Seconda-pagina1[ISSN 1825-0300]

 

N. 9 – 2010 – Contributi

 

 

“Principe de subsidiaritÉ” et convergence mÉditerranÉenne

 

Giovanni Lobrano

Université de Sassari

 

 

 

 

Sommaire: I. Les données: l’adoption européenne du «principe de subsidiarité» entre grandes potentialités démocratiques et risques graves de «retour à la normale». – I.1. Le «principe de subsidiarité» dans le Traité européen (Maastricht 1992) et dans la Constitution italienne réformée (2001). – I.2. Deux avertissements. – I.3. La question des implications économiques. – I.4. Les applications juridiques: potentialités et limites. – I.5. L’alternative actuelle: entre démocratisation et «retour à la normale». – I.6. Nécessité d’un schéma interprétatif adéquat pour maîtriser l’alternative. II. Le schéma ‘adéquat’ pour l’interprétation de la dialectique historique-dogmatique et pour le gouvernement de l’alternative prescriptive: entre la société civique méditerranéenne et l’État féodal nordique. – II.1. La dialectique: entre structures institutionnelles et entre processus décisionnels. – II.2. Les origines respectives des deux termes de la dialectique: méditerranéenne urbaine «ancienne» et nordique non-urbaine «moderne». – II.3. La synthèse des doctrines et des expériences urbaines méditerranéennes: dans le «système juridique et religieux» romain. – II.4. L’organisation féodale, qui vient des «forêts du Nord», et la formation des ‘ingrédients’ de la dialectique. – II.5. L’épanouissement de la dialectique au XIIIe siècle: l’«âge des Communes» contre la première rationalisation de l’État féodal par le parlementarisme anglais. – II.6. Les théorisations des deux côtés de la dialectique au XVIIe siècle: les consociationes de Johannes Althusius et le Léviathan de Thomas Hobbes. – II.7. La théorisation de la dialectique au XVIIIe siècle, pour sa proposition en alternative, et la deuxième rationalisation de l’État féodal par le fédéralisme nord-américain. – III. Pour conclure: l’exigence actuelle de la convergence méditerranéenne.

 

 

I. – Les données: l’adoption européenne du «principe de subsidiarité» entre grandes potentialités démocratiques et risques graves de «retour à la normale»

 

I.1. – Le «principe de subsidiarité» dans le Traité européen (Maastricht 1992) et la Constitution italienne réformée (2001)

 

Chers amis et collègues, en tant que citoyen – avant que juriste – italien, européen et – j’ajoute – «sarde de la Ville d’Alghero»*, je voudrais vous proposer, comme terrain de convergence stratégique en Méditerranée, le «principe» d’organisation constitutionnelle, qui a été récemment accueilli d’abord par l’Union Européenne (traité de Maastricht de 1992)[1] et, ensuite, par l’État italien (avec la réforme, en 2001, du titre V de la Partie II de la Constitution)[2] comme principe constitutionnel fondamental: le «principe de subsidiarité».

Ce principe fonde ou devrait fonder (contre le principe aristocratique de la délégation du pouvoir politique ou – du moins – le corrigeant) la participation démocratique de tous les citoyens à leur propre ‘gouvernement’[3], par le moyen d’une organisation multi-niveaux: soit de la structure ‘socio-institutionnelle’, soit des processus décisionnels publics dont la direction est (pour employer un langage figuré) du bas vers le haut et/ou de la périphérie vers le centre.

 

I.2. – Deux avertissements

 

Avant d’aborder le traitement de notre «principe» il faut que nous fassions quelques remarques préalables: d’abord, deux avertissements.

Le premier avertissement est qu’il ne faut absolument pas mêler au principe de subsidiarité la catégorie (‘à la mode’ mais complètement trompeuse) de «governance» (qu’on évoque ‘normalement’ à propos de l’organisation structurelle et décisionnelle multi-niveaux). Le but de la «good governance […] n’est pas le développement de la participation démocratique des individus et des peuples aux processus de prise de décision, ni le respect de leur droit au développement, mais de pousser les États-nations à déréguler les marchés, c'est-à-dire à les régler en fonction des intérêts exclusifs des forces du capital dominant»[4].

Le deuxième avertissement est qu’il faut toujours rappeler, avec le principe de subsidiarité, l’institution pour la défense de la liberté des citoyens face au pouvoir de gouvernement: la ‘défense civique’ ou – comme on dit de préférence en langue française – le «Médiateur». Ce n’est pas un hasard si le Médiateur européen a été introduit lui aussi par le Traité de Maastricht. De même, les «Difensori civici» italiens ont étés introduits par la loi n. 142 de 1990 sur les Autonomies locales, loi qui est le ‘précédent’ de la réforme constitutionnelle de 2001 et une sorte de trait d’union entre cette réforme et l’inspiration démocratique de la Constitution ‘originaire’ (de 1948)[5]. Il faut savoir de façon tout à fait claire et sûre que le principe de subsidiarité serait ‘imparfait’ et son application resterait ‘inefficace’ sans l’intégration d’une défense civique adéquate. Pour les exigences de brièveté de ma communication, je me bornerai ici à ne donner, que quelques références incidentes lorsque celles-ci seront nécessaires, en renvoyant à une occasion ultérieure pour une meilleure exposition de cette institution essentielle[6].

 

I.3. – La question des implications économiques

 

Entre les remarques préalables, je range aussi une question qu’on ne peut pas passer sous silence mais que je dois également me limiter à traiter de façon incidente.

Le choix et l’adoption du principe de subsidiarité impliquent évidemment (la volonté d’)un changement correspondant dans le cadre de la politique économique. Cette question échappe à mes connaissances professionnelles mais je puis – cependant – observer et signaler quelques coïncidences intéressantes.

En même temps que l’adoption du principe de subsidiarité, l’UE a introduit – pour des raisons purement d’efficacité économique – une méthode de programmation tout à fait nouvelle, en passant: de la programmation centralisée par (grands) secteurs de l’économie, faite par les sommets européens et procédant du haut vers le bas, à la programmation par territoires (dite en Italie des «Piani Integrati d’Area» [= plans intégrés de zone] les PIA), faite par les ‘acteurs’ locaux et procédant du bas vers le haut[7]-[8]. On peut ajouter, maintenant, que: 1) la redécouverte toute récente de l’importance des activités de production face aux dégâts de la financiarisation de l’économie et 2) l’impossibilité des États de continuer à financer l’économie par la dette publique, rendent aujourd’hui nécessaire plus que souhaitable l’intervention des pouvoirs locaux, organisés en réseau, en tant que promoteurs et coordinateurs des producteurs sur le terrain.

À la même époque encore, en Italie, les Provinces, qui allaient être abolies, ont étés réévaluées et relancées, justement à cause du rôle qu’elles auraient dû jouer dans cette nouvelle forme de programmation du bas vers le haut[9]. En Sardaigne (pour donner l’exemple que je connais le mieux) il y a 377 Communes et le saut de la multiplicité des Communes à l’unité régionale aurait donc été difficile, voire impossible, sans la médiation des Provinces, lesquelles – au lieu d’être abolies – ont étés doublées: de quatre à huit.

Toujours à la même époque, un chercheur nord-américain a publié un ouvrage, qui a mis au premier plan de la doctrine économique le rôle positif-décisif de la «tradition civique» et de son «capital social»[10]. Il faut absolument souligner (à ce propos) le paradoxe italien (mais peut-être aussi méditerranéen) du développement socio-économique du Nord italien grâce à la recette civique méditerranéenne et du sous-développement du Midi italien grâce à la recette féodale nord européenne[11]!

 

I.4. – Les applications juridiques: potentialités et limites

 

Dans le cadre des institutions juridiques, l’UE a traduit le principe de subsidiarité principalement par l’institution du Comité des Régions sub-étatiques, lequel doit – ou devrait – faire participer ces Régions à la définition des décisions européennes.

L’État italien a traduit ce même principe principalement par l’institution des Conseils (régionaux) des Autonomies Locales, les CALs, lesquels doivent – ou devraient – faire participer les Communes à la formation des décisions régionales[12]. Il faut aussi observer que l’État italien, toujours par la réforme de 2001, a renversé (art. 114) l’ordre descriptif de son articulation interne: de la vieille formule descendante «La Repubblica si riparte in Regioni, Province e Comuni» à la nouvelle formule montante «La Repubblica è costituita dai Comuni, dalle Province, dalle Città metropolitane, dalle Regioni e dallo Stato».

Donc – pourrait-on dire – voilà le processus participatif désormais mis en œuvre: des Communes à la formation des volontés régionales sub-étatiques et des Régions à la formation de la volonté européenne. Et tout cela sans oublier la participation des citoyens à la formation des volontés communales (je pense au modèle de «budget participatif» lancé en 1989 [!] par la ville brésilienne de Porto Alegre [«orçamento participativo»] et repris aussi en Europe) et les ‘ponts’ étatiques entre les Régions et l’UE (sûrement le ‘Bundesrat’ allemand et peut-être le projet de «Senato delle Regioni» italien).

Mais il y a un «mais».

En réalité, aussi bien le Comité européen des Régions que les Conseils des Autonomies Locales des Régions italiennes peuvent seulement ‘donner des avis’ sans force contraignante aucune. Leur pouvoir réel est très proche de zéro. Ce qui, en correspondance, a privé (en Italie) les PIA de toute leur efficacité potentielle et les Provinces italiennes de tout sens de leur relancement.

 

I.5. – L’alternative actuelle: entre démocratisation et «retour à la normale»

 

Nous – les Européens, Italiens, Sardes – sommes arrivés ainsi à une alternative importante, à un dilemme politique véritable, dont je ne sais pas combien se rendent compte mais que je n’hésite pas à définir dramatique (dans la mesure où ces questions peuvent l’être): ou aller de l’avant sur la voie de la participation démocratique, formalisée avec l’adoption en 1992 du principe de subsidiarité, avec ses implications socio-économiques, ou bien faire le chemin inverse, du «retour à la normale» de la délégation pure et dure du pouvoir politique, avec ses implications socio-économiques.

Pour me rapporter à nouveau à mon expérience directe, je constate que les ‘acteurs’ sardes de la politique et de l’économie considèrent déjà comme presque insignifiant le CAL de la Sardaigne (justement à cause de son manque de pouvoir) et cette institution court sérieusement le risque d’être bientôt classée dans la catégorie des organismes «inutiles» et acheminée vers son élimination pour faire – banalement – des économies; exactement ce qui a déjà été fait, en Italie, contre l’institution (complémentaire) des «Difensori civici» des Villes, institution lancée elle aussi avec de grands espoirs collectifs[13]. Pour ne pas parler du spectacle pénible (toujours en Italie et toujours pour les mêmes raisons) des appels au ‘lynchage’ des Provinces de la part des ‘bien-pensants’[14].

Ce qu’il y a de pire dans la deuxième éventualité c’est la perte même de l’espoir: on se convainc qu’il n’y a rien à faire, qu’il faut laisser le pouvoir à l’«élite du pouvoir» et se réfugier dans le privé (à part le pire du pire: l’engagement politique comme métier ou profession). Tout en sachant qu’il ne s’agit pas seulement d’une humiliation de la dignité de citoyen mais aussi de la seule véritable opportunité de croissance et de développement socio-économiques.

 

I.6. – Nécessité d’un schéma interprétatif adéquat pour maîtriser l’alternative

 

Pour sortir de l’impasse dans la bonne direction, il faut – avant tout – un schéma interprétatif historico-dogmatique adéquat.

Toujours en 1992, a paru l’essai d’un autre (voir, infra, § 3) économiste-politologue nord-américain s’intéressant à l’Antiquité, essai qui a eu beaucoup de succès et dans lequel était annoncée la (énième) «fin de l’histoire» comme conséquence de la fin de la dialectique entre communisme (avec son État socialiste) et capitalisme (avec son État libéral), par implosion de l’un des deux termes, le communisme, et la victoire «finale» de l’autre[15]. En réalité, seul ce schéma interprétatif (qui a dominé l’époque contemporaine mais qui ne nous permet pas de comprendre les alternatives actuelles) est terminé.

Pour construire (en réalité: pour retrouver et re-construire en le mettant à jour) le bon schéma, nous disposons de deux ‘symptômes’ ou ‘indices’. Le premier est la dialectique même de l’alternative (= dilemme) spécifique dans laquelle nous sommes. Le deuxième est la reconnaissance, de la part des spécialistes, du savant allemand Johannes Althusius (Diedenshausen, 1563 [?] – Emden, 1638) comme théoricien le plus mûr de la subsidiarité[16]. Je commence par le ‘symptôme-indice’ de l’alternative spécifique; là également on rencontrera Althusius.

Mais je dois d’abord souligner que le schéma que je vous propose est reconstruit à partir de la perspective scientifique d’un juriste de la ‘rive nord-occidentale’ de la Méditerranée (bien qu’insulaire). La convergence désirée postule que le schéma doit être intégré par la perspective scientifique des juristes de la ‘rive sud’ et j’espère vivement en cette possibilité, pour une interprétation scientifique et une initiative politique communes ‘méditerranéennes’: dotées de la ‘masse critique’ nécessaire.

 

 

II. – Le schéma ‘adéquat’ pour l’interprétation de la dialectique historique-dogmatique et pour le gouvernement de l’alternative prescriptive: entre la société civique méditerranéenne et l’État féodal nordique

 

II.1. – La dialectique: entre structures institutionnelles et entre processus décisionnels

 

Pour comprendre et gouverner l’alternative dont nous parlons il faut la reconnaître comme dernière manifestation dans le temps de la dialectique entre deux types de structures institutionnelles et deux types de processus décisionnels correspondants, qui a animé toute l’Europe pendant six siècles: du XIIIe siècle inclus à la Grande Révolution du XVIIIe siècle comprise.

C’est précisément la dialectique entre:

1) les fédérations de communautés locales (villes), organisées (soit à l’intérieur de chaque communauté soit au niveau des fédérations de communautés) par l’institution juridique du contrat de société, lesquelles prennent leurs décisions par un processus de participation de la volonté de tous, en procédant de la périphérie vers le centre ou – si vous préférez – du bas vers le haut;

2) les États féodaux, réorganisés par l’institution juridique – de Droit canon, à l’origine – de la «persona ficta vel repraesentata» (personne juridique qui forme et manifeste sa volonté par ses représentants)[17]; États qui prennent leurs décisions par un processus de concentration de la volonté dans une très petite élite (d’‘élus’[18], dans le meilleur des cas[19]), en procédant du centre vers la périphérie ou – si vous préférez – du haut vers le bas.

 

II.2. – Les origines respectives des deux termes de la dialectique: méditerranéenne urbaine «ancienne» et nordique non-urbaine «moderne»

 

Cette dialectique a été décrite et mise au cœur du débat politique durant le siècle des Lumières, notamment par les représentants les plus importants de ce débat, Montesquieu (surtout avec l’Esprit des lois, 1748)[20] et Rousseau (surtout avec le Contrat social, 1762, mais citons aussi le Projet de constitution pour la Corse, 1794-95), lesquels étaient (plus ou moins) d’accord sur la lecture scientifique de la dialectique mais s’opposaient l’un à l’autre sur son jugement politique et donc sur son application, car Montesquieu était un aristocrate partisan des États féodaux et Rousseau un démocrate partisan des fédérations de villes.

Tous deux étaient également d’accord sur l’origine méditerranéenne de l’organisation urbaine fédérative, dont les Romains étaient l’expression la plus développée, tandis que l’organisation féodale représentative venait des «forêts du Nord», apportée par les «Germains» et trouvait en Angleterre, chez les Anglais, sa parfaite ou – du moins – sa meilleure réalisation.

 

II.3. – La synthèse des doctrines et des expériences urbaines méditerranéennes: dans le «système juridique et religieux» romain

 

Le peuple romain fait la synthèse des doctrines et des expériences ‘constitutionnelles’ méditerranéennes dans son «système juridique et religieux»[21].

L’Empire romain, qui comprend toute la Méditerranée, est un «empire de villes» (les «municipes»); on pourrait dire – en employant une expression courante aujourd’hui – un «réseau de villes», s’étendant de Tunis (Junonia Carthago) à Constantinople, à Londres etc.[22], avec un gouvernement central fort (même s’il n’est pas fondé sur la force mais sur le consensus)[23] et une pensée juridique particulièrement raffinée.

Les juristes romains perfectionnent, par la mise à point du contrat de société (qu’ils appliquent aussi bien en droit privé qu’en droit public), l’organisation communautaire. Il s’agit d’un processus historico-scientifique complexe et long, pour lequel le commerce méditerranéen joue précisément un rôle important et dans lequel on peut souligner deux éléments: 1) l’élément ‘idéologique’ de la politisation supranationale et de la ‘volontarisation’ de la «fraternité» (par la transformation de l’ancien consortium [automatique et nécessaire entre frères à la mort du père] en contrat consensuel [constitutif du peuple et possible aussi entre étrangers])[24]; 2) l’élément technique de l’articulation du processus décisionnel collectif en deux phases distinctes mais parfaitement complémentaires (le ‘jussum generale / lex’ des membres de la société [le populus] et l’‘administratio / gubernaculum’ des magistri ou magistratus).

En référence au premier élément, il faut souligner que le «système juridique» romain connaît bien la distinction entre utilité privée et utilité publique[25] mais qu’il est capable de- et arrive à les harmoniser justement par le moyen du contrat de société.

En référence au deuxième élément, il faut souligner son absence dans la pensée politique grecque et – donc – son entière originalité romaine[26], car c’est cet élément qui permet soit la distinction entre souveraineté (pouvoir originaire, appartenant et exercé de façon nécessaire par les citoyens formant le peuple) et gouvernement (pouvoir délégué par le peuple à ses «mandataires»), soit la possibilité d’un «gouvernement multi-niveaux» non-divisionniste[27]; c’est toujours cet élément qui permet la formation d’une unité supérieure d’organisation tout en gardant son articulation interne[28].

Toute cette construction (la «res publica = république») aurait été purement nominale sans le «tribunat»: l’institution de la défense des citoyens face à leur propre gouvernement, qui reconnaît son ‘précédent’ dans l’«éphorat» spartiate (Cicéron, de legibus, 3.15 s.) et qui deviendra le précédent de la défense civique d’aujourd’hui.

 

II.4. – L’organisation féodale, qui vient des «forêts du Nord», et la formation des ‘ingrédients’ de la dialectique

 

L’entrée croissante, dans les frontières de l’Empire, de peuplades ‘germaniques’ nomades (les «invasions barbares») venant du Nord-Est, produit, au Ve siècle apr. J.-C., l’interruption de l’autorité impériale d’Occident et la superposition, sur le «réseau des villes», de la vague d’une organisation nouvelle; ce sera le «féodalisme», articulé en Royaumes nationaux et dont la caractéristique la plus frappante est la conception verticale-descendante du droit et du pouvoir: une conception ‘en hélicoptère’ ou ‘à la Baron de Münchhausen’ (connu parce qu’il racontait d’être capable de rester en l’air en se tenant lui-même par les cheveux).

On a ainsi les prémisses de la dialectique entre les deux types d’organisation et de processus décisionnel mais pas encore une dialectique véritable, car il ne s’agit que d’une ‘coexistence’ inégale, ou les villes se limitent à ‘survivre’ à la ‘vague’ féodale, comme une sorte de – pauvre –archipel républicain.

 

II.5. – L’épanouissement de la dialectique au XIIIe siècle: l’«âge des Communes» contre la première rationalisation de l’État féodal par le parlementarisme anglais

 

La «crise du féodalisme»[29], survenue en Europe au XIIe siècle, est le moment de l’épanouissement de la dialectique dont nous parlons.

D’un côté, les villes refleurissent et s’organisent en ligues, fédérations et confédérations avec leurs «Diètes», lesquelles fonctionnent sur la base du mandat impératif. C’est l’«âge des Communes»[30], dont le nom (Commune) signifie la reprise de la conception typique du contrat de société, propre aux municipia anciens.

De l’autre côté, les États féodaux se réorganisent grâce à la nouvelle institution parlementaire, qui atteint son sommet avec l’application au «model parliament» anglais (réuni à Londres en 1295 par le roi Édouard Ier) de la toute récente doctrine canoniste de la persona ficta vel repraesentata et – donc – par l’application de la défense du mandat impératif. C’est la première ‘rationalisation’ du féodalisme. Il y en aura une autre (voir, infra, § 7) six siècles après.

Max Weber marquera la différence entre les deux types de structures institutionnelles et de processus décisionnels, en observant que le pouvoir appartient pour les uns à la généralité des mandants et pour les autres à l’élite des mandataires[31].

 

II.6. – Les théorisations des deux côtés de la dialectique au XVIIe siècle: les consociationes de Johannes Althusius et le Léviathan de Thomas Hobbes

 

À l’époque moderne, chaque terme de cette dialectique trouve sa théorisation respective dans les œuvres de Johannes Althusius, Politica methodice digesta3, 1603, et de Thomas Hobbes, Le Léviathan, 1651.

Je ne parlerai pas de la doctrine – trop bien connue – du juriste anglais Thomas Hobbes. Je me borne ici à l’indiquer comme la grande (et pas encore dépassée) théorie de l’État – personne juridique, détenteur de tout pouvoir (conçu par Hobbes comme «force»)[32] qui s’exprime par ses «représentants».

Althusius, juriste ‘romaniste’ allemand, qui fait une expérience ‘politique’ décisive comme «Syndicus» de la Ville d’Emden, construit une théorie de l’organisation politique faite d’une échelle d’associations (consociationes) qui commence par les associations privées des familles et des corporations professionnelles, passe par la première association publique (la Ville, où l’homme privé acquiert le statut public de «citoyen») et la deuxième association publique (la Province) pour aboutir à la grande et – au moins tendanciellement – universelle association de l’Empire[33]. La caractéristique essentielle du système althusien est la participation de tous (par un processus multi-niveau du bas vers le haut ou de la périphérie vers le centre) aux décisions ‘souveraines’ et – donc – l’absence de la délégation correspondante.

Dans la construction althusienne, la présence essentielle de la défense civique ne pouvait manquer et en effet elle est présente sous le nom d’«Éphorat»[34].

 

II.7. – La théorisation de la dialectique au XVIIIe siècle, pour sa proposition en alternative, et la deuxième rationalisation de l’État féodal par le fédéralisme nord-américain

 

Nous pourrions dire – de façon paradoxale – que Montesquieu et Rousseau n’apportent rien à cette dialectique multiséculaire si ce n’est son interprétation historico-dogmatique (soit d’ensemble soit analytique) et sa reproposition politique en termes d’‘alternative’, pour laquelle les Révolutionnaires français (entre eux le «Robespierre à Cheval», Napoléon) se battront ‘à mort’.

Rousseau n’oublie pas d’introduire dans sa reconstruction – et avec beaucoup d’honneur – l’institution du Tribunat. Du côté féodal (léviathaniste-parlementaire) Montesquieu avait trouvé l’équivalent dans l’institution – qui deviendra célèbre – de la division et de l’équilibre des trois pouvoirs: législatif, exécutif et judiciaire. Le précédent de cette théorie montesquieuienne se trouvait – non pas par hasard – dans la pensée de Locke, c'est-à-dire de celui qui s’était chargé d’amortir la dureté de la doctrine hobbesienne du ‘pouvoir’ par son articulation en ‘pouvoirs’ mais qui – toutefois – n’arrive pas à ranger la fonction judiciaire parmi les «pouvoirs».

La ‘nouveauté’ viendra plutôt des pères constituants nord-américains – notamment les rédacteurs du Federalist: Madison, Jay et Hamilton – lesquels, durant la Convention constituante de Philadelphie (1787), ‘inventent’ (en la baptisant avec le néologisme «fédéralisme») une forme tout à fait nouvelle de fédération: géniale et ‘diabolique’ (selon le sens exact du mot grec διαβάλλειν: diviser). Le «fédéralisme» USA accepte le Léviathan et ses représentants avec leur concentration élitiste du pouvoir, mais les met à jour par une double série de divisions: la division selon le plan vertical des compétences et la division selon les – plusieurs – plans horizontaux des communautés territoriales. L’unité, qui est la valeur et l’objectif des consociationes althusiennes, devient la valeur négative que le nouveau «fédéralisme» doit éliminer ou – tout au moins – réduire. Alexis de Tocqueville décrira ce nouveau «fédéralisme» par la formule «centralisme politique et décentralisation administrative»[35].

C’est, après le «model parliament» d’Édouard Ier, la deuxième rationalisation de l’État féodal, particulièrement à l’honneur aujourd’hui.

 

 

III. – Pour conclure: l’exigence actuelle de la convergence méditerranéenne

 

Avec l’exécution de Robespierre par guillotine et la défaite militaire de Napoléon, c’est le parti ‘anglais’ des épigones d’Hobbes et de Montesquieu qui gagne. L’époque contemporaine, léviathaniste-parlementaire, exécute (sauf quelques très honorables exceptions) par damnatio memoriae le municipalisme fédératif méditerranéen.

Mais il s’agit d’une époque brève – comme le siècle qui l’a hébergée – et elle à déjà arrivée à sa crise.

Les juristes découvrent que le Léviathan est seulement un fantasme (pour couvrir le pouvoir de l’«élite») et que la représentation politique est un trompe-l’œil intellectuel, une locution vide de sens (ainsi que l’institution de l’équilibre des trois pouvoirs)[36].

La pratique se tourne vers les «pouvoirs locaux» et la participation et les législateurs introduisent – comme nous l’avons vu – le principe de subsidiarité et quelques réformes conséquentes à ce principe (ainsi que la défense civique)[37].

Ce qui manque est la récupération de la mémoire scientifique. Et c’est un vide incontournable. Sans mémoire scientifique, en mesure de nourrir une grande stratégie participée, les multiples pratiques et législations n’ont aucune chance, car le ‘terrain de jeu’ est fortement incliné vers la concentration élitiste de plus en plus grande du pouvoir à l’échelle mondiale (ou «globale»). Le «schéma interprétatif» proposé, de la dialectique/alternative historique et dogmatique entre diffusion démocratique et concentration élitiste du pouvoir, veut précisément remédier à cette oblitération.

Selon ce schéma, l’alternative démocratique de la dialectique historico-dogmatique est – de par son origine et sa nature – ‘méditerranéenne’.

En particulier, la Méditerranée est, selon ses spécialistes, une ‘région’ qui se caractérise dans le monde par sa civilisation ‘urbaine’[38]. Tant les Romains que l’Islam ont contribué à cette nature[39].

Par conséquent, on ne doit pas s’arrêter à la récupération et à la compréhension (bien que nécessaires) de la synthèse faite par les juristes romains (jusqu’à Althusius et Rousseau) dans le «système juridique et religieux romain»[40] mais il faut en chercher les convergences avec l’autre grand système juridique méditerranéen, le système juridique et religieux (ou religieux et juridique) islamique.

Pour cette tâche complexe, on a besoin de la contribution coopérative des juristes de toutes les parties de la Méditerranée.

 

 



 

* Communication au Colloque «Convergences des politiques juridiques pour un développement commun dans l’espace euro-méditerranéen», Casablanca, 7-9 octobre 2010.

 

[1] La mention explicite du “principe de subsidiarité” est dans le préambule et les articles B et G du Traité, mais il faut rappeler aussi la formule de l’art. A: «Le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens» [c’est nous qui soulignons].

Il faut ici mentionner la création par le Traité de Maastricht (article 195) du Médiateur européen, repris par l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000).

 

[2] Artt. 118,1 et 4; 120,3.

 

[3] Par le moyen – voir, infra, §§ II.3 e 5 s. – de la participation à la phase législative du processus décisionnel.

 

[4] J. Petras, “Buona governance contro buon governo?” in Proteo, 2004/1: «Depuis le début des années ‘90, les grandes organisations internationales, dirigé par le FMI et la Banque mondiale adressent régulièrement à leurs Pays membres des recommandations de bonne gouvernance (good governance). [...] La ligne directrice est donnée par le FMI. C’est pourquoi la bonne gouvernance est essentiellement libéraliser les systèmes de négociation, de commerce et de prix”, “limiter l’adoption de décisions ad hoc et les traitements préférentiels d’individus et d’organisations” et dans “l’élimination des subventions directes de crédit” pour l’État. Sa demande serait indissociable de la poursuite des politiques néo-libérales et du projet de société qui est le but de leur application. Cette stratégie, imposée à partir du début des années ‘80 à la plupart des Pays du Sud (plans d’ajustement structurel, déréglementation, privatisations, libre circulation des capitaux ...) a conduit, dans tous les domaines et sur tous les continents, à la démonstration de son échec. Reflet de la puissance hégémonique de la finance - en particulier des plus grands propriétaires du capital, notamment des États-Unis, le néo-libéralisme n’est pas un modèle de développement, mais de domination. Ses désastres sociaux, ses drames humains sont trop connus pour être mentionnés ici. Son nouveau dogme idéologique anti-étatique, la good governance, ne devrait pas être considérée autrement que comme l’opposé symétrique du bon gouvernement. En fait, son but n’est pas le développement de la participation démocratique des individus et des peuples aux processus de prise de décision, ni le respect de leur droit au développement, mais est de pousser les Etats-nations à déréguler les marchés, c’est-à-dire à les régler en fonction des intérêts exclusifs des forces du capital dominant» [la citation a été traduite de l’italien].

 

[5] Voir, infra, nt. 9.

La Constitution italienne (27 décembre 1947) dans sa première partie «Principi fondamentali», à l’art. 5, considérait déjà les «autonomie locali» non pas comme un objet d’institution mais de «reconnaissance» de la part de la République italienne («La Repubblica, una e indivisibile, riconosce e promuove le autonomie locali […] adegua i principi ed i metodi della sua legislazione alle esigenze dell’autonomia e del decentramento»).

Malheureusement, à l’exigence reconnue de battre le centralisme par la participation des Municipalités aux grandes décisions nationales, l’État italien a répondu, à partir de 1997 avec ce que l’on appelle les «lois Bassanini», par la seule décentralisation, c’est-à-dire par la pulvérisation entre les Municipalités isolées de la compétence mineure de l’auto-administration. Le ‘vice’ de cette législation n’a pas été le processus de décentralisation (nécessaire en soi) mais le ‘vendre’ pour- et au lieu de la participation démocratique (à ce propos, voir G. Lobrano, “Costituzione italiana e Statuto sardo tra federalismo vero e federalismo falso” in Quaderni Bolotanesi, 31/2005, § I.2.b).

Dans le même genre d’oscillation entre déclarations de grands principes et régimes insuffisants sinon décevants, mentionnons les vicissitudes de l’autonomie locale dans la Région sicilienne. Les Statuts (loi constitutionnelle du 26 février 1948) ont remplacé de façon prometteuse les «Province» départements de l’État par les «Liberi consorzi comunali» (art. 15,1-2). La loi régionale n. 9 du 6 mars 1986 (loi d’application de la prévision statutaire) s’appelle “Istituzione della provincia regionale” et, à l’art. 3 Ordinamento degli enti locali territoriali, affirme: «L’amministrazione locale territoriale nella Regione Siciliana è articolata, ai sensi dell’art. 15 dello Statuto regionale, in comuni ed in liberi consorzi di comuni denominati “province regionali”» pour donner enfin à ces “Province regionali” une organisation et des fonctions semblables à celles des «Province» des autres Régions italiennes.

 

[6] Voir G. Lobrano, “Dal ‘Defensor del Pueblo’ al Tribuno della Plebe: ritorno al futuro. Un primo tentativo di interpretazione sistematica con particolare attenzione alla impostazione di Simón Bolívar” in P. Catalano – G. Lobrano – S. Schipani, a cura di, Da Roma a Roma. Dal Tribuno della plebe al Difensore del popolo. Dallo jus gentium al Tribunale penale internazionale [Atti del Seminario di studi 21-22 febbraio 2002 - Quaderni IILA, Serie Diritto I] Roma 2002, 67-86; republié en langue espagnole (“Del Defensor del Pueblo al Tribuno de la Plebe: regreso al futuro. Un primer bosquejo de interpretación histórico-sistemática. Con atención particular al enfoque bolivariano”) et, toujours avec des intégrations successives, in Roma e America. Diritto romano comune. Rivista di Diritto dell’integrazione e unificazione del diritto in Europa e in America Latina, Università di Roma “Tor Vergata” 14/2002, 135–165; in UGMA Jurídica – Revista de la Facultad de Derecho – Universidad Gran Mariscal de Ayacucho (Barcelona – Estado Anzoátegui – Venezuela) Año 2/ n. 2/ 2003, 9–36; in P.P. Onida - E. VALDÉS Lobán, sous la direction de, II Seminario en el Caribe Derecho Romano y Latinidad: Identidad e Integración Latinoamericana y Caribeña – Memorias – “Patria es humanidad”, José Martí [Memorias - La Habana, 12 al 14 de febrero de 2004 - edición por Facoltà di Giurisprudenza della Università di Sassari, Italia – Universidad Michoacana de San Nicolás de Hidalgo, México – Universidad de Pinar del Río, Cuba] Napoli 2011, 253-303.

Dans ce texte, voir, supra, nt. 1 et, infra, ntt. 9; 13; 34; 37 et § II.3 in fin.

 

[7] Voir l’étude de G. Becattini, “Dal settore industriale al distretto industriale” in Rivista di Economia e Politica Industriale, 1979; cf. I. Samson, “Territoire et systèmes économiques” in “Systèmes Productifs Locaux (SPL) et développement” n. spécial de Critique Économique (Rabat) février 2005.

 

[8] Entre 1990 et 2003, deux documents paraissent en Europe, documents que je considère comme des manifestations extraordinaires de cette logique participative faite par l’association de communautés locales, notamment les «villes». Ce sont les «Nouvelles Chartes d’Athènes» rédigées par le Conseil Européen des Urbanistes. La Charte de 1990 «recommande»: «Une véritable participation. Le degré d’implication du citoyen dans les questions urbaines varie beaucoup, entre les villes et les pays d’Europe. Si la participation du public est très développée dans certains pays, elle est freinée dans d’autres par la manière très rigide avec laquelle est appliquée le système de représentation démocratique, souvent hautement centralisé. L’expression du droit, des besoins et des souhaits des citoyens, et leur compréhension des phénomènes […] ne peuvent se réaliser uniquement à travers un système fondé sur des représentants élus aux niveaux local et central». Dans la Charte de 2003, la recommandation se déplace sur le: «Développement des réseaux de villes. Notamment pour augmenter leurs avantages compétitifs, les villes vont se sentir de plus en plus obligées à se lier à divers réseaux, qui fonctionneront comme des systèmes plutôt intégrateurs, les villes étant leurs nœuds, connectés physiquement ou virtuellement ou les deux».

 

[9] En 1990, a été promulgué, en Italie, la loi n. 142 sur le Autonomies locales. Cette loi a dicté les principes d’organisation des Municipalités et des Provinces et leurs fonctions (article 1); elle a donné aux municipalités et aux provinces une autonomie qu’elles peuvent réglementer par un Statut (art. 4) pour réglementer justement les relations entre les citoyens et leurs administrations. Elle a mis en valeur les institutions de la participation populaire à travers la promotion de différentes formes d’association, même sur la base du quartier (art. 6), elle a établi la nécessité de créer des formes de consultation des citoyens, ainsi que les procédures d’admission d’instances, pétitions et propositions des citoyens soit de façon individuelle soit en association pour promouvoir des interventions orientées vers la meilleure protection des intérêts collectifs (art. 6). L’autre grande nouveauté de la loi a été l’introduction de l’action populaire, du droit d’accès et d’information du citoyen et le devoir de publicité de tous les actes municipaux et provinciaux (article 7).

En outre, elle a introduit la figure du «Difensore civico» (= Médiateur) pour assurer l’impartialité et la bonne performance de l’administration publique, avec la tâche de signaler les abus, les échecs, les insuffisances et les retards aux regards du citoyen (article 8).

 

[10] R. Putnam, Making Democracy Work [1993: un an après Maastricht] traduit en italien comme La tradizione civica delle regioni italiane; suivi par Id., Bowling Alone [2000: un an avant la réforme de la constitution italienne] traduit en italien comme Capitale sociale e individualismo. Crisi e crescita della cultura civica in America.

 

[11] Voir, infra, la partie “II”.

 

[12] Art. 123,7.

 

[13] La loi de finances italienne pour 2010 a abrogé (art. 2, § 186) l’institution des “Difensori civici” communaux avec effet à partir de 2011.

 

[14] À laquelle s’oppose la proposition – extrêmement intéressante, avancée par l’«Associazione Nazionale dei Comuni Italiani» (ANCI) – de transformer les Conseils provinciaux (aujourd’hui élus de façon spécifique) en autant de réunions des Maires des Villes qui forment chaque Province.

 

[15] F. Fukuyama, The End of History and the last man, New York, NY: Free Press, 1992.

 
[16] Johannes Althusius, auteur oublié pendant deux siècles a été redécouvert par Otto von Gierke (Johannes Althusius und die Entwicklung des naturrechtlichen Staatstheorien. Zugleich ein Beitrag zur Geschichte der Rechtssystematik, Breslau 1880). Maintenant, la bibliographie est vaste; voir Th.O. Hüglin, “Althusius - Vordenker der Subsidiaritätsprinzips” in A. Riklin, G. Batliner, Hrgg., Subsidiarität, Vaduz 1994, 97-117; C. Malandrino, “Calvinismo politico, repubblicanesimo, ‘sussidiarietà’ e lessico politico althusiano” in Id. et autres, sous la direction de, Il lessico della Politica di Johannes Althusius, Firenze 2005, et tout récemment, Id., “Introduzione” à Johannes Althusius, La politica. Elaborata organicamente con metodo, e illustrata con esempi sacri e profani, sous la direction de C. Malandrino, 2 volumes, Torino 2009. 

Voir aussi Th.O. Hüglin, Sozietaler Föderalismus. Die politische Theorie des Johannes Althusius, Berlin - New York, W. de Gruyter, 1991.

 

[17] Voir G. Lobrano, “Dell’homo artificialis deus mortalis dei Moderni comparato alla societas degli Antichi” in A. Loiodice - M. Vari (a cura di) Giovanni Paolo II. Le vie della giustizia. Itinerari per il terzo millennio, Roma 2003.

 

[18] «Élire et payer» est l’expression, devenue proverbiale, avec laquelle Louis-Marie Prudhomme («Plume de fer») ironise, dans le numéro de février 1790 de son journal Révolutions de Paris, sur les ‘pouvoirs’ des citoyens en régime de délégation: «élire et payer, payer et élire, voilà à quoi se réduisent les fonctions des citoyens actifs; il reste à savoir si on est libre quand on ne fait que payer et élire» (voir Susan Maslan, Revolutionary Acts. Theater, Democracy, and the French Revolution, Baltimore 2005, 69).

 

[19] À la note 4 du chapitre VI («Du Pacte social») du premier Livre du Contrat social, Rousseau fait l’éloge des Anglais (bien que farouchement critiqués pour n’être doués que de la faculté d’élire: CS, 3.15) comme «les plus près de la liberté que tous les autres» de son époque.

 

[20] Dont on peut rappeler, par exemple, l’opposition entre le modèle anglais du gouvernement «parlementaire» «fondé sur un corps législatif formé par les représentants de la nation» (E.d.L., 11.6) et le modèle de gouvernement des «anciens [qui] ne connaissaient pas le gouvernement représentatif. Ils avaient des républiques fédératives: plusieurs villes envoient des députés à une assemblée. Mais […] il n’y avait pas de monarchie sur ce modèle là» (E.d.L., 11.8).

 

[21] Sur l’opportunité d’employer la catégorie conceptuelle de “système” à propos de l’ ‘expérience’ juridique romaine et sur la composante “religieuse” de cette dernière, voir: P. Catalano, Linee del sistema sovrannazionale romano, Torino 1965, 30 ss.; Id., “Aspetti spaziali del sistema giuridico-religioso romano. Mundus, templum, urbs, ager, Latium, Italia” in Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II.16.1, Berlin-New York 1978, 445.

Sur la ‘laïcité’ substantielle de la république romaine et – par contre – la divinisation de l’État moderne, cf. G. Lobrano, “Qualche idea, dal punto di vista del Diritto romano, su origine e prospettive del principio di laicità” in Argomenti 2000 [revue informatique] septembre 2007 [communication au Séminaire international d’études sur “Laicità ed eticità dell’azione pubblica. Libertà della persona e sfera pubblica”, organisé à Bari, 5–6 dicembre 2005, par leDipartimento Giuridico delle istituzioni, Amministrazione e libertà – Università degli Studi di Bari”]. L’avocat, Consul et prêtre romain Cicéron (De Natura Deorum, II.8) écrit: intellegi potest eorum imperiis rem publicam amplificatam, qui religionibus paruissent. Et si conferre volumus nostra cum externis, ceteris rebus aut pares aut etiam inferiores reperiemur, religione, id est cultu deorum, multo superiores [On peut reconnaître que la République fut prospère quand le pouvoir fut dans les mains de personnes qui accomplissaient leur devoirs religieux. Et si nous voulons comparer notre histoire avec celle des peuples étrangers, nous trouverons que nous fûmes égaux ou même inférieurs en tout, mais en matière de religion, c’est-à-dire de culte des Dieux, nous fûmes de loin supérieurs].

Le révolutionnaire démocrate Robespierre préférait Rousseau aux autres ‘philosophes’ car Rousseau était partisan de la «révolution politique» tandis que les autres étaient partisans de la «révolution étique-religieuse» c’est-à-dire agnosticiste ou athéiste (Anna Maria Battista, “Robespierre giudica Rousseau e l’illuminismo” in Storia e politica, 1976, XVII, fasc. 1 – laquelle mentionne la position opposée formulée par Kant dans sa “Risposta alla domanda che cos’è l’illuminismo” tr. it. de Beantwortung der Frage: Was ist Aufklärung [1783], in I. Kant, Scritti politici e di filosofia della storia e del diritto, Torino, 1956, 142 et 148; voir aussi Anna Maria Battista, “Come giudicano la politica libertini e moralisti francesi” in S. Bertelli, a cura di, Libertinismo in Europa, Milano-Napoli 1980).

Une question spécifique est la doctrine de la “religion civile” chez Rousseau, à propos de laquelle on trouve une bibliographie importante, parmi laquelle je rappelle: P.-M. Masson, La religion de Jean-Jacques Rousseau, Paris 1916; R. Derathé, “La religion civile selon Rousseau” in Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, XXXV 1963; R.N. Bellah, “Civil Religion in America” in Daedalus 96, n. 1 (Winter 1967) 1-21 [= ID., Beyond Belief: Essays on Religion in a Post-Traditional World, New York 1970, chap. VII]; J.A. Coleman, “Civil Religion” in Sociological Analysis, 1970, n. 31; Antonella Besussi, “Religione civile e condivisione politica” in Filosofia politica, IX 1995, n. 2, 207-230; AA.VV., Etica e religione nella tradizione repubblicana. Aspetti storici e teorici, Torino 1996; G.E. Rusconi, Possiamo fare a meno di una religione civile?, Roma-Bari 1999; G. Paganini - E. Tortarolo, sous la direction de, Pluralismo e religione civile. Una prospettiva storica e filosofica, Milano 2005; T. Ball, “Rousseau’s Civile Religion Reconsidered” in Id., Reappraising Political Theory. Revisionist Studies in the History of Political Thought, Clarendon 1995, 108-118; Gabriella Silvestrini, Diritto naturale e volontà generale. Il contrattualismo repubblicano di Jean-Jacques Rousseau, Torino 2010, en part. chap. II. 4 “Diritto naturale, religione naturale e religione civile”.

Plus en général, voir E.-W. Böckenförde, Cristianesimo, Libertà, Democrazia, tr. it. de M. Nicoletti, Brescia 2007; J. Habermas, Tra scienza e fede, tr. it. de M. Carpitella, Roma e Bari 2006 [paperback 2008].

 

[22] Voir G. Lobrano, Res publica res populi. La legge e la limitazione del potere, Torino 1994, 111 ss. et, récemment, L. Capogrossi Colognesi, Storia di Roma tra diritto e potere, Bologna 2009, 383 ss. (chap. XVII «L’Impero municipale»); cf., infra, nt. 28.

 

[23] Voir M. Antonov, “Le droit romain: du droit de l’Empire romain d’orient aux pandectistes allemandes”, communication au XXXIe Séminaire pour la coopération méditerranéenne «Identità del Mediterraneo: elementi russi», Carbonia 18-20 novembre 2010: «Pour rétablir l’ordre juridique par le biais des lois impériales, les juristes-codificateurs [de Justinien, Empereur romain de 527 à 565 apr. J.-C.] durent compter plutôt sur une “conquête intellectuelle” que sur une compulsion étatique. Cela a donné au Corpus [Iuris Civilis, 528-533] son caractère particulier – le Code ne contenait que très peu de commandes et directives, et s’étayait généralement des suggestions appelant aux préceptes de la raison. Un tel esprit de la culture juridique pouvait paraître curieux et même provocateur aux partisans de l’approche étatique (comme John Austin ou Hans Kelsen)».

Le juriste romain Julien (en D. 1.3.32 pr.) indique l’ordre dans les droits que les citoyens doivent appliquer, en mettant les coutumes (locales) au premier lieu et le droit de la capitale au dernier (De quibus causis scriptis legibus non utimur, id custodiri oportet, quod moribus et consuetudine inductum est: et si qua in re hoc deficeret, tunc quod proximum et consequens ei est: si nec id quidem appareat, tunc ius, quo urbs Roma utitur, servari oportet [Pour tout ce pour lequel nous n’employons pas des lois écrites, il faut observer ce qui a été introduit par les coutumes et les usages <locaux>, s’il manque encore quelque chose <il faut observer> les règles juridiques les plus proches et si cela est également insuffisant il faut observer le droit utilisé par la ville de Rome]).

 

[24] Voir P.P. Onida, “Fraternitas e societas: i termini di un connubio”, in Diritto @ Storia n. 6 – 2007.

 

[25] Digesta Iustiniani 1.1.1.2 [Ulpianus libro primo institutionum]: Huius studii duae sunt positiones, publicum et privatum. Publicum ius est quod ad statum rei Romanae spectat, privatum quod ad singulorum utilitatem: sunt enim quaedam publice utilia, quaedam privatim. Publicum ius in sacris, in sacerdotibus, in magistratibus consistit [= De cette étude il y a deux points de vue: public et privé. Le droit public concerne l’état de la ‘chose’ romaine, le [droit] privé ce qui se réfère à l’utilité des individus: en effet il y a des choses d’utilité publique et des chose d’utilité privée. Le droit public consiste dans les choses sacrées, les prêtres et les magistrats].

 

[26] J.-J. Chevallier, Histoire de la pensée politique I De la Cité-État à l’apogée de l’État-nation monarchique, Paris 1983, 129.

 

[27] Voir, infra, § II.7.

 

[28] Les Grecs organisent des Ligues de Politeiai (les «Villes-État»), mais ce sont les Romains qui bâtissent la République comme «État municipal» (voir A. Bernardi, “Dallo Stato-città allo Stato municipale” in Paideia, 1, 1946, 213 ss.; cf. Id., “Usi e diritti locali nel possesso e nella proprietà al formarsi dello stato municipale romano” in Rivista storica italiana, a. 99., fasc. 1, 1987; E. Gabba, “Dallo Stato-città allo Stato municipale” in Enciclopedia della storia di Roma, v. I. L’Impero mediterraneo, t. I. La repubblica imperiale, Torino 1990, 687 ss.; cf. supra, nt. 22), comme «société de sociétés», ou chaque Municipe est une «République» avec son «peuple» et tous les Municipes sont des parties de la «République» et du «peuple» «romains».

 

[29] G. Bois, La crise du féodalisme, Paris 1978.

 

[30] G. Antenna, R. Bordone, M. Vallerani, L’età dei Comuni, in Aa.Vv., La Grande Storia di Milano, Vol. I. tome 1, Milano 2010.

 

[31] M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft. Grundriss der verstehenden Soziologie5, hrsg v. J. WINCKELMANN, Tübingen 1976, lib. I cap. III § 22, 172, écrit à propos de la “gebundene Repräsentation”: les «‘Repräsentanten’ sind in Wahrheit: Beamte der von ihnen Repräsentierten» et elle est le «Surrogat der in Massenverbänden unmöglichen unmittelbaren Demokratie»; à propos de la “freie Repräsentation” il écrit, au contraire: «Der Repräsentant, in aller Regel gewählt [...], ist an keine Instruktion gebunden, sondern Eigenherr über sein Verhalten. Er ist pflichtmäßig nur an sachliche eigene Ueberzeugungen, nicht an die Wahrnehmung von Interessen seiner Deleganten gewiesen» et «der von den Wählern gekorene Herr derselben, nicht: ihr ‘Diener’ ist [...] Diesen Charakter haben insbesondere die modernen parlamentarischen Repräsentationen angenommen»; cf. 173 «Nicht die Repräsentation an sich, sondern die freie Repräsentation und ihre Vereinigung in parlamentarischen Körperschaften ist dem Okzident eigentümlich».

 

[32] Voir, supra, nt. 23.

 

[33] Comme auteur porteur des doctrines opposées à celles d’Althusius, il faut également rappeler le français François Hotman (1524-1590). Althusius est un juriste romaniste (Jurisprudentiae Romanae libri duo, 1586) et précurseur de certaines des doctrines de Rousseau. Hotman est un juriste anti-romaniste (Anti-Tribonianus, 1567) et précurseur en France de certaines des doctrines de Montesquieu. Théoricien d’un constitutionnalisme aristocratique féodal-parlementaire (Franco-Gallia, 1573) Hotman (comme l’écrit le politologue italien, Nicola Matteucci) brille pour «la avversione verso le libertà dei municipia romani»: «Lamentava, infatti, l’Hotman, che nel sud della Francia si fosse conservato il diritto romano e, assieme ad esso, i municipia e i consoli, insomma, anche se indebolita, la struttura provinciale della vita romana» (N. Matteucci, Organizzazione del potere e libertà. Storia del costituzionalismo moderno, Torino 1988, 37). Il semble qu’Althusius avait personnellement connu Hotman (A. de Benoist, “Un’altra sovranità. Saggio su Johannes Althusius (1557-1638)” in Id., Identità e comunità, tr. it. de A. Carrino, Napoli 2005, 125).

 

[34] Catégorie que l’on retrouve, en effet, dans le développement théorique contemporain le plus importante de cette institution (Johann Gottlieb FICHTE, Grundlage des Naturrechts nach Principien der Wissenschaftslehre, Jena 1796-1797; Id., Das System der Rechtslehre, vorgetragen von Ostern bis Michaelis 1812, in Id. [herausgegeben von I.H. FICHTE], Nachgelassene Werke, Zweiter Band, Wissenschaftslehre und das System der Rechtslehre vorgetragen an der Universität zu Berlin in den Jahren 1804, 1812 und 1813, Bonn 1834, 493 ss.) mais avec la précision que le véritable précédent historique de cette même institution avait été le tribunat romain.

 

[35] A. de Tocqueville, La démocratie en Amérique, I. 1835 - II. 1840, tr. it. La democrazia in America, ed. UTET, Torino 1981, 110.

 

[36] Voir G. Lobrano, “Dottrine della ‘inesistenza’ della costituzione e “modello” del diritto pubblico romano” in L. Labruna, sous la direction de, et Maria Pia Baccari – C. Cascione, sous la direction de, Tradizione romanistica e Costituzione, vol. I [Série: «Cinquanta anni della Corte costituzionale della Repubblica italiana»] Napoli 2006, 321-363; publié aussi in Diritto @ Storia, 5/2006.

 

[37] Voir G. Lobrano, “‘Modello romano’ e ‘costituzionalismo latino’” in Teoria del diritto e dello Stato. Rivista europea di cultura e scienza giuridica, 2007 n. 2, Potere negativo e Costituzioni bolivariane, 222-277.

 

[38] Dans La Méditerranée. L’Espace et l’Histoire (sous la direction de Fernand BRAUDEL, Paris 1985) Maurice Aymard écrit que «un millier d’hommes vivant pauvrement de la terre et de l’échange des produits du sol suffisent en Méditerranée à faire une ville [...] ailleurs, même deux fois plus nombreux, ils forment à peine un village»; S. Amin et F. Yachir, La Méditerranée dans le monde, Paris 1988, affirment le caractère “bourgeois-urbain” de l’aire méditerranéenne face au caractère “aristocratique-féodal” de l’Europe du nord; selon B. Kaiser, Méditerranée, une géographie de la fracture, Aix 1996. «Les sites, le passé millénaire, les fonctions portuaires, certaines formes d’organisation de l’espace et d’urbanisme pourraient faire que les villes donnent à la Méditerranée cette unité qu’on cherche en vain».

 

[39] Voir, supra, § II.3. Cf., par exemple, à propos de l’Islam: Annette Donckier de Doncel, “Introduction à l’histoire de l’Islam” in Le Cahiers du Centre de documentation pédagogique, Université de Bruxelles, 2003 (en ligne) 5 «Mahomet est un homme de la ville […] il faut savoir que l’Islam est une religion citadine […] l’Islam s’est développé dans les villes; toutes les grandes décisions de l’histoire de l’Islam ont été prises dans les villes et l’Islam sera un grand créateur de villes». Sur la spécificité de la «culture urbaine» islamique: F. Fusaro, La città islamica, Bari 1984.

 

[40] Voir, supra, § II.3.