSE, Manuel d’introduction historique au droit, Paris, 2013 (pour la 5e
éd.), 223 et ss. Plus généralement, P. CHAUNU, La civilisation de l’Europe des Lumières, Paris, 1971.
[9] Sur la place des Institutes au sein du Corpus
Iuris et l’histoire de leur réception dans chacun des pays d’Europe du
XIIIe au XIXe siècle, consulter Justinian’s
Institutes. Translated with an
Introduction by PETER BIRKS & GRANT MCLEOD, Londres, 1998 (pour la
3e éd.), 7-28.
[10] Plus généralement, P. KRUEGER, Histoire des sources du droit romain,
Paris, 1894 (traduit de l’allemand par M. Brissaud), notamment 431 et ss. pour
l’œuvre juridique de Justinien. Sources qu’il faut appréhender elles-mêmes plus
globalement à l’intérieur du système juridique romain abordé historiquement:
voir par exemple, pour ce type de traitement, G. HUGO, Geschichte des Römischen Rechts bis auf Justinian, Berlin 1832. Cf.
J. GAUDEMET - E. CHEVREAU, Les
institutions de l’Antiquité, Paris, 2014 (pour la 8e éd.), notamment 473 et
ss.
[11] Principes
du droit de la guerre = P.D.G., cit.,
respectivement 44 et 52 (nous conservons le texte de Rousseau dans sa version
originale, orthographe et ponctuation comprises).
[12] P.D.G.,
cit., 54; mais aussi 65 (Fragments
annexes): «Pour connoitre exactement quels sont les droits de la guerre
examinons avec soin la nature de la chose et n’admettons pour vrai que ce qui
s’en deduit nécessairement».
[13] P.D.G.,
cit., 45 : «Mettons un moment ces idées en opposition avec l’horrible sistême
de Hobbes, et nous trouverons, tout au rebours de son absurde doctrine que bien
loin que l’état de guerre soit naturel à l’homme, la guerre est née de la paix
ou du moins des précautions que les hommes ont prises pour s’assurer une paix
durable».
[14] Voir P. HAGGENMACHER, Grotius et la doctrine de la guerre juste, Paris, 1983. Sur Hobbes
et Grotius, on pourra aller voir «au-delà» de l’opinion qu’en a Rousseau en son
siècle (cf. R. DERATHE, Jean-Jacques
Rousseau et la science politique de son temps, Paris, 1951): par exemple,
pour une première approche (avec la bibliographie correspondante), V. «droit
des gens», V. «droit international public», V. «droit naturel», V. «esclavage»,
Dictionnaire de la culture juridique (dir.
D. ALLAND - S. RIALS), Paris, 2003, respectivement 463 et ss. (article E. JOUANNET),
497 et ss. (D. ALLAND), 507 et ss. (A. SERIAUX), 638 et ss. (G. BIGOT).
[15] P.D.G.,
cit., 48: «[…] Voilà pourtant jusqu’où le désir ou plutôt la fureur d’établir
le despotisme ou l’obéissance passive ont conduit un plus beaux genies qui
aient existé. Un principe aussi féroce etoit digne de son objet». On pourra sur
ce vaste sujet consulter le commentaire donné par B. BACHOFEN, «Les raisons de
la guerre, la raison dans la guerre. Une lecture des Principes du droit de la guerre», dans J.-J. ROUSSEAU, Principes du droit de la guerre, Ecrits sur
la paix perpétuelle, cit., 131-192.
[16] Sans cette condition (la nature artificielle,
civile, des ennemis), il n’y a pas de guerre à strictement parler (qui suppose
des soldats, des citoyens) mais seulement un meurtre, un homicide (entre des
hommes): voir généralement P.D.G.,
cit., 46 et ss. Cf. F. RAMEL et J.-P. JOUBERT, Rousseau et les relations internationales, Paris, 2000.
[19] P.D.G.,
cit., 50. Et Rousseau d’ajouter: «Les richesses elles mêmes à quoi sont elles
bonnes si ce n’est à être communiquées ; que lui serviroit la possession
de tout l’univers s’il en étoit
l’unique habitant?».
[20] P.D.G.,
cit., 50 : «Que fera-t-il de ses trésors, qui consommera ses denrées, à quel
yeux étalera-t-il son pouvoir? J’entends. Au lieu de tout massacrer, il mettra
tout dans les fers pour avoir au moins des Esclaves. Cela change à l’instant
tout l’etat de la question et puisqu’il n’est plus question de détruire l’etat
de guerre est anéanti».
[21] P.D.G.,
cit., 51: «Il n’y a point de guerre generale d’homme à homme et l’espéce
humaine n’a pas été formée uniquement pour s’entredetruire. Reste à considérer
la guerre accidentelle et particuliére qui peut naître entre deux ou plusieurs
individus. Si la loi naturelle n’étoit écrite que dans la raison humaine elle
seroit peu capable de diriger la pluspart de nos actions, mais elle est encore
gravée dans le cœur de l’homme en caractéres inéfacables et c’est là qu’elle
lui parle plus fortement que tous les préceptes des Philosophes; c’est là
qu’elle lui crie qu’il ne lui est permis de sacrifier la vie de son semblable
qu’à la conservation de la sienne et qu’elle lui fait horreur de verser le sang
humain sans colere, meme quand il s’y voit obligé». Voir généralement V.
GOLDSCHMIDT, Anthropologie et politique.
Les principes du système de Rousseau, Paris, 1974.
[23] P.D.G.,
cit., 62 (Fragments sur la guerre) :
«Grace a Dieu on ne voit plus rien de pareil parmi les Européens. On auroit
horreur d’un Prince qui feroit massacrer ses prisonniers on s’indigne même
contre ceux qui les traitent mal et ces maximes abominables qui révoltent la
raison et font frémir l’humanité ne
sont plus connues que des Juris consultes qui en font tranquillement la base de
leurs sistèmes Politiques et qui au lieu de nous montrer l’autorité souveraine
comme la source du bonheur des hommes osent nous le montrer comme le supplice
des vaincus».
[26] Cf. V. «Esclavage», Dictionnaire européen des Lumières (dir. M. Delon), Paris, 2007,
476-480 (article J. TARRADE).
[27] EPPP,
cit., 89: «[…] avant les conquêtes des Romains, tous les Peuples de cette
partie du monde [l’Europe], barbares & inconnus les uns aux autres,
n’avoient rien de commun que leur qualité d’hommes, qualité qui, ravalée alors
par l’esclavage, ne différoit gueres dans leur esprit de celle de brute. Aussi
les Grecs, raisonneurs & vains, distinguoient-ils, pour ainsi dire, deux
especes dans l’humanité; dont l’une, savoir la leur, étoit faite pour
commander; & l’autre, qui comprenoit tout le reste du monde, uniquement
pour servir».
[28] EPPP,
cit., 90: «Mais quand ce Peuple [le Grec], souverain par nature, eût été soumis
aux Romains ses esclaves, & qu’une partie de l’hémisphère connu eût subi le
même joug, il se forma une union politique & civile entre tous les membres
d’un même Empire; cette union fut beaucoup resserrée par la maxime, ou
très-sage ou très-insensée, de communiquer aux vaincus tous les droits des
vainqueurs, & sur-tout par le fameux décret de Claude [Caracalla], qui
incorporoit tous les sujets de Rome au nombre des citoyens».
[29] La question du rapport juridique personnel
entre vainqueur et vaincu (avec la solution du droit de cité) se conçoit pour
Rousseau à l’intérieur de la plus large question de la paix universelle. Quel
est l’obstacle technique à la paix? Pour Rousseau, c’est précisément la
contradiction inhérente à la coexistence entre, d’un côté (côté intérieur), la
police de l’Etat (c’est-à-dire l’état civil entre concitoyens) et, de l’autre
(côté extérieur), la sûreté de l’Etat (c’est-à-dire l’état de nature avec le
reste du monde). Quel moyen pour lever ces contradictions (source des calamités
publiques)? Pour Rousseau, la confédération, sorte de contrat social étendu à
l’extérieur. Une confédération assez nouvelle aux Modernes, mais bien connue
des Anciens. Cf. G. LASSUDRIE-DUCHENE, J.-J.
Rousseau et le droit des gens, Paris, 1906.
[30] C’est le message qui transparaît à la lecture
des pp. 89-91 de l’EPPP (même si, en
l’occurrence, le thème de la confédération n’est pas ici mentionné pour Rome alors
qu’il l’est pour les Grecs, les Etrusques, les Latins, les Gaulois et les Grecs
de l’époque tardive: respectivement, Amphictyons, Lucumonies, Féries, Cités,
Ligue Achéenne).
[31] EPPP,
cit., 90: «A la chaîne politique qui réunissoit ainsi tous les membres en un
corps, se joignirent les institutions civiles & les lois qui donnerent une
nouvelle force à ces liens, en déterminant d’une manière équitable, claire
& précise, du moins autant qu’on le pouvoit dans un si vaste Empire, les
devoirs & les droits réciproques du Prince & des sujets, & ceux des
citoyens entr’eux».
[34] I. 1.1 (de
iustitia et iure), I. 1.2 (de iure
naturali, gentium et civili), I. 1.3 (de
iure personarum). On peut concevoir que les Titres 4 à 26 de ce premier
Livre (liberté personnelle, famille, tutelle, curatelle…) sont des
développements du Titre 3 sur les personnes. Pour un «aperçu» très général du
droit des personnes et de la famille en droit privé romain (et de la doctrine
romaniste correspondante), on consultera dernièrement P. PICHONNAZ, Les fondements romains du droit privé,
Genève, 2008, 87 et ss. Plus
complets, V. ARANGIO-RUIZ, Istituzioni di
diritto romano, Roma, 2006 (pour la 14e éd.) et P. BONFANTE, Corso di diritto romano (I – Diritto di famiglia), Milano, 1963. Sur la plus longue période, A. LEFEBVRE-TEILLARD, Introduction historique au droit des
personnes et de la famille, Paris, 1996 et J.-P. LEVY-A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Paris, 2002
(pour la 1ère éd.), 46 et ss.
[35] Pour une approche de la question (et son
traitement) à travers les catégories pandectistes, G.F. PUCHTA, Cursus der Institutionen, II, Leipzig, 1857, 425 (Chapitre 2:
«Von dem Recht der Persönlichkeit»). Cf. O. KARLOWA, Römische Rechtsgeschichte, II, Leipzig, 1901, 79 et ss. (Première partie: «Die
Familienherrschaftsrechte»).
[36] Sur cette tripartition, voir la présentation
(largement critique quant à la catégorie de «ce prétendu» ius naturale) qu’en donne C. ACCARIAS, Précis de droit romain (contenant,
avec l’exposé des principes généraux, le texte, la traduction et l’explication
des Institutes de Justinien), I, Paris, 1879 (pour la 3e éd.), 14-17.
[37] I. 1.2.2: (…) Ius autem gentium omni humano generi commune est. Nam usu exigente et
humanis necessitatibus gentes humanae quaedam sibi constituerunt: bella etenim
orta sunt et captivitates secutae et servitutes, quae sunt iuri naturali
contrariae. Iure enim naturali ab initio omnes homines liberi nascebantur. Ex
hoc iure gentium et omnes paene contractus introducti sunt, ut emptio venditio,
locatio conductio, societas, depositum, mutuum et alii innumerabiles.
[38] I. 1.3.1 (cf. Florentin D. 1.5.4): Et libertas quidem est, ex qua etiam liberi
vocantur, naturalis facultas eius quod cuique facere libet, nisi si quid aut vi
aut iure prohibetur.
[39] Cf. I. 1.2 pr.: Ius naturale est, quod natura omnia animalia docuit. Nam ius istud non humani generis proprium
est, sed omnium animalium, quae in caelo, quae in terra, quae in mari nascuntur…
[40] Lecture partiellement biaisée du passage (car
centrée, entre autre, sur la loi et la volonté de l’homme) par M. ORTOLAN, Explication historique des Institutes de
l’empereur Justinien, Paris, 1844 (pour la 3e éd.), 154: «Deux obstacles
peuvent s’opposer à la volonté de l’homme libre: la force et la loi. Mais il y
a cette différence que la loi est un obstacle moral que l’homme s’est imposé
lui-même dans son état social, auquel il doit toujours se soumettre et qui
restreint réellement sa liberté naturelle; tandis que la force est un obstacle
physique qu’il peut parvenir à vaincre, contre lequel il peut même quelquefois
demander le secours de la loi».
[41] I. 1.3.2: Servitus
autem est constitutio iuris gentium, qua quis dominio alieno contra naturam subicitur.
Sur la servitude dans le droit de Justinien, commentaire critique (toujours
pour la même raison: le droit naturel, voir précédemment) de C. ACCARIAS, Précis de droit romain, cit., 85:
«L’esclavage ou servitude s’analyse en un droit de propriété que la loi
reconnaît à un homme sur un autre homme. D’où il résulte que la liberté
consiste simplement à n’être la propriété de personne. Les Institutes, en
voulant, bien inutilement, la définir, tombent dans une double confusion entre
la liberté, antithèse de l’esclavage, et la liberté soit physique, soit
politique ou civile. Je voudrais voyager, mais je suis enfermé entre les quatre
murs d’une prison; je ne suis pas pour cela compté au rang des esclaves. Je
voudrais pratiquer publiquement tel culte, faire telle publication ou tel
contrat; mais je rencontre une prohibition dans la loi; cela ne fait pas que je
sois la propriété d’autrui. A prendre au pied de la lettre la définition des
Institutes, on arriverait sans subtilité à dire que tous les esclaves sont
libres: car, d’où dérive l’obstacle à l’exercice de leurs facultés naturelles,
si ce n’est de la loi qui consacre leur condition et qui autorise le maître à
les y maintenir par la force?».
[42] I. 1.3.3 (cf. Florentin D. 1.5.4.2-3 et
Pomponius D. 50.16.239.1) : Servi autem
ex eo appellati sunt, quod imperatores captivos vendere iubent ac per hoc
servare nec occidere solent. Qui etiam mancipia dicti
sunt, quod ab hostibus manu capiuntur. Sur l’étymologie en question, voir D. DALLA,
Note minime di un lettore delle
Istituzioni di Giustiniano, Torino, 1998, 63-64. Le commentaire de I. 1.3.3 par M. ORTOLAN, Explication historique des Institutes de
l’empereur Justinien, cit., 155 confirme à posteriori, nous semble-t-il, le
lien entre Rousseau et le droit romain: «La guerre est indiquée ici comme
l’origine de l’esclavage; on veut en faire sa justification. On a le droit,
dit-on, de tuer l’ennemi vaincu; ne peut-on pas le conserver pour soi, et
suspendre cette mort qu’on pouvait lui donner sur-le-champ? Ce raisonnement
pèche par sa base. Sans doute la légitime défense est naturelle, elle peut
avoir donné naissance au droit de tuer l’ennemi lorsqu’il combat; mais, est-il
vaincu, l’attaque cesse, la défense doit cesser; et si on le tue, on viole
toute espèce de droit».
[44] Voir P. BONFANTE, Corso di diritto romano, cit., 214 et ss. (développement sur les modes de constitution de
la servitude, notamment les modes iuris
gentium: «procreazione» et «prigionia»).
[45] Cf. R. VON JHERING, L’esprit du droit romain dans les diverses
phases de son développement, I, Paris, 1886, 3e éd. (traduit de l’allemand
par O. de Meulenaere), 112 et ss. (où la notion de «butin», après celle de
«force», est appréhendée par l’A. dans la cadre de la «fondation des droits par
l’énergie personnelle»).
[46] C. ACCARIAS, Précis de droit romain, cit., 85 qui rend compte de l’ensemble des
sources sur l’esclavage de la façon suivante (interprétation que nous choisissons
de ne pas discuter) : «L’esclavage n’a pas toujours existé, Justinien le
constate lui-même (Inst., § 2, De jur.
nat., I, 2), et il y reconnaît, d’accord avec les jurisconsultes
classiques, une violation du droit naturel (§ 2 sup. - L. 64, De cond. ind.,
XII, 6). Les Institutes (§ 3 sup.) le
font dériver du droit qui appartient au vainqueur de tuer le vaincu prisonnier.
Mais ce droit lui-même suppose préalablement admis que le vainqueur est
propriétaire du captif. Justinien n’explique donc rien; il nous montre
seulement le vainqueur préférant à un meurtre sans profit les services de
l’homme qu’il tient en sa puissance. Je placerais plus volontiers l’origine de
l’esclavage dans ce préjugé universel de l’antiquité qui reconnaissait aux
vainqueurs un droit de propriété sur les choses prises aux vaincus (Inst., §
17, De divi. rer., II, 1). La
brutalité des premiers conquérants ne fit pas de distinction entre les biens du
vaincu et le vaincu lui-même. Quoi qu’il en soit, l’esclavage entra tellement
dans les mœurs des peuples anciens, que le maintien de leurs sociétés cessa
d’être concevable sans cette institution, et c’est pourquoi de grands esprits,
aveugles par la puissance du fait, n’hésitèrent pas à la justifier (Arist., Polit., lib. I, cap. v)».
[47] I. 2.1.17: Item
ea, quae ex hostibus capimus, iure gentium statim nostram fiunt: adeo quidem,
ut et liberi homines in servitutem nostram deducantur, qui tamen, si evaserint
nostram potestatem et ad suos reversi fuerint, pristinum statum recipiunt. Cf.
C.-J. DE FERRIERE, Nouvelle traduction
des Institutes de l’empereur Justinien (avec des observations pour
l’intelligence du texte, l’application du droit françois au droit romain &
la conférence de l’un avec l’autre), II, Paris, 1750, 38-40.
[49] I. 1.8.1 (cf. Gaius 1.52): In potestate itaque dominorum sunt servi. Quae quidem potestas iuris
gentium est: nam apud omnes peraeque gentes animadvertere possumus dominis in
servos vitae necisque potestatem esse…
[53] Si l’on commet l’erreur de traduire, de façon
anachronique, le latin «libertini».
FIEFFE-LACROIX, Les éléments de la
Jurisprudence, Metz, 1807 (ouvrage qui prévoit, en la renouvelant, la
«conférence» du droit romain avec le droit français – du Code civil), 7 n. 17
qui précise: «En France, on ne reconnaît pas de servitude, tous les hommes y
naissent libres, et ce pays a toujours été appelé le royaume des Francs». Cf.
H. LEMONNIER, Etude historique sur la
condition privée des affranchis, Paris, 1887.
[54] I. 1.5 pr.: Libertini sunt, qui ex iusta servitute manumissi sunt. Manumissio autem est datio libertatis: nam quamdiu quis in
servitute est, manui et potestati suppositus est, et manumissus liberatur
potestate. Quae res a iure gentium
originem sumpsit, utpote cum iure naturali omnes liberi nascerentur nec esset
nota manumissio, cum servitus esset incognita… Voir généralement sur ce passage (et le «réseau»
conceptuel dans lequel il s’insère) les commentaires de FIEFFE-LACROIX, Les éléments de la Jurisprudence, cit.,
4-9. Bonne reformulation du passage (de par sa neutralité et sa cohérence avec
les classifications justiniennes) par L. ETIENNE, Institutes de Justinien traduites et expliquées, I, Aix, 1847, 77:
«Le droit naturel non-seulement ne reconnaît pas l’esclavage, mais encore le
réprouve; à ses yeux tout homme naît avec la liberté et reste toujours libre:
mais le droit des gens secondaire l’a introduit d’une manière assez générale;
dès-lors il y a eu des esclaves et des hommes libres; et comme
l’affranchissement a été également introduit pour faire cesser cette condition
contre nature, on a vu les hommes divisés en hommes libres et en esclaves; les
premiers se subdivisent en ingénus et en affranchis, d’où une subdivision
tripartite en ingénus, affranchis et esclaves».
[55] Cf. I. 1.5 pr. (in fine): … sed posteaquam
iure gentium servitus invasit, secutum est beneficium manumissionis, et cum uno
communi nomine homines appellaremur, iure gentium tria genera hominum esse
coeperunt, liberi et his contrarium servi et tertium genus libertini, qui
desierant esse servi.
[56] 19 ap. J.-C. Voir H. LEMONNIER, Etude historique sur la condition privée des
affranchis, cit., 59 et ss.
[58] Sur les modalités par lesquelles l’affranchi
accède à tel ou tel statut, de Servius Tullius (Denys d’Halicarnasse IV.22-24)
à Justinien (Nov. 78), lire généralement C. ACCARIAS, Précis de droit romain, cit., 127-143. Cf. L. ETIENNE, Institutes de Justinien traduites et
expliquées, cit., 83.
[59] Voir I. 1.5.3. Cf. C. 7.5.1 (a. 530) et C.
7.6.1 (a. 531). Thème qui est en lien avec l’extension du droit de cité à tous
les hommes habitant l’empire à partir de Caracalla… jusqu’à Justinien: Ulpien
D. 1.5.17 (In orbe Romano qui sunt, ex
constitutione imperatoris Antonini cives Romani effecti sunt). Voir P.
CATALANO, Diritto e persone, cit., 82
et ss. (sur l’annulation du concept de peregrinus
par Justinien).