Allegro ma non troppo: la procédure
arbitrale transnationale
Université
de Montréal
SOMMAIRE: Introduction. – I. Les orfèvres de la
transnationalisation de la procédure. – I.A. L’autonomie
donnée aux parties. – I.B. La discrétion octroyée aux arbitres. – I.B.1. Processus de droit
comparé. – I.B.2. Apports d’associations savantes/professionnelles. – II. Deux joyaux de la
procédure arbitrale transnationale. – II.A. Indépendance
et impartialité. – II.B. Préparation
préalable des témoins. – Abstract
/ Résumé.
L’arbitrage jouit aujourd’hui d’une
reconnaissance temporelle et géographique enviable au chapitre des modes
de résolution des conflits commerciaux internationaux. Au fil des
siècles qui scandent son histoire, l’arbitrage s’est
imposé comme une véritable justice à part entière.
Malgré cet ancrage, il faut bien dire que le cheminement de
l’arbitrage commercial international a été motivé
par une quête toujours renouvellée d’autonomie. Le développement
au cours des dernières décennies d’une procédure
arbitrale de nature transnationale n’en est qu’un exemple. Réponse de la communauté
épistémique des utilisateurs de l’arbitrage commercial
international pour une grande prévisiblité, la procédure
arbitrale transnationale s’impose comme un ensemble de règles et
de principes autonome, issu d’un véritable syncrétisme
juridique. Ce phénomène n’est pas unique à
l’arbitrage commercial. Le domaine des techniques modernes de
communication a connu très tôt une lex electronica[2],
ensemble de règles élaborées par différents acteurs
privés, tout comme le fait depuis un certain temps celui du droit
spatial, de la biotechnologie, du sport et d’autres[3].
Si permission nous était donnée
d’observer à Milan, Bakou ou Miami un arbitrage du début
à sa fin, on constaterait que plusieurs des étapes qui le
ponctuent se ressemblent à tel point qu’il est parfois peu
aisé de savoir où l’on se trouve à un moment
quelconque. La communauté internationale, à force de se
courtiser, semble avoir consacré, dans la sphère arbitrale, une
diaspora de règles procédurales communes. Il existe en effet
aujourd’hui certains phénomènes procéduraux, que
nous appellerons tour à tour, règles, normes, usages, pratiques,
nous permettant de postuler l’existence d’une procédure
arbitrale transnationale. Le débat entourant la question de savoir s’il
est aujourd’hui loisible de parler d’une telle procédure
perdure depuis quelques temps. Il y a quelques années, la question se
posait encore comme une hypothèse, perçue par certains comme
étant farfelue, s’insérant dans toute la
frénésie que suscita la thèse de l’existence de la lex mercatoria. Aujourd’hui, un
nombre grandissant d’auteurs reconnaissent tout le sérieux de la
thèse[4].
Ces derniers parlent tour à tour d’une convergence[5],
d’une harmonisation[6]
ou d’une certaine standardisation[7]
dans le domaine de la procédure arbitrale. Du côté des plus
optimistes, on évoque l’émergence d’une lex mercatoria processualis, d’une lex
arbitrationis[8]
ou d’une procédure arbitrale transnationale[9].
L’arbitrage commercial international, on
le sait bien, est le théâtre quotidien de la rencontre de parties
provenant d’horizons divers. Il existe fort peu de fora aussi
révélateurs pour procéder à la vérification
et à l’étude de l’existence d’une
procédure transnationale. Dans aucune autre arène
l’autonomie des parties[10],
qui permettra à ces dernières de choisir ou
d’élaborer des règles de procédure, dans les seules
limites de l’ordre public interne et international, n’est-elle
jumelée de la même manière et avec une pareille
intensité à une discrétion arbitrale, certes
supplétive, mais tout aussi vaste.
Ces deux facteurs favorisent[11],
comme nous aurons l’occasion de le constater (Partie I),
l’émergence de règles parfois nouvelles et originales,
parfois empruntées à un système juridique, puis plus ou
moins modifiées, toujours nées d’un syncrétisme
juridique nous permettant de poser l’hypothèse de
l’existence de règles et de principes procéduraux de nature
transnationale. La procédure arbitrale transnationale, dont nous
examinerons certaines incarnations (Partie II), a pris forme pour répondre
aux besoins et aux attentes des parties pour une plus grande
prévisibilité en matière procédurale,
jumelée à une certaine flexibilité. L’adoption, par
exemple, des Règles
de l’IBA sur l’administration de la preuve dans l’arbitrage
international (ci-après
«les Règles de preuve de l’IBA»)[12]
ou des Principes de procédure civile transnationale
élaborés par ALI et UNIDROIT[13],
principes dont l’objectif premier est de s’appliquer aux litiges
internationaux devant les tribunaux étatiques, mais aussi aux arbitrages
commerciaux internationaux, répond à cet appel. Ces documents
témoignent de la nécessité de trouver des solutions qui
subliment celles proposées au niveau national, bien qu’elles
puissent en adopter certaines caractéristiques, et qui pallient les
lacunes et les silences des règlements institutionnels, tout en ralliant
les utilisateurs sous un paravent de prévisibilité[14]
et de flexibilité[15].
Les solutions que proposent ces outils sont elles-mêmes dynamiques. Elles
continuent en effet à subir les influences directes de la pratique qui,
par un effet de balancier, appelle les institutions savantes et
professionnelles à syntoniser périodiquement les solutions
proposées.
Deux facteurs en particulier auront permis et
favorisé, dans le domaine de la procédure, sa
transnationalisation: l’autonomie donnée aux parties et la large
discrétion octroyée aux arbitres.
L’autonomie de la volonté des
parties[16],
consacrée comme un de ses principes fondamentaux[17],
constitue en effet le maître mot de l’arbitrage commercial
international[18].
En vertu de ce principe, les parties sont entièrement libres de choisir
non seulement les règles de droit applicables au fond, mais aussi les
règles de la procédure, peu importe leur forme[19].
Cette autonomie est exprimée à
trois stades de l’arbitrage, soit lors de la résolution du conflit
devant l’arbitre, au stade de l’annulation et enfin à celui
de l’exécution de la sentence. Seul le premier étant stricto sensu pertinent à notre
étude, c’est sur ce dernier que nous nous attarderons.
Au premier stade, cette autonomie est
consacrée de manière presque universelle[20],
par exemple, avec l’article 19 de la Loi type de la Commission des
Nations Unies pour le droit commercial international sur l’arbitrage
commercial international (ci-après «la Loi-type de la
CNUDCI»)[21],
qui prévoit que: «Sous réserve des dispositions de la
présente loi, les parties sont libres de convenir de la procédure
à suivre par le tribunal arbitral». Dans son commentaire
explicatif, la CNUDCI reconnaît que:
«La liberté des parties de déterminer les
règles de la procédure est particulièrement importante
dans les différends internationaux dans la mesure où elle permet
aux parties de choisir ou d'adapter ces règles à leurs vœux
et à leurs besoins spécifiques, sans être limitées
par les concepts nationaux traditionnels et sans encourir le risque de
frustration déjà évoqué»[22].
Cet article 19 constitue la magna carta de la procédure arbitrale[23]
et procure une assise solide à la suprématie de l’autonomie
des parties dans le contexte de l’arbitrage commercial international.
D’autres instruments, comme les lois nationales en matière
d’arbitrage, et les règlements institutionnels, en consacrent le
statut de valeur phare[24].
Or, comment cette autonomie permet-elle
l’émergence de règles de procédure arbitrale
transnationale[25]?
Pour y répondre, il nous faut examiner de plus près si les
parties, dans les faits, ont recours à cette autonomie et, le cas
échéant, comment cette dernière est utilisée.
La doctrine et la jurisprudence en
matière de droit de l’arbitrage nous révèlent que
quand les parties décident d’user de l’autonomie qui leur
est donnée, celle-ci peut s’exprimer de deux manières. En
premier lieu, les parties peuvent convenir d’arrêter les
règles de procédure en les rédigeant de toutes
pièces, ou en s’inspirant, entre autres, de règlements
institutionnels. Ces règles pourront être incluses au sein de la
clause d’arbitrage, ce qui est très rare[26],
ou dans une entente écrite ou orale survenue après la naissance
du conflit, ce qui semble aussi fort peu fréquent. Ce constat suscite
l’étonnement: n’est-il pas surprenant que l’autonomie
dont jouissent pleinement les parties ne soit pas exploitée, cette dernière
étant habituellement perçue comme un privilège, une valeur
ajoutée, un avantage dont on ne saurait se priver? La pratique nous
révèle pourtant l’indigence des ententes contractuelles en
matière de procédure arbitrale, constatation qui demeure mal
expliquée[27].
On évoque parfois l’impasse dans les négociations, le
caractère irréconciliable des approches proposées par
l’une et l’autre des parties, la volonté des parties de
conclure à tout prix une entente sur les questions commerciales qui les
concernent sans pour ce faire, vouloir s’enfarger dans des détails
procéduraux, voire peut-être même un oubli des parties,
comme autant de facteurs pouvant expliquer cette réalité. Bien
qu’il puisse être regrettable que les parties ne fassent pas
davantage usage de cette liberté d’arrêter les règles
de procédure, liberté qui leur est pourtant «solennellement
et expressément»[28] reconnue, la pratique semble confirmer
qu’il s’agit là d’une réalité difficile
à contrer[29].
En second lieu, les parties pourront
préférer, comme cela est plus souvent le cas, faire
référence à un règlement ou à une loi
d’arbitrage[30]
proposant un modèle procédural spécifique et octroyant aux
arbitres le pouvoir de déterminer les questions qui n’y sont pas
abordées. Les
parties semblent y trouver une formule testée et approuvée par la
force du temps et de l’expérience, leur offrant un minimum de
sécurité quant au caractère exécutoire de la
sentence qui sera rendue, tout en leur garantissant une certaine
flexibilité.
Or, ces mêmes règlements institutionnels sont, comme
nous aurons l’occasion de le constater, fort peu détaillés
et se limitent à proposer un cadre procédural au sein duquel les
parties peuvent opérer afin de permettre le bon déroulement de
leur arbitrage. De nombreuses questions n’y sont pas abordées[31].
Ces règlements contiennent des dispositions sur la
façon dont l’arbitrage sera initié, les arbitres
nommés et les coûts et les frais de procédure
calculés ainsi que sur les motifs et la méthode de
récusation des arbitres et certaines formalités entourant la
sentence arbitrale, mais rien de plus. La
manière exacte selon laquelle l’arbitrage se déroulera est
donc laissée à l’entière discrétion des
parties[32],
et dans leur silence, à celles des arbitres. Il suffit par exemple de
penser aux questions intéressant la présentation et
l’administration de la preuve écrite et testimoniale, les
questions touchant à la confidentialité, au fardeau de la preuve,
à la préparation préalable des témoins. Ce sont ces
vides et ces silences qui permettent ou obligent le développement
d’une procédure arbitrale transnationale. Quand l’International Bar Association
(ci-après «IBA»), par exemple, décide d’adopter
(et de revoir périodiquement) des règles de preuve, c’est
avant tout pour combler un manque en la matière et, ce faisant, pour
assurer une plus grande prévisibilité aux parties[33].
La préface de la version 2010 le prévoit d’ailleurs:
«L’IBA a établi les
présentes Règles en vue de fournir aux parties et aux arbitres un
moyen d’assurer une procédure efficace, économique et
équitable pour l’administration de la preuve dans
l’arbitrage international. Les Règles prévoient des
mécanismes pour la production de documents, la présentation de
témoins de faits et de témoins experts, la réalisation
d’inspections ainsi que la tenue des audiences sur la preuve. Les
Règles peuvent être adoptées ou appliquées en
conjonction avec un règlement d’arbitrage institutionnel, ad
hoc, ou avec d’autres règlements ou procédures pouvant
être applicables dans le cadre d’arbitrages internationaux. Les
Règles IBA sur la preuve reflètent les procédures en
vigueur dans de nombreux systèmes juridiques et elles peuvent donc se
révéler d’une utilité toute particulière en
présence de parties de traditions juridiques différentes»[34].
Ces dernières
pourront donc avoir recours à de tels instruments et, dans les cas
où elles ne le feront pas explicitement, permettre aux arbitres
d’y avoir recours, soit à titre obligatoire, soit à titre
purement consultatif, pour trancher les questions procédurales qui se
présenteront à eux.
C’est donc,
d’une part, l’absence de règles spécifiques dans les
règlements institutionnels, jumelée au besoin
d’accéder à des solutions qui puissent répondre aux
besoins d’une communauté d’utilisateurs véritablement
internationale et, d’autre part comme nous serons à même de
le constater dans la prochaine sous-section (B), la large autonomie et
discrétion dont jouissent parties et arbitres qui auraient encouragé certains auteurs à
parler tour à tour de l’émergence de règles de procédure
arbitrale transnationale[35].
Dans les cas où
les parties n’auront pas, pour un ou plusieurs des motifs
déjà invoqués, usé de l’autonomie dont elles jouissent en matière de procédure, il reviendra aux arbitres de trancher, en vertu
de la large discrétion qui leur est octroyée par la grande
majorité des lois et des règlements applicables au domaine, les
questions procédurales qui se présenteront à eux[36].
L’usage fait par les arbitres de cette discrétion a lui aussi
encouragé l’émergence d’une procédure
arbitrale transnationale.
La très grande majorité (sinon la
presque totalité) des droits accorde aux arbitres le pouvoir presque
total de régler la procédure[37].
La Loi type de la CNUDCI, ainsi que la majorité des règlements
institutionnels en font de même, garantissant un niveau de discrétion similaire. Alors que certains d’entre eux le
reconnaissent de manière expresse[38],
les autres le consacrent par leur silence. L’arbitre à qui revient
la responsabilité de déterminer les règles de
procédure applicables ne sera aucunement obligé d’adopter
un modèle procédural quelconque, encore moins un modèle
procédural judiciaire[39].
Quand ils sont appelés à user de
cette discrétion, les arbitres du commerce international semblent
privilégier deux sources dans la quête de solutions
procédurales: (i) les aboutissants d’un processus de droit
comparé et (ii) les apports de la pratique tels qu’ils sont
parfois répertoriés par les institutions savantes. Comme nous
l’avons indiqué en introduction, la procédure arbitrale
transnationale naît de l’émergence de règles parfois
nouvelles et originales, parfois empruntées d’un système
juridique qui, bien que parfois modifiées, ont toujours
été issues d’un syncrétisme juridique permettant
l’éviction des particularismes locaux[40].
La conception que l’arbitre se fait
de l’arbitrage a une incidence toute particulière sur le choix de
méthodes que ce dernier préviligiera et sur les décisions
procédurales précises que celui-ci prendra. Si ce dernier
considère qu’il se substitue au juge du siège (conception
monolocalisatrice), ou plutôt que la sentence qui rendra tient sa
juridicité de plusieurs ordres juridiques distincts (conception
plurilocalisatrice), ou encore qu’il est l’acteur central
d’un ordre juridique arbitral (conception transnationale), les
réponses qu’il pourra apporter aux questions qui se posent
à lui pourraient varier grandement, surtout au chapitre des sources[41]. En
effet, on peut très bien concevoir qu’un arbitre qui est convaincu
qu’il tient son pouvoir de la loi du siège sera plus enclin
à privilégier une solution procédurale relevant de cet
ordre qu’un arbitre convaincu de l’existence d’une
procédure arbitrale transnationale[42].
Prenons un exemple. Un disciple de la vision monolocalisatrice pourrait
être plus enclin à permettre le contre-interrogatoire soutenu
d’un témoin car cette solution est celle qui serait retenue par le
juge du lieu du siège duquel il relève que celui qui au contraire
s’associe à l’école transnationale et pour qui il
n’en demeure pas moins que la loi du siège, bien que ne devant pas
être exclue, n’est qu’une source, parmi tant d’autres,
pour identifier la solution procédurale qui devrait être retenue
dans les circonstances particulières du dossier[43].
De par sa nature internationale, la pratique
arbitrale permet la création de solutions transnationales dès
lors que les arbitres s’engagent dans un processus de droit
comparé des différents systèmes processuels nationaux, et
ce, de manière à dégager des convergences et à
trouver des solutions répondant aux attentes et aux besoins des parties[44].
Selon Emmanuel Gaillard, grand défenseur de la notion des règles
transnationales et derrière qui nous nous rangeons entièrement
sur cette question, la méthode de droit comparé adoptée
par certains arbitres est apte à sécréter des règles
détaillées, susceptibles de revêtir tous les degrés
d’impérativité et dont la prévisibilité est
égale, voire supérieure, à celle qui résulterait
d’une approche conflictuelle classique[45].
Selon lui, «[s]on utilisation accrue par les arbitres du commerce
international, non seulement est de nature à assurer au mieux le respect
de l’attente légitime des parties, mais elle est, selon nous, en
pleine harmonie avec la vocation de ceux-ci d’être les juges
naturels de la société internationale»[46].
L’arbitre, soucieux de voir sa sentence
revêtir l’autorité juridique et morale nécessaire,
tentera dans la mesure du possible, d’une part, de faire abstraction de
sa propre appartenance à une tradition juridique donnée et,
d’autre part, de prendre connaissance de celle à laquelle les
parties se rapportent. Ceci lui permettra de procéder à une
synthèse correspondant à leurs attentes légitimes, entre
autres, à l’égard des différents modes de preuve.
Pour ce faire, l’arbitre international devra avoir un minimum de
connaissances en ce qui a trait aux différences fondamentales qui prévalent
entre les grandes familles de droit. En somme, il devra posséder une
certaine culture comparative lui permettant de procéder à ce
véritable exercice de synthèse.
Les arbitres pourront aussi avoir recours aux
solutions proposées dans des instruments adoptés par diverses
associations savantes et professionnelles, telles l’IBA, ALI (American Law Institute), UNIDROIT et la
CNUDCI[47],
dont il a déjà été question. Ainsi, les arbitres
ont-ils de moins en moins besoin d’innover en matière
procédurale et peuvent se référer à titre
consultatif, supplétif, ou obligatoire (si les parties l’ont
prévu), à ces documents savants ou professionnels qui proposent,
chacun à leur manière, des solutions précises aux
questions procédurales. L’émergence d’une soft law en matière
procédurale, véritable reflet des tenants et aboutissants de la
pratique, offre en effet aux arbitres un éventail de solutions aux
nombreuses questions susceptibles d’être soulevées.
Même dans les cas où les parties
n’auront pas prévu que les arbitres peuvent ou doivent avoir
recours à ces instruments, un nombre grandissant d’arbitres sont
d’avis qu’ils constituent un corps de modalités implicites[48],
un ensemble de règles, principes et usages procéduraux qui seront
appelés à s’appliquer parce qu’ils sont le miroir de
la réalité sur le terrain de l’arbitrage. Ces instruments
auraient une certaine autorité morale sur les choix qu’exerceront
les arbitres.
Dans les deux cas, que
ce soit par un exercice de droit comparé permettant à une
règle de procédure transnationale d’être
révélée ou confirmée au fil de la jurisprudence
arbitrale, ou par le recours des arbitres aux règles de la soft law procédurale
évoquées ci-dessus, ces derniers participent donc pleinement,
grâce à la discrétion dont ils disposent, au
développement et à la consécration de la procédure
arbitrale transnationale.
Ayant fait le constat de l’existence d’une
procédure arbitrale transnationale, il nous faut maintenant en examiner
quelques incarnations, si ce n’est que pour nous convaincre du rôle
important qu’elle joue au sein de l’arène arbitrale
internationale. D’esquisses et de
gros plans, ce sont surtout de représentations de la procédure
transnationale dont il sera ici question, avant de nous tourner,
brièvement, sur la question de son avenir et de la participation de la
Chine dans ce cheminement.
Les règles entourant les obligations
d’indépendance et d’impartialité rattachées au
rôle de l’arbitre, ainsi que la question de la préparation
préalable des témoins, sont deux exemples
révélateurs du dynamisme entourant la notion de procédure
arbitrale transnationale. Dans les deux cas, réglementation et pratique
sont à l’écoute l’une de l’autre et
répondent, par un effet de balancier, aux besoins des parties pour une
plus grande prévisibilité.
La double exigence
d’impartialité (caractérisée par l’aptitude du
décideur à connaître du litige sans préjugé)
et d’indépendance (définie comme l’absence de liens
matériels ou intellectuels avec l’une des parties)[49] se retrouve dans la plupart des lois
nationales et des règlements institutionnels en matière
d’arbitrage[50], consécration ultime de leur reconnaissance
au niveau universel. Or, depuis quelques années, d’importantes
controverses au niveau de leur interprétation et de leur application in concreto ont été
soulevées par les utilisateurs de l’arbitrage commercial
international. N’étant pas nimbées d’une quelconque
unanimité interprétative, plusieurs parties avaient
l’impression que ces notions n’étaient parfois pas
respectées par les arbitres. C’est le constat que fit le
comité de rédaction de la première version des Lignes directrices de l’IBA sur les
conflits d’intérêts dans arbitrage international[51]
parues en mai 2004 (ci-après «les lignes directrices») en
introduction:
«Même si les lois et les
règlements d’arbitrage posent certaines règles à cet
égard, leur application manque de précision et d’uniformité.
Il est en conséquence fréquent que les membres de la
communauté internationale de l’arbitrage appliquent des
règles différentes aux révélations, objections et
récusations auxquelles ils sont confrontés».
L’adoption des lignes directrices, approuvées
par le conseil de l’IBA en 2004, puis plus récemment en octobre
2014[52]
constitue un exemple révélateur de la réponse
donnée par la communauté
épistémique des utilisateurs de l’arbitrage commercial
international à l’appel lancé pour une plus grande
prévisibilité sur la question. Ces lignes directrices, adopté par l’un des
regroupements d’avocats les plus importants et les plus influents de la
planète, comme leur nom l’indique, ne prétendent pas
s’imposer à titre obligatoire. Elles ont pour seule prétention
de présenter des solutions pratiques aux parties et aux arbitres dans un
domaine où le manque de précision et la nécessité
d’y remédier sont tout aussi flagrants. Les paragraphes
introductifs des dites lignes directrices décrivent de façon
très convaincante ce besoin en affirmant: «Parties, arbitrators, institutions and courts face
complex decisions about the information that arbitrators should disclose and
the standards to apply to disclosure. In
addition, institutions and courts face difficult decisions when an objectionor
a challenge is made after a disclosure. There is a tension between, on the one
hand, the parties’ right to disclosure of circumstances that may call
into question an arbitrator’s impartiality or independence in order to
protect the parties’right to a fair hearing, and, on the other hand, the
need to avoid unnecessary challenges against arbitrators in order to protect
the parties’ ability to select arbitrators of their choosing»[53].
Le souhait des rédacteurs des lignes
directrices était bien sûr de suggérer des lignes
directrices de nature transnationale sur les questions qui touchent aux
conflits d’intérêts et, ce faisant, de proposer un
supplément aux dispositions générales que sont les
articles 12 et 13 de la Loi type de la CNUDCI, portant sur les motifs et la
procédure de récusation des arbitres[54]:
«It is intended that the Guidelines should contribute to uniform,
consistent and predictable practice in the international arbitration community,
among users, arbitrators and arbitral institutions like the ICC Court of
Arbitration and be of use to State courts called upon to decide
challenges»[55].
La mise à jour de ces lignes directrices
en 2014 démontre tout le dynamisme du processus de transnationalisation
de la procédure arbitrale. Le sous-comité chargé de
procéder à l’actualisation des lignes s’est en effet
penché, sur un certain nombre de questions qui avaient retenu
l’attention de la pratique depuis 2004: la renonciation préalable;
est-ce que cela fait pour un arbitre d’agir à la fois comme
arbitre et conseil dans deux dossiers distincts soulevant des questions
juridiques similaires peut, en soi, justifier l’exigence d’une
divulgation; la question de l’indépendance et de
l’impartialité des secrétaires appelées à
siéger auprès de tribunaux arbitraux; la question de conflits en
lien avec des questions juridiques; le financement par les tiers[56].
Longtemps, la question de la préparation
préalable des témoins se posait entre les conseils de traditions
juridiques différentes[57].
Pour les juristes œuvrant au sein de la common
law, une quelconque interdiction de procéder à cette
étape importante aurait pu se traduire en un manquement sérieux
à l’obligation de compétence professionnelle et aux
obligations d’ordre déontologique[58].
Parallèlement, le fait de participer pour les avocats de tradition
civiliste à une telle démarche s’avérait non
seulement contraire à la déontologie professionnelle (pouvant
mener à une mesure disciplinaire), mais contre-productive parce
qu’atrophiant la force probante du témoignage proposé.
Très tôt, les utilisateurs de l’arbitrage commercial
international ont donc ressenti le besoin de trouver une solution pratique
à cette aporie. En effet, dans le silence des parties ou quand celles-ci
sont incapables de s’entendre sur cette question, comment un arbitre (ou
trois, possiblement de trois horizons juridiques différents) peut-il
trancher une telle question au sujet de laquelle des solutions diamétralement
opposées sont proposées, sans pour autant, dans la mesure du
possible, fragiliser le caractère final de la sentence qu’il sera
appelé à rendre? Après avoir examiné et confirmé
l’existence d’une pratique émergente sur la question,
l’IBA proposa dans son article
4(3) qu’une partie, ses représentants, ses employés, ses
conseillers juridiques ou tout autre représentant puissent interviewer
un témoin ou un témoin potentiel avant son audition[59],
solution s’inspirant de l’approche de common law.
Bien que la règle proposée par l’IBA n’ait aucune influence, stricto sensu, sur la portée des
codes d’éthique professionnelle ou des codes adoptés par
les diverses associations professionnelles (bar
associations) qui, comme nous le savons, traitent eux aussi dans certains
pays de tradition civiliste, de la question de la préparation
préalable des témoins, il est intéressant de constater
l’influence qu’aura eu cette règle de procédure
arbitrale transnationale sur la réglementation interne. En France par
exemple, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris semble s’être inspiré de la
consécration par l’IBA de cette pratique quand il décida, au cours de sa séance du 26 février 2008[60], d’adopter à l’unanimité la résolution
suivante:
«Dans
le cadre des procédures arbitrales internationales, situées en
France ou à l’étranger, il entre dans la mission de
l’avocat de mesurer la pertinence et le sérieux des
témoignages produits au soutien des prétentions de son client, en
s’adaptant aux règles de procédure applicables. Dans cet
esprit, la préparation du témoin par l’avocat avant son
audition ne porte pas atteinte aux principes essentiels de la profession
d’avocat et s’inscrit dans une pratique communément admise
où l’avocat doit pouvoir exercer pleinement son rôle de
défenseur»[61].
Joli coup de balancier entre réglementations interne et
pratique, permettant à une règle de procédure
transnationale de naître, car reconnue comme étant la plus apte
à répondre aux attentes et aux besoins des parties, et qui
à son tour a permis l’adoption, au niveau interne, d’une
nouvelle règle mieux à même de répondre aux besoins
et attentes d’avocats œuvrant en France. Ce qu’il est aussi
intéressant de noter et qui témoigne du caractère
transnational de la solution retenue provient du fait qu’une telle
règle soit aujourd’hui maintenue et adoptée même
quand le conflit apparaît entre deux parties d’horizons civilistes
ne connaissant pas cette règle[62].
Un tel constat s’avère être la consécration ultime du
postulat selon lequel c’est bel et bien la valeur de la solution retenue
qui justifie la faveur donnée à la règle de
procédure arbitrale transnationale et non la nationalité des
utilisateurs ou un quelconque rapport de forces. Les solutions retenues par la
procédure arbitrale transnationale se veulent optimales; c’est en
effet la valeur de l’institution procédurale entendue au sens
large, en d’autres mots son efficacité, qui fait qu’elle
s’impose[63].
Pensons, à titre d’exemple, à la discovery (certes plus timide dans ses habits arbitraux) qui est
maintenant utilisée non seulement dans l’arbitrage commercial
international, mais aussi dans l’arbitrage commercial continental[64].
* * *
L’arbitrage a, de tout temps, su se
réinventer pour répondre aux besoins des parties, le
développement de la procédure arbitrale transnationale, et
l’accueil dont elle continue de bénéficier, le confirmant
de manière très contemporaine. Grâce, entre autres,
à l’autonomie des parties et à la large discrétion
dont jouissent les arbitres, une telle procédure a vu le jour et
continue de procurer prévisibilité et flexibilité aux
parties, allegro ma non troppo. En
effet, la procédure arbitrale transnationale ne recoupe pas tous les
incidents de procédure nécessitant une réponse au cours
d’un arbitrage. Certaines questions y échappent toujours.
Perdurent encore, dans les interstices de ces nombreuses solutions
transnationales des éléments qui en quelque sorte semblent
résister à toute forme de transnationalisation: pensons aux règles
touchant au rôle de l’arbitre dans le processus de règlement
d’un différend par le biais de la médiation[65],
à certaines questions rattachées à la loi applicable au
fond, ou aux principes reliés aux frais de l’arbitrage.
Alors que le processus de transnationalisation
se poursuit, il faut se demander si celui-ci pourra continuer à
répondre aux besoins des parties. Si en plus de vouloir
bénéficier d’une plus grande prévisibilité en
matière arbitrale, les parties souhaitent en effet se prévaloir
d’une forme de justice qui soit véritablement neutre[66],
il sera nécessaire de transcender les particularismes des cultures et
des traditions juridiques et aspirer au rayonnement d’une culture
arbitrale commune. Comme
nous le rappelle si bien El-Kosheri:
«In order to achieve a truly
universal culture, it is necessary to transcend the particularities of any
given culture and, going beyond regional and domestic experience, seek common
values and juridical and ethical canons that command universal acceptance. In
my view, it is not sufficient to insert in the various laws and regulations
similar rules of high technical sophistication and modernity. More important is
the spirit in which the rules and regulations are implemented under the
auspices of the arbitration proceedings. Therefore, it is of prime importance
to establish with precision what are the essential characteristics of the
prevailing universal arbitration culture according to which each regional or
domestic operating system could be evaluated and rated as being more or less in
conformity with the requirements of that culture»[67].
Peut-être aurons-nous alors l'occasion de voir s'établir une
volonté soucieuse de parler non pas d’une procédure
arbitrale transnationale, mais bien d’une procédure arbitrale
transculturelle[68].
Through courtship, the
international arbitration community seems to have embrassed a set of common
procedural rules. Some years ago, while discussions about lex mercatoria
elicited enthusiasm, the existence of a transnational arbitral procedure was
considered by many as a frivoulous hypothesis. Today, a growing number of
authors accept the seriousness and validity of such a proposition.
Very few fora are as
revealing as international commercial arbitration when it comes to attesting
the existence of a transnational arbitral procedure. In no other arena is party
autonomy coupled in the same manner and with such intensity with broad, albeit
non binding, arbitral discretion. In this article, autonomy and discretion are
presented as the goldsmiths of a transnational arbitral procedure that is
sensitive to users’ needs and expectations (Part I). Concrete examples
that confirm the dynamism infusing the concept of transnational arbitral
procedure and the pace with which it is developing, are examined (Part II).
La communauté internationale œuvrant dans la
sphère arbitrale, à force de se courtiser, semble avoir
consacré un ensemble de règles procédurales communes. Il y
a quelques années, la question de l’existence d’une
procédure arbitrale transnationale se posait encore comme une
hypothèse farfelue, s’insérant dans tout
l’enthousiasme que suscitaient alors les discussions entourant
l’existence de la lex mercatoria. On admet aujourd’hui non seulement
tout le sérieux et la validité de la thèse, mais on
reconnaît aussi tout le dynamisme qui l’anime.
Il existe fort peu de fora aussi
révélateur que celui de l’arbitrage commercial
international pour procéder
à la vérification, et à l’étude de l’existence
d’une procédure arbitrale transnationale. Dans aucune autre arène
l’autonomie des parties n’est-elle jumelée de la même
manière, et avec une pareille intensité, à une
discrétion arbitrale, certes supplétive, mais tout aussi vaste.
Dans cet article, les notions d’autonomie et de discrétion seront
présentées comme les orfèvres d’une procédure
arbitrale à l’écoute des besoins de ses utilisateurs
(Partie I). Par le prisme d’exemples concrets, permettant de confirmer le
dynamisme du phénomène et la cadence soutenue avec laquelle se
développe la procédure arbitrale transnationale, certains de ses
joyaux seront scrutés (Partie II).
[1] L’auteure est
avocate et professeure à la Faculté de droit de
l’Université de Montréal. Elle est aussi professeure
associée à la Faculté de droit de
l’Université de Sherbrooke. Ce texte est une version revue et
augmentée d’un article publié aux éditions
Thémis de la Faculté
de droit de l’Université de Montréal en 2012 sous le titre «Les
orfèvres de la procédure arbitrale transnationale et leurs
aboutissants», (2012) 45(1) R.J.T., 685-716. Il s’inspire aussi, en partie, de certaines
réflexions entamées par l’auteure dans sa thèse de
doctorat «La procédure arbitrale transnationale»
(thèse non publiée, Université de Paris XII, 17 juin 2006)
et d’un chapitre de livre à venir intitulé «Les
alizés et les cyclones de la procédure arbitrale
transnationale». Ce texte sera publié dans un ouvrage collectif
à venir: Regards croisés
sur les modes alternatifs de règlement de conflits, (Béatrice
Brenneur et Paola Cecchi-Dimeglio, directrices,
préface de Christophe Jamin,
avant-propos de Guy Canivet; à paraître en 2015 chez
Larcier/Bruylant).
[2] Voir à ce sujet, entre autres: Vincent Gautrais, Le contrat
électronique international, Bruxelles, Bruylant, 2002.
[3] Voir:
Philippe Kahn, «La lex mercatoria
et son destin», L’actualité de la pensée de
Berthold Goldman: Droit commercial international et européen, Paris, Panthéon-Assas, 2004,
25 et s., spéc. 27.
[4] Voir, par exemple: Axel Baum, «Reconciling anglo-saxon and
civil law procedure: the path to a procedural lex arbitrationis», dans Law of International Business and Dispute
Settlement in the 21st. Century, Liber Amicorum Karl-Heinz Böckstiegel,
Cologne, Heymanns, 2001, 21, à
la page 30; Karl Heinz Böckstiegel,
«Perspectives of Future Development in International Arbitration»,
dans Lawrence Newman et Richard Hill (dir.), The Leading Arbitrators’ Guide to International Arbitration,
New York, Juris Publishing, 2004, 495, à la page 507; Gary B. Born, «International Efforts at
Harmonization of Arbitration Statutes and Rules», dans International Commercial Arbitration,
Commentary and Materials, The Hague, Kluwer, 2001, 45, à la page 47; Jack J. Coe, «Pre-Hearing Techniques to
promote speed and cost effectiveness: some thoughts concerning arbitral process
design», (2002) 17 Int’l Arb.
Rep. 22; Siegfried H. Elsing et
John M. Townsend, «Bridging
the Common Law-Civil Law Divide in Arbitration», (2002) 18 Arb. Int’l. 59; Paul D.
Friedland, «A Standard Procedure for Presenting Evidence in
International Arbitration», (1996) Mealey’s
Int’l Arb. Rev. 133; Lee M.
Finkel et Robert F. Oberstein,
«Ten Commandments of Arbitration», (2000) 5 ADR Currents 19; Emmanuel
Gaillard et John Savage, Fouchard Gaillard Goldman on International Commercial Arbitration,
The Hague, Kluwer Law International, 1999; Emmanuel Gaillard, «Trente ans de Lex Mercatoria.
Pour une application sélective de la méthode
des principes généraux du droit», (1995) J.D.I. 5; Fabien Gélinas, «Arbitration and the Challenge of
Globalization», (2000) 17 J. of
Int’l Arb. 117; Dominique Hascher,
«Principes et pratiques de procédure dans l'arbitrage commercial
international», (1999) 279 R.C.A.D.I.
51-193; Elena. V. Helmer, «International Commercial Arbitration:
Americanized , Civilized or Harmonized?», (2003) Ohio St. J. of Disp. Res. 35-67; Michael F. Hoellering, «Interaction of Arbitration
Institutions and its Members in Promoting and Effective world-wide system of
international Commercial Arbitration», dans Law of International Business and Dispute Settlement in the 21st
Century (Recht der Internationalen Wirtschaft und Streiterledigung im 21
Jahrhundert), Liber Amicorum Karl-Heinz Böckstiegel, cit., 299,
à la page 304; Howard. M.
Holtzmann et Giorgio Bernini, «Comparative
Arbitration Practice», dans Pieter Sanders
(éd.), Comparative Arbitration
Practice and Public Policy in Arbitration, Deventer/Boston, Kluwer Law and
Taxation Publishers, 1987; Martin J.
Hunter, «Modern Trends in the Presentation of Evidence in
International Commercial Arbitration», (1992) 3 Am. Rev.
Int’l. Arb. 204; Catherine Kessedjan,
«La modélisation procédurale», dans Eric
Loquin et Catherine Kessedjan (dir.), La mondialisation du Droit, Paris, Litec, 2000, 237; Gabrielle Kaufmann-Kohler, «International Commercial Arbitration:
Globalization of Arbitral Procedure», (2003) 36 Vand. J. Trans. L. 1313-1333; Eric Loquin, «Une synthèse attendue du droit de
l’arbitrage commercial international: le traité de l’arbitrage
commercial international de Ph. Fouchard,
E. Gaillard et B. Goldman», (1996) 4 J.D.I.
909; Julian D. M. Lew et Lawrence Shore,
«Harmonizing Cultural Differences in International Commercial
Arbitration», (1999) 54 Disp. Res.
J. 32; Andreas F. Lowenfeld,
«The two-way mirror: international arbitration as comparative
procedure», (1995) Mich, Y. B.
Int’l Studies 163; Arthur Marriott,
«Pros and Cons of More Detailed Arbitration Proceedings, The Law
applicable to international arbitration», dans International Council for
Commercial Arbitration, The Hague, Kluwer Law International, 1996, 65,
à la page 72; Fali S. Nariman,
«East meets West: Tradition, Globalization and the Future of
Arbitration», (2004) 20 Arb.
Int’l. 123-137; William W.
Park, «Procedural Evolution in Business
Arbitration: Three Studies in Change», dans Arbitration of International Business
Disputes: Studies in Law and Practice,
Oxford University Press, 2006, 6; William W. Park, «The 2002 Freshfields
Lecture-Arbitration Protean Nature: The value of rules and the risks of
discretion», (2003) 19 Arb.
Int’l. 279-301; Alan S. Rau
et Edward F. Sherman,
«Tradition and Innovation in International Arbtiration Procedure»,
(1995) 30 Tex. Int’l L. J. 89;
John Uff, «The 1994 Bill Tompkins
Memorial Lecture», (1995) 61 Arbitration
18; Lucy Reed et Jonathan Sutcliffe, «The Americanization of International
Arbitration», (2001) 16-1 Int’l
Arb. Rep. 37; Pieter Sanders,
Quo Vadis Arbitration? Sixty Years of
Arbitration Practice, The Hague, Kluwer Law International, 1999; Hans Smit, «Substance and procedure in
international arbitration: The development of a new legal order», (1991)
65 Tul. L. Rev. 1309; Christopher Staughton, «Common Law and Civil
Law Procedures: Which is more inquisitorial? A Common Lawyer’s
response», (1989) 5 Arb.
Int’l 352; Albert Jan
Van den Berg, «Planning Efficient Arbitration Proceedings: The Law
Applicable in International Arbitration», dans International for commercial Arbitration, The Hague, Kluwer Law,
1996; Nathalie Voser,
«Harmonization by Promulgating Rules of Best International Practice in
International Arbitration», (May/June 2005) Schieds VZ, Zeitschrift fur Schiedsverfahren, German arbitration
Journal 113; J. Gillis Wetter,
«The internationalization of international arbitration: looking ahead to
the next ten years», (1995) 11 Arb.
Int’l 117-135.
[6] Christian Bühring-Uhle, Lars
Kirchhoff et Gabrielle Scherer, Arbitration and Mediation in International Business, The Hague, Kluwer
Law International, 2006, 72.
[8] Voir, par exemple: A. Baum, préc., note 4; K.-H.
Böckstiegel, préc., note 4; G. B. Born, préc., note 4; J. J. Coe, préc., note 4; S. H. Elsing et J. M.
Townsend, préc., note 4; P.
D. Friedland, préc.,
note 4; L. M. Finkel et R. F. Oberstein, préc., note 4;
E. Gaillard et J. Savage, préc., note 4; E. Gaillard, préc., note 4; F. Gélinas, préc., note 4; D. Hascher, préc., note 4; M. F. Hoellering, préc., note 4; H. M. Holtzmann et G. Bernini, préc., note 4; M. J.
Hunter, préc., note 4; G.
Kaufmann-Kohler, préc.,
note 4; C. Kessedjan, préc., note 4; J. D. M. Lew et L. Shore, préc., note 4; E. Loquin, préc.,
note 4; A. Marriott, préc., note 4; F. Nariman, préc., note 4; W. W. Park, préc., note 4; A. S.
Rau et E. F. Sherman, préc., note 4; L. Reed et J. Sutcliffe, préc., note 4; P. Sanders, préc., note 4; H. Smit, préc., note 4; C. Staughton, préc.,
note 4; N. Voser, préc.,
note 4; G. J. Wetter,
préc., note 4.
[9] Voir: Hilmar Raeschke-Kessler, «The contribution of international
arbitration to transnational procedural law», dans Gerald Aksen et Robert Georg Briner (dir.), Global
Reflections on International Law, Commerce and Dispute Resolution, Liber
Amicorum Robert Briner, Paris, ICC Publications, 2005, 647.
[10] C’est d’ailleurs cette autonomie qui
«favorise l’émergence de modalités spécifiques
à l’arbitrage du commerce international en atténuant les
divergences entre les différents systèmes juridiques»:
Jean-Jacques Arnaldez, Yves Derains et Dominique Hascher,
Recueil des sentences arbitrales de la
CCI, 1991-1995, La Haye, Kluwer, 1997, 523.
[11] Ils ne sont pas les seuls. L’auteure, dans sa thèse de doctorat, La procédure arbitrale transnationale,
est d’avis que le phénomène de la convergence tel
qu’il est vécu d’un point de vue interne et externe au
domaine de l’arbitrage, ainsi que le recul de la «loi» comme
unique ou principal instrument de réglementation, ont eux aussi
contribué à l’émergence d’une procédure
arbitrale transnationale. Voir, préc., note 1 (sur l’auteure).
[12] Consulter le site de l’IBA à l’adresse suivante : http://www
ibanet.org (version adoptée le
29 mai 2010).
Cette version des règles remplace the IBA Rules on the Taking of Evidence in
International Commercial Arbitration, en vigueur depuis 1999, qui
elles-mêmes remplaçaient the IBA
Supplementary Rules Governing the Presentation and Reception of Evidence in
International Commercial Arbitration, en vigueur depuis 1983.
[13] Disponibles sur le site d’UNIDROIT:
< http://www.unidroit.org/french/principles/civilprocedure/main.htm >. Le texte des Principes
et les commentaires les accompagnant ont été adoptés
par l’American Law Institute (ALI) en mai 2004 et par
l’Institut international pour l’unification du droit privé
(UNIDROIT) en avril 2004. D’autres institutions
savantes et des institutions d’arbitrage ont aussi adopté des
directives ou des règles portant sur différents aspects de la procédure
afin de garantir une plus grande prévisibilité aux parties en
matière procédurale: voir, par exemple, les Lignes directrices de l’ICDR à destination des arbitres
concernant l’échange d’informations adoptées en
mai 2008 par l’ICDR, disponibles à l’adresse suivante: <http://www.adr.org/icdr>;
voir aussi la publication de la Chambre de commerce internationale (ci-après
la CCI) intitulée Techniques pour
maîtriser le temps et les coûts dans l’arbitrage, Publication CCI n° 843, aussi
disponible en ligne: <http://www.iccwbo.org/uploadedFiles/TimeCost_F.pdf>. Dans la préface dudit document, l’indigence
des règlements institutionnels y est explicitement reconnue. Voir aussi la liste des directives, des protocoles et des règles
adoptés par le Chartered Institute
of Arbitators à l’adresse suivante: <http://www.ciarb.org/information-and-resources/practice-guidelines-and-protocols/list-of-guidelines-and-protocols/>. Le regroupement propose, entre autres, des directives sur les mesures
provisoires et conservatoires, sur les arbitrages multipartites, sur la
rémunération des arbitres, sur les coûts de
l’arbitrage, sur les intérêts, sur le recours aux experts et
sur les formalités entourant la rédaction d’une sentence.
[14] Selon certains auteurs, les parties à l’arbitrage
souhaitent y voir plus de prévisibilité procédurale: voir,
par exemple, les propos de Lawrence W. Newman
et David Zalowsky, «Cultural Predictabilitity in
International Arbitration», (2004) 3 Baker
& Mackenzie International Litigation and Arbitration Newsletter 5.
[15] Selon d’autres auteurs, la flexibilité de la
procédure arbitrale doit être protégée; voir, par
exemple, William W. Park, «Two faces of progress : fairness and
flexibility in arbitral procedure», (2007) 23 Arb. Int’l. 499. Selon certains auteurs, le besoin de
flexibilité et de prévisibilité doivent être
conciliés autrement aux différentes étapes du processus
arbitral: voir, par exemple, Howard M. Holtzman,
«Balancing the Need for Certainty
and Flexibility in International Arbitration Procedures», dans Richard B.
Lillich et Charles Nelson Brower, International Arbitration in the 21st Century: Towards Judicialization
and Uniformity, Irvington, New York, Transnational Publishers, 1993, 4.
[16] Gabrielle Kaufmann-Kohler, «Qui
contrôle l’arbitrage ? Autonomie des parties, pouvoirs des
arbitres et principe d’efficacité », dans Claude Reymond, Piero Bernardini et al., Liber
Amicorum Claude Reymond, Autour de l’arbitrage, Paris, Litec, 2004,
p. 153, à la page 155.
[17] Selon Julian D. Lew dans «Achieving the dream; autonomous
arbitration», (2006) 22 Arb. Int’l 179, 180,
l’autonomie des parties constitue toujours aujourd’hui la base
principale de l’arbitrage: «Party autonomy is still today the
principal basis for arbitration». Voir, dans ce même sens, la
résolution de l’Institut de droit international faite à
Saint-Jacques de Compostelle en 1989, qui prévoit que les parties
jouissent d’une «pleine autonomie» pour déterminer les
règles et principes de procédure qui peuvent être
empruntés à des sources non nationales. Voir: Article 6, Annuaire de l’Institut de droit
international, 1990, vol. 63, II, p. 219. Dans une sentence de la CCI,
Sentence CCI n° 1512
du 14 janvier 1970, Yearbook Co. Arb.,
vol. V, 1980, 174, Pierre Lalive va
même jusqu’à proposer que la primauté donnée
au principe de l’autonomie constituerait en quelque sorte une coutume
internationale: «What the defendant fails to appreciate or to take into account,
however, - and this is understandable concerning a problem of such
complexity-is the existence of an international custom now generally recognized
and an expression of which is to be found in international treaties signed by
most civilized States including Pakistan and India. According to this custom,
international commercial arbitration may be entirely detached or seperated from
the national laws of the parties: it shall only be governed by the rules of
arbitration chosen by the parties or referred to by the parties in their
agreement such as the ICC Rules in the present case». Comme le remarque G.
Kaufmann-Kohler, préc., note 16, no 46, 161, certains droits plus anciens ou de tradition
moins libérale prévoient encore une autonomie plus restreinte,
mais ils font figure d’exception. Nul besoin de rappeler bien sûr
que le principe d’autonomie de la volonté des parties n’est
pas seulement applicable au domaine de l’arbitrage commercial
international mais est universellement reconnu comme un des principes majeurs
du droit des contrats internationaux. Voir: Mohammed Bedjaoui, «Il était une fois la crue du
Nil… Pièges et séductions du droit comparé pour
l’arbitre international», dans Études
de procédure et d’arbitrage en l’honneur de
Jean-François Poudret, Faculté de droit de Lausanne, 1999,
315.
[18] Sigvar Jarvin,
«Les décisions de procédure des arbitres peuvent-elles
faire l’objet d’un recours juridictionnel?», (1998) Rev. arb. 611-636.
[19] Selon Dominique Hascher,
la théorie de la primauté devant être donnée au
principe de l’autonomie, défendue dans la doctrine entre autres
par messieurs Lalive, Mayer, von Mehren et Eisemann, va au rebours de la
théorie de la lex fori qui
postule, en ce qui concerne la loi applicable à la procédure, que
le choix du siège dicte le choix de la loi du siège comme la loi applicable
à la procédure. Voir: D. Hascher,
préc., note 4, 72.
[20] Voir la liste de pays ayant
adopté la Loi type de la CNUDCI ou s’en étant
inspirée: <http://www.uncitral.org>.
[21] Loi type de la CNUDCI sur
l’arbitrage commercial international 1985 avec les amendements
adoptés en 2006, Doc. off. A.G.
N.U., 40e sess., suppl. n° 17, Doc. N.U. A/40/17, annexe I, Doc.
off. A.G. N.U., 61e sess., suppl. n° 17, Doc. N.U. A/61/17, en ligne: <http://www.cnudci.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/1985Model_arbitration.html>. Il n’existe bien sûr aucune limite temporelle.
Les parties peuvent, dans la mesure où les garanties procédurales
sont respectées, modifier la procédure arbitrale à tout
moment. L’article 19 de la Loi type de la CNUDCI édicte, par
exemple, une sorte de droit continu de modifier la procédure.
[22] Le reste du paragraphe se lit comme suit: «Le pouvoir
discrétionnaire conféré en sus au tribunal arbitral est
également important, en ce qu'il lui permet d'adapter la
procédure aux caractéristiques particulières de
l'espèce sans être limité par la législation interne
traditionnellement applicable, y compris les dispositions nationales
régissant l'administration de la preuve. En outre, cette disposition
permet de régler les problèmes de procédure qui ne sont
pas envisagés dans la convention d'arbitrage ou par la loi type».
Dans le paragraphe suivant, il est dit: «Outre les dispositions
générales figurant à l'article 19, un certain nombre de
dispositions spéciales, qui reflètent aussi le principe de
l'autonomie des parties, confèrent au tribunal arbitral un pouvoir de
décision en la matière en l'absence d'accord entre les parties.
L'article 20, relatif au lieu de l'arbitrage, et l'article 22, relatif à
la langue utilisée dans la procédure arbitrale, en sont des
exemples d'une importance pratique particulière en ce qui concerne les
litiges internationaux».
[23] Travaux préparatoires de la Loi type: Seventh
Secretariat Note-Analytical comments on Draft Text, A/CN.9/264 (25 mars 1985),
cités par Howard M. Holtzmann et Joseph E. Neuhaus, A guide to the UNCITRAL Model Law on International Commercial
Arbitration: Legislative History and Commentary, Deventer/Boston, Kluwer
Law and Taxation Publishers, 1989, 559. Voir aussi : First Secretariat Note-Possible features
of Model Law, A/CN.0/207 (14 mai 1981).
[24] Voir, par exemple, le Règlement d’arbitrage de la
CCI, qui prévoit que les parties pourront, entre autres, choisir le
nombre d’arbitres, le droit applicable au fond, les règles
applicables à la procédure, le lieu de l’arbitrage et la
langue.
[25] Bien que nous postulons
l’existence d’une procédure arbitrale transnationale, loin
sommes-nous d’affirmer que cette dernière soit applicable à
tous les aspects de l’instance arbitrale, et qu’elle soit
applicable à toutes les causes, une sorte de one size fits all.
[27] Pierre Gabriel,
«Chemins du droit et droit chemin. Libres propos sur l’arbitrage
commercial international», dans Global
Reflections on International Law, Commercce and Dispute Resolution, Liber
Amicorum Robert Briner, cit., 299; voir aussi: Jean B. Racine, «Réflexions sur
l’autonomie de l’arbitrage commercial international. II.
L’arbitrage. Deuxième Séance», (2005) Rev. arb. 305, 322.
[28] Guy Horsmans
poursuit en disant: «Si
l'on veut réellement alléger la procédure et la rendre
rapide et efficace en faveur des parties, il faut faire preuve d'attention et
d'imagination et songer, dans chaque cas, aux modalités précises
et concrètes qui permettront la meilleure instruction possible du
litige. Il s'agit surtout d'arrêter les modes de preuve appropriés
à propos desquels les parties et les arbitres font rarement preuve
d'originalité, de préciser l'importance et la quantité des
communications de dossiers et d'éviter les dispersions tant au niveau
des faits qu'au niveau du droit pour concentrer, sur l'essentiel, les
contestations et les débats. Sauf décision contraire des parties,
les arbitres doivent, à cette fin, exercer le rôle du juge de la
mise en état en s'efforçant d'amener les parties à des
accords sur le choix des pièces, la détermination des points litigieux,
les modes de preuve, etc. Il est temps, en tout cas, de prendre conscience de
la qualité de l'arbitrage et la vérité de l'œuvre de
justice ne se mesurent ni au volume des dossiers, ni à la
quantité des écrits et des notes ni à la longueur des plaidoiries»
(références omises) Guy Horsmans, «Actualité et évolution du droit
belge de l'arbitrage», (1992) Rev.
arb. 31.
[29] Gabrielle Kaufmann-Kohler
remarque aussi pour sa part que dans les cas où les parties y ont
recours, les solutions qu’elles adoptent surprennent par leur manque
d’originalité, comme si souvent, le cordon ombilical qui les
rattache à un système judiciaire donné n’avait pas
été coupé. G.
Kaufmann-Kohler, préc., note 4, 1316.
[30] «Les parties peuvent aussi choisir de combiner des
principes appartenant à diverses lois étatiques, suivant toutes
les formes de dépeçage ou de cumul concevables»: Antoine Kassis, L’Autonomie de l’arbitrage commercial international, le
droit français en question, Paris, l’Harmattan, 2006, 236.
[31] Les institutions
elles-mêmes admettent que leurs règlements se limitent à
offrir un cadre procédural pour le déroulement d’un
arbitrage. Voir, par exemple, la préface des Techniques pour maîtriser le temps et les coûts dans
l’arbitrage, préc., note 10: «L’une des caractéristiques significatives de l’arbitrage
en tant que mécanisme conçu pour résoudre les
différends est que les règlements d’arbitrage donnent un
cadre à la procédure d’arbitrage mais rarement des
dispositions détaillées quant à la conduite de l’arbitrage.
Ainsi, les règlements d’arbitrage ne précisent pas toujours
s’il devrait y avoir un ou plusieurs échanges de mémoires.
Ils ne contiennent pas de dispositions détaillées concernant la
production de documents. Ils ne précisent pas davantage comment les
audiences doivent se dérouler ni, le cas échéant, comment
les témoins seront entendus. Cette caractéristique fondamentale
de l’arbitrage permet donc d’adopter des dispositions
spécifiques, sur mesure, adaptées à chaque
différend ainsi qu’aux traditions juridiques des parties et des
arbitres. En vue de déterminer les procédures les plus
appropriées à un arbitrage donné, il est utile et efficace
pour les parties et le tribunal arbitral de prendre, aussitôt que possible,
des décisions réfléchies sur les mesures les mieux
adaptées au différend en cause. A l’occasion de ces
décisions, il leur sera alors possible de façonner la
procédure arbitrale afin que sa durée et son coût soient
proportionnés aux enjeux de l’affaire et appropriés aux
prétentions et points en litige».
[32] Est-ce là un mauvais sort ou une
bénédiction? Cette question est au centre d’un débat
dont nous n’aurons pas l’occasion d’examiner les tenants et
aboutissants dans le contexte du présent article. À ce sujet,
voir, entre autres, les propos de W. W.
Park, «The 2002 Freshfields Lecture –Arbitration Protean
Nature: The value of rules and the risks of discretion», préc.,
note 4, 279-301.
[35] Certains auteurs ont
même prétendu que ces pratiques, règles et principes
forment un tout qu’il est loisible de baptiser soft law de la procédure, qui ne prétend pas
s’appliquer à titre obligatoire, comme le feraient les dispositions
d’une loi ou même d’un règlement institutionnel
auxquelles les parties auraient choisi de faire référence. Voir: Georges Abi-Saab,
«Éloge du droit assourdi - Quelques réflexions sur
le rôle de la soft law en droit international contemporain», dans Nouveaux Itinéraires en droit,
Hommage à François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, 60.
[36] Avant de trancher et de rendre une ordonnance
procédurale, l’arbitre pourrait aussi tenter de convaincre les
parties de s’entendre sur les questions procédurales soulevées
durant l’arbitrage.
[37] Pierre Mayer,
«Le pouvoir des arbitres de régler la procédure: une
analyse comparative des systèmes de civil law et de common law»,
(1995) Rev. arb. 163, 164. Certains
auteurs, dont Lord Mustill, sont d’avis que cette large discrétion
est parfois porteuse de dangers pour l’arbitre comme celui, réel, de penser que la culture
juridique dont il provient est nécessairement la meilleure:
«Perhaps, it is simply that those who have spent a working lifetime
achieving success in operating within one procedural structure may through
habits of mind be unreceptive to a suggestion that another would be better. Cultural
preconceptions are also relevant. From childhood, intellectually able people
are immersed in ways of approaching problems which are locally regarded, not
only as more effective, but also as being, in a subtle sense,
“better”. The rejection of an idea seems invariably to promote the
opposite. Thus, for example, it can seem that on occasion transnational law is
preferred to domestic law as a source of norms, simply because it is not
domestic law, and not necessarily because of its intrinsic merits. Again, one
cannot fail to be struck by the almost moral fervour which imbues some
contemporary debate about what is, after all, the niche activity of resolving
certain types of large complex cross-border mercantile disagreements. A special
kind of forensic chauvinism can obscure the true lines of the debate. Adapting
the words of a great philosopher, the contesting theorists raise a cloud of
dust and then complain that they cannot see through it. Antithetical
assumptions lead to antithetical opinions, and thence, when the opinions each
prove unsustainable without trimming, are followed by attempts to sustain them
nonetheless, rather than simply repair the ship plank by plank whilst it is at
sea»: Lord Justice Michael Mustill,
«Is it a bird…?», dans
Liber Amicorum Claude Reymond, Autour de l’Arbitrage, Paris,
Litec, 2004, 205-218, à la page 217.
[37] Lord
Justice Mustill, id.
[38] Voir, par exemple, l’article 1509 du Code de
procédure civile français qui prévoit : «Dans
le silence de la convention, l’arbitre règle la
procédure, autant qu’il est besoin, soit directement, soit par
référence à une loi ou à des règles de
procédure». Le Code de procédure civile du Québec
prévoit pour sa part à son article 944.1 que «[s]ous
réserve des dispositions du présent titre, les arbitres
procèdent à l’arbitrage suivant la procédure
qu’ils déterminent».
[39] Dans une ordonnance rendue dans
le contexte d’un arbitrage CCI, le tribunal arbitral s’exprimait de
la sorte à ce sujet: «It
stands to reason that many provisions in many national Code of Civil Procedure
have been enacted for the sole purpose of judicial proceedings before State Courts
and cannot therefore be transposed to the different domain of international
arbitration, which has a specific character and different requirements,
including that of flexibility». Ordonnance de la CCI
5699 en juillet 1987, citée dans D.
Hascher, préc., note 4, 77. Il est intéressant de noter
que jusqu’en 1975, le règlement
de la CCI exigeait que la loi nationale d’un pays donné soit
appliquée pour régler les questions de procédure dans les
cas où les parties n’avaient rien prévu à cet effet.
En 1975, le règlement fut changé prévoyant que
l’arbitre, face au silence des parties sur la question de la
procédure applicable, est libre d’établir cette
dernière sans pour autant être contraint de faire
référence à une loi nationale quelconque. La Loi type de
la CNUDCI, ainsi que la grande majorité des lois nationales et des
règlements institutionnels garantissent aujourd’hui un niveau de
discrétion similaire.
[40] Emmanuel Gaillard,
«Du bon usage du droit
comparé dans l’arbitrage international», (2005) 2 Rev. arb. 375, 385.
[41] C’est le professeur Emmanuel Gaillard qui le premier a
identifié ces trois conceptions de l’arbitrage dans son ouvrage Les Aspects philosophiques de
l’arbitrage, Leiden, Brill/Nijhoff, 2008, 39 et ss. Selon la
première conception, l’arbitrage international est une composante
de l’ordre juridique étatique et l’arbitre en est une
émanation. La deuxième conception présente
l’arbitrage commercial comme étant fondé sur une pluralité
d’ordres juridiques. La loi du siège n’est donc dans cette
perspective qu’un point d’attache parmi beaucoup d’autres. La
troisième conception postule l’existence d’un ordre
juridique arbitral, distinct de celui du siège. L’arbitre se
conçoit ici comme un décideur au service de la communauté
internationale qui pour rendre ses décisions pourra entre autres faire
appel à un approche transnationale lui permettant de miser sur les solutions
dégagées de normes généralement acceptées
par la communauté internationale et qui témoignent d’une
certaine convergence. Voir
Emmanuel Gaillard, id., 73.
[47] En 2010, la CNUDCI a présenté une version
révisée de son règlement d’arbitrage, disponible en
ligne: <http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/arbitration/arb-rules-revised/arb-rules-revised-f.pdf>.
Il est
intéressant de noter les propos contenus dans la Résolution adoptée par
l’Assemblée générale [sur la base du rapport de la Sixième Commission (A/65/465)]: «Notant que le Règlement d’arbitrage est considéré comme
un texte très réussi et qu’il est appliqué dans des
situations très diverses recouvrant une grande variété de
litiges partout dans le monde, par exemple les litiges entre parties
privées commerciales, les litiges entre investisseurs et États,
les litiges entre États et les litiges commerciaux soumis à des organismes
d’arbitrage, Reconnaissant la nécessité de
réviser le Règlement d’arbitrage pour suivre les pratiques
actuelles du commerce international et tenir compte des changements survenus au
cours des trente dernières années dans la pratique de
l’arbitrage, Estimant que le Règlement d’arbitrage,
tel que révisé en 2010 pour tenir compte des pratiques actuelles,
renforcera considérablement l’efficacité des arbitrages
qu’il régira, Convaincue qu’une révision du Règlement d’arbitrage qui soit
acceptable pour des pays dotés de systèmes juridiques, sociaux et
économiques différents peut contribuer de façon
appréciable au développement de relations économiques
internationales harmonieuses et au renforcement continu de l’état
de droit».
[48] Voir, par exemple: J.
Martin Hunter,
«Arbitration procedure in England: past, present and future»,
(1985) 1 Arb. Int’l 82-102.
[49] Serge Guinchard, Droit processuel, Droit
commun et droit comparé du procès, 5e éd., Paris,
Dalloz, 2009, 1268-1269.
[50] La majorité des lois d’arbitrage se limitent en
effet à énoncer le critère d’impartialité ou
d’indépendance ou les deux, sans apporter aucune autre
précision quant au sens précis à donner à ces
notions. C’est le cas, par exemple, de la Loi type de la CNUDCI, dont
l’article 12(2) prévoit: «Un arbitre ne peut être
récusé que s’il existe des circonstances de nature à
soulever des doutes légitimes sur son impartialité ou son
indépendance, ou si celui-ci ne possède pas les qualifications
convenues par les parties. Une partie ne peut récuser l’arbitre
qu’elle a nommé ou à la nomination duquel elle a
participé que pour une cause dont elle a eu connaissance après
cette nomination». Pour un exposé intéressant des différentes
approches proposées par diverses législations, voir: Otto de Witt Wijnen, Nathalie Voser et Neomi Rao,
«Background information in the IBA Guidelines on Conflicts of Interest in
International Arbitration», (2004) 5 B.
L. I 441. Le règlement de la CCI, dans sa version en vigueur depuis
1998, parlait uniquement d’indépendance (voir article 7: «Tout arbitre doit
être et demeurer indépendant des parties en cause »). Dans sa version de 2012, la CCI a ajouté la notion
d’impartialité (voir article 7: «Tout arbitre doit
être et demeurer impartial et indépendant des parties en cause»).
Le règlement d’arbitrage de la LCIA mentionne pour sa part les
deux critères. (Voir
l’article 5.2 qui prévoit: «Tous les arbitres
siègeant en vertu du présent Règlement doivent être
et demeurer à toute époque impartiaux et indépendants des
parties; et aucun d'eux ne doit agir dans l'arbitrage comme avocat d'une
partie. Nul arbitre ne doit conseiller une partie, avant ou après sa
nomination, sur le fond ou sur le résultat du litige»).
[51] Voir: <http://www.ibanet.org>. Il est intéressant
de remarquer que le qualificatif «commercial» n’est pas
mentionné dans le titre de ces lignes
directrices. Le groupe de
travail indique, à titre introductif, que ce choix fut
délibéré de sa part, en vue de commentaires reçus
à l’effet que les lignes
directices devraient aussi être applicables à
d’autres types d’arbitrage dont l’arbitrage dans le domaine
des investissements (dans la mesure bien sûr où ces derniers ne
sont pas considérés comme étant commerciaux).
[52] Adoptées le 23 octobre 2014, disponibles en ligne. Voir:
www.ibanet.org/.../publications_IBA_guides_and_free_materials.aspx (consultées le 12 décembre 2014).
[54] Les deux dispositions en question mentionnent le critère
d’indépendance et d’impartialité mais ne proposent
aucun critère pour en déterminer l’existence dans une
situation donnée. Il est intéressant, par ailleurs, que lors de
la révision de son règlement d’arbitrage menant à
l’adoption de la version applicable à partir de 2012, la CCI
n’a pas jugé nécesaire d’élaborer de
critères pour définir ou bâliser les notions d’indépendance
et d’impartialité, mais s’est limitée à
ajouter le critère d’indépendance à son article 11.
[56] Voir préface des lignes
directrices, préc., note 52: «The subcommittee has carefully
considered a number of issues that have received attention in international
arbitration practice since 2004, such a the effects of so called
‘advanced waivers’, whether the fact of acting concurrently as
counsel and arbitrator in unrelated cases raising similar legal issues warrants
disclosure, ‘issue’ conflicts, the independence and impartiality of
arbitral or administrative secretaries and third party funding. The revised
Guidelines reflect the Subcommittee’s conclusions on these issues».
[57] Voir: Hans Van Houtte, «
Counsel-witness relations and professional misconduct in civil law systems», (2003) 19 Arb. Int’l. 457-463.
[59] Le texte original prévoit :
«It shall not be improper for a Party, its officers, employees, legal
advisors or other representatives to interview its witnesses or potential
witnesses».
[61] En Belgique par exemple,
un tel type de préparation continue à être interdite, mais
on y tolère cette pratique dans le cas d’arbitrages
étrangers ou transnationaux. Voir, à ce sujet: H. Van Houtte, préc.,
note 57.
[63] Voir, par exemple, sur ce point: Berthold Goldman, «Instance judiciaire et
instance arbitrale internationale», dans Études offertes à P. Bellet, Paris, Litec, 1991.
[65] Au moment de la
rédaction de sa thèse portant sur le phénomène de
la procédure arbitrale transnationale, la doctrine, telle que
revisée par l'auteure, était
d’avis qu’il n’existait pas encore de consensus suffisant
pour parler d’une règle transnationale portant sur le pouvoir de
l’arbitre de favoriser une entente entre les parties. Or, dans la
dernière mouture de son Règlement d’arbitrage, la CCI
propose, dans son Appendice IV
intitulé «Techniques de Gestion de la Procédure», une
liste d’exemples de procédés pour la conduite de la
procédure que le tribunal et les parties peuvent adopter. On y parle,
entre autres, de la possibilité de segmenter la procédure ou de
rendre une ou plusieurs sentences partielles, d’identifier les questions
sur lesquelles un accord entre les parties ou leurs experts est possible, de
déterminer celles au sujet desquelles une preuve orale n’est pas
nécessaire, de simplifier les procédures entourant la preuve
documentaire, de limiter la longueur et la portée des écritures
mais aussi celles des déclarations écrites et orales, de
circonscrire les occasions de rencontres physiques lorsque ces dernières
ne sont pas indispensables et de prévoir une rencontre pour planifier le
déroulement de l’audience. Il est intéressant de noter que
l’appendice fait aussi référence à une publication
de la CCI intitulée « Techniques pour maîtriser le
temps et les coûts de l’arbitrage» qui propose d’autres
modalités pour la réduction de ces deux fléaux. Ledit
appendice se prononce de plus sur la question du rôle de l’arbitre
dans le règlement du différend entre les parties. À la
sous-section h) l’appendice prévoit maintenant ces dispositions:
« (i) informer les parties qu’elles sont libres de régler
tout ou partie de leur litige par la négociation ou par toute
méthode de règlement amiable des différends telle que, par
exemple, une médiation conduite conformément au Règlement
ADR de la CCI; (ii) Lorsque les parties et le tribunal arbitral en sont
convenus, le tribunal arbitral peut prendre des mesures afin de faciliter un
accord sur le litige, à condition de faire tous les efforts pour que
toute sentence à intervenir soit susceptible de sanction
légale». Au niveau de l’approche, l’adoption
d’un appendice est intéressante et révélatrice.
D’une part, il semble que dans cette version, la CCI ait souhaité
faire preuve d’un plus grand pragmatisme en offrant des solutions plus
pointues et pratiques sur certaines questions sans pour autant faire de ces
solutions des dispositions générales du règlement. La CCI
lance ainsi un message double de direction et de réserve:
l’autonomie des parties et la discrétion arbitrale demeurent le
mot d’ordre. La CCI se permet d’être un peu plus directive en
outillant parties et arbitres avec des suggestions pratiques pour pallier aux
risques reconnus à l’exercice de ces prérogatives.
D’autre part, le fait d’adopter un appendice fait-il état du
doute qu’entretient la CCI quant à savoir si les solutions
qu’elle propose représentent véritablement des règles
(ou des pratiques) transnationales? La CCI ferait-elle preuve de
timidité ou plutôt de réserve
délibérée? L’appendice à un règlement
représenterait-il en quelque sorte la phase de probation,
l’antichambre d’une pratique avant qu’elle ne devienne
règle de procédure arbitrale transnationale? Et que dire aussi de
la liste plus complète de techniques pour maîtriser le temps et
les coûts dans l’arbitrage contenue dans une publication de la CCI
et à laquelle il est fait référence à la toute fin
de l’appendice IV? Cette publication fait-elle état d’une
étape dans la transnationalisation d’une règle? Peut-on
penser qu’elle en deviendra un passage obligé? Autant de questions
qui demeurent pour le moment sans réponse mais que l’avenir saura
probablement éclairer.
[66] La neutralité est souvent identifiée comme
étant l’une des principales préoccupations des utilisateurs
de l’arbitrage commercial international. Voir: C. Bühring-Uhle, L.
Kirchhoff et G. Scherer,
préc., note 6, 109 et Bernard
Hanotiau, «L’arbitre garant du respect des valeurs de
l’arbitrage», dans Gerald Aksen
et Robert Georg Briner, Global Reflections on International Law,
Commerce and Dispute Resolution, Liber Amicorum Robert Briner, cit., 365.
[67] Ahmed Sadek El-Kosheri, «Universalism Versus Regionalism
in Today’s Arbitration Culture», dans Gobal Reflections on International Law, Commerce and Dispute Resolution,
Liber Amicorum in Honour of Robert Briner,
cit., 247, à la page 249.