ds_gen N. 8 – 2009 – Memorie//XXIX-Roma-Terza-Roma

 

DA  ROMA  ALLA  TERZA  ROMA

SEMINARI  INTERNAZIONALI  DI  STUDI  STORICI

 

 

XXIX SEMINARIO

IMPERO

DA ROMA A COSTANTINOPOLI A MOSCA

 

 

50° anniversario del PELLEGRINAGGIO di GIORGIO La Pira a Mosca

 

 

 

 

 

DOCUMENTO INTRODUTTIVO XXIX

 

Campidoglio, 21-23 aprile 2009

 

 

 

«Troppa possanza di esperienza, troppo frutto di dolore e di maturazione,

troppo lunga via  di sacrificio e di compimento s’è raccolto a Mosca

da diverse strade e per diversi martiri; ogni città sacra dell’Oriente

ha abdicato per la città capitale: tutto il pensiero sparso pei santuari,

 tutte le parole dei profeti, le rivelazioni degli artisti, i fremiti sacri delle

folle, si sono fusi in una sola grande rivelazione e profezia:

quella che dal Kremlino di Mosca, la campana della città santa

 ha annunziato all’altra parte del mondo.

L’Oriente ha ormai trovato il suo cuore: tutto il contenuto spirituale

dell’Asia si esprime col nome di questa città che ci è tanto straniera:

Mosca è il granito su cui s’è politicamente espresso il pensiero millenario

e inquieto dei popoli orientali»

 Giorgio La Pira, Mosca e Roma (17 novembre 1922)

 

«Слишком [сильная] мощность опыта, слишком [большой] плод

страдания и созревания, слишком долгий путь жертвенности и

свершения собрался в Москве с разных дорог и через разных

мучеников; каждый священный город Востока отрекся ради

стольного города: вся мысль рассредоточенная по святым

местам, все слова пророков, откровения художников, священная

дрожь толп, все слилось в одиное великое откровение и

пророчество: о котором из Московского Кремля

 возвестил другую часть мира колокол священного города.

Восток уже обрел свое сердце: все духовное содержание Азии

выражается именем этого города, который так нам чужд:

Москва – это гранит, на котором политически запечатлена

тысячелетняя и мятежная мысль восточных народов»

Джорджо Ла Пира, Москва и Рим (17 ноября 1922 г.)

 

 

TABLE DES MATIÈRES : Introduction. Origine et développement des Séminaires. – Imperium Romanum. Le concept juridique d’Empire. – La Chiesa e la Nuova Roma. – Terza Roma: I. Il Santo Impero Russo. – II. Città ed ecumene.

 

 

 

Introduction. Origine et développement des  Séminaires : à propos de l’Empire

 

Sommaire : 1. Origine des Séminaires. 2. Les trois Romes. 3. La réflexion lors des Séminaires 1983-1988. 4. Après 1991.

 

1. – Origine des Séminaires

Depuis le 21 avril 1981 se tiennent à Rome, à l’initiative de professeurs de l’Université de Rome “La Sapienza” et avec l’intervention du Consiglio Nazionale delle Ricerche, les Séminaires internationaux d’études historiques “De Rome alla Troisième Rome”. Ces Séminaires sont organisés chaque année à l’occasion de l’anniversaire de la fondation (dies natalis) de l’urbs Roma. En 1983, le Conseil de la Commune de Rome a délibéré, à l’unanimité, d’institutionnaliser l’initiative.

Rome, Constantinople Nouvelle Rome, Moscou Troisième Rome sont le sujet de ces Séminaires en tant que réalités formellement précises, selon une méthode interdisciplinaire de recherche dans laquelle se rencontrent les perspectives juridique et historico-religieuse. Les formalisations de ces réalités “romaines” sont très différentes de par leur nature juridique et religieuse: de l’augustum augurium de la fondation de Rome au canon 3 du Concile œcuménique Constantinople I (381), à la Charte constitutive du Patriarcat de Moscou (1589); mais c’est à partir de ces réalités que s’est développée une continuité d’institutions et de pensée qui dépasse les exclusivismes des ethnies et des états.

On se réfère à la fondation de Rome, conçue dès son origine comme fusion, dans un espace-temps donné, d’ethnies différentes. On se réfère à la fondation de Constantinople qui, par la création d’un second centre universel (précisé ensuite juridiquement par Justinien Ier), donne corps à la synthèse entre les traditions antiques et la nouvelle religion chrétienne et marque concrètement un mouvement historique vers l’Orient. La naissance de Moscou et surtout sa définition comme “Troisième Rome” (“Ville au sept collines”, ainsi que Rome et Constantinople) marque, tout au moins du point de vue de la religion  et du droit, un prolongement de la même ligne[1].

 

2. Les trois Romes

Le point de repère essentiel qui permet de comprendre le module historiographique de la succession des ‘empires’ est le livre de l’Ancien Testament attribué à Daniel (notamment les chapitres 2 et 7). Il faudra donc étudier les grandes interprétations qui, à partir des premiers siècles de notre ère, ont été donnée de ces passages, les domaines dans lesquels elles sont appliquées (religieux, politique, juridique etc.), les conséquences qui en découlent. On pourra alors examiner les interprétations du module historiographique sous leur aspect chronologique (à chaque période un seul “règne”, qui en remplace un autre, guiderait le “monde civilisé”), sous leur aspect spatial (la translatio suivrait, d’après de nombreux interprètes, un mouvement qui de l’Orient va vers l’Occident; mais il existe de nombreuses  variantes de ce schéma concernant les “empires” qui correspondent aux quatre points cardinaux), et aussi par rapport aux fins trans-historiques qu’elles proposent parfois (le règne de Dieu ferait suite aux règnes humains périssables)[2]. 

Selon le moine Filofej de Pskov, après la chute de la vieille et de la nouvelle Rome, la troisième est solide et il n’y en aura pas de quatrième. A bien y regarder, la Troisième Rome n’exclut ni la première ni la seconde. Les caractères des trois Romes ne s’annulent pas mais se complètent même s’ils forment une unité apparemment instable. Dans la perspective actuelle d’une rencontre de cultures, sur la base du système supranational romain et de l’idéal universel du christianisme, on peut considérer Constantinople comme un second centre universel qui donne corps à des traditions antiques consolidant le mouvement historique vers l’Orient, et ce jusqu’à la Troisième Rome, qu’il ne faut pas concevoir dans un sens national mais universel[3].

C’est cette tradition  que le Séminaire entend suivre en se proposant, dans le cadre scientifique qui est le sien, de dépasser les barrières entre Occident et Orient là où celles-ci prétendent, tour à tour ou ensemble, enfermer dans des cadres nationaux restreints une histoire de peuples différents, histoire qui exprime une ampleur universaliste.

 

3. La réflexion lors des Séminaires 1983-1988

Les IIIe, IVe, Ve et VIIIe Séminaires ont considéré certains aspects spatiaux de la continuité de Rome à la Troisième Rome.

Le IIIe Séminaire (“Peuples et espace romain entre droit et prophétie”)[4] a mis l’accent sur les aspects “spatiaux” des institutions qui, en Occident comme en Orient, se sont rattachées à la tradition universaliste de l’idée de Rome; le Séminaire a approfondi certaines notions juridiques (urbs aeterna, fines imperii, orbis, etc.) et souligné l’interrelation entre le caractère ‘romain’ des hommes et celui des lieux.

On a notamment étudié le lien entre les théories de la translatio imperii et les interprétations des chapitres 2 et 7 du Livre de l’Ancien Testament attribué à Daniel.

Les aspects spatiaux de l’ancien système juridico-religieux romain (urbs, ager, Latium, Italia, fines imperii, orbis) ne sont ni réductibles à la notion technique de territorium (connexe aux fines civitatis) ni compréhensibles à travers des catégories juridiques étatiques.

A partir de ce tableau initial, qui souligne l’étroite interrelation entre le caractère ‘romain’ des hommes et celui des lieux, se développent la notion ancienne de utraque Roma (Rome et Constantinople) et la notion médiévale de Roma mobilis. L’“espace romain”, le peuple romain, l’empereur romain sont des réalités qui se caractérisent réciproquement, aussi bien à Constantinople que dans le Saint Empire Romain.

De nouveaux peuples “non romains” (Germains, Russes) prennent la conduite de la continuité de l’Empire. La rationalité des conceptions juridiques peut ici s’ouvrir aux intuitions prophétiques, comme dans la théorie de la Troisième Rome.

L’interrelation entre espace et hommes dépasse, dans la “longue durée”, les oppositions (construites selon une perspective occidentale) entre antiquité, moyen-âge, époque moderne. La notion de “romain” permet ainsi, par exemple, de se réapproprier la continuité de la Romania avec la Romiosyni.

La notion de translatio imperii est élaborée de façon différente dans les diverses langues (latine, grecque, germaniques, slaves).

Le IVe Séminaire (“Espace et centralisation du pouvoir”)[5] a été consacré à un examen approfondi de certains instruments conceptuels et institutionnels créés (en tenant compte des quantités démographiques et géographiques) en fonction d’une plus grande intensité de communications (religieuses, politiques, militaires, commerciales, etc.).

On a étudié la notion d’imperium (dans la complexité de ses aspects religieux et populaires) qui s’enrichit dans les mots correspondants grec et slave (basileia, carstvo). On a ensuite mis en évidence l’opposition conceptuelle entre “Empire” et “État” : la notion de territoire est étrangère au concept d’Empire au sens propre (universel) ; la notion de peuple (délibérant) est essentielle au concept d’Empire ; à l’opposé, la notion d’État implique une souveraineté abstraite sur un territoire et une population.

On a également étudié la notion de foedus : instrument institutionnel très flexible auquel les oppositions entre “droit international”, “droit public externe”, “droit public interne” restent étrangères.

La notion de imperium ressort en premier lieu, dans la complexité de ses aspects religieux et populaires, “internes” (domi et militiae) et “externes” (imperium populi Romani, imperium Romanum). La notion (quelquefois mal rendue par le terme “domination”) s’enrichit dans ses équivalents grec et slave (basileia, carstvo) et aussi par rapport aux distinctions introduites par la langue allemande (Kaisertum et Kaiserreich). En prenant pour base le latin , mais sans perdre de vue les mots correspondants dans les autres langues qui nous concernent, à côté des mots isolés (imperator, princeps, dominus, pater, rex) certaines expressions (comme rex regum, princeps principum), dans les applications qui en ont été faites à des puissances divines et humaines, offrent elles aussi la possibilité d’approfondir le thème

La polémique étatiste de Hegel contre le Saint Empire Romain (de la Nation Germanique) confirme la nette opposition conceptuelle entre “Empire” et “État” ; opposition qui dans la culture anglo-saxonne a trouvé une heureuse expression grâce au civiliste James Bryce : «the Empire not as a State but as an Institution».

L’antique contraste entre imperium populi Romani et ethnies continue jusqu’aux précisions conceptuelles de la doctrine politique contemporaine (v. par ex. la distinction entre “empire interne” et “nation” élaborée récemment à propos de l’Empire du Brésil constitué en 1822).

Au cours du Ve Séminaire (“Rome hors de Rome: institutions et images”)[6], on a observé en premier lieu comment certaines régions ou certaines villes situées loin de Rome et hors de l’Italie ont assumé un caractère “romain”; en second lieu, des cas concrets de translation des centres politiques; en troisième lieu, l’image de “Rome” (et donc de Constantinople et de Moscou), l’idée que peu à peu d’autres peuples se faisaient d’elle.

La religion romaine ancienne connaît des procédures pour rendre ‘romain’ un ager loin de l’urbs Roma (même hors d’Italie), afin d’accomplir des actes d’une très grande importance pour la concentration et l’expansion de l’imperium populi Romani: la création du dictateur et la repetitio auspiciorum pour la guerre. De même se posent les problèmes de l’inauguration de templa, aptes à la convocation de comices (Ve-IVe s. av. J.- C.) et du sénat (Ier s. av. J.- C., de Sertorius, à Pompée, à Antoine). Pour l’ère impériale, rappelons le “sénat” de Galba en Espagne (et peut-être celui de Postumus en Gaule).

Le renforcement du pouvoir du princeps fait ressortir le concept d’urbs regia. La résidence de l’empereur ne s’identifie pas nécessairement avec le caput orbis terrarum (la distinction est particulièrement évidente pour Rome déjà avec la Tétrarchie et pour Constantinople jusqu’en 380).

C’est durant le Saint Empire Romain que sera élaboré le concept juridique de Roma mobilis.

L’empereur romain d’Orient siègera à Nicée après la conquête de Constantinople par les Latins.

Le souverain pontife siègera à Avignon après la débâcle imprévue de la potestas bonifacienne: là, le Pape restera toujours en tant qu’évêque de Rome, successeur de Pierre dans la chaire romaine, contraint par les événements à vivre en exil (captivité de Babylone).

Pour la Troisième Rome, on discute de l’importance de la division du territoire liée à la renonciation d’Ivan IV au titre impérial et au déplacement de sa résidence à Petrovka (1575-76). De même on examine le problème de la relation entre la nouvelle capitale Saint-Pétersbourg et la capitale Moscou où continuent de se dérouler les rites du couronnement des empereurs.

La définition, à travers les rites et les légendes de la fondation des trois “Villes aux sept collines”, d’espaces auxquels on peut rattacher avec certitude les institutions (romaines ou de toute façon impériales chrétiennes), ne se fait pas sans contrastes et peut aussi provoquer des difficultés dans le processus d’unification. Le déplacement des institutions par rapport aux capitales peut être soit un risque de fracture, soit une garantie de continuité expansive.

Le VIIe Séminaire (“Continuité du Droit romain dans l’Europe Orientale jusqu’ à la fin du XIXe siècle”) comprenait trois sous-thèmes (“Imperium et sacerdotium”, “Principes du droit et idéologies”, “Codifications et enseignement du Droit romain” ) que l’on a traité en rapport au temps et à l’espace de la tradition des “trois Romes”, c’est-à-dire depuis la fondation de l’Urbe jusqu’à nos jours, en soulignant le lien entre l’Orient et l’Occident.

Le premier sous-thème (“Imperium et sacerdotium”) exige le croisement des perspectives juridique et historico-religieuse sur des réalités fondamentalement universelles, dont la “symphonie” et les conflits sont précisés de plusieurs façons dans les différentes théories juridiques de la translatio imperii et dans les prophéties connexes.

Les rapports entre imperium et sacerdotium en tant que pouvoirs universels ne connaissant pas la séparation entre juridique et religieux, en référence aussi au devenir moderne du droit vu dans son sens “particulariste” (ou “anti-universaliste”) c’est-à-dire national et étatiste[7].

Le VIIIe Séminaire a concerné les “Conceptions de la paix”, dont on a reparcouru le chemin “de Rome à Constantinople” et “de Constantinople à Moscou”. C’est avec une attention toute particulière qu’a été considérée la signification des mots pax, eirene et mir (celui-ci signifie en même temps “communauté de village”, “monde” et “paix”)[8].

 À cette occasion a été rappelée la traduction russe de la phrase des commentaires à Saint Paul: l’expression “Rim ves’ mir” (“Rome est le monde entier”) que l’on trouve dans une lettre du moine Filofej de Pskov[9] (voir infra Terza Roma, 1).

 

4. Après 1991

Le sujet Empire a concerné d’autres Séminaires portant tous le sous-titre “De Rome à Constantinople à Moscou”: XII Séminaire Humanité et nations dans le droit et dans la spiritualité[10] ; XV Séminaire Empires universels et sociétés multiethniques (actes publiés en 2002)[11]; XXII Séminaire Ville et écoumène. Les lieux de l’universalisme; XXIII Séminaire Ville et écoumène. Autonomie et centralismes ; le XXIV Séminaire “Écoumène et villes. Empire et localisations; le XXVI Séminaire Paix et Empire[12].

[M.-R. M. – C. T.]

 

Traduction de Marie-Rose Mezzanotte, Université de Sassari

 

 

 Imperium Romanum. Le concept juridique d’empire[13]

 

Sommaire : 1. L’idéologie bourgeoise de la «fin de l’Empire romain» et la théorie de l’État. a) Hegel : contre le Saint Empire ; b) Historiographie bourgeoise : l’idéologie de la “fin de l’Empire romain” ; c) James Bryce : une vision non étatiste de l’Empire romain ; d) A propos de Toynbee : le terme “empire universel” ; e) Le langage de la “globalisation”. 2. Droit et prophétie. Reconstruction du concept d’“Empire”. 3. La civitas augescens et la citoyenneté romaine universelle. 4. Contre la “globalisation”. Les civitates et les coutumes locales. 5. Sacerdotium et imperium. Paix et Empire (de Jean-Jacques Rousseau à Vasilij Fedorovič Malinovskij). 6. Occident: de l’Europe au Nouveau Monde. De Charles V à Simon Bolivar. A propos du “Quinto Imperio”. 7. Le concept d’Empire et la distinction entre fait et droit, entre validité et effectivité (à propos de Carl Schmitt). 8. Pour une reconstruction historico-juridique : la pensée ecclésiastique. La ‘Protestation’ du Saint-Siège du 14 juin 1815

 

 

1. L’idéologie bourgeoise de la «fin de l’Empire romain» et la théorie de l’État

A l’époque moderne, jusqu’au début du XIXe siècle, d’amples discussions se sont déroulées sur les concepts juridiques d’”empire” et de “romain” : nous pouvons indiquer une période allant de la Réforme protestante à la Révolution française, et mentionner l’ouvrage de Bellarmino (De translatione imperii Romani a Graecis ad Francos adversus Matthiam Flacium Illyricum libri tres, publié en 1589) et celui d’Hegel (Die Verfassung Deutschlands, 1801-1803).

Les concepts d’“empire” et de “romain” ont été “oubliés” (ou effacés de la mémoire) ou déformés à partir de la renonciation au Deutsches Reich (en 1806) de la part de François II, Empereur des Romains élu. L’effacement de la mémoire historique du peuple et des juristes a essentiellement été causé par  l’affirmation ‘de fait’ de la “souveraineté” des “états”; mais il ne faut pas sous-évaluer les aspects philosophique et historiographique du phénomène.

a) Hegel : contre le Saint Empire

En ce qui concerne l’aspect philosophique, les critiques d’Hegel contre le Saint Empire Romain marquent une période significative du siècle dernier (avant et après 1806): ces critiques sont un élément essentiel de la construction de la théorie hégélienne de l’État. Dans Die Verfassung Deutschlands, Hegel critique la constitution du Saint Empire Romain, théorisant la nette distinction entre le pouvoir de l’État et le pouvoir religieux, entre le droit étatique et le droit romain (entre le droit public et le droit privé). D’un point de vue que nous pouvons qualifier de nationaliste, Hegel refuse le Saint Empire Romain (Deutsches Reich) en tant que «système de l’État seulement pensé» (des Gedankenstaates); d’autre part, dans cet écrit, l’idéal de l’ancienne polis est déjà définitivement abandonné, et la “collaboration” (Mitwirkung) du peuple aux lois “et aux affaires les plus importantes de l’État” est déterminée dans le sens de l’“organisation” (Organisation) du “système de la représentation. Plus de deux décennies après, ayant affirmé que le principe de l’”universalité abstraite” se trouverait dans l’ancien Empire romain («État, loi, constitution sont des fins auxquelles sert l’individu: il s’annule en elles»), Hegel ajoute: «Il semble qu’un tel empire existe pour l’éternité, surtout quand il porte en lui, comme dans la religion, le principe de la satisfaction subjective aussi, c’est-à-dire quand il devient Saint Empire Romain. Ce dernier, toutefois, finit il y a deux décennies» (Vorlesungen über die Philosophie der Weltgeschichte).

La théorie contemporaine de l’État naît donc avec le refus et une déclaration de mort (présumée) de l’Empire. L’effacement de la mémoire historique du peuple et des juristes a eu lieu essentiellement à la suite de l’affirmation de fait des souverainetés des États; mais il ne faut pas sous évaluer les aspects philosophique et historiographique du phénomène.

b) Historiographie bourgeoise : l’idéologie de la “fin de l’Empire romain”

En ce qui concerne l’historiographie, la prise en charge de la perspective étatiste contribue à faire en sorte que la date de 476 (presque insignifiante pour les contemporains et soulignée au cours de la période moderne par les philosophes du siècle des lumières) revêt un intérêt épocal, sur lequel se base la construction d’une véritable idéologie bourgeoise occidentale de la “fin de l’Empire romain”. Cette construction implique (ou sous-entend) une réduction de l’Empire romain à sa partie occidentale seulement; l’invention du concept historiographique de “byzantin” lui est pertinente: elle sert à interrompre la continuité entre Rome et la Nouvelle Rome (Constantinople) et à opposer deux traditions religieuses, juridiques, politiques et culturelles. On voudrait ainsi effacer la continuité romaine de l’Empire d’Orient, comme “Politeia des Romains”: «il superstite e autentico Impero di Roma» (selon F. Calasso).

L’idéologie bourgeoise de la “fin de l’Empire romain” obtient de nombreux résultats, parmi lesquels il faut mentionner: l’exaltation des États nationaux et le dénigrement de l’expérience romaine orientale. Pour ce qui est des concepts, l’opération est encore plus profonde: la différence entre ‘empire’ et ‘état’ s’évanouit; l’Empire romain est considéré comme n’existant qu’en tant qu’‘État’ (occidental).

Après le refus, est arrivé l’effacement de la mémoire.

En suivant la théorie de l’État formulée par Hegel, Theodor Mommsen transforme le ius publicum de la res publica (c’est-à-dire res populi) des époques “républicaine” et “impériale”, en un Staatsrecht.

c) James Bryce : une vision non étatiste de l’Empire romain

Toutefois, aux XIXe-XXe siècles, quelques réflexions historico-juridiques plus profondes ne manquent pas. Il faut d’abord mentionner les écrits de James Bryce, le romaniste d’Oxford (Regius Professor de Civil Law), homme politique libéral et diplomate. Au début de son célèbre ouvrage sur le Saint Empire Romain, il déclare son intention «de décrire l’Empire non pas comme un État mais comme une institution créée par un merveilleux système d’idées et informatrice de ce système»; et, de façon cohérente, dans le chapitre sur la “Chute de l’Empire”, il écrit: « La Grande-Bretagne avait refusé en 1806 de reconnaître la dissolution de l’Empire. Et on peut vraiment affirmer que, si l’on s’en tient à la loi [corrige : le droit], l’Empire ne s’est jamais éteint, mais il a vécu jusqu’à nos jours comme un esprit sans corps. Puisqu’il est clair que, en termes techniques, l’abdication d’un souverain ne peut que détruire ses droits et ne dissout pas l’État sur lequel il règne ». Sa conception du rapport entre ‘État’ et ‘droit’ apparaît ainsi opposée à celle d’Hegel. Il nie la dissolution de l’Empire et relève la continuité avec l’Empire d’Orient en notant, dans le chapitre sur l’Empire Romain Oriental (ajouté dans l’édition de 1904), la méconnaissance, le désaveu, de la part de l’Occident, des «efforts admirables en défense de la civilisation» faits à Constantinople Nouvelle Rome et comment « même à une époque plus récente, l’œuvre du peuple et des gouvernants de la Nouvelle Rome ne fut pas considérée à sa juste valeur »; et il observe ironiquement que « chercher laquelle des deux lignes impériales rivales après l’an 800 avait le meilleur titre pour représenter l’ancienne Rome est une enquête qui s’adapte mieux aux discussions du XXe »

Parallèlement, Bryce considère le Droit romain comme legal system mondial en vigueur, même après les codifications, en comparaison constante avec la common law. Nous avons donc l’exemple d’une vision de l’Empire romain et du Droit romain opposée à la vision étatiste[14].

d) A propos de Toynbee : le terme “empire universel”

Laissons de côté également pour des raisons de brièveté, les emplois contemporains de termes tels que “empires universels”, “états universels” “états mondiaux”, presque toujours dus à des réflexions qui se situent dans le sillage de l’œuvre de Toynbee ou qui se confrontent avec cette dernière. Nous devons toutefois relever que “empire universel” est une terme historiographiquement générique , et “état universel” est un terme juridiquement contradictoire (à moins que l’on ne donne au mot ‘état’ un sens tout à fait générique).

Quant aux banalisations du terme ‘empire’ dans les usages vulgaires propres du journalisme contemporain, elles pourraient ne pas nous intéresser ici.

e) Le langage de la “globalisation”

Aujourd’hui, il semble que ce concept juridique ne résiste pas au vulgaire langage de la politique et du journalisme. L’emploi impropre du mot “empire” domine depuis que, de façon imprévue (c’est-à-dire après 1991), l’utilisation d’”impérialisme”, en tant que terme technique, a diminué. La globalisation (phénomène essentiellement économico-financier et de l’information) trouve dans l’emploi impropre, euphémique, ambigu du terme “empire” un outil idéologique utile. En 2000, un livre a été publié, en langue anglaise, qui encourage cette mystification terminologique[15]. Il est au contraire scientifiquement correct de parler d’“impérialisme international de l’argent”, en employant l’expression des Pontifes romains du XXe siècle (encycliques Quadragesimo anno et Populorum progressio).

Pour la paix, nous devons donc attendre une publica auctoritas universalis qu’il faut nettement distinguer des internationalia gremia actuels (constitution Gaudium et spes, 82). L’intervention d’ouverture au XXVIe Séminaire, du 21 avril 2006, prononcée par l’Archevêque Agostino Marchetto, secrétaire du Conseil Pontifical des Migrants et Itinérants, donne un soutien théorique (et historique) important à cette perspective[16].

 

2. Droit et prophétie. Reconstruction du concept d’“Empire”

Le point de départ pour une reconstruction du concept, avant tout sur base philologique, est la codification de l’Empereur Justinien I.

La conception de l’imperium qu’ont eue Justinien et ses juristes peut être considérée comme centrale en tant que point de rencontre des différents développements, en Occident et en Orient, vers le futur. Dans la constitution Deo auctore on retrouve des concepts nécessaires pour éclairer celui d’imperium: deus, populus, urbs Roma, orbis terrarum. Il faut souligner la profonde différence qu’il existe entre ces concepts et les concepts propres des conceptions positivistes et étatistes du droit: maiestas divine, populus Romanus, orbis terrarum sont à opposer à “souveraineté étatique”, “population”, “territoire” en tant qu’éléments de l’État selon la doctrine courante.

L’opposition entre Empire et États a une répercussion sur le plan du droit: le rapport entre imperium (populi Romani) et ius (Romanum) est radicalement différent du rapport entre État et droit (positif). Les constitutions justiniennes permettent de préciser les concepts d’‘universel’ et ‘éternel’ en référence au ius Romanum. Selon Justinien, les Romanae leges ou Romana sanctio ou ius Romanum concernent tous les hommes (Deo auctore 1; Tanta 12; 19; 23) et tous les peuples (Imperatoriam 1); les leges des Institutiones et des Digesta sont déclarées «in omne aevum valituras» (Tanta, 23; cf. 12; Deo auctore 14). Ceci marque la distinction entre l’’État’ (moderne et contemporain) ‘particulier’ et ‘effectif’, et l’Empire romain, universel et éternel.

Le rapport entre imperium (Romanum) et ius est donc précisé du point de vue législatif ainsi que celui entre ius et l’immortalité de la res publica. C’est presque une réponse à la vieille préoccupation de Cicéron (De rep. 3, 29, 41), à savoir que des comportements arbitraires puissent faire “passer” l’imperium des Romains du droit à la force et le baser sur la terreur plutôt que sur la volonté. Dans la constitution adressée aux étudiants de droit, Justinien affirme: «Imperatoriam maiestatem non solum armis decoratam, sed etiam legibus oportet esse armatam» et ceci afin que le princeps Romanus soit iuris religiosissimus (Imperatoriam pr.).

Ce lien entre imperium et ius suppose une convergence des perspectives juridique et prophétique (Virgile « prophète laïc», selon les mots de Giorgio La Pira) qui nous permette aujourd’hui de préciser la nette distinction conceptuelle entre les États et l’Empire (universel et éternel).

 

3. La civitas augescens et la citoyenneté romaine universelle

L’histoire de Rome, dès sa fondation, consiste dans le dépassement des barrières ethniques. Grâce à sa singulière capacité d’assimilation, bien connue, des esclaves et des étrangers, l’universalité de Rome reste telle qu’elle a été vue jusqu’à nos jours par ses ennemis (par ex. le parti nazi) et par ses amis (par ex. l’africain Senghor) et ce qu’elle est depuis les “temps de Romulus”: l’anti-race, si l’on peut ainsi s’exprimer.

De l’asylum de Romulus sur le Capitole, créé pour accueillir au sein de la citoyenneté (cives) les étrangers libres et les esclaves, à la constitutio Antoniniana qui, en 212 ap. J.-C., étend la citoyenneté à tous les habitants du monde romain (sauf exceptions), jusqu’à la réaffirmation du favor libertatis et à l’élimination du concept de peregrinus dans la codification de Justinien: la croissance (ou l’augmentation) cohérente de la civitas continue, potentiellement universelle, sans conditionnements ethniques ou nationaux.

À la fin du IIIe siècle av. J.-C., le roi de Macédoine Philippe V, dans une lettre à la ville grecque de Larissa, par laquelle il demandait d’inscrire comme citoyens les métèques, avait observé: « les Romains donnent la liberté aux esclaves, en les accueillant dans la citoyenneté et les faisant participer aux magistratures ... ils ont ainsi non seulement agrandi leur patrie, mais ils ont aussi fondé environ soixante-dix colonies » (Dittenberger, Syll. II, 543). Les écrivains latins et grecs ont amplement conscience de cette politique de la citoyenneté: de Fabius Pictor à Cicéron, à Velleius Paterculus, à Sénèque; de Polybe à Denis d’Halycarnasse à Aelius Aristide. On en a peut-être la formulation la plus expressive, en rapport également aux charges publiques, dans un discours de l’empereur Claude au Sénat (48 p. C.), en partie conservé dans la Table de Lyon (CIL, XIII, 1668), résumé et transformé dans Tacite, Ann. 11, 24.

Dans cette civitas augescens (cf. Digesta Iustiniani 1,2, 2,7; cf. 28) et civitas amplianda (Codex Iustinianus 7, 15,2), qui réunit les hommes contre l’exclusivisme ethnique, nous considérons la position de Saint Paul comme emblématique: « Le tribun se rendit chez Paul et lui demanda: ‘Dis-moi, es-tu citoyen romain?’. Il répondit: ‘oui’. Le tribun répliqua: ‘Moi, je l’ai achetée cher, cette citoyenneté’. Paul dit: ‘Moi, au contraire, je le suis depuis ma naissance’ » (Actes des Apôtres, 22, 27-28). De façon parallèle, la notion de ius Romanum, vu comme “système universel du bon et de l’équitable”, s’est modelée à partir des sources juridiques (depuis Dioclétien jusqu’à Justinien I). Les Juifs eux aussi purent vivre selon le ius Romanum (Codex Iustinianus I,9, 8) et donc être des Romani (cf. Interpretatio ad Codicem Theodosianum 2, 1, 10).

Le concept (et la politique) de citoyenneté (romaine et finalement universelle) est un aussi un élément opposant Empire et États.

La notion et la réalité de l’Empire romain ne se construisent ni sur un principe de nationalité ni sur un principe de territorialité[17], mais sur le principe de la croissance de la citoyenneté: civitas augescens, civitas amplianda (voir le Document d’introduction XVI, “Civitas augescens : citoyenneté et développement des peuples de Rome à Constantinople à Moscou”, 23 - 24 avril 1996 (v. Index 30, 2002, pp. 81 ss.)[18]. La citoyenneté romaine n’est fondée ni sur l’origine ni sur le territoire ; elle peut être acquise par tous les hommes, sans différences ethniques ou religieuses. C’est sur la citoyenneté et non pas sur un principe de territorialité que se construisent la notion et la réalité de l’Empire romain. La citoyenneté romaine n’est fondée ni sur l’origine (Savigny lui aussi l’avait compris) ni sur le territoire. Tout homme, sans distinctions ethniques ou religieuses, peut l’acquérir, et elle peut s’étendre sur toute la terre.

 

4. Contre la “globalisation”. Les civitates et les coutumes locales

C’est là qu’on trouve les outils conceptuels juridiques pour la défense des hommes contre la “globalisation”[19].

Être “romain” ne signifie pas appartenir à une “nation” ni à un “état”. C’est une grave erreur dogmatique (religieuse et juridique) de confondre l’imperium Romanum avec un “État”.

          De cette conception de la citoyenneté (c’est-à-dire du populus comme ensemble de cives) dérive la théorie romaine de la coutume (consuetudo) comme expression de la volonté populaire non seulement dans l’urbs Roma mais aussi dans toutes les civitates de l’Empire (Digesta Iustiniani, 1, 3, 32 qui reproduit un texte du juriste Iulianus de l’époque de l’Empereur Hadrien).

          La théorie romaine de la coutume sera lancée dans le Nouveau Monde, grâce à l’Empereur Charles V, à travers la validité juridique des coutumes des Indios.

 

5. Sacerdotium et imperium. Paix et Empire (de Jean-Jacques Rousseau à Vasilij Fedorovič Malinovskij)

Ces problèmes peuvent être mieux dégagés si l’on réfléchit sur deux moments du devenir doctrinal: l’un précédant, l’autre suivant l’agrandissement de l’Empire au-delà des colonnes d’Hercule; l’un précédant, l’autre suivant la naissance des États nationaux. Nous voulons rappeler les doctrines de Bartolo da Sassoferrato et de Jean-Jacques Rousseau, et la référence de celui-ci au juriste médiéval.

On sait que Bartolo de Sassoferrato reliait l’imperium au populus Romanus et faisait une nette distinction, à propos du pouvoir universel de l’imperator, entre le ius et le factum.

Dans l’Extrait du projet de paix perpétuelle de Monsieur l’abbé de Saint Pierre, Rousseau décrit l’origine de la “société des Peuples de l’Europe” à partir de l’Empire romain vu comme l’union « resserrée par la maxime, ou très-sage ou très insensée, de communiquer aux vaincus tous les droits des vainqueurs » (et il rappelle surtout la constitutio Antoniniana); à ce lien politi­que (« qui réunissoit ainsi tous les membres en un corps ») s’ajouta celui des institutions civiles et des lois (notamment le “Code” de Théodose et les “Li­vres” de Justinien: « chaînes de justice et de raison substituée à propos à celle du pouvoir souverain, qui se relâchait très sensiblement »); le Troisième lien, plus fort que les précédents fut, selon Rousseau, celui de la religion (« et l’on ne peut que ce ne soit surtout au Christianisme que l’Europe doit encore aujourd’hui l’espèce de société qui s’est perpétuée entre ses membres »). L’Empire romain trouva de nouvelles ressources dans le christianisme et c’est en Europe que fut placé le centre des “deux puissances”, Sacerdoce et Empire: « Voilà comment le Sacerdoce et l’Empire ont formé le lien social de divers Peuples qui, sans avoir aucune communauté réelle d’intérêts, de droit ou de dépendance, en avoient une de maximes et d’opinion, dont l’influence est demeurée, quand le principe a été détruit. Le simulacre de l’Empire a continué de former une sorte de liaison entre les Membres qui l’avoient composé; et Rome ayant dominé d’une autre manière après la destruction de l’Empire, il est resté de ce double lien une société plus étroite entre les Nations de l’Europe, où étoit le centre de deux Puissances que dans les autres parties du monde, dont les divers Peuples, trop épars pour se correspondre, n’ont de plus aucun point de réunion ».

Ce “double lien” est précisé dans une note où Rousseau se réfère justement à Bartolo de Sassoferrato: « Le respect pour l’Empire Romain a tellement survécu à sa puissance, que bien des Jurisconsultes ont mis en question si l’Empereur d’Allemagne n’étoit pas le souverain naturel du monde; et Bar­tole a poussé les choses jusqu’à traiter d’hérétique quiconque osait en douter. Les livres des Canonistes sont pleins de décisions semblables sur l’autorité temporelle de l’Église Romaine ».

La “société des Peuples de l’Europe” est définie comme un “système” dont l’appui est le “Corps Germanique” malgré les défauts de la constitution de l’Empire. Pour aller au-delà de l’imperfection de cette société et rendre perpétuelle la paix il est nécessaire de constituer, à travers la confédération, une république européenne, de la Diète dont devraient faire partie, avec vote égal, dix-neuf “puissances”: « L’Empereur des Romains. L’Empereur de Russie. [...] Le Roi de Sardaigne».

Le rôle du Saint Empire Romain et de l’Empereur des Romains marque l’un des points où l’œuvre de Rousseau s’éloigne le plus de celle de l’abbé de Saint Pierre dont il s’inspire. Parmi les modifications apportées par Rousseau à l’ordre des puissances, la position de l’Empereur et du Tsar avant celle du roi de France a été qualifiée d’“arbitraire”; mais le choix qui place les deux “empereurs” à la première place dans la république européenne est très significatif. Dans ce choix se rencontrent l’“universalisme institutionnel” et la “conscience de l’unité de l’Europe” comme “réalité historique et morale”, mais aussi l’aversion pour un “européisme qui ne respecte pas les caractéristiques nationales”, le refus des ambitions modernes à une “monarchie universelle” et le républicanisme. On a observé, paradoxalement, que le penseur politique le plus révolutionnaire du XVIIIe siècle a été l’interprète “plein de compréhension sympathétique” de son institution la plus conservatrice (K. von Raumer).

Ce développement théorique du rôle de l’Empereur des Romains devrait être vu en tenant compte de la “recherche”, à l’époque moderne, d’une unité des peuples à travers des confédérations, selon la ligne (opposée à celle de Grotius), dont l’abbé de Saint-Pierre est justement un exemple.

Rousseau a exercé une grande influence sur l’œuvre du penseur russe Vasilij Fëdorovič Malinovskij[20], entre la Révolution française et la Restauration.

 

6. Occident: de l’Europe au Nouveau Monde. De Charles V à Simon Bolivar. A propos du “Quinto Imperio”

Les changements ethniques et sociaux de l’occident, les discontinuités même géographiques (outre-océan) rendent plus évidente la force du concept juridique d’imperium Romanum dans son caractère tout à fait “superstructurel”. De ce point de vue, on doit exalter le rôle de l’Empire de Charles V dans l’histoire juridique.

Nous devrons étudier les problèmes complexes qui dérivèrent, même sur le plan théorique, de la réalité américaine de l’Empire: le rapport entre empire universel et “empire mexicain”; le passage du “droit des gens” au “droit international”.

À partir de la fin du XVIIIe siècle, le concept d’empire assume dans le Nouveau Monde une fonction ouvertement révolutionnaire.

En 1798, Francisco de Miranda, général de la Révolution française, écrit un Projet de Constitution pour les Colonies hispano-américaines; on aurait dû constituer un “Empire” ayant une forme de gouvernement mixte, dans lequel le pouvoir exécutif appartiendrait à « un Inca sous le titre d’Empereur ». Les projets constitutionnels suivants (1801) du Precursor de l’Indépendance hispano-américaine développent un caractère fédéral du gouvernement de l’“Empire américain” et les compétences des comices et de la Diète Impériale. Cette utilisation du concept d’empire précède l’utilisation napoléonienne. À nouveau rédigés (1808) et envoyés à Caracas, les projets de Miranda trouveront un appui en Simón Bolívar.

Le Libertador Simón Bolívar, tout en s’inspirant à travers Rousseau de la République romaine, met en évidence, dans la confrontation avec la Monarchie espagnole, la valeur d’intégration de différents peuples propre de l’Empire romain (en cela aussi, Bolívar ne s’éloigne pas de Rousseau). Mais il y a plus: un passage de la Carta de Jamaica (la “carta profética” du 6 septembre 1815) nous permet de situer l’action de Charles V à la racine de l’action, en même temps hispano-américaine et universelle, du Libertador: « El emperador Carlos V formó un pacto con los descubridores, conquistadores y pobladores de América que, como dice Guerra, es nuestro contrato social ».

Enfin l’Empire du Brésil et l’idée de “Roma Americana” du juriste José da Silva Lisboa. Cette idée a ses racines dans la pensée du Père jésuite Antonio Vieira (+ 1697), défenseur des Juifs et des Indios, c’est-à-dire dans la théorie juridico-religieuse du “Quinto Imperio”, qui implique une ultérieure translatio imperii (du Saint Empire) en Occident[21].

 

7. Le concept d’Empire et les distinctions entre fait et droit, entre validité et effectivité (à propos de Carl Schmitt)

La translatio imperii ad Germanos comporte aussi des problèmes de terminologie juridique. Il suffit de remarquer la distinction entre Kaisertum et Kaiserreich: elle tend à séparer les aspects personnels et spatiaux, idéaux et effectifs de l’Empire, unis par le mot latin imperium, qui signifie fondamentalement “commandement”.

À la fin des années 30 du siècle passé, Carl Schmitt exprimait son intention d’introduire le concept de Reich dans le droit international, “come un ente speciale” (ce sont les termes employés dans la traduction italienne éditée en 1941 par l’Istituto Nazionale di Cultura Fascista), en établissant une correspondance entre Reich et Grossraum (traduits par “impero” et “grande spazio”) et en privilégiant le Reich fondé sur l’“idea di nazione”: « Reich, Imperium, Empire non sono la stessa cosa e non sono introspettivamente paragonabili tra loro. Mentre Imperium ha spesso il significato di una formazione universalistica che comprende il mondo e l’umanità e che è quindi supernazionale (il che tuttavia non è sempre però necessario perché possono pure esistere uno accanto all’altro molti svariati Imperi), il nostro Reich tedesco è essenzialmente nazionalistico e costituisce un ordinamento giuridico essenzialmente non universalistico, basato sulla norma fondamentale del rispetto di ciascun popolo». L’idée même d’Empire romain est condamnée et effacée: dans les souvenirs des Völkeranschauungen (traduit par “panorama etnico”) de la “decadenza dell’impero” et dans les rapprochements aux universalismes libéral démocratique et bolchévique. La prétention de transformer le droit international de simple organisation interétatique en “vivente diritto dei popoli” se manifestait ainsi par ce qui a été défini “occasionalismo giuridico”.

Cette pensée est en opposition évidente avec celle d’un “théologien laïc” allemand, Theodor Haecker, qui dans les années 30 interprétait la vision virgilienne de la continuité augurale de l’Empire (que Justinien avait fait sienne) : « Rome peut être détruite plusieurs fois et elle sera toujours réédifiée... Nous vivons tous en effet dans l’imperium romanum qui n’est pas mort. Nous tous, que nous voulions le reconnaître ou non, que nous le sachions ou non, sommes encore membres de l’imperium romanum »[22].

D’un autre côté, Massimo Cacciari a observé qu’il manque chez Carl Schmitt “l’analyse du droit romain”[23].

 

8. Pour une reconstruction historico-juridique : la pensée ecclésiastique. La ‘Protestation’ du Saint-Siège du 14 juin 1815

En vérité, pour la reconstruction de la mémoire historique des juristes il faut compter sur la pensée ecclésiastique orientale et occidentale.

En 1393, le Patriarche de Constantinople Antoine IV rappelait au Grand-prince de Moscou et de toute la Russie, Vasilij Ier, quelle était la position juridique et religieuse de l’Empereur: « basileus et autocrate des Romains, c’est-à-dire de tous les Chrétiens ». Ceci était reconnu par le Grand-prince de Moscou Vasilij II, dans une lettre adressée à l’Empereur Constantin XI Paléologue, encore en 1452 !

Les conceptions juridiques qui appuient les aspects religieux de l’imperium sont mal comprises en Occident par une historiographie qui tend à le réduire à un pouvoir temporel[24].

Il faut rappeler que le 14 juin 1815 le Saint-Siège protesta contre les conclusions du Congrès de Vienne à cause du non-rétablissement du Sacrum imperium Romanum, “centre de l’unité politique selon le droit et consacré par la sainteté de la religion”: «politicae unitatis centrum jure habitum et religionis sanctitate consecratum». On peut noter ici l’utilisation convergente de trois concepts différents, à travers trois mots ayant trois racines différentes: religio, sanctitas, consecrare.

[P. Catalano]

Traduction de Marie-Rose Mezzanotte, Université de Sassari

 

 

La Chiesa e la Nuova Roma

 

Sommaire : 1. Tra universo romano antico e universo cristiano. a) Sulla nozione di civitas in Roma; b) Universalità della Chiesa; c) Località delle chiese e loro rapporto con le città. 2. Costantinopoli Nuova Roma. a) Fondation de Constantinople. Le Concile œcuménique de 381; b) Meliora auguria. La codification de Justinien. 3. Imperium e sacerdotium. 4. Continuité impériale et chrétiens orthodoxes. a) Le peuple et l’empereur; b) Politeia; c) Peuple de Dieu; d) Un souvenir du polythéisme?

 

1. Tra universo romano antico e universo cristiano.

a) Sulla nozione di civitas in Roma

La nozione e la realtà della civitas in Roma ha origine quando una moltitudine diversa e indeterminata la costituisce, quando genti differenti per stirpe, lingue, tradizioni convengono in una moenia. Già gli scrittori antichi avevano affermato che la cittadinanza romana ha il proprio fondamento non nell’origine o nel territorio, ma in una radice morale, politica e giuridica, la concordia: “Concordia civitas facta est”. La libera obbedienza alla legge fa il cittadino. Di qui discendono altri elementi che caratterizzano la civitas: la capacità di assimilare costumi di altri popoli, senza smarrire la propria tradizione (cf. Polibio VI, 25,11); la volontà di accrescere continuamente la civitas, non solo quanto al  numero degli abitanti, ma anche in senso spaziale e temporale (cf. Pomponio D. 1, 2, 2, 7; Giustiniano C. 7, 15, 2); la certezza della sua eternità (cf. Livio IV, 4, 4) e, quanto più interessa sottolineare in questa sede, la prospettiva della sua universalità (cf. Ovidio, Fasti II, 684; Rutilio Namaziano, De reditu suo vv. 48 ss.). Il commune foedus, che è comunione di vita e di civiltà, supera ogni disparità etnica o religiosa e ogni frontiera di tempo. Se mai è la translatio che può minacciare queste caratteristiche dell’ imperium, perché in grado di sconvolgere l’organismo precedente, il suo equilibrio[25]. Più volte si sono esaminate queste nozioni nel corso dei nostri precedenti Seminari, così come si è considerata la relazione tra urbs e orbis e la relazione tra civitas e populus[26]. Se si sono qui in breve richiamati questi dati è per metterli a confronto con altri con cui vengono a contatto nel corso dei primi secoli della nostra èra.

b) Universalità della Chiesa

E’ opportuno osservare subito che il contrario dell’universalismo è il particolarismo (e non la localizzazione). Nell’Antico Testamento vi è una forte tensione tra universalismo e particolarismo; infatti JHWH, il creatore e signore dell’universo e di tutti gli uomini è posto a fianco del Dio di Israele che sceglie in mezzo agli altri il suo popolo e tra gli altri lo guida. Non mancano tuttavia avvenimenti, come, per esempio, l’esilio, che inducono gli ebrei ad allargare la loro visione religiosa e valorizzare quindi la prima concezione; quella concezione che il Nuovo Testamento conferma e rinsalda e che le prime comunità colgono gradualmente, come dimostrano i Vangeli e gli Atti degli Apostoli: tutti gli uomini sono creati in Cristo (cf. Colossesi 1, 15 ss.); se la salvezza viene dai giudei (cf. Giovanni 4, 26), essa è data al mondo intero (cf. Giovanni 1, 29; 4, 42, ecc.). Un’universalità che dunque vuole abbracciare tutti e che prescrive vi sia eguaglianza in ogni rapporto, secondo il disegno stesso che Dio ha fatto conoscere: “Qui non c’è più greco o giudeo, circoncisione o incirconcisione, barbaro o scita, schiavo o libero, ma Cristo è tutto in tutti” (Colossesi 3, 11). Non l’appartenenza a un’etnia, a una nazione, a una cultura ha rilievo, ma l’obbedienza a una ‘legge’, quella di Cristo, che rinnova l’uomo.

Nasce la Chiesa, una realtà che nella sua essenza intende abbracciare tutti i popoli, in tutti i luoghi, in tutti i tempi Il che sembra chiaro fin dalla narrazione che Luca dà della discesa dello Spirito Santo e del miracolo delle lingue nel giorno della Pentecoste (cf. Atti degli Apostoli 2, 1). E’ la Chiesa universale. Già all’inizio del II secolo in una lettera di Ignazio, vescovo di Antiochia indirizzata agli Smirnesi si legge il termine katholikos applicato alla Chiesa, nel significato di ‘universale’: Tertulliano all’inizio alla fine del II secolo parla della comunità cristiana come di un corpus unitario, caratterizzato dalla consapevolezza di avere una fede, dalla volontà di seguire una disciplina, dal vincolo di nutrire una speranza, un corpus cui tutti possono appartenere, se ne accettano la ‘legge’, che è dottrinale e morale. La “regola di fede”, trasmessa dagli apostoli e dai primi discepoli di Gesù e poi sviluppata e precisata, indica i punti del “credo” cui è necessario aderire; la “regola dell’agapê” compendia quale debba essere il comportamento etico. Sono “indicazioni” con una valenza universale, in grado di unire e di fare riconoscere le Chiese che le praticano.

I fattori di universalità sono ulteriormente potenziati quando nel IV secolo l’Impero romano inserisce il cristianesimo nel suo tessuto civile e politico: si pensi alla funzione che svolgono per esempio i concili ecumenici che determinano norme generali da applicare alle chiese, anche oltre i confini dell’Impero stesso (si sa della presenza fin dal primo concilio, quello di Nicea del 325, di qualche vescovo responsabile di comunità esterne ad esso). E con l’universalità è sottolineata dagli scrittori cristiani l’eternità della Chiesa, secondo la promessa di Gesù, di cui riferiscono i Vangeli, come del resto l’eternità di Roma, ossia la sua durata fino alla fine dei tempi[27].

c) Località delle chiese e loro rapporto con le città

Accanto alla priorità ontologica della dimensione universale, propria della Chiesa, non meno evidente nella tradizione ecclesiastica antica è la dimensione locale. Eusebio di Cesarea all’inizio del IV secolo, nel III libro dell’Historia ecclesiastica, parla degli apostoli e dei discepoli che si sono sparsi per le ‘ terre abitate’, verso i quattro punti cardinali, per fondare le chiese. Ne parla con cautela, a prova che non sempre possiede sicure testimonianze storiche. Ma qui importa notare che la missione cristiana, giungendo nei luoghi più vari dalla Siria all’Asia Minore, dalla Scizia alla Mesopotamia, dall’Egitto all’Italia, si apre a tipi di cristianesimo differenti tra loro[28], che fin dalle origini tendono a focalizzare aspetti dottrinali differenti e ben presto fanno appello a costumi ed usi caratterizzati.   

Anche le lingue delle quali i cristiani si valgono aiutano a accentuare il processo di localizzazione. Il greco della predicazione apostolica è lingua ecumenica per eccellenza, corrente nel mondo ellenistico, nella quale si esprime anche parte del mondo giudaico e di quello romano (se danno prova un Filone, un Marco Aurelio, un Favorino, un Apuleio); è la lingua colta delle città cosmopolite dell’Occidente. Ma non è la sola. Il latino dei cristiani appare, a nostra conoscenza, verso la metà del II secolo in composizioni che traducono dal greco la Bibbia dei LXX e poi successivamente prende piede nelle ultime decadi del medesimo secolo, assumendo forma letteraria; ma solo nel IV secolo, a Roma e altrove, è introdotta nell’uso liturgico. Ancora, sappiamo che in altre aree geografiche dominano altri idiomi tra i cristiani: il siriaco in Siria e in paesi ad est della Siria, il copto nell’Alto Egitto, l’etiopico in Etiopia, l’armeno nella Grande Armenia, il georgiano nella Georgia, l’arabo in parecchie zone del Vicino Oriente[29] e più tardi il paleoslavo in ampie aree dell’est europeo. 

Legate al sorgere delle differenti lingue, che danno sempre adito a letterature, sono legate da una parte le traduzioni della Sacra Scrittura e dall’altra le forme liturgiche, veicoli efficaci di vita e di tradizioni religiose. Si è fatto un cenno alla nascita tarda in Italia della lingua latina liturgica, la quale tuttavia per secoli e fino ai nostri tempi sarà egemone in Occidente, pur non essendo esclusiva (ci si rammenti del rito ambrosiano, dell’ispano-visigotico, del gallicano-gotico ecc.). Non così in Oriente dove le forme liturgiche si moltiplicano, senza che nessuna prevalga. In Siria si distingue il gruppo siro-occidentale da quello siro-orientale; in Costatinopoli il bizantino, in Alessandria l’alessandrino, in Armenia l’armeno ecc. In questa dimensione le cristianità orientali hanno avuto ed hanno un modo originale di vivere il rapporto con Dio e la varietà straordinaria del loro approccio al mistero divino ha permesso di comporre, con tessere diverse, un mosaico ricco e composito.

Ora i fenomeni di localizzazione provocati dai diversi fattori dei quali si è detto si raccolgono sempre intorno a centri urbani che hanno la vocazione di coagularli e di stabilirli continuativamente. Basta fare i nomi di Roma, di Alessandria d’Egitto, di Gerusalemme, di Antiochia, di Costantinopoli; ma anche di Edessa, di Nisibe, di Tbilisi.  Ove per ‘localizzazione’ si intende la collocazione di una realtà (o di un fatto o di un fenomeno) entro un determinato ambito spaziale e temporale (mentre per ‘localismo’ ci si riferisce a quel fenomeno che tende a chiudersi in un ambito ristretto, esclusivo e ad isolarsi).

Dal IV-V secolo in poi si verifica in ambito ecclesiastico un fenomeno per cui la localizzazione tende ad aumentare. Uno dei primi forti indizi è costituito dal concilio di Calcedonia (451), allorché Costantinopoli rivendica privilegi uguali a quelli accordati all’antica Roma, essendo la “Nuova Roma” sede dell’imperatore e del senato. Motivi di carattere geografico, culturale, personale, di potenza e di prestigio sembrano sopravanzare i fattori teologici e istituzionali. Ma intanto si consuma un altro fenomeno che facilita la prevalenza delle localizzazioni. Una chiesa più importante, si potrebbe dire una chiesa madre, aveva sempre avuto intorno a sé altre chiese; nel II-III secolo le relazioni tra la prima e le seconde erano state segnate da sollecitudine e cura, secondo la tradizione apostolica. Con il IV secolo tali relazioni si trasformano in giurisdizione che le grandi chiese esercitano verso le minori sul territorio di loro competenza[30]. E’ questo il presupposto per l’origine e l’affermazione dei patriarcati e successivamente per più gravi divisioni. Eppure la situazione creatasi non scalfisce l’universalità della Chiesa.

Anche quello ecclesiastico è un modello che mostra un’altra faccia del complesso movimento che nei primi secoli anima la società, un modello che si pone in parallelo con quello che si realizza entro l’Impero romano che, a sua volta, trova nell’Impero cristiano la propria continuità storica e concettuale. Sono modelli che molto possono dire alle istituzioni del nostro tempo su almeno tre versanti: il religioso, il politico e il giuridico. Se mai, è stata la non distinzione dei poteri, civile ed ecclesiastico, che, specialmente in Oriente, ha provocato problemi tra i due ambiti. Ma è questo un altro discorso relativo alla laicità, che pure in altri anni è stato affrontato dai nostri Seminari[31]. 

                                                                               [P. Siniscalco]

 

2. Constantinople Nouvelle Rome

a) Fondation de Constantinople. Le Concile œcuménique de 381

Vers 330 a lieu un nouvel événement très important dans l’histoire de l’Empire: aux environs de cette date se succèdent les étapes de la fondation de la capitale “romaine” d’Orient qui, pour ceux qui la réalisèrent, aurait dû constituer le “renouvellement de l’œkoumène”.

L’efficacité de ce concept spatial, urbs Roma, unifiant le droit (parallèle au concept personnel unifiant: populus) exige à un certain moment du “chemin” son propre redoublement ou dédoublement: la deuxième Rome, fondée melioribus auguriis (Deo auctore 10).

Si l’on examine le rapport entre hommes et espace, la densité différente de la population de l’Empire explique qu’ «à partir du deuxième siècle, le centre de l’Empire ait eu tendance à basculer vers le bassin oriental, le bassin d’expression grecque de la Méditerranée» (P. Chaunu).      

La question du caractère qui distingue la fondation de Constantinople a été souvent affrontée par la critique avec divers résultats: les rites célébrés furent-ils païens ou chrétiens ou bien est-ce que les manifestations de syncrétisme ont prévalu? Certains spécialistes ont vu, dans l’acte par lequel Constantin indique le nouveau périmètre de la ville, l’ancien rite de la limitatio; mais d’après le récit de l’“Histoire ecclésiastique” de Philostorge, un ange aurait guidé l’Empereur dans son parcours. Ainsi tout détail concernant ces circonstances, considéré également à l’égard des sources plus ou moins anciennes qui le rapportent, a été attentivement pris en considération: de la statue de Pallas, en provenance de Rome par la volonté de l’Empereur, et qui aurait été ensevelie à la base de la colonne de porphyre, jusqu’à cette même colonne élevée dans le Forum de Constantin; de l’image colossale de l’Empereur en bronze doré, érigée au sommet de la colonne, jusqu’au nom d’“Anthousa” qu’il aurait donné au Genius publicus qui présidait à la destinée de la Ville; du “sacrifice sans effusion de sang” dont parle Jean Lydos jusqu’aux différents éléments des cérémonies qui se déroulèrent pendant les 40 jours de réjouissances qui marquèrent l’an 330. Les formes du ius sacrum auraient donc été à la base de l’inauguratio, de la consecratio et de la dedicatio de Constantinople. Paganisme et christianisme semblent avoir trouvé leur expression dans la fondation de la Ville sur le Bosphore.

Le Concile œcuménique de Constantinople de 381 déclara Constantinople “nouvelle Rome”.

b) Meliora auguria. La codification de Justinien

Selon la conception de Justinien, le consentement divin donné dans les formes de l’ancienne religion romaine (pré-chrétienne) n’est pas nié mais au contraire renforcé par la fondation de Constantinople, dont les meliora auguria[32] expliquent l’idée juridique de utraque Roma.

Lisons la constitution Deo auctore: «... debere omnes civitates consuetudinem Romae sequi, quae caput est orbis terrarum, non ipsam alias civitates. Romam autem intellegendum est non solum veterem, sed etiam regiam nostram quae deo propitio cum melioribus condita est auguriis»[33].

[P.Catalano, P. Siniscalco]

 

3. Imperium e sacerdotium

I due termini e le due nozioni corrispondenti hanno segnato in profondità la storia dei popoli sviluppatisi intorno la bacino del Mediterraneo ed oltre. A loro proposito, all’alba della nostra èra, alcuni elementi segnano tra il campo pagano e quello cristiano una continuità; altri danno a vedere una diversa prospettiva. Fin dalla predicazione di Gesù e degli apostoli sono proposte affermazioni e riflessioni concernenti l’origine e la natura del potere e le relazioni con la sfera religiosa. Paolo invita a sottomettersi ai poteri civili (cfr. Rom 13, 1 ss.). Analogo è il messaggio contenuto nella Prima lettera di Pietro (2, 13 ss.). Del resto le parole di Gesù riferite dal vangelo di Matteo (22, 21): «Rendete a Cesare a Cesare quello che è di Cesare e a Dio quel che è di Dio», sottolineano tutto il valore della società umana. Idee riproposte e approfondite costantemente dai cristiani dei primi secoli che dichiarano la loro lealtà verso gli imperatori, anche quando le circostanze esteriori sono a loro sfavorevoli. Un altro elemento di continuità tra il sistema romano antico e il cristianesimo si deve segnalare: ambedue ritenevano necessario, indiscutibile il legame tra diritto, morale e politica, realtà da considerare non su piani tra loro autonomi, ma quali aspetti relativi agli uomini nella loro convivenza civile e quindi volti a dare organica unità alla loro esistenza.

Altri fattori mostrano una differente prospettiva . Cicerone aveva lodato la sagacia degli avi che avevano voluto che le medesime persone presiedessero alla religione e al governo della cosa pubblica: in Roma antica le magistrature civili, pur fondando la propria autorità sul potere popolare e non su quello divino, come era per i sacerdoti, avevano un carattere religioso, giacché esse presiedevano ai sacrifici e alle preghiere indirizzate alla divinità, consultavano gli auguri, ordinavano le espiazioni, compievano insomma le proprie finzioni praticando le prescrizioni del culto ufficiale. Al sommo della scala gerarchica l’imperatore era anche pontifex maximus (fino al 379 quando Graziano non rinuncia a quel titolo).

Da parte sua il cristianesimo vuole che la sfera politico-civile sia distinta da quella religiosa, a cominciare dalle persone che le rappresentano. Distinzione, che non è separazione. Non a caso Giustiniano proporrà il principio della sinfonia tra imperium e sacerdotium.  In questo modo con il cristianesimo si inaugura una concezione originale anche dell’ imperium  non più concepito di carattere sacro e neppure concepito secondo un ideale teocratico, e con ciò relativizza il significato dei regni umani nella storia e introduce l’idea del Regno escatologico ed eterno di cui Dio sarà il rex e l’imperator.

Particolarmente interessante è conoscere l’inizio delle relazioni tra le autorità romane e i responsabili delle Chiese cristiane, nei primi secoli[34] e considerare il posto che, all’interno della Chiesa, e pure nei rapporti con la società circostante, assume la plebs christiana, esercitando prerogative analoghe a quelle del populus romanus[35].

Si sa che i rapporti tra le due autorità si stabiliscono e si evolvono diversamente nell’Occidente e nell’Oriente cristiani. Il seguirne gli sviluppi significa seguire in buona parte le grandi fasi della nostra storia,  fino all’epoca moderna. Un compito a cui questo XXIX Seminario può recare il suo contributo. 

[P.Siniscalco]

 

4. Continuité impériale et chrétiens orthodoxes

a) Le peuple et l’empereur.

Si l’idéal monarchique semble bien établi, l’élément romain “républicain”, la souveraineté du populus Romanus, survit toujours, ne serait-ce que sur un plan théorique. C’est surtout le concept constantinopolitain de la succession au trône qui en fait preuve. On sait que, malgré les pratiques courantes employées généralement avec succès pour créer des permanences dynastiques, la succession héréditaire au trône ne fut jamais introduite “constitutionnellement” dans l’Empire d’Orient –­ à la grande surprise, non seulement des Occidentaux, mais surtout des envoyés moscovites à Constantinople; théoriquement, tous les citoyens romains orthodoxes et non invalides (même les femmes) pouvaient aspirer au trône impérial d’Orient. Or, jusqu’à la fin de l’Empire, seule la “proclamation” (anagoreusis, anarrhêsis) par les trois corps “constitués” (et “constituant”) de l’Empire, le sénat, le peuple et l’armée, est restée l’élément nécessaire et suffisant pour l’avènement impérial. Même le couronnement par le patriarche, malgré son importance au niveau idéologique, psychologique ou sentimental, ne fut jamais introduit comme un élément “constitutionnellement” indispensable pour l’accession au trône; et personne n’a contesté la légitimité d’empereurs dûment “proclamés” par ces corps “laïques” qui n’avaient pas reçu le couronnement, dont le dernier empereur d’Orient Constantin XI (ou XII) Paléologue. Ce même empereur, dans la réponse célèbre à l’attaquant ottoman, qui lui est attribuée par les chroniqueurs, refuse de rendre la ville à son propre nom et au “nom de ses habitants” – dernière présence sans doute du peuple d’une “Rome” en tant que facteur de l’histoire. Même après la fin de l’Empire, sous l’occupation ottomane, cet élément semble survivre: en effet, dans les prières liturgiques de l’Église orthodoxe en faveur de l’empereur romain d’Orient, la mention d’“empereur pieux” est ordinairement remplacée maintenant par la mention de “pieux chrétiens orthodoxes”; l’ensemble, le Génos, des chrétiens orthodoxes serait le vrai dépositaire de la continuité impériale. On dirait: une survivance sous-jacente du concept juridico-politique de la souveraineté du populus Romanus; en termes de théorie politique romaine: l’imperium qui appartient au peuple est, en l’absence d’empereur, simplement et automatiquement restitué au peuple – déguisé maintenant sous le nom de corps ecclésial[36] .

b) Politeia

En effet, si le terme de politeia survit dans la terminologie grecque dans l’Empire d’Orient[37], c’est surtout dans cette acception, de l’Empire chrétien et orthodoxe qui coïncide ou s’identifie avec le corps ecclésial: la politeia des chrétiens orthodoxes. Le terme est employé, par exemple, à ce sens, dans plusieurs hymnes liturgiques en faveur de l’Empire et de l’empereur, d’emploi très courant encore aujourd’hui: «Christ le Dieu, accorde ta miséricorde à cette nouvelle politeia qui [en tant que chrétienne] porte Ton nom (têi epônymôi sou kainêi politeiâi); par ta force donne la joie à nos empereurs pieux, en leur offrant des victoires contre les ennemis; qu’ils aient Ton alliance: une arme de paix, un trophée de victoire qui ne connaît pas la défaite»; «Mère de Dieu, soutiens la politeia des orthodoxes (stêrixon orthodoxôn politeian); sauve ceux que tu as appelés à la dignité impériale, et accorde à eux la victoire d’en haut...». Dans cette littérature le terme politeia figure alternativement avec son synonyme (dans cette acception “byzantine”), de la même racine, politeuma; comme, par exemple, dans cet hymne célèbre Sôson, Kyrie, ton laon sou kai eulogêson tên klêronomian sou ... (en slavon: Spasi, Gospodi, ljudi Tvoja i blagoslovi dosdojane Tvoe…): «Sauve, Seigneur, Ton peuple et bénis Ton héritage [Ps. 28 (27), 9] en accordant aux empereurs des victoires contre les barbares et en protégeant, par la force de Ta Croix ton politeuma». Les deux mots ont d’ailleurs une certaine présence néo-testamentaire: politeia dans Ephes, 2, 12 («exclus de la cité d’Israël», alienati a conversatione Israel); politeuma dans Philip. 3, 20 («notre cité se trouve dans les cieux», noster enim municipatus in caelis est). Dans une autre mention, le mot politeia est employé au sens “technique” de “citoyenneté” (civitas): il s’agit de ce célèbre dialogue entre Saint Paul et le centurion à propos de la citoyenneté romaine dans Actes 22, 28.

c) Peuple de Dieu

Il est évident que si, dans l’Empire d’Orient, l’élément monarchique pouvait bien avoir comme point de référence le monothéisme, cette “monarchie” de Dieu, en revanche les vestiges romains “républicains” n’y sauraient jamais faire référence, en contrepartie, à des modèles “polythéistes”. Dans ces cas-là, on recherche plutôt des modèles de “collectivité” ou de “collégialité” dans la doctrine chrétienne de l’Église, corps mystique du Christ, qui fait des fidèles de vrais membres de ce corps – doctrine évangélique («Je suis la vigne, vous, les sarments» Jean 15,5) et paulinienne («son Corps qui est l’Église» Col. 1, 24; «De même, en effet, que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ… Aussi bien le corps n’est-il pas un seul membre mais plusieurs … Si le tout était un seul membre, où serait le corps? Mais, de fait, il y a plusieurs membres, et cependant un seul corps… pour qu’il n’y ait point de division dans le corps, mais qu’au contraire les membres se témoignent une mutuelle sollicitude. Un membre souffre-t-il? Tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur? Tous les membres se réjouissent avec lui. Or, vous êtes, vous, le corps du Christ et membres chacun pour sa part» I Corinth. 12, 12-27; «Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ?» ibid. 6, 15; «Ne sommes-nous pas les membres de son corps?» Ephés. 5, 30), reprise dans toute la littérature patristique, surtout celle de l’Orient grec. Ou on a recours au modèle trinitaire lui-même: le peuple de Dieu reflétait la communion qui existe entre les Personnes de la Trinité. Surtout les mystiques de l’Église d’Orient soulignent cette communion, comme l’appartenance mutuelle de l’un à l’autre, l’ “interpénétration” (allêloperichôrêsis); c’est toujours saint Paul qui est cité: «ne sommes-nous pas membres les uns des autres?» (Ephés. 4, 25: allêlôn melê). Dans les litanies liturgiques de l’Église d’Orient une phrase, presque intraduisible dans sa structure grammaticale grecque, se répète constamment: «…confions-nous nous-mêmes et les uns les autres et toute notre vie au Christ notre Dieu» (heautous kai allêlous kai pasan tên zôên hêmôn Christôi tôi Theôi parathômetha). Le “peuple romain” maintenant déguisé, comme nous venons de le dire, en corps ecclésial, en “peuple de Dieu”.

d) Un souvenir du polythéisme?

C’est surtout au cours des querelles dogmatiques qu’on y a recours. L’iconoclasme serait, aux yeux de ses partisans, la lutte contre l’ “idolâtrie” quasi polythéiste du culte des images. L’ajout latin du filioque au symbole de Nicée-Constantinople à propos de la procession du Saint-Esprit, en introduisant un “double principe” dans la divinité, selon l’interprétation “byzantine” de cet ajout, interprétation toujours niée par l’Église romaine, risquerait, à l’avis des théologiens de l’Orient grec, de mettre en cause la “monarchie” de Dieu le Père, d’introduire donc un “polythéisme”. En revanche c’est dans la doctrine orientale de saint Grégoire Palamas, issue des querelles dites hésychastes du XIVe siècle et devenue “officielle”, concernant les “énergies divines” transcendantes et la possibilité de participer, par des moyens corporels, à la “Lumière incréée” de Dieu, celle de la Transfiguration, qui fut attaquée, en termes de scolastique, par ses adversaires orientaux et par la théologie occidentale, comme introduisant des quasi-divinités “incréées” donc un nouveaux “polythéisme”…

[C. Pitsakis]

 

 

Terza Roma

 

Sommaire : I. Il Santo Impero Russo. 1. Rim ves’ mir. 2. « L’Empire romain est indestructible ». 3. La fondation de Moscou. 4. Le Patriarcat de Moscou. 5. Romejskoe carstvo et translatio imperii. 6. Empire et sainteté. Moscou “Ville sainte” selon Giorgio La Pira. II. Città ed ecumene. 1. Mosca città “murata” e “imperiale”. a) La città murata; b) La città imperiale. 2. Diffusion de la foi et élargissement des frontières: de César Auguste aux tsars de Moscou. 3. Limites (granicy), territoires et pouvoir politique. a) Granica e territorija; b) Territoire et pouvoir politique. 4. Čelovek, christianskie ljudi, svjatorusskaja imperija, 5. Projets constitutionnels et question de l’Empire.

 

 

I. IL SANTO IMPERO RUSSO

1. Rim ves’ mir

D’abord, il faut rappeler la traduction russe de la phrase des commentaires à Saint Paul: l’expression « Rim ves’ mir » (« Rome est le monde entier ») que l’on trouve dans une lettre du moine Filofej de Pskov[38].

Le mot russe mir a trois significations: “monde”, “paix”, “communauté de village”[39].

« Rim ves’ mir » est l’expression russe qui synthétise l’universalisme romain et donc russe.

 

2. « L’Empire romain est indestructible »

En Orient, l’idée de l’Empire continue sans interruption et se réalise en partie à travers une concentration autocratique progressive du pouvoir impérial et une nouvelle centralisation territoriale: à Constantinople Nouvelle Rome (ainsi définie par le Concile œcuménique de 381) et, à l’époque moderne, à Moscou Troisième Rome (selon la théorie du moine Filofej de Pskov, reprise ensuite dans la “Charte constitutive” du Patriarcat de Moscou de 1589).

Du point de vue matériel (géopolitique, si l’on veut) l’inclusion des Russes dans l’œkoumène romano-chrétien est décisive: on peut dire qu’elle a été formalisée par les traités des Russes avec l’Empire Romain d’Orient dans le dernier siècle du Ier millénaire.

En 1453 la continuité “romano-constantinopolitaine” semble se briser; mais après la chute de Constantinople, la Ville aux sept collines, aux mains des Turcs, elle trouve une nouvelle vigueur en Russie. Moscou sera, elle aussi, la “Ville aux sept collines”.

Après la chute de la polis aux mains des Turcs, l’acte le plus important d’un point de vue formel est la reconnaissance, en 1561, par le Patriarche de Constantinople, d’Ivan IV, grand-prince de Moscou, comme “Empereur des Chrétiens orthodoxes de tout l’œkoumène”.

L’autoconscience romaine orientale est alimentée par les certitudes juridico-religieuses et elle les alimente de légendes et d’actions politiques.

Dans les précédents Séminaires (voir particulièrement le “Document d’introduction” du XXe Séminaire), nous avons rappelé des textes russes qui sont liés à la religiosité romaine chrétienne et aussi pré-chrétienne.

Les “Annales” de Michail Medovarcev (comme l’a observé Nina Sinizyna) sont le texte le plus ancien des annales dans lequel la légende d’Auguste est utilisée: l’histoire russe commence avec Auguste. Indirectement peut-être, l’auteur de ces annales voulait affirmer le caractère providentiel de l’Empire d’Auguste; ce caractère sera clairement réaffirmé, sous différents points de vue, soit par le moine Filofej de Pskov, soit par Ivan IV.

La prophétie du moine Filofej de Pskov (Волоколамский фрагмент второй четверти XVIв. Послания монаха псковского Филофея дьяку М.Г. Мисюрю Мунехину - около 1523 г.)[40] est fondamentale: « …Ромейское царство неразрушимо, яко Господь в Римскую власть написася » [«LEmpire romain est indestructible parce que le Seigneur a été inscrit (dans le census) sous le pouvoir romain»] (cf. Evangile de Saint Luc 2,1). Cette affirmation de Filofej est liée à la vision chrétienne de l’histoire et surtout à la conception chrétienne de l’époque d’Auguste telle qu’elle nous a été transmise par Paul Orose, Historiae adversus paganos VI, 22.

Il faut rappeler la lettre d’Ivan IV, premier prince moscovite couronné empereur “des chrétiens orthodoxes de tout l’œkoumène”, au chef des troupes polonaises (9 juillet 1577): «Le verbe de Dieu […] glorifia Auguste César par sa divine naissance, en daignant naître sous son empire […] il fit surgir la racine de la piété Constantin Flavius, empereur chrétien de la justice, dans l’unité de sacerdoce et empire». Le Tsar Ivan IV le Terrible dans l’instruction à l’ambassadeur auprès du roi de Pologne (mai 1556)[41] avait dit: «государьство наше Русское от начала особне съдержится нами, извечными государи русскими, почен от Августа, кесаря римского, и до Рюрика» [« Notre état russe est depuis le commencement gouverné de façon autonome par nous, originaires souverains russes, à partir d’Auguste, césar romain, et jusqu’à Rjurik»]. L’époque d’Auguste (déjà reconnue par les anciens: saeculum Augustum) résulte donc, religieusement et juridiquement, initiale et fondamentale pour la troisième Rome. Les légendes parlent de Rjurik «qui était de la lignée romaine de l’empereur Auguste»

          En ce qui concerne la période contemporaine et certaines caractéristique de notre temps, rappelons la pensée historico-juridique de Giorgio La Pira qui relie la période d’Auguste à ce qu’il appelle la “stratégie romaine” de Jésus-Christ et des Apôtres[42].

 

3. La fondation de Moscou

Au XVIIe siècle la Povest’ o načale Moskvy,[43] narration de la fondation de Moscou, qui rapporte l’interprétation de l’haruspice étrusque du “signe” au cours de la construction du Capitole (dont le récit se trouve dans Tite-Live 1,55). Selon la Povest’, il y eut le “même signe” pour Constantinople et pour Moscou troisième Rome (voir infra 3).

À l’occasion de la fondation du temple de Jupiter Capitolin, un prodigium s’ajoute à l’augurium et de là découle la conviction de la “ perpétuité ” de l’imperium populi Romani : « cum omnium sacellorum exaugurationes admiterent aves, in Termini fano non addixere ; idque omen auguriumque ita acceptum est non motam Termini sedem unumque eum deorum non evocatum sacratis sibi finibus firma stabiliaque cuncta portendere. Hoc perpetuitatis auspicio accepto, secutum aliud magnitudinem imperii portendens prodigium est : caput humanum integra facie aperientibus fundamenta templi dicitur apparuisse» (Tite-Live 1,55,3-6).

Le prodigium du Capitole est rappelé, à propos de la Troisième Rome, dans le récit de la fondation de Moscou, Povest’ o načale Moskvy (du XVIIe siècle) : « Вся убо христианская царства в конец приидоша и снидошася во едино царство нашего государя, по пророческим книгам, то есть Российское царство: два убо Рима падоша, третий же стоит, а четвертому не быти. Поистинне же сей град именуется третий Рим, понеже и над сим бысть в зачале то же знамение, яко же над первым и вторым, аще и различно суть, но едино кровопролитне. Первому бо Риму зиждему от Рома и Ромила. И егда начаша Капетелион здати и ров копающе, обретоша главу внове закланна человека, нову и теплу кровь точащу и лице являющу к живым прилично. Ея же увидев ентинарий искусный знамением смотритель и рече, яко сей град глава будет многим, но по времени, и по заклании, и по пролитии кровей многих. Такоже и второму Риму, сииречь Константинополю зданию зачало бысть не без крови же, но по заклании и по пролитии кровей многих. Сице же и нашему сему третиему Риму, Московскому государству, зачало бысть не без крови же, но по пролитии и по заклании кровей многих. Аще бо и нецыи от окрестных стран враждующе поносят ему, сице глаголюще: “Кто убо чая или слыша когда, яко Москве-граду царством слыти и многими царствы и странами обладати?” И сии убо немощию человеческою обложени суть, не разумеюще силы Божии, ни пророческих писаний, яко всемощен Бог и от несущаго в сущее привести, яко же искони и вселенную»[44].

Il faut établir un parallèle entre ce dernier passage de la Povest’, qui a comme point de repère une interprétation donnée par un haruspice étrusque, et le discours de Cicéron de haruspicum responsis, 9,19, où l’orateur traite de la supériorité des Romains, qui réside dans leur religiosité : «sed pietate ac religione atque hac una sapientia, quod deorum numine omnia regi gubernarique perspeximus, omnis gentis nationesque superavimus» [«Mais c’est par la piété et la religion, et aussi par cette sagesse exceptionelle qui nous a fait percevoir que la puissance des dieux règle et gouverne tout, que nous l’avons emporté sur tous les peuples et toutes les nations»].

Nous sommes ainsi conduits, en remontant dans le temps de Moscou à l’ancienne Rome, à l’origine de la relation entre religion et Empire, entre sacerdotium et imperium.

 

4. Le Patriarcat de Moscou

Mais cet itinéraire juridico-religieux du Capitole au Kremlin, itinéraire dont la définition de Constantinople comme “Nouvelle Rome” par le Concile œcuménique de 381 est une étape essentielle, est perfectionné avec la Gramota uložennaja du Patriarcat de Moscou de 1589[45].

Rappelons ici le nouveau titre utilisé par le Patriarche Iov, dans sa lettre au tsar géorgien Alexandre, en avril 1589: il se définissait “Patriarche de la Ville impériale Moscou et de toute la Rus’ Nouvelle Rome”.

Les chrétiens dans leur ensemble constituent le carstvo (imperium, basileia), par définition non territorial. D’éventuelles connotations spatiales ou ethniques ne l’identifient pas à un territoire ou à un “peuple” particulier, mais elles soulignent son caractère œcuménique; voir dans la Charte constitutive du Patriarcat de Moscou (Gramota uložennaja): «grečeskoe i rossijskoe carstvo».

 

5. Romejskoe carstvo et translatio imperii

La notion de translatio imperii est élaborée de façon différente dans les diverses langues: latine, grecque, germaniques, slaves.

Au XVIe siècle cette autoconscience s’exprime, à nouveau, dans les paroles du moine russe Filofej: «... l’Empire romain (romejskoe carstvo) est indestructible parce que le Seigneur a été inscrit sous le pouvoir romain (rimskaja vlast’)» (cf. Luc 2,1).; dans une instruction du tsar Ivan IV à l’ambassadeur auprès du roi de Pologne (mai 1556) on peut lire: «notre état russe est depuis le commencement gouverné de façon autonome par nous, originaires souverains russes à partir d’Auguste, césar romain, et jusqu’à Rjurik».

En 1589, dans la Gramota uložennaja sur l’institution du Patriarcat de Moscou (sur décision du Saint Synode de tout le “grand empire russe et grec”), sont inscrits les mots de l’archevêque de Constantinople Nouvelle Rome et patriarche œcuménique: «O pieux empereur, ton grand empire russe, la troisième Rome, les a toutes dépassées [sc. la “vieille” Rome et la “seconde” Rome] en piété, et tous les pieux empires sont rassemblés dans le tien, et toi unique sous le ciel tu es appelé empereur chrétien dans tout l’œkoumène entre tous les chrétiens».

La pensée du premier patriarche de Moscou, Iov (proclamé Saint par l’Église orthodoxe russe en 1989, à l’occasion des célébrations du IVe centenaire du Patriarcat) est intéressante pour l’emploi du concept de “Nouvelle Rome” (Voir supra, 4).

 

6. Empire et sainteté. Moscou “Ville sainte” selon Giorgio La Pira

En Occident, on trouve aussi le reflet des concepts de “Saint Empire russe” (sviatorusskaja imperija) et de “Sainte Russie” dans la vision de Moscou. En 1922, Giorgio La Pira réfléchit sur Moscou “Ville sainte”: «Troppa possanza di esperienza, troppo frutto di dolore e di maturazione, troppo lunga via di sacrificio e di compimento s’è raccolto a Mosca da diverse strade e per diversi martiri ; ogni città sacra dell’Oriente ha abdicato per la città capitale : tutto il pensiero sparso pei santuari, tutte le parole dei profeti, le rivelazioni degli artisti, i fremiti sacri delle folle, si sono fusi in una sola grande rivelazione e profezia : quella che dal Kremlino di Mosca, la campana della città santa ha annunziato all’altra parte del mondo. L’Oriente ha ormai trovato il suo cuore: tutto il contenuto spirituale dell’Asia si esprime col nome di questa città che ci è tanto straniera: Mosca è il granito su cui s’è politicamente espresso il pensiero millenario e inquieto dei popoli orientali»[46] (Giorgio La Pira, Mosca e Roma, écrit inédit, 17 novembre 1922).

[P. Catalano]

 

II. città eD ecumene

1. Mosca città “murata” e “imperiale

a) La città murata

Come è stato mostrato in maniera assai convincente[47] la città russa, almeno fino alla metà del XVI secolo, non è solo un insediamento abitativo (posad), ma anche, e soprattutto, una fortezza. Mentre nei posady la differenza fra zona d’insediamento e campagna è labile, nella fortezza (krepost’), essa è netta e le mura separano netta­mente ciò che è fuori dalla cerchia e ciò, invece, che ha una sua ragion d’essere all'interno di essa.

Tutta una serie di studi sui termini indicativi dei “cittadini” (gradskie ljudy, gražane, kijane, novgorodcy), ha mostrato che questi termini si riferiscono ad una realtà politico-militare: alle persone che abitano una città, che la difendono dagli attacchi e dalle insidie che l’esterno riserva, e che la governano (vedremo che quest’ultima funzione è presente in innumerevoli sfumature nelle città russe, ma vedremo anche che questa componente concettuale è comunque importantissima). Più a proposito che per altri esempi occidentali, la città russa è stata definita “città-stato”, pur con la inevitabile imprecisione che il termine comporta.

La città, infatti, è normalmente otčina di un principe, ma – a parte Mosca, che sotto questo profilo è un caso a sé – ha un’assemblea citta­dina, che può addirittura, come a Novgorod, chiamare un principe o deporlo, e che decide sulle più importanti questioni. La città russa, quindi, è un’enclave ad altissimo potere di esclusione, le cui mura separano nettamente ciò che, sia dal punto di vista politico che dal punto di vista militare, è interno, da ciò che è esterno, quindi politicamente estraneo e potenzialmente pericoloso.

All’interno di questa enclave, però, nella maggioranza delle città russe, ne esiste un’altra, se possibile ancor più selettiva, il Cremlino (kreml). Si tratta di una fortezza dentro la fortezza, che separa il mondo del principe da quello dei cittadini della città che è suo patrimonio. Il Cremlino assume, da una parte, la funzione di estrema barriera contro l’esterno della città, dall’altro è un baluardo di esclusione contro la città stessa: è uno stato-città dentro la città-stato. E interessante notare, però, che proprio questo secondo meccanismo di esclusione è singolare. Se l’esterno tende ad essere nemico, altro, la stessa struttura concettuale della separazione fra interno ed esterno non implica, per quanto paradossale possa sembrare, una vera chiusura perché, se l’enclave tende ad essere un mondo a sé, questo mondo, in quanto sintesi degli orizzonti dei suoi abitanti-cittadini, tende ad includere tutti gli altri mondi, o i loro frammenti. Per capire questa apparente contraddizione – e questa è un'anticipazio­ne di quello che dirò – e basta pensare a un’espressione frequentemente usata nelle fonti cinquecentesche: "moskovskoe carstvo” impero mo­scovita: un impero che è connotato come città, e una città che ha le dimensioni concettuali di un impero.

L’impero romano aveva superato il suo spazio puramente cittadino per acquistarne uno universale; l’impero moscovita è l’impero di una città: una città che ha esteso il perimetro delle sue mura fino a comprendervi “tutti i cristiani sotto il cielo”.

b) La città imperiale

La catégorie symbolique du “commencement” (načalo) est fondamentale dans la pensée politique qui de la Rus’ arrive à la Moscovie des XVIe et XVIIe siècles.

La Povest’ Vremennich Let, chronique de la Russie médiévale, fait remonter son origine à Noé qui partage l’œkoumène (vselennaja) entre ses fils.

L’événement fondamental du Skazanie ou knjazjach vladimirskich, qui racconte le passage du pouvoir impérial de Rome à Constantinople et enfin à Moscou, est l’élection d’Auguste comme empereur de toute la terre habitée. Et cet événement apparaît comme le fondement du commencement de la dynastie rjurikide, qui à partir de Prus, auquel Auguste donne les terres entourant la Vistule, continuera jusqu’à Jurij Dolgorukij, le fondateur de Moscou, et ensuite à ses princes-cari jusqu’à l’élection de Michail Romanov.

Du reste, dans le langage politique rempli de symboles du moyen-âge russe tardif, le thème eschatologique du “dernier empire” de la prophétie de Daniel se mêle étroitement au thème de l’origine du pouvoir universel des princes de Moscou; ce pouvoir est destiné (dans l'allocution de Makarij à Ivan IV, lors de la cérémonie du couronnement, en 1547) à unifier tous les peuples sous la vraie foi et permettre ainsi l'avènement final du Christ.

La fondation de Moscou revêt donc une importance qui va au-delà de la simple circonstance de la naissance d'une nouvelle ville parmi les nombreuses villes russes. Tant dans la pratique que dans la théorie politique. Dans la pratique politique Moscou apparaît à sa naissance comme une ville appartenant à un prince, son otčina si profondément possédée qu'elle n'avait pas un veče, l'assemblée populaire dont le pouvoir en faisait le contre-poids du pouvoir du prince. Dans la théorie politique moscovite Moscou naît comme carstvujuščij grad, ville impériale qui domine exactement comme Constantinople avant sa chute: une ville dont le commencement est aussi le commencement du processus destiné à conduire l’humanité vers sa fin. C’est vers ce but que le prince, selon la théologie politique russe dérivée de la théologie romaine d’Orient, doit conduire son peuple: le salut éternel dans la vraie foi.

Ainsi, n’est-il pas paradoxal que c’est précisément dans les tatares que le petit bourg, fondé en un lieu dévasté peu après par ces derniers (qui auraient “infesté la terre comme le ciel est infesté par les oiseaux de l’air”) puise les forces qui en feront une ville unificatrice et le caput d’un empire multi-ethnique qui devra faire en sorte que l’idée ‘patrimoniale’ de l’otčina soit dépassée par l’idée ‘fonctionnelle’ de l’empire universel.

Les deux branches de la théorie tendent à établir, d’une part celle des successeurs d’Auguste et des dons du Monomach, et de l’autre celle de Moscou-Troisième Rome, se fondent en une seule et unique histoire qui se projette à partir d’un passé lointain jusqu’à la fin des temps et à partir de la chronique de l’action de la main de Dieu dans le monde vers l’“histoire” du futur. Pour rester dans la logique symbolique suggérée par Ivan le Terrible et par son trône, ces théories tendent toutes deux à établir un territoire du pouvoir du Tsar qui se situe à l’intérieur des cercles concentriques que j’ai tracés au début : ville, forteresse, cathédrale, trône-iconostase et enfin œkoumène. Des cercles qui, à l’instant même où ils sont tracés, deviennent des sphères capables de contenir l’univers (voir les sources recueillies dans le volume L’idea di Roma a Mosca secoli XV-XVI. Fonti per la storia del pensiero sociale russo, redattori P. Catalano e V. Pašuto, Herder, Roma 1993).

[G. Maniscalco Basile]

 

2. Diffusion de la foi et élargissement des frontières: de César Auguste aux tsars de Moscou

La Rus’ est, depuis le “baptême”, un lieu sacré à vocation messianique. A cause de ses “péchés” la Rus’ sacrée doit subir des agressions (les Chevaliers Teutoniques repoussés par Aleksandr Nevskij) et même la captivité (lituanienne et tatare).

Mais dès la seconde moitié du XIVe siècle l’œuvre missionnaire de Saint Etienne de Perm auprès des zyrjane précède et préfigure la reprise politique du siècle suivant.

Au XVe siècle, quand Moscou assume en pleine conscience le rôle de dépositaire unique et légitime de l’“héritage kiévien-constantinopolitain”, commence l’œuvre de rassemblement des terres russes (sobiranie russkich zemel’) contre les forces intérieures et extérieures qui s’y opposent.

Au XVIe siècle Ivan IV, officiellement considéré comme le descendant d’Auguste, dans sa première lettre à Kurbskij, emprunte à l'épitre Spiridon-Savva la configuration de l’Empire Romain: «Auguste César détenait le pouvoir sur tout l’œkoumène: l’Allemagne, la Dalmatie, tous les lieux d’Italie, les Goths, les Sarmates, Athènes, la Syrie, l’Asie, la Cylicie, l’Asie, la Mésopotamie, les pays de Cappadoce, la ville de Damas, la ville de Dieu de Jérusalem, l’Alexandrie, le pouvoir d’Égypte et jusqu’à la puissance de Perse». La curieuse exclusion des provinces occidentales, ainsi que l’inclusion des ramifications orientales de l’Empire romain d’Orient (toutefois vite perdues), nous amènent à penser que le tsar moscovite concevait l’empire universel, dont il se considérait l’héritier, comme Eurasie, selon un schéma cher aux systèmes politiques qui se succéderont en Russie jusqu’à nos jours.

Les confirmations directes et indirectes, tant sur le plan politique conjoncturel que sur le plan messianique, ne manquent pas Ivan IV, dans sa lettre à un notable nagay, et l’auteur anonyme de la Kazanskaja istorija affirment que le territoire de Kazan’ est une partie intégrante et originaire de la russkaja zemlja. Kurbskij est obligé de reconnaître que les grands princes de Moscou, de la légitimité desquels il doutait, «...élargirent les frontières de l’Empire chrétien jusqu’à la Mer Caspienne et à ses alentours et y fondèrent des villes chrétiennes». Pour l’auteur de la Kazanskaja istorija l’avènement d’un Empire chrétien russe est attendu même par les fidèles de l'Islam: «Nos livres et les livres chrétiens écrivent que pendant les dernières années tous seront dans une seule foi et sous un seul pouvoir. Mais quelle est cette foi, chrétienne et sainte, c’est-à-dire russe?».

Le Patriarche Iov, dans une lettre de 1589 au prince géorgien Tejmuraz Davydovič, écrit que  Fedor Ioannovič (Fedor Ivanovič) est souverain “…vseja Rusi novogo Rima” [de toute la Rus’ – nouvelle Rome]. (Voir supra, Imperium Romanum. Le concept juridique d’Empire, 4-5).

Pendant quelque cinquante ans, de la conquête du khanat de Sibérie à la fondation d’Anadyr’, à l’extrémité nord-orientale de la Sibérie, l’ “État russe” s’étend à un rythme extrêmement rapide et l’Église en prend acte avec orgueil. Cyrille, Métropolite de Rostov, écrit au tsar Michail Fedorovič: «Dieu qui aime les hommes a mis dans leur cœur une seule pensée, celle de t’élire Souverain Michail Fedorovič, afin que l’État russe fût éternel et sans changement, comme il le fut sous sa souveraineté [scil. de Fedor Ivanovič], afin qu’il brille comme le soleil et qu’il s’étende dans toutes les directions, afin que de nombreux États environnants deviennent ses sujets et lui obéissent, afin que sous sa souveraineté il n’y ait ni guerre ni effusion de sang».

Dans le čin postavlenija d’Aleksej Michajlovič, le Patriarche rappelle au nouveau tsar qui a été couronné: «...dans vos grands et glorieux domaines de Vladimir, de Moscou et de Novgorod et dans les empires de Kazan’, d’Astrachan’ et de Sibérie et dans tous vos domaines nouvellement acquis».

Dans une lettre de 1654, adressée à l’empereur chinois Shun Chih, Aleksej Michajlovič écrit: «Nous portons à Votre connaissance, Bogdychan, Empereur de la ville de Kambulak [Pékin] et tenant du pouvoir sur tout l’État chinois que, depuis les temps anciens, depuis bien des années, dans les grands et célèbres domaines de l’Empire russe siégeaient les Grands Souverains, nos ancêtres, de la souche d’Auguste César, qui détenait le pouvoir sur tout l’œcoumène, et de son consanguin, depuis le Grand Prince Rjurik et le Grand Souverain Vladimir - lui aussi - Vsevolodovič Monomach qui reçut des Grecs le plus grand Honneur et jusqu’au Grand Souverain digne de louanges, Notre arrière-grand-père d’heureuse mémoire, le grand Souverain, l’Empereur et Grand Prince Ivan Vasil’evič, Autocrate de toute la Russie, et à son fils, le Grand Souverain, Notre grand-père d’heureuse mémoire, le Grand Souverain, l’Empereur et Grand Prince Fedor Ivanovič, Autocrate de toute la Russie, et à Notre père, le Grand Souverain d’heureuse mémoire, juste et gracieux, excellent et brillant, le plus glorieux parmi les Empereurs, qui siégeait sur son très haut trône et était digne d’innombrables louanges, l’Empereur et Grand Prince Michail Fedorovič, Autocrate de toute la Russie, Souverain et tenant du pouvoir sur plusieurs domaines. Leur nom, des Grands Souverains nos ancêtres, était glorifié dans tous les grands États, et leurs grands domaines de Russie s’étendaient chaque année de plus en plus».

Dans une lettre de 1672 adressée au pontife romain Clément X Aleksej Michajlovič écrit: «non latet vos pastorem et directorem ecclesiae Romanae, quod iam a multis centenis annis in magnis et celeberrimis Ruthenorum dominiis imperium suum tenuerunt antecessores nostri, ex Caesaris Augusti totius orbis dominatoris origine prognati ...».

 

3. Limites (granicy), territoires et pouvoir politique

a) Granica e territorija

Granica, limite (en italien confine, qui est différent du plus ample frontiera), définit la juridiction d’un pays par rapport à un autre, alors que l’expansion de ce même pays dans l’espace est proprement le sens du mot frontière.

Territorija, territoire, est lié directement à la structure de l’État, en particulier à sa formation, avec la population et le système politique qui organise le territoire. Les événements en Europe occidentale ont vu la formation de l’État se développer à travers la centralisation progressive des autonomies locales et la subordination de celles-ci au pouvoir du roi, au lieu de celui du prince: le territoire, avec ses autonomies, devint la base du pouvoir du roi et le centre de la vie de la population qui y vivait. En Russie, la formation de l’État, à l’époque d’Ivan IV, vit la division du territoire (avec l’opričnina) mis dans les mains du tsar, réduit à la seule condition de propriété foncière dans laquelle il n’existait plus ni l’autonomie des pouvoirs locaux ni les niveaux sociaux et organisés: tout rentra dans la disponibilité du tsar.

b) Territoire et pouvoir politique

L’origine particulière de l’État russe liée, d’un côté, à la concentration du pouvoir politique au centre dans la personne du tsar, et de l’autre, à l’expansion de son territoire à l’Est, en constituant un État multinational et ouvert sur le plan géographique, a déterminé tout de suite le problème des relations entre le centre et la périphérie de l’État.

La réduction du pouvoir des anciens princes “du territoire” à l’arbitre du tsar, donna plus d’importance à la fonction des dvorjane (les nobles liés au service du souverain) envers la noblesse de sang (les boyards), et fit apparaître les premières structures d’administration de l’État, qui étaient évidemment fournies par des hommes au service du tsar, les gosudarevy služilye ljudi, tandis que les territoires étaient régis par les voevoda, qui résumaient toutes les fonctions administratives. La simplicité de l’administration originaire russe laissa en héritage des problèmes de fonctionnalité évidents et en plus elle ne détermina jamais la définition de véritables structures stables et autonomes de service.

4. Čelovek, christianskie ljudi, svjatorusskaja imperija.

La translatio imperii de la Nouvelle Rome à la Troisième Rome ne comporte pas une translatio automatique des instruments conceptuels juridiques de la civitas universelle romaine dans l’Empire œcuménique de Moscou.

Il semble qu’il manque le concept de civis; le terme a.s.e. graždanin a.r. gorožanin indique, au sens étroitement juridique, le status des habitants de la ville, ce qui implique des obligations considérables et le droit à la liberté puisque, dans la Slavie orthodoxe comme en Allemagne, «Stadtluft macht frei».

Les termes homo et populus correspondent de façon assez précise à čelovek et ljudi. Le premier terme indique l’être humain dans son ensemble et chaque individu dont le status juridique est certain et immuable: služilyi čelovek (qui prête service), posadskij čelovek (l’habitant des faubourgs lié à sa résidence et à sa profession), kabal’nyj čelovek (l’esclàve pour dette); le second terme exprime aussi bien le pluriel de čelovek qu’un concept assez semblable à celui de populus. Le peuple par excellence est celui qu’indique christianskie ljudi c’est-à-dire sans aucune connotation ethnique ou territoriale, mais s’opposant aux jazyki (ethne, gentes) dont on souhaite l’intégration dans l’Empire chrétien.

Les chrétiens dans leur ensemble constituent le carstvo (imperium, basileia), par définition non territorial. D’éventuelles connotations spatiales ou ethniques ne l’identifient pas à un territoire ou à un «peuple» particulier, mais elles soulignent son caractère œcuménique: voir chez Kurbskij: rimskoe i grečeskoe carstvo; dans la Charte constitutive du Patriarcat de Moscou (Gramota uložennaja): grečeskoe i rossiskoe carstvo.

Être propagator est un titre de gloire pour le car’ (imperator, basileus): même Kurbskij reconnaît à Ivan IV le mérite d’avoir étendu les frontières du Saint Empire Russe (svjatorusskaja imperija). Du reste, la discussion entre le Terrible et le prince fugitif peut être vue comme l’opposition de deux modèles complémentaires: la Rome impériale et la Rome républicaine.

[G. Giraudo]

 

5. Projets constitutionnels et question de l’Empire

Les efforts périodiques pour modifier la simplification administrative définie au début de l’État russe, se sont concentrées en particulier pendant le XIXe siècle, en produisant les projets de réforme constitutionnelles de l’histoire russe[48]. De Speransky à Novosil’cev, mais surtout dans le mystérieux épisode du projet sur les lieutenances du règne du général Balasev (1823-24), on peut vérifier les conséquences de la déstructuration du “territoire” en tant que structure autonome et constitutive de l’État.

L’idée récente de I.L. Solonevic (Narodnaja Monarchija [Monarchie populaire], Minsk, 1998) selon laquelle l’histoire de la Russie n’est pas l’histoire d’une “Nation”, telle que nous avons connue dans l’Europe occidentale, mais l’histoire d’un “Empire”, déplace la réalité de l’évolution de l’histoire russe et, surtout, modifie les rapports réels qui existent entre les éléments structurels de la formation de l’État et les conséquences qu’ils ont déterminées dans les événements successifs. Sur ces thèses est ouvert depuis longtemps un débat, notamment en Russie, parmi les historiens.

[S. Bertolissi]

 

 



 

[1] Voir P. Catalano,Fin de l’Empire Romain? Un problème juridico-religieux”, dans Actes du VIIe Congrès de la F.I.E.C. (1978), vol. II, Budapest 1983, pp.123 ss. (cfr.  Id., “Fine dell’Impero romano? Un problema giuridico-religioso”, dans Religioni e Civiltà, Edizioni Dedalo, Bari 1982, pp. 99 ss.); voir aussi les volumes Roma, Costantinopoli, Mosca («Da Roma alla Terza Roma», Studi  I), ESI, Napoli 1983; L’idea di Roma a Mosca. Secoli XV-XVI. Fonti per la storia del pensiero sociale russo, a cura di P. Catalano e V.T. Pašuto («Da Roma alla Terza Roma»,  Documenti I), Herder, Roma 1993.

 

[2] Voir P. Siniscalco, “Profezia e storia nei primi secoli cristiani”, dans Fondamenti 13 (1989), pp. 63-78.

 

[3] Voir le volume La nozione di “romano” tra cittadinanza ed universalità («Da Roma alla Terza Roma», Studi  II), ESI, Napoli 1984.

 

[4] Voir le volume Popoli e spazio romano tra diritto e profezia («Da Roma alla Terza Roma», Studi  III), ESI, Napoli 1986.

 

[5] Voir le volume Spazio e centralizzazione del potere, a cura di M.P. Baccari («Da Roma alla Terza Roma», Studi  IV), Herder, Roma 1998.

 

[6] Voir le volume Roma fuori di Roma: istituzioni e immagini, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco («Da Roma alla Terza Roma», Studi V), Herder, Roma 1993.

 

 

[7] Voir aussi le volume Diritto e religione da Roma a Costantinopoli a Mosca, a cura di M. P. Baccari («Da Roma alla Terza Roma», Rendiconti XI Seminario, Campidoglio 21 aprile1991), Herder, Roma 1994.

 

[8] Voir la synthèse des travaux du VIIIe Séminaire et les rapports de Francesco De Martino, de Johannes Irmscher et de Raffaele Farina dans Roma Comune, anno XII, aprile-maggio 1988 (Ufficio Stampa Campidoglio), pp. 85-104 ; voir maintenant le volume Concezioni della pace, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco  («Da Roma alla Terza Roma»,  Studi VI, Seminario 21 aprile 1988), Herder, Roma  s. d. [2006].

 

[9] Voir L’idea di Roma a Mosca. Secoli XV-XVI. Fonti per la storia del pensiero sociale russo, a cura di P. Catalano, V.T. Pašuto («Da Roma alla Terza Roma»,  Documenti I), Herder, Roma 1993, p. 147 (trad. p. 357).

Sur les significations de mir, voir les communications de  R. Faccani et de G. Maniscalco Basile au VIII Séminaire “Da Roma alla Terza Roma”: à présent dans le volume Concezioni della pace, cit., pp. 211-213; 215-226. Cf. G. Maniscalco Basile, L’idea del principe e le origini del potere politico nella Rus’ kieviana. Ricerche sulla Povest’ vremennych let, CEDAM, Padova 1988, pp. 34 ss.; 57 ss.

 

[10] Voir le volume Umanità e nazioni nel diritto e nella spiritualità da Roma a Costantinopoli a Mosca, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco («Da Roma alla Terza Roma», Rendiconti XII Seminario, Campidoglio 21 aprile 1992), Herder, Roma 1995.

 

[11] Voir le volume Imperi universali e società multietniche da Roma a Costantinopoli a Mosca, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco ( «Da Roma alla Terza Roma», Rendiconti  XV Seminario, Campidoglio 21 aprile 1995), Herder, Roma 2002.

 

[12] Voir les chroniques de C. Trocini (et les documents d’introduction) des Séminaires XXII, XXIII et XXIV dans Index. Quaderni camerti di studi romanistici, 32 (2004), pp. 463-466; 485-488; 508-510 et du XXVI Séminaire dans Index 35 (2007), pp. 73-76

 

[13] Cfr. P. Catalano,Fin de l’Empire Romain? Un problème juridico-religieux”, dans Actes du VIIe Congrès de la F.I.E.C. (1978), vol.II, Budapest 1983, pp.123 ss. (cfr.  Id., “Fine dell’Impero Romano? Un problema giuridico-religioso”, dans Religioni e Civiltà, Edizioni Dedalo, Bari 1982, pp. 99 ss.); Id., “Alcuni sviluppi del concetto giuridico di imperium populi Romani “, dans Popoli e spazio romano tra diritto e profezia, «Da Roma alla Terza Roma», Studi III, Atti del III Seminario, ESI, Napoli 1986, pp. 649 ss. (cf. le rapport présenté au Colloque qui s’est tenu à Sassari en 1980 à l’occasion de la célébration du 450e anniversaire du couronnement de l’empereur des Romains Charles V: Id., “Apertura dei lavori: alcuni sviluppi del concetto di imperium populi Romani, dans Studi Sassaresi, serie III, vol. VIII, 1980-81, pp. 38 ss.); Id., “Europa: etnocentrismo occidentale e universalismo”, dans Fondamenti, a cura di V. Verra, 6/1986, pp. 117 ss. Id., “Le concept juridique d’Empire avant et au-delà des États”, dans Méditerranées, revue de l’association Méditerranées, 4/1995, Empires et passés méditerranéens, pp. 29 ss.;  Id., “Impero: un concetto dimenticato del diritto pubblico”, dans Cristianità ed Europa. Miscellanea di studi in onore di Luigi Prosdocimi, a cura di C. Alzati, II, Roma 2000, pp. 29 ss.; Voir maintenant M. Cacciari, Geo-filosofia dell’Europa, Milano 1994, pp. 39 ss.; 110 ss. (“Lo sradicamento del nomos”); 149 ss. (“Congettura di  pace”); Id., “Digressioni su Impero e tre Rome”, dans MicroMega. Almanacco di filosofia, 5/2001, pp. 43 ss.; Id., “Ancora sull’idea di Impero”, ibidem, 4/2002, pp. 185 ss. Voir aussi infra n. 4.

 

[14]On peut aussi remarquer, même au cours des dernières décennies, quelques efforts de compréhension nouvelle du concept d’‘empire’ avec un renvoi spécifique à la romanité tant orientale qu’occidentale. Rappelons ici les colloques organisés en 1966, sous la direction de J. Gilissen, par la Société Jean Bodin, et, en 1977, sous la direction de M. Duverger, par le Centre d’analyse comparative des systèmes politiques. La critique que nous pouvons exprimer est de ne pas avoir suffisamment analysé l’histoire juridique du terme “empire romain”.

 

[15] Contre cette mystification, voir A. A. Boron, Imperio e imperialismo. Una lectura critica de Michael Hardt y Antonio Negri, CLACSO, Buenos Aires 2005 ; mais voir aussi Hélio Jaguaribe, “A condição imperial”, in Dados, Publicação do Instituto Universitário de Pesquisas do Rio de Janeiro, n. 15, 1977, pp. 3-24.

 

[16] Voir A. Marchetto, “Pace e Impero. La religione”, dans Index. Quaderni camerti di studi romanistici, 35 (2007),  pp. 53 ss.

 

[17] Voir les volumes La nozione di “romano” tra cittadinanza ed universalità («Da Roma alla Terza Roma», Studi 2), ESI, Napoli 1984;  Umanità e nazioni nel diritto e nella spiritualità da Roma a Costantinopoli a Mosca, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco («Da Roma alla Terza Roma», Rendiconti XII Seminario, Campidoglio 21 aprile 1992), Herder, Roma 1995. Voir aussi H. A. Steger, Europäische Geschichte als kulturelle und politische Wirklichkeit. Hornruf von der anderen Seite des Limes, München 1990, pp. 13 ss.

 

[18] Voir M. Cacciari, “Il mito della civitas augescens”, dans Il Veltro. Rivista della civiltà italiana, 2-4, 1997, pp. 161 ss.; cf. M. P. Baccari, “Il concetto giuridico di civitas augescens: origine e continuità” dans Studia et Documenta Historiae et Iuris, 61, 1995, 759 ss.; Ead., Cittadini popoli e comunione nella legislazione dei secoli IV-VI, Torino 1996, pp. 55 ss.; Ead., “Civitas augescens. Le principe juridique de la croissance de la cité”, dans  Actes du Séminaire International Polis, démocratie et politique. Conférence permanente des Villes historiques de la Méditerranée – Sparte, 29 mars-1er avril 2001 (= ICOMOS, Journée mondiale des monuments. Questions du développement et du monitoring des villes historiques au 21e s., Athènes 2002), pp. 341 ss.; aussi dans Méditerranées. Revue du Centre d’Études Internationales sur la Romanité, 33, 2002, pp. 37 ss.

 

[19] Contre la globalisation, voir G. Borgna, “ ‘Da Roma alla Terza Roma’ 2004. Intervento introduttivo”, dans Index 32 (2004), pp. 431-434, et P. Catalano,  “Per una futura publica auctoritas universalis. Contro la globalizzazione”, dans Index 35 (2007), pp. 49-52.

 

[20] Voir V. F. Malinovskij, Ragionamento sulla pace e sulla guerra, a cura di P. Ferretti, Napoli 1990.

 

[21] Voir “Quinto impero”. Attualità del pensiero di Antonio Vieira S. J., a cura di P. Catalano, ASSLA-Associazione di Studi Sociali Latino-Americani, Sassari 2000.

 

[22] Th. Haecker, Vergil Vater des Abendlandes, Leipzig 1931.

 

[23] M. Cacciari, Geofilosofía dell'Europa, cit., pp. 110 ss. “Lo sradicamento del nomos”; cf. pp. 39 s.

 

[24] Voir R. Castillo Lara, Coacción eclesiástica y Sacro Romano Imperio, Augustae Taurinorum 1956, pp. 269-298.

 

[25] Vedi P. Siniscalco, "Roma e le concezioni cristiane del tempo e della storia nei primi secoli della nostra èra", in Roma Costantinopoli Mosca («Da Roma alla Terza Roma», Studi I, Atti del I Seminario), ESI, Napoli 1983, pp. 42 s. e passim, ora in Il senso della storia. Studi sulla storiografia cristiana antica, Soveria Mannelli 2003, pp.76 ss.

 

[26] Si vedano i Documenti introduttivi del XXII e XXIII Seminario “Da Roma alla Terza Roma”, su Città ed ecumene. I luoghi dell’universalismo da Roma a Costantinopoli a Mosca, 21-23 aprile 2002, e su Città e ecumene. Autonomie e centralismi da Roma a Costantinopoli a Mosca, 22-23 aprile 2003.

 

[27] Cfr. P. Siniscalco, “L’idea dell’eternità e della fine di Roma”, in Studi romani, 25 (1977), pp. 1-26.

 

[28] Cfr. P. Siniscalco, Il cammino di Cristo nell’Impero romano, 4a ediz., Roma-Bari 2000, pp. 47 ss.; A. Acerbi, "Località e universalità nella Chiesa antica", in AA.VV., L’identità cristiana tra località e universalità, a cura di A. Giovagnoli, Roma 2001, pp. 23 s. Rimando a quest’articolo per una più ampia prospettazione (con cui non sempre concordo) dei  temi qui appena abbozzati.

 

[29] Cfr. P. Siniscalco, in Dizionario di Patristica e di antichità Cristiane, vol. II, Casale Monferrato 1984, coll. 1962-1966, s. v. Lingue dei Padri.

 

[30] Cfr. A. Acerbi, Località e universalità nella Chiesa antica, cit.,  pp. 33 s.

 

[31] Vedi il volume Laicità tra diritto e religione da Roma a Costantinopoli a Mosca. Da Roma a Costantinopoli a Mosca, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco, Rendiconti del XIV seminario, Documenti e Studi, «L’Erma» di Brechtschneider, Roma 2009.

 

[32] Cf. P.  Siniscalco sui termini sacerdotium e  imperium, in Diritto e religione da Roma a Costantinopoli a Mosca. Rendiconti dell’XI Seminario internazionale di studi storici “Da Roma alla Terza  Roma”, a cura di M.P. Baccari,  Roma 1994, pp. 1-8

 

[33] Voir P. Catalano, “Giustiniano”, dans Enciclopedia Virgiliana, II, Roma 1985, pp. 759-764.

 

 

[34] Cfr. In proposito  P.Siniscalco,  Gli imperatori romani e il cristianesimo nel IV secolo”,  in AA.VV., Legislazione imperiale e religione nel IV secolo,  Roma 2000, pp.  67-120.

 

[35] P. Siniscalco,  I laici nella Chiesa dei primi tre secoli”, in «Augustinianum » 49 (2009) (in corso di pubblicazione).

 

[36] Voir C. Pitsakis, “La continuation de l’Empire: constructions d’idéologie politique et conceptions juridiques dans l’Orient grec après la chute de Constantinople”, rapport au XVIII Séminaire, Temporum scientia da Roma a Costantinopoli a Mosca; voir aussi  C. Pitsakis,  “Sainteté et empire”, rapport présenté au XX Séminaire, Problemy svjatych i svjatosti v kontekste istorii i prava (Moscou 6-7 septembre 2000) dans Bizantinistica. Rivista di Studi Bizantini e Slavi, Serie seconda, Anno III – 2001, Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo, Spoleto 2001.

 

[37] Sur l’emploi “byzantin” du terme politeia, cf. G. Dagron, “Ennomos politeia, ennomos archê”, dans Angeliki E. Laiou - D. Simon (ed.), Law and Society in Byzantium: Ninth-twelfth Centuries, Dumbarton Oaks, Washington D.C. 1994, pp. 29-33.

 

[38] Voir Идея Рима в Москве XV-XVI века. Источники по истории русской общественной мысли, ответственные редакторы П. Каталано, В.Т. Пашуто (Lidea di Roma a Mosca. Secoli XV-XVI. Fonti per la storia del pensiero sociale russo, a cura di P. Catalano, V.T. Pašuto, «Da Roma alla Terza Roma»,  Documenti I), Herder, Roma 1993, p. 147 (trad. p. 357).

 

[39] À propos de la sémantique du mot russe mir, voir le rapport présenté au VIII Séminaire “Da Roma alla Terza Roma” par R. Faccani, “Note in margine a una semantica della parola russa mir (“pace”, “mondo”, “comunità di villaggio”)”, dans Concezioni della pace, a cura di P. Catalano e P. Siniscalco, «Da Roma alla Terza Roma»,  Studi VI, Roma 2006, pp. 211-213 (cf. supra Introduction, 3, note 9). Pour les questions de terminologie en général, cf. G. Giraudo-G. Maniscalco Basile, Lessico giuridico, politico ed ecclesiastico della Russia del XVI secolo, «Da Roma alla Terza Roma»,  Lessici I), Herder, Roma 1994.

 

[40] Voir L’idea di Roma a Mosca. Secoli XV-XVI, cit., pp. 150-151.

 

[41] Voir L’idea di Roma a Mosca. Secoli XV-XVI, cit., p. 51.

 

[42] Voir P. Catalano, Da Roma a Betlemme. A proposito della “strategia romana” di Cristo e degli Apostoli secondo Giorgio La Pira, in “Studium”, 2, anno 97°, marzo-aprile, Roma 2001, pp.215-228.

 

[43] Voir L’idea di Roma a Mosca. Secoli XV-XVI, cit., p. 194.

 

[44] «Donc, tous les empires chrétiens sont arrivés à la fin et se sont réunis dans l’unique empire de notre souverain, selon les livres des prophètes, c’est-à-dire l’empire russe : car deux Romes sont tombées, mais la troisième est debout et il n’y en aura pas de quatrième. En vérité, cette ville est appelée troisième Rome, car au commencement, il y eut, sur elle aussi, le même signe qu’il y avait eu sur la première et sur la seconde, même si de façon différente, il y eut aussi effusion de sang. La première Rome fut fondée par Rémus et Romulus. Et, dès qu’ils commencèrent à construire le Capitole, alors qu’ils creusaient le fossé, ils trouvèrent la tête d’un homme tué depuis peu, le sang vif et chaud en coulait encore et le visage apparut semblable à celui d’un vivant. Un étrusque [cf. M.A. Salmina, “‘Entinarij’ v ‘Povesti o načale Moskvy’”, dans Trudy Otdela Drevnerusskoj Literatury XV, 1958, p. 362 s.] expert investigateur de signes, après l’avoir vue, dit: “Cette ville sera à la tête de beaucoup d’autres, mais après des années et des années et après le sacrifice et après l’effusion de beaucoup de sang”. De la même manière, la fondation de la seconde Rome aussi, c’est-à-dire Constantinople, ne commença pas sans sang, mais après le sacrifice et après l’effusion de beaucoup de sang. C’est ainsi que commença aussi notre troisième Rome, l’état moscovite, non pas sans sang, mais après le sacrifice et après l’effusion de beaucoup de sang. Et si l’un des pays limitrophes hostile l’injurie, en disant ceci :“Qui a jamais entendu et écouté que Moscou-ville serait considérée comme empire et aurait eu le pouvoir sur de nombreux empires et pays ?”. Mais ils sont enveloppés de faiblesse humaine, ils ne comprennent pas la force de Dieu, ni les écrits des prophètes, car Dieu est tout-puissant et peut porter de l’inexistence à l’existence, comme depuis le commencement l’œkoumène». Voir Идея Рима в Москве XV-XVI века  cit., p. 194.

 

[45] Date que le Comité promoteur des Séminaires «Da Roma alla Terza Roma» a voulu célébrer soit avec le Séminaire de 1989 au Capitole et à Moscou (voir Римско-константинопольское наследие на Руси: идея власти и политическая практика. L’eredità romano-costantinopolitana nella Russia medioevale: idea del potere e pratica politica, «От Рима к Третьему Риму. Da Roma alla Terza Roma», Moskva 1995, soit avec la publication du recueil L’idea di Roma a Mosca (voir supra, note 38) et aussi avec la publication du «Volume speciale per l’anno1989»: IV Centenario dell’istituzione del Patriarcato in Russia. 400-летие учреждения Патриаршества в России,  «Da Roma alla Terza Roma» , Roma 1991.

 

[46] Traduction russe: Слишком [сильная] мощность опыта, слишком [большой] плод страдания и созревания, слишком долгий путь жертвенности и свершения собрался в Москве с разных дорог и через разных мучеников; каждый священный город Востока отрекся ради стольного города: вся мысль рассредоточенная по святым местам, все слова пророков, откровения художников, священная дрожь толп, все слилось в одиное великое откровение и пророчество: о котором из Московского Кремля возвестил другую часть мира колокол священного города. Восток уже обрел свое сердце: все духовное содержание Азии выражается именем этого города, который так нам чужд: Москва – это гранит, на котором политически запечатлена тысячелетняя и мятежная мысль восточных народов. Джорджо Ла Пира, Москва и Рим, 17 ноября 1922 г.

 

[47] Cfr. Sacharov, O termine "gorod" v istočnikach XVI v., in Obščesvo i Gosudarstvo feodal'noj Rossii, Moskva 1975, pp. 62-66.

 

[48] Конституционные проекты в России XVIII - начало XX в., ответственные редакторы С. Бертолисси, А.Н. Сахаров [I progetti di Costituzione in Russia XVIII-inizio XX sec., a cura di S. Bertolissi e A.N. Sacharov], Moskva 2000.