N° 2 - Marzo 2003 – Lavori in corso –
Contributi
COMMUNAUTES RELIGIEUSES ET SYSTEME
POLITIQUE AU LIBAN
Sommaire: Introduction 1- La
formation du système communautaire - 1.1- Les
origines des communautés religieuses au Liban - 1.2 - Le système communautaire dans le Liban moderne
– 2 - Vers la suppression du système communautaire?
- 2.1- La révision de la Constitution - 2.2 - Le contre-courant - Conclusion
Introduction
C’est sans doute
au «pays du cèdre» que les relations entre traditions religieuses et
institutions politiques présentent le plus d’originalité. Il ne s’agit
d’ailleurs pas de simples influences indirectes des premières sur les secondes:
les groupes religieux dominants eux - mêmes y jouissent en effet d’une assise
constitutionnelle incomparable, à tel point qu’on peut dire sans exagération
que ce sont eux qui forment jusqu’à présent l’Etat. Il suffit pour s’en
convaincre de remarquer que la possession de la nationalité libanaise ne peut
être dissociée de l’appartenance, au moins formelle, à l’une des dix-huit
communautés religieuses qui y sont reconnues officiellement. Ceci, on s’en
doute aisément, ne va d’ailleurs pas sans poser à l’heure actuelle certains
problèmes, qu’il faudra un jour ou l’autre se résoudre à régler. Quelles sont
donc ces communautés et d’où viennent-elles? Par quel cheminement en sont-elles
venues à acquérir le statut qu’elles possèdent de nos jours? Quel est et quel
sera dans l’avenir leur rôle et leur place dans l’Etat? La révision de
Le système communautaire adopté
au Liban provient principalement de la conjonction de deux données: d’un côté,
la multiplication, en Orient, des Eglises chrétiennes à la suite des schismes
des premiers siècles et du Grand schisme de 1504 et la survie de ces Eglises,
en plus du judaïsme, à l’ombre de l’islam (1.1), et de l’autre, l’organisation
de ces groupes, auxquels se sont ajoutés des groupes musulmans, non pas comme
un ensemble groupe dominant - minorité, mais comme une mosaïque de minorités
dans le Liban agrandi de 1920 (1.2).
L’histoire des communautés
religieuses du Liban est complexe, voire obscure dans certains de ces éléments,
tels que les débuts de la communauté maronite, qui constitue actuellement le
groupe majoritaire parmi les communautés chrétiennes. Mais en même temps qu’elle
explique les origines du système politique actuel au Liban, cette histoire se
confond dans une large mesure avec l’histoire des groupes religieux dans toute
la région du Proche - Orient. Elle remonte au IVe siècle après Jésus-Christ, à
l’époque où les querelles théologiques, notamment christologiques, aux suites
souvent sanglantes, ont divisé les chrétiens d’Orient et provoqué les premiers
schismes. A ces débats sur la nature du Christ venaient d’ailleurs se mêler des
considérations d’ordre politique, et on peut dire nationalistes, reflet de
l’opposition entre Constantinople d’un côté, et les chrétiens de Syrie, de
Mésopotamie, d’Arménie, d’Egypte et d’Ethiopie de l’autre[1].
La doctrine orthodoxe
La doctrine de l’Eglise
officielle des premiers siècles du christianisme, celle de Rome et de
Constantinople, telle qu’elle sera précisée lors des premiers conciles (et
telle qu’elle existe encore de nos jours), considérait que le Christ réunit en
sa personne unique deux natures intimement liées: une nature divine et une
nature humaine. Cette Eglise était organisée en quatre Patriarcats qui sont, en
plus de Rome: Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Le Liban et
L’arianisme
On sait que la doctrine d’Arius,
selon laquelle le Christ n’a pas existé de toute éternité, mais a été créé par
Dieu le Père, a été condamnée comme hérésie par le concile de Nicée en 325 (je
renvoie ici à l’excellente communication de M. Antonio Piras). Mais Arius sera
rappelé d’exil par l’empereur Constantin lui-même et on a continué, pendant les
siècles qui ont suivi, à se poser les mêmes questions: le Christ avait-il deux
natures, divine et humaine, ou une nature unique et laquelle? Dans le premier
cas, n’avait-il pas une seule volonté?
Le nestorianisme
Parmi les doctrines qui ont été
élaborées à ce sujet, il faut mentionner le nestorianisme (du nom de Nestorius,
archevêque de Constantinople de 428 à 431) doctrine selon laquelle les deux
natures du Christ s’unissaient par la volonté de Dieu, mais bien qu’agissant
comme une seule personne, elles ne formaient pas l’unité d’un seul individu.
C’est pour cette raison que la vierge Marie ne peut être nommée «mère de Dieu»,
la nature divine du Christ ne venant pas d’elle, mais de Dieu le Père. Seule la
nature humaine du Christ a subi les souffrances de la crucifixion. Le
nestorianisme fut donc condamné comme hérésie au Concile d’Ephèse en 431. Le
nestorianisme se développa alors loin de Constantinople, en Perse et en
Mésopotamie. L’Eglise nestorienne indépendante fut proclamée, qui eut son
patriarche et ses évêques, sa théologie, sa liturgie et son droit canonique. La
foi de ses adeptes les conduisit en Arabie et même, au XIIIe siècle, en Inde,
en Chine et en Mongolie. La majorité des nestoriens, appelés également
assyriens, se trouve actuellement en Irak. On trouve également des assyriens en
Syrie. Au Liban, ils constituent, sous la nouvelle dénomination de «Communauté
orientale assyrienne orthodoxe», l’une des dix-huit communautés dites
historiques, c’est-à-dire reconnues officiellement et prenant part au système
communautaire qui sera décrit plus loin.
Les nestoriens de l’Inde
finirent par rejoindre l’église catholique au XVIe siècle à la suite de
l’occupation portugaise. Certains nestoriens d’Irak firent de même; ils
supprimèrent naturellement le terme de nestoriens de leur dénomination et
conservèrent celui de chaldéens. Mais les chaldéens ont également leur
Patriarcat au Liban, et constituent, eux aussi, l’une des communautés
officielles. D’autres nestoriens rejoignirent le Patriarcat jacobite d’Antioche
qui adopte la doctrine monophysite.
Le monophysisme
Celle-ci était prêchée par le
moine Eutychès, pour qui le Christ n’avait qu’une seule nature: la nature
divine. En 449, un Synode des plus agités, réuni à Ephèse, réussit à proclamer
la vérité de cette doctrine. Mais le Pape Léon 1er, qualifiant l’événement de
«brigandage» (latrocinium), fit
réunir en 451 par l’empereur d’Orient Marcien le concile de Chalcédoine.
Celui-ci, groupant six cents évêques, annula les décisions du «faux synode
d’Ephèse», et condamna l’eutychianisme. La controverse ne fit alors que
s’amplifier. Excommuniés au début du VIe siècle sous la pression de l’empereur
Justinien, les monophysites formèrent leur propre Eglise. Les Patriarcats
d’Antioche et d’Alexandrie (mais non celui de Jérusalem) se divisèrent chacun
en deux Patriarcats ennemis: tandis que les fonctionnaires et les familles
d’origine ou de culture grecque, en Syrie, en Palestine ou en Egypte, restaient
fidèles aux quatre Patriarches impériaux «chalcédoniens», les autres Syriens,
les Arméniens, les Coptes et les Ethiopiens, donnant aux premiers le surnom de
Melkites (du syriaque mlaka et de
l’arménien malik, «roi», pour dire
qu’ils sont partisans de l’empereur), se ralliaient aux patriarches
monophysites. Ces Eglises nouvelles créèrent chacune sa hiérarchie, sa liturgie
et son droit canonique: Eglise jacobite en Syrie (du nom de Jacob Baradaï,
moine syrien, évêque d’Edesse), Eglise arménienne, Eglise copte, Eglise
d’Ethiopie.
Les maronites
Quant aux maronites, c’est une
communauté qui a pris naissance au nord de
L’arrivée de l’islam en Syrie et
en Palestine en 636, puis en Egypte quelques années plus tard, loin de mettre
fin à l’existence des communautés chrétiennes et juives dans la région, leur a
assigné un statut spécifique, en raison de l’enseignement du Coran qui exigeait
que l’on tolère les «gens du Livre». Certes, ce précepte sera très souvent
transgressé, notamment par les Mamelouks, mais les communautés chrétiennes et
juives, qui ne pouvaient pas faire partie de
Mais l’islam eut à son tour ses
schismes et ses dissidences, et certains groupes de chiites, d’alaouites,
d’ismaélites et de druzes ont fini par trouver leur chemin vers les montagnes
boisées du Liban, si propices à l’isolement.
Le schisme d’Orient, qui vit la
rupture, en 1054, entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise d’Orient, n’eut
pas de répercussions immédiates sur les Eglises dont la formation a été décrite
plus haut. A l’exception de l’Eglise maronite, qui a toujours conservé ses
liens avec l’Eglise latine, celles qui étaient fidèles à l’orthodoxie de Rome
et de Constantinople se sont ralliées par la nature des choses à
Constantinople, sous la houlette de l’islam qui, en raison des croisades, se
méfiait de l’Eglise latine. Mais le Vatican a commencé à partir du XVIIe siècle
à s’intéresser à la région en y envoyant des missionnaires, ce qui conduisit à
de nouvelles scissions au sein de certaines des Eglises établies, dont certains
de leurs membres se sont ralliés à Rome, en créant de nouveaux Patriarcats,
rivaux des Patriarcats existants. C’est ainsi qu’on voit apparaître les
arméniens catholiques, les syriaques catholiques, les «grecs» catholiques
melkites (unis à Rome en 1724), les chaldéens (déjà mentionnés, unis à Rome en
1681): ce sont les Eglises dites de rite oriental ou Eglises uniates, auxquels
sont venus s’ajouter les latins. Toutes ces communautés font partie du système
communautaire libanais.
Sous l’Empire ottoman, le Sultan
accorde son assentiment à l’élection des patriarches ou des grands rabbins par
un Firman qui leur donne l’autorité
de gouverner chacun sa Millet ou
communauté. La protection des chrétiens, et plus particulièrement celle des
uniates était renforcée par le régime des capitulations, établi par une série
de traités successifs avec le Sultan, inaugurée par François 1er et Soliman le
Magnifique. Ce régime concernait à l’origine les seuls ressortissants
catholiques européens, mais c’est étendu graduellement aux membres des Eglises
unies à Rome. Mais les membres de toutes les minorités de l’Empire ottoman ont
vu par la suite leurs libertés consacrées par les Tanzimats, premières dispositions constitutionnelles de l’empire,
établies sous la pression des puissances occidentales[5].
Au Liban, les conflits sanglants
qui ont commencé en 1840 entre chrétiens et druzes ont conduit à une nouvelle
organisation: le Mont Liban fut divisé par les ottomans en deux circonscriptions:
celle du nord, à majorité chrétienne, et celle du sud, à majorité druze,
chacune étant administrée par un Kaïmmakam
de la confession majoritaire. Les heurts s’étant renouvelés, on établit
sous le contrôle des puissances européennes concernées par ce qu’on a appelé la
question d’Orient le système dit du Moutassarifat: le Mont Liban était
administré par un gouverneur dit Motassarref,
ressortissant ottoman étranger au Mont Liban, mais de religion chrétienne.
Celui-ci était entouré d’un Conseil administratif de douze membres représentant
les différentes communautés[6].
La nouvelle organisation privait le Liban d’une partie de son territoire qui
fut rattachée à la province syrienne de l’Empire ottoman.
Le 1er septembre 1920, le
haut-commissaire de le France au Liban proclame l’Etat du Grand Liban, en vertu
de quoi le Liban retrouve ses frontières naturelles.
La «Déclaration du Mandat»,
adoptée le 24 juillet 1922 par le Conseil de
Instituer «un système judiciaire
assurant, tant aux indigènes qu’aux étrangers, la garantie complète de leurs
droits», étant entendu que «le respect du statut personnel des diverses
populations et de leurs intérêts religieux sera entièrement garanti(...)»
(article 6 de
S’abstenir de porter aucune
atteinte aux droits des communautés, (...) conserver leurs écoles, en vue de
l’instruction et de l’éducation de leurs membres (...) (art. 8, 3).
S’abstenir de «toute intervention
(...) dans la direction des communautés religieuses (...) dont les immunités
sont expressément garanties» (art. 9).
La «Commission législative»,
mise en place en 1920 par
L’arrêté N° 60/LR du haut -
commissaire de France au Liban, daté du 13 mars 1936, consacre le statut des
communautés religieuses dites historiques et désigne dans un tableau annexe ces
communautés. Cette liste, qui a subi ultérieurement quelques modifications, se
présente actuellement comme suit[7]:
Communautés chrétiennes
Patriarcat maronite
Patriarcat grec orthodoxe
Patriarcat grec catholique
melkite
Patriarcat arménien grégorien
(orthodoxe)
Patriarcat arménien catholique
Patriarcat syriaque orthodoxe [jacobite]
Patriarcat syriaque catholique
Communauté orientale assyrienne
orthodoxe
Patriarcat chaldéen
Eglise latine
Eglise copte orthodoxe
Communautés musulmanes
Communauté sunnite
Communauté chiite (jaafarite)
Communauté alaouite
Communauté ismaélite
Communauté druze
Communauté israélite
«La liberté de conscience est
absolue. En rendant hommage au Très-Haut, l’Etat respecte toutes les
confessions et en garantit et protège le libre exercice, à condition qu’il ne
soit pas porté atteinte à l’ordre public. Il garantit également aux populations
à quelque rites qu’elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et
leurs intérêts religieux».
L’article 10 dispose:
«L’enseignement est libre, en
tant qu’il n’est pas contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs et qu’il
ne touche pas à la dignité des confessions. Il ne sera porté aucune atteinte
aux droits des communautés d’avoir leurs écoles, sous réserve des prescriptions
générales sur l’instruction publique et dictées par l’Etat».
L’article 95, avant sa
modification par la révision constitutionnelle du 21 septembre 1990, disposait
que: «à titre transitoire et dans une intention de justice et de concorde, les
communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics et dans
la composition du ministère, sans que cela puisse cependant nuire au bien de
l’Etat».
Il existe donc deux formes de confessionnalisme au Liban: le confessionnalisme concernant le statut
personnel et le confessionnalisme
politique.
Le premier signifie que tout ce
qui touche l’état des personnes ou la famille: le mariage, la filiation et dans
une certaine mesure, les successions, relève de lois établies par les diverse
communautés par une délégation de l’Etat. De même, les problèmes touchant ces
questions sont tranchées par les tribunaux religieux.
Le second implique que les
emplois politiques et administratifs sont répartis entre les différentes
communautés. A l’article 95 de
A son tour, la loi électorale
dispose que les sièges parlementaires à pouvoir dans chaque circonscription
sont répartis suivant des quotas spécifiques aux différentes communautés se
trouvant dans la circonscription, en proportion de leur importance numérique
respective.
Mais il faut noter que dans
chaque circonscription, l’électeur d’une confession donnée ne vote pas
uniquement pour le ou les candidats de sa confession, mais pour une liste
entière comprenant des candidats de différentes confessions selon les sièges à
pourvoir, ce qui est de nature à atténuer les cloisonnements et à sauvegarder
l’unité nationale. D’ailleurs, l’article 27 de
On a un exemple d’une solution
du même genre en Egypte ou des sièges parlementaires sont réservés aux coptes.
Enfin, on doit respecter les
mêmes équilibres s’agissant des nominations aux emplois de l’administration.
Cette dernière règle a été limitée depuis 1990 aux emplois d la haute fonction
publique.
La révision de
Le Document
d’entente nationale du 22 octobre 1989, appelé également Accord de Taëf (du nom
de la ville d’Arabie saoudite où les députés libanais s’étaient réunis pour
mettre fin à une série de conflits armés qui ont duré 16 ans) a prévu la
suppression par étapes du confessionnalisme
politique. Ce document s’est traduit entre autres, par une révision de
«
Durant la période
intérimaire:
a) Les communautés seront
représentées équitablement dans la formation du gouvernement.
b) La règle de la représentation
confessionnelle est supprimée. Elle sera remplacée par la spécialisation et la
compétence dans la fonction publique, la magistrature, les institutions
militaires et de sécurité, les établissements publics et d’économie mixte,
conformément aux nécessités de l’entente nationale, à l’exception des postes de
la première catégorie ou leur équivalent. Ceux-ci seront répartis à égalité
entre les chrétiens et les musulmans, sans réserver un quelconque poste à une
communauté déterminée et tout en respectant les principes de spécialisation et
de compétence».
De son coté,
l’article 22 dispose:
«Avec l’élection d’une Assemblée
nationale élue sur une base non-confessionnelle sera créé un Sénat où seront
représentés toutes les familles spirituelles; et son pouvoir sera limité aux
problèmes fondamentaux».
Ce qui précède constitue, on le
voit, une solution souple qui concilie deux soucis opposés. Ce qu’on prend aux
communautés d’une main (en supprimant la représentation communautaire à
A signaler enfin que l’article
19 dispose:
«Un Conseil constitutionnel est
crée (...)
Il peut être saisi par le
Président de
Cet article est curieux et
constitue un retrait par rapport à l’intention annoncée de supprimer
graduellement le système communautaire, car pour la première fois depuis
l’empire ottoman, il donne aux chefs des différentes communautés (entendre les
chefs spirituels de toute la communauté, qui peuvent avoir leur siège en dehors
du Liban: en Syrie, en Irak ou en Egypte, et ne pas posséder la nationalité
libanaise), un rôle constitutionnel officiel. En effet, depuis le Moutassarifat, les communautés sont
représentées au niveau des institutions politiques par des représentants laïcs
désignés ou élus, les chefs spirituels n’agissant que par leur influence
morale.
Mais la suppression du confessionnalisme, même dans son volet
politique, rencontre encore des résistances, car le système est jusqu’à présent
vu par beaucoup comme le seul moyen d’assurer la paix civile entre les Libanais.
Certains auteurs estiment que se serait une erreur d’envisager sa suppression,
même à long terme, car, associé à la notion de démocratie consociative, il constitue d’après eux un modèle susceptible de
remplacer favorablement, dans toutes les sociétés multiconfessionnelles la
démocratie compétitive, ou le gouvernement du plus grand nombre, où le groupe
majoritaire peut porter atteinte aux droits des autres groupes.
Pour ces auteurs[8],
les Libanais ne doivent éprouver aucune honte en pensant que leur système est
archaïque, car il n’y a aucun mal à ce qu’il y ait des groupes sociaux
intermédiaires entre le citoyen et l’Etat. La communauté religieuse serait
semblable au syndicat, a l’ordre professionnel ou à la collectivité
territoriale. Il s’agirait en quelque sorte d’un «fédéralisme personnel».
L’un des problèmes que pose le confessionnalisme, c’est qu’il suppose que chaque citoyen a fait un choix religieux
délibéré en faveur de l’une des confessions officielles.
Le confessionnalisme concernant le statut personnel oblige chaque
Libanais à se mettre sous la bannière de l’une des communautés reconnues. Les
lois de celle-ci régiront alors obligatoirement son statut familial. Le défaut
du système, c’est qu’il ne prévoit aucune place pour ceux qui ne veulent
reconnaître d’allégeance à aucune des confessions présentes, car il n’existe
pas de loi civile en cette matière. Les couples qui souhaitent se marier
civilement n’ont qu’un seul recours: se rendre à l’étranger pour y célébrer
leur mariage. Leur régime matrimonial, le statut de la famille qu’ils vont
fonder seront alors régis par la loi du lieu de célébration du mariage.
La même difficulté se retrouve
au niveau de la vie politique: on ne peut être candidat à un poste politique ou
de la haute fonction publique que sous l’étiquette de l’une des communautés et
dans les limites des postes impartis à celle-ci. Ceci va à l’encontre du
principe de l’égal accès aux postes politiques et aux fonctions publiques,
principe consacré d’ailleurs dans l’article 7 de
Le confessionnalisme empêche d’autre part la formation de partis
politiques véritables car la défense par chacun de ce qu’il croit être les intérêts
de sa communauté l’empêche très souvent de prendre conscience des véritables
intérêts nationaux.
C’est pour cette raison que le
Document d’entente nationale, dit Document de Taëf, et la révision de
Mais les résistances restent
grandes. Pour les surmonter, il faudra rééduquer la population, notamment les
jeunes, et les encourager à mettre en avant ce qu’ils ont de commun au lieu
d’encourager les oppositions.
[1] Cf. E. RABBATH, La formation historique de Liban politique et constitutionnel, essai de
synthèse, Beyrouth 1973, p. 55 suiv.
[2] Cf. J. NANTET, Histoire du Liban, Paris 1963, p. 31 suiv.
[3] Cf. V. SOMMA, Sur les pas des saints au Liban, 2,
Beyrouth 1994, p. 393.
[4] Cf. J.-M. BILLIOUD, Histoire
des chrétiens d’Orient, Paris 1995, p. 107 suiv.
[5] Cf. E. RABBATH, op. cit., p. 69 suiv.
[6] Cf. D. AMMOUN, Histoire du
Liban contemporain, 1860 - 1943, Paris 1997, p. 208.
[7] Cf. également la loi du 2 avril 1951.
[8] Cf. A.N. MESSARRA, Théorie
générale du système politique libanais, essai comparé sur les fondements et les
perspectives d’évolution d’un système consensuel de gouvernement, Paris
1994, p. 406.